Temps fort : Campagne anti-réforme, et le sort des églises

La récente exigence par le régime de l’obédience des corps sociaux à ses slogans, altère ses rapports aux Églises. Ici, une surprise nous attend, dans les traitements différents réservés aux paroisses, protestante et catholique.

Côté protestant, à Pékin la paroisse de Shouwang subit (10/04) un coup de filet, épilogue d’années d’hostilités. Peu avant, le pasteur appelait à la « guerre spirituelle menée par Dieu ». Fin 2009, l’État avait cassé son achat d’un terrain, pour 27M¥. Puis il avait interdit ses réunions sur leur site loué, forçant la communauté à se réunir à l’air libre. Sur place, les policiers arrêtaient 169 membres, libérés ensuite, certains sur la promesse écrite de ne pas recommencer. Le pasteur Li Xiaobai demeure en prison.

Sur le fond, c’est de la licence de la paroisse qu’il s’agit. Shouwang n’est pas affiliée à l’Association patriotique des Trois-soi, sous la houlette du Parti communiste chinois. Elle n’est pas la seule église « de maison » en Chine. Mais à 1000 membres, elle est la plus forte, ce sur quoi le régime, dans sa campagne actuelle de tolérance zéro, ne peut fermer les yeux. Moins encore à partir de février 2011, une fois adoptée au Politbureau une stratégie de reprise en main tous azimuts.

Tandis que pour sa part, en tant que protestante, ne re-connaissant que l’autorité divine, Shouwang n’est pas prête à transiger sur sa liberté de rites. Ce genre de «libre conscience» est renforcé par sa culture de classe moyenne, à forte proportion de diplômés universitaires. Sans surprise, Shouwang est d’ailleurs en conflit avec les églises des Trois-soi, dont elle récuse l’autorité morale. Cai Kui, cadre de cet organe politico-religieux, prie en vain ses coreligionnaires d’être « bons serviteurs de Dieu et bons citoyens », ce qui selon lui ne serait « pas incompatible ». Mais ce conflit laissera des traces : le protestantisme chinois se déchire au détriment de sa branche officielle, qui perd en écoute et en crédibilité.

Côté Catholique, on assiste à une pâle embellie, après l’ordination à Jiangmen (30/04) de Paul Liang Jiansen, évêque approuvé par le Vatican. Ceci succède aux hostilités de 2010, quand un prélat avait été ordonné à Chengde sans l’autorisation du Pape, tandis que les évêques élisaient un Président de la conférence épiscopale, non reconnue par le Vatican. Le catholicisme d’État tente d’ordonner à tour de bras de nouveaux évêques, pour compléter son clergé clairsemé, à la tête de 6M de fidèles : 44 des 97 diocèses seraient vacants. Or, ces paroisses semblent retarder la nomination, dans l’espoir d’obtenir la bénédiction papale.

Deux autres signaux suggèrent un réchauffement avec le Vatican. En un château privé en Bourgogne, début avril, 3 généraux retraités de l’APL, l’armée chinoise, dont le major général Gong Xianfu, conféraient durant 3 jours avec 3 cardinaux, dont le diplomate E. Balestrero. En février, le cardinal taiwanais Paul Shan annonçait sa visite en Chine cet été, pour tenter de négocier un arrangement.

Est-ce à dire qu’un concordat pourrait émerger de tout cela ? Ce serait aller vite en besogne. Trois hirondelles ne font pas le printemps, et l’on a vu trop souvent de faux espoirs de normalisation entre ces deux machines obsolètes aux visions du monde contradictoires, si sures de leurs responsabilités respectives face à l’histoire, en charge de l’âme orientale pour l’une, occidentale pour l’autre.

Mais pourquoi, enfin, cette frappante différence de traitement entre ces deux Églises avec lesquelles Pékin rejette toujours tout lien? Par principe peut-être : dans toute guerre en cours (celle du contrôle des religions, ici), Pékin évite toujours de combattre sur deux fronts à la fois.

 

 

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