Politique : 4ème Plenum, hiatus factionnel ou retour à la normale ?

D’ordinaire, le Plenum du Comité Central du Parti se tient au moins une fois par an. Il est le rendez-vous incontournable lors duquel sont décidées les politiques à venir, suivant un agenda bien précis. Or, un brouillard de mystère entoure le 4ème Plenum du 19ème Comité Central, annoncé pour mi-octobre : plus de 580 jours se seront écoulés depuis le 3ème Plénum de février 2018 – un record dans l’ère post-maoïste. Deux théories s’opposent pour interpréter ce hiatus.

La première explique cette longue attente par l’éternelle lutte factionnelle au sommet, qui aurait empêché Xi Jinping d’être en mesure d’organiser ce 4ème Plenum plus tôt, faute d’avoir su dompter ses adversaires politiques. Pour l’analyste politique Alex Payette, « Xi Jinping évite les rencontres qu’il ne peut pas contrôler ». Mais alors, après que la campagne anti-corruption ait purgé des « tigres » par dizaines, qui peuvent bien être ceux qui s’opposent encore au Premier Secrétaire ? Les regards se tournent vers les sphères d’influence et bastions historiques (notamment la Commission Politique et Légale) de l’ancien Président Jiang Zemin et l’ex-n°2 Zeng Qinghong, leaders de 93 ans et 80 ans.

L’agenda du 4ème Plenum donne également du grain à moudre à cette thèse. En 2018, la tenue exceptionnellement rapprochée des 2ème et 3ème Plenums (à moins d’un mois d’intervalle) se justifiait par l’amendement de la Constitution pour supprimer la limite des mandats présidentiels, puis par un plan massif de réorganisation des agences gouvernementales. Or, le 3ème Plenum traite traditionnellement des réformes économiques. Certains supputaient donc que le 4ème Plenum discuterait de ces questions. Mais il n’en sera rien : Xinhua, l’Agence nationale de Presse précisait qu’il aurait pour objet « la gouvernance du Parti, dans un contexte de bouleversements inédits ». Certains lisent entre les lignes de cette annonce des enjeux liés à la sauvegarde du Parti et de ses intérêts, au renforcement de son contrôle sur la société, ainsi que du pouvoir de Xi Jinping, son « cœur ». Mais pourquoi omettre à nouveau les questions économiques, pourtant urgentes alors que le train de l’économie chinoise perd de la vapeur ? Certains supposent que Xi n’aurait pas été capable d’obtenir un consensus sur la stratégie à adopter dans la guerre commerciale avec les USA. Le soudain rétropédalage en mai dans ses tractations avec les Etats-Unis serait un indice de cette division au sein du Parti, tout comme la dissonance entre la ligne dure publiée par les médias et les appels au calme lancés par les négociateurs. En suivant cette hypothèse, si Xi ne remporte pas cette bataille d’influence, il sera incapable de conclure tout accord commercial avec les USA.

Une seconde théorie voit plutôt en ce 4ème Plenum un « retour à la normale » : ce n’est pas le 4ème Plenum qui est en retard, ce rendez-vous ayant souvent lieu en automne, mais plutôt le 3ème qui était (très) en avance ! Et comme pour faire taire les rumeurs de dissensions au sein du Parti, Xi Jinping était dépeint dans les médias comme le « leader du peuple » (un surnom auparavant réservé à Mao) lors de sa visite au Gansu. Le retour de ce sobriquet aurait-il fait l’objet d’un consensus durant l’été, poussé par le besoin d’un leader fort, de la trempe du Grand Timonier, qui sera capable de relever les multiples défis auxquels fait face la Chine ? Tous les paris sont ouverts, en attendant mi-octobre…

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