Petit Peuple : Xiangshan (Zhejiang) : Shi Haoyun, un mariage extrême (1ère partie)

Dimanche 13 avril à Xiangshan (près de Ningbo, Zhejiang), Shi Haoyun (pseudonyme), agriculteur dans la force de l’âge (32 ans), donna le signal du départ à sa joyeuse fête de mariage. Avec ses parents, ses amis et voisins, ils s’engouffrèrent dans des voitures de couleur noir ébène, dont les plaques d’immatriculation avaient été revêtues de caractères porte-bonheur dorés sur fond rouge, tandis que les ailes et le capot étaient décorés de ballons écarlates flottant sous le vent. Le convoi était précédé d’une fourgonnette au hayon relevé, d’où le caméraman filmait consciencieusement la procession nuptiale. 

Arrivés au restaurant du village, il y eut le rituel des feux d’artifice, l’étourdissant concert des pétards que l’on faisait éclater pour effrayer les démons, puis on entra dans la salle. Précédant la foule, les futurs époux brisèrent une barrière de fleurs et pénétrèrent dans l’allée centrale jonchée de pétales de pivoines et de roses rouges. Ils parvinrent aux fauteuils dorés, à gauche et à droite desquels se placèrent les parents, ancêtres et personnages de haut rang, venus bénir l’union. 

Les 15 plats réglementaires du banquet nuptial furent présentés, entrecoupés des discours des témoins, et des « nao » (孬), jeux ou épreuves initiatiques d’enterrement de vie de célibataire, comme leur faire croquer, mains et yeux bandés, une pomme suspendue à un fil… Cent photos furent prises, tantôt des époux agenouillés pour servir le thé aux parents, ou bien se prosternant 9 fois le front à terre, au rythme lancinant des cymbales, selon les rites éternels. 

Par la suite, au fil de la ripaille, les mariés durent s’absenter pour changer de tenues de location. Puis, ce fut pour passer de table en table, histoire d’échanger un mot avec tel ou tel ami, tel ou tel cousin. Le commensal qui les accompagnait servait à chacun de quoi trinquer, au baijiu ou au vin jaune pour les invités, et à l’eau et au thé froid pour les mariés. Pendant ce temps, l’amie élue maîtresse de cérémonie, récupérait chez chaque convive l’enveloppe rouge sustentée des liasses de billets roses, cadeau de mariage en numéraire. 

Enfin à l’issue de la cérémonie qui dura trois bonnes heures, les jeunes mariés, aux anges, échangèrent l’accolade sous les applaudissements des convives…

Certes, cette histoire de noces pourrait paraître banale, s’il n’y avait eu ce petit détail insolite, l’erreur cachée dans le tableau, qui apparut deux jours plus tard sur internet, quand les images de la cérémonie furent publiées. Sur les photos, Shi, le marié, n’embrassait pas une, mais deux adorables jeunes filles en robe écarlate, l’une tout aussi jolie que l’autre ! Alors, « sous la robe de la belle, apparut la queue de renard » ( 狐狸尾巴, hú li wěi ba). 

Ce fut alors la consternation, l’hilarité, la perplexité et le scandale éclata, et il fallut bien se rendre à l’évidence : cette noce était un mariage bigame, interdit par la loi ! Sur internet et dans Xiangshan, les opinions allèrent bon train – la société se divisa suivant les genres.
Choquées de voir Shi en train d’étreindre sans complexe ses deux femmes, les jeunes filles qui auparavant guignaient ce beau garçon, n’en croyaient pas leurs yeux.
Mais les gars, contraints par la loi à se contenter d’une seule compagne, eurent tôt fait d’envier l’arrogant gandin, puis de le condamner par pure jalousie sous prétexte de préserver l’ordre social : sans les règles, sans la saine discipline socialiste, il n’y avait pas de progrès possible, ni rêve de vie meilleure !

Aussi sous le feu roulant des critiques, la mairie ne prit que quelques heures pour annoncer l’ouverture d’une enquête. Puis elle mit 24 heures, lors d’une procédure éclair, pour crier à l’imposture, sur son site internet municipal. Il s’agissait d’un cas d’épousailles-bidon, sans valeur légale. Au Bureau des mariages, Shi et ses partenaires étaient inconnus au bataillon : il et elles mentaient, affabulaient, au mépris de la société entière…

Que s’était-il passé ? Comment Shi et ses femmes allaient-ils se tirer de ce mauvais pas, poursuivis par ces hor-des en furie ? Patience, vous le saurez, en lisant la semaine prochaine le numéro 22 du Vent de la Chine !

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