Le Vent de la Chine Numéro 14

du 17 au 23 avril 2011

Editorial : Au pic du Parti communiste—quatre regards

Parmi d’autres, voici quatre tendances qui émergent au sommet du régime, à 15 mois de l’arrivée aux affaires de Xi Jinping, l’actuel vice Président. Ceci, en pleine lutte pour les places dans la prochaine équipe et sous les secousses tumultueuses du printemps du jasmin.

w La vague patriotique autoritaire qui traverse la Chine, se ressent même au G20, dans la négociation multilatérale de réforme des flux des capitaux. Li Yong, vice-ministre des finances, écrit sur le site du ministère que le système envisagé au G20 pour prévenir les crashs financiers suite à des transferts massifs de devises, «n’est qu’un levier politique conçu par les pays développés tels les USA, pour contenir la croissance chinoise». Li prétend «surveiller étroitement les débats» et les verrouiller à l’aide des pays BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud (cf p.3) – suivant la stratégie suivie en 2008 à Copenhague contre le plan global anti-réchauffement climatique. De source sud-coréenne, le bloc voudrait surtout interdire que l’on se demande au G20 si «des contrôles limités des flux» pourraient bénéficier au pays originaire du déséquilibre : question relevant de la souveraineté nationale !

w Autre question: comment cette campagne autoritaire est-elle perçue au sein du Parti… Un bon indice est un discours de Xi à l’École du Parti, qui obtint un franc succès en fustigeant l’inefficacité des hauts cadres, leur vanité, carriérisme et gaspillage de ressources. Xi milite pour un style de pouvoir plus ouvert et public— mais il reste assez prudent et réaliste pour éviter de critiquer la ligne de son prédécesseur, avant d’avoir en main les commandes.

En 10 ans, Hu Jintao a remporté des succès indéniables, renforçant l’autorité de l’État et éteignant toute critique des classes moyennes, qui acceptent même souvent de défendre ce système qui a fait leur prospérité. Mais pour l’observateur R. Moses, les cadres moyens ont toujours plus de mal avec le fait du prince, les campagnes qui ne frappent que les petits, la perte d’initiative et l’obligation de défendre une ligne impopulaire. Ensemble, ces opposants, majorité silencieuse dans l’appareil, souhaitent voir apparaître un leadership plus téméraire, prêt à explorer des méthodes inédites de gestion politique.

w A Chongqing, la campagne rouge du Secrétaire Bo Xilai inverse ses rapports avec l’appareil. Son envoi en province en 2007 avait quelque chose de l’exil d’un rival déchu, face à un Xi triomphant et un Hu mal disposé envers les «petits princes», fils des leaders. Mais sa gestion de Chongqing a tout changé. Le vif effort d’infrastructures a été suivi du grand nettoyage anti-mafia et surtout du remake de vieux thèmes maoïstes, un «réarmement moral» que Pékin ne peut qu’approuver. C’est ce que vient d’aller faire Wu Bangguo, Président de l’ANP, commentant enthousiaste que «d’autres régions devront suivre… elles n’auront pas le choix». Et qu’importe si les juristes froncent les sourcils, dénonçant à Chongqing une justice «cow-boy» et le recul de l’État de droit: l’essentiel pour Bo Xilai est ailleurs : avec Wu, un 5ème membre (sur 9) du Comité Permanent fait le «pèlerinage» chez Bo, plus proche que jamais d’une cooptation au plus haut organe du pays.

w Autres promotions qui tombent: Su Shulin, PDG de Sinopec est parachuté vice Secrétaire et vice Gouverneur du Fujian (certain d’obtenir bientôt les vrais postes de n°1). Son poste est repris par Fu Chengyu, l’ex Président de la Cnooc (China National Off-shore Oil Corp), dont la place revient à Wang Yilin, n°2 à la CNPC (Compagnie Nationale Pétrolière), le n°1 Jiang Jiemin étant réputé reprendre les rênes du Yunnan. La promotion de Su Shulin surtout, est significative : parvenu si haut à 49 ans, il est sur le tremplin des plus hautes destinées.

Tout ceci nous révèle une facette inattendue du régime. Comme à l’ère de GW. Bush, aux USA, le lobby du pétrole fait tourner les usines du pays, finance le pouvoir et est imbriqué en lui. Su et Jiang par exemple, ont fait toute leur carrière à la CNPC, n°1 du pétrole chinois. Une telle influence écrasante ne date pas d’hier: Zhou Yongkang, patron de toutes les polices de l’empire et membre du Comité Permanent, a lui aussi passé des décennies dans les murs de la CNPC, État dans l’État tout comme Sinopec et Cnooc, les rois de l’or noir !

 

 


A la loupe : BRICS—Sous les 40èmes rugissants, les alliances vagissantes

Dilma Roussef, la successeur de Lula, à la tête du Brésil, découvrait la Chine du 11 au 15/04, partenaire désormais essentiel, 1er en échanges commerciaux (56MM$ en 2010) et 1er investisseur (10MM$). On peut comprendre alors que sa suite compte 309 hommes d’affaires.

Relation ambiguë. Comme toute l’Amérique Latine, le Brésil livre en Chine minerai, bois, pétrole et soja, en volumes exponentiels et à des prix qui fusent, lui offrant une croissance rapide et l’adieu à la dépendance envers les USA. En même temps, le Brésil tremble à l’idée d’une crise en Chine, qui casserait ce marché providentiel.

Le Brésil voit alors en la Chine un redoutable rival industriel. Sur son sol, même le bikini chinois bat son rival carioca. Quand le Brésil a un produit high tech, si la Chine a l’équivalent, elle lui barre son marché, comme elle vient de le faire en refusant à Embraer de monter à Harbin (même en JV) son jet de 100 places E190, qui faisait de l’ombre à son propre (futur) ARJ21.

Pour la venue de la Présidente brésilienne, Pékin fit un geste en commandant 35 de ces appareils à plus de 40M$/pièce (pour le compte de Hebei-Air et China Southern, via CBD Leasing Co), et en offrant à Embraer de coproduire avec AVIC (Consortium Aéronautique public chinois) son jet d’affaires Legacy 600.

En échange, Roussef invita les groupes ferroviaires chinois à concourir pour le TGV Rio-Sao Paulo, 511km de ligne à monter d’ici 2014, pour un budget de 20MM$. Parmi d’autres accords envisagés, l’ICBC (Industrial & Commercial Bank of China), suivant l’exemple de la Banque de Chine, veut ouvrir une filiale au Brésil. Et le taiwanais Foxconn veut produire au Brésil l’iPad, moyennant un investissement de 12MM$ en cinq ans, et la création de 10aines de milliers d’emplois. Mais T. Gou, son patron, ne fait pas de mystère : c’est uniquement pour contourner le bouclier de taxes brésilien qui met son iPad à 860$, sur place contre 400 aux USA. Sous l’angle de la rentabilité, « pour 20 ans, la Chine restera imbattable».

La visite culmina sur le sommet des pays BRICS, dans le décor tropical de Sanya (Hainan, 14/04) entre Roussef, Hu Jintao, D. Medvedev (Russie), M. Singh (Inde) et J. Zuma, le Président d’Afrique du Sud, rejoignant ce groupe pour la 1ère fois. Ici, l’ambiance fut encore plus contradictoire, dans cette alliance vagissante entre mondes que tout sépare (histoire, océans, culture, idéologies etc). Ensemble, ils pèsent pour 40% de la population sur terre et 24,2% du PIB mondial en 2009.

La Chine s’impose d’emblée comme le leader et le seul ciment des BRICS, entretenant avec eux 12% de son commerce, tandis qu’eux-mêmes n’échangent que 3%. Là aussi, des partenaires comme Zuma ou Medvedev attendent de la Chine plus d’ouverture de son marché et déplorent une monnaie sous évaluée. Mais pas question de réclamer d’elle une réévaluation plus rapide : ce serait mauvais pour leur alliance, qui se veut contrepoids des pays riches.

Les partenaires voulaient arrêter une position commune sur la réforme des flux monétaires au G20 de Cannes, en novembre. Mais sans gêner une Chine nullement prête à réduire sa liberté de flux de capitaux, ni la contraindre à une entrée trop rapide du yuan dans le DTS, les Droits de tirage spéciaux, monnaie-panier du FMI—ce qui supposerait un yuan convertible.

C’est pourquoi à Sanya, les BRICS se satisfirent de gestes symboliques : convenir de swaps entre banques centrales (échanges de montants en rand, rouble, roupie, yuan et real), d’exiger la fin du monopole euro-US sur la Banque Mondiale et le Fonds monétaire international, FMI, et une «accélération» de la réforme des circuits monétaires mondiaux—mais entendons-nous, quand la Chine y sera prête !

 

 


A la loupe : Réformes – Gouttes d’eau dans le désert

En ces temps ingrats, s’ouvrent timidement quelques fleurs de réforme visant un sort meilleur aux populations.

[1] En vigueur depuis décembre 2010, la nouvelle loi de compensation assure aux citoyens une réparation après châtiment indu. Auparavant, quand le prévenu était acquitté, l’État pouvait conserver amendes et biens confisqués au terme de la loi inéquitable d’alors. Avec la loi amendée, il doit rendre intégralement, avec intérêt et préjudice moral. Et Luo Jianxin, millionnaire maltraité en 2003, sous accusation de fraude dont il fut ensuite innocenté, va réclamer 2,2M² : presque autant que toutes les compensations octroyées sur 1000 cas, par le Guangdong, de 1995 à 2009…

[2] Un autre souci public, est le luxe ostentatoire des hobereaux rouges pillant leurs administrés. Du plus haut niveau, les critiques fusent. Bâties à coups de millions de$ férocement taxés, les « Maison Blanche » ou « Cité Interdite» pullulent, mairies d’apparat dans des villes pourtant indigentes, telles Qigong (Canton), ou Anqing (Anhui). En mer, au large de Shenzhen, un club privé flottant sur 3km² -bâti sans permis pour 100M¥, vient d’être démoli—le propriétaire tente de traîner la ville en justice…

La vertueuse campagne n’épargne pas l’étranger. Dès 2007 à Shanghai, des tenues importées de haut vol, Chanel, Armani, Dior et Burberry, étaient épinglées pour défaut d’étiquetage, de fixage des couleurs ou de traces chimiques. Le scénario se reproduit, le 11/04 à Pékin, où 40% des pantalons Marlboro Classics, Zara et Hush Puppies sont trouvés de qualité défaillante, portant ombrage à l’image populaire de fiabilité du produit importé.

[3] La Chine poursuit son décollage en recherche scientifique, fruit d’un soutien systématique de l’État à la R&D, de 100MM$/an en 2009 (1,44% du PIB). Selon la Britain’s Royal Society, de 2004 à 2008, des Chinois ont signé 10,4% des articles scientifiques en anglais dans le monde, n°2 derrière les USA (21,2%). Le rythme est tel que la Chine dépasserait les USA dès 2013. La qualité, par contre, ne suit pas encore. Ces mêmes articles chinois ne furent cités que dans 4% des cas, en 6ème place, derrière USA, Japon, Grande-Bretagne, Allemagne et France.

En formation, l’effort est tout aussi brillant. Depuis ’99, la Chine produit en moyenne 1,5M d’ingénieurs par an.

En 2009, elle a déposé aux USA, 1655 brevets. Cela peut sembler peu face aux 35.501 brevets US du Japon, mais sur son propre sol, ce sont 391.000 que la Chine a enregistrés en 2010 (+10%). « Si elle garde ce rythme à l’avenir», prédit la Society, «l’impact sera spectaculaire»!

NB: le désir d’agir en faveur des masses s’exprime en cet avertissement du ministère du sol : en 2011, les expropriations abusives vont augmenter du fait de la foi des provinces en ce type de croissance d’« infrastructures » justifiant des confiscations ensuite détournées en lotissements. Pour 2011, les provinces ont programmé 1,08Mha de tels projets, dont 60% non autorisés. Depuis 1996, selon le professeur Li Chang’an, 9Mha de terre arable ont été perdus. Comme pour se laver les mains de ces gâchis, Pékin dénonce les 15% /an de croissance moyenne adoptés par les provinces comme objectif du XII. Plan, au lieu des 7% préconisés par Zhongnanhai. Sans aller jusqu’à proposer une solution, une réforme des taux d’intérêts ou du droit foncier par exemple.

 

 


Argent : Atome—feu rouge jusqu’en 2012

Après Fukushima, la vie continue, pensait Zhang Huazhu, Président de l’Association nationale de l’énergie nucléaire (ANEN), ouvrant, le 6/04, le 9ème Salon international de Shenzhen. Le Conseil d’État a réagi à cette catastrophe en gelant tout nouveau projet de réacteur. A Shenzhen, l’ANEN a prédit que les licences recommenceraient à être attribuées l’an prochain, une fois renforcé l’appareil réglementaire et législatif, aujourd’hui en désordre, incapable de garantir l’exclusion d’un accident, suite à séisme et/ou tsunami. Neuf projets en 2011 pâtiraient de ce feu rouge.

Ainsi le Département de sécurité nucléaire du ministère de l’environnement doit tripler ses inspecteurs à 1000. Le code technique de sécurité nucléaire doit être rédigé, en concertation avec les partenaires industriels, et fixer les standards basés sur la pratique internationale. La loi du nucléaire, qui doit passer au plus tôt en octobre, doit entre autre faire le tri entre les 10 administrations aujourd’hui compétentes sur le sujet, tout en prévoyant des normes de compensation aux populations civiles en cas d’irradiation.

Surtout, l’Etat doit se laisser le temps de voir comment le Japon va réagir, pour apprendre de son expérience. Il faut, selon le professeur Bo Kong de la Hopkins University «mettre un terme au conflit en Chine entre sécurité nucléaire et son développement», citant deux projets à Rushan et Jiujiang, qui semblent bien avoir «accéléré» voire escamoté le processus d’agrément.

 

 


Pol : L’usine du monde, côté hôpital

La maladie du travail empire au fil des ans. En 2009, elle causait 18.128 morts, triple des accidents du travail, dont 90% imputables à la pneumoconiose, inhalation et fixation de poussières dans les poumons, incurable, passé un certain seuil. Le syndicat unique estime à 200 millions les personnes menacées, au sein de 16 millions de mines, ateliers, fonderies ou usines.

Il existe bien une loi de prévention des maladies du travail, mais ces PME n’ont ni le budget, ni la conscience du risque. La plupart des employés sont des migrants recrutés sous contrat à durée limitée, contournant cette loi et d’autres. D’après le Centre national de Prévention et de contrôle des maladies, seuls 10% d’entre eux passent « régulièrement » une visite médicale. La faiblesse des systèmes d’inspection n’arrange rien.

Un autre mal réside dans les fumées de charbon, des métaux lourds et autres poussières industrielles : diluées dans les tempêtes de sable (fréquentes à cette saison), puis absorbées par le public, s’alarme Greenpeace.

Les travailleurs en col blanc sont mieux traités, mais sont aussi à risque. Absence d’exercice, alimentation mauvaise, tabagisme et heures supplémentaires promettent à 60% un cholestérol précoce, de l’arthrite et même des troubles cardiovasculaires. Les jeunes en meurent de plus en plus, déplore Fan Xiaohong, n°2 de l’hôpital des infections pulmonaires de Shanghai, laissant deviner que sauf à renforcer vite la médecine du travail, l’atelier du monde se prépare là aussi un pénible réveil !

 

 


Temps fort : Campagne anti-réforme, et le sort des églises

La récente exigence par le régime de l’obédience des corps sociaux à ses slogans, altère ses rapports aux Églises. Ici, une surprise nous attend, dans les traitements différents réservés aux paroisses, protestante et catholique.

Côté protestant, à Pékin la paroisse de Shouwang subit (10/04) un coup de filet, épilogue d’années d’hostilités. Peu avant, le pasteur appelait à la « guerre spirituelle menée par Dieu ». Fin 2009, l’État avait cassé son achat d’un terrain, pour 27M¥. Puis il avait interdit ses réunions sur leur site loué, forçant la communauté à se réunir à l’air libre. Sur place, les policiers arrêtaient 169 membres, libérés ensuite, certains sur la promesse écrite de ne pas recommencer. Le pasteur Li Xiaobai demeure en prison.

Sur le fond, c’est de la licence de la paroisse qu’il s’agit. Shouwang n’est pas affiliée à l’Association patriotique des Trois-soi, sous la houlette du Parti communiste chinois. Elle n’est pas la seule église « de maison » en Chine. Mais à 1000 membres, elle est la plus forte, ce sur quoi le régime, dans sa campagne actuelle de tolérance zéro, ne peut fermer les yeux. Moins encore à partir de février 2011, une fois adoptée au Politbureau une stratégie de reprise en main tous azimuts.

Tandis que pour sa part, en tant que protestante, ne re-connaissant que l’autorité divine, Shouwang n’est pas prête à transiger sur sa liberté de rites. Ce genre de «libre conscience» est renforcé par sa culture de classe moyenne, à forte proportion de diplômés universitaires. Sans surprise, Shouwang est d’ailleurs en conflit avec les églises des Trois-soi, dont elle récuse l’autorité morale. Cai Kui, cadre de cet organe politico-religieux, prie en vain ses coreligionnaires d’être « bons serviteurs de Dieu et bons citoyens », ce qui selon lui ne serait « pas incompatible ». Mais ce conflit laissera des traces : le protestantisme chinois se déchire au détriment de sa branche officielle, qui perd en écoute et en crédibilité.

Côté Catholique, on assiste à une pâle embellie, après l’ordination à Jiangmen (30/04) de Paul Liang Jiansen, évêque approuvé par le Vatican. Ceci succède aux hostilités de 2010, quand un prélat avait été ordonné à Chengde sans l’autorisation du Pape, tandis que les évêques élisaient un Président de la conférence épiscopale, non reconnue par le Vatican. Le catholicisme d’État tente d’ordonner à tour de bras de nouveaux évêques, pour compléter son clergé clairsemé, à la tête de 6M de fidèles : 44 des 97 diocèses seraient vacants. Or, ces paroisses semblent retarder la nomination, dans l’espoir d’obtenir la bénédiction papale.

Deux autres signaux suggèrent un réchauffement avec le Vatican. En un château privé en Bourgogne, début avril, 3 généraux retraités de l’APL, l’armée chinoise, dont le major général Gong Xianfu, conféraient durant 3 jours avec 3 cardinaux, dont le diplomate E. Balestrero. En février, le cardinal taiwanais Paul Shan annonçait sa visite en Chine cet été, pour tenter de négocier un arrangement.

Est-ce à dire qu’un concordat pourrait émerger de tout cela ? Ce serait aller vite en besogne. Trois hirondelles ne font pas le printemps, et l’on a vu trop souvent de faux espoirs de normalisation entre ces deux machines obsolètes aux visions du monde contradictoires, si sures de leurs responsabilités respectives face à l’histoire, en charge de l’âme orientale pour l’une, occidentale pour l’autre.

Mais pourquoi, enfin, cette frappante différence de traitement entre ces deux Églises avec lesquelles Pékin rejette toujours tout lien? Par principe peut-être : dans toute guerre en cours (celle du contrôle des religions, ici), Pékin évite toujours de combattre sur deux fronts à la fois.

 

 


Petit Peuple : Liulou : la fillette disparue

A l’automne 1989 à Liulou, (Henan) la mort dans l’âme, Liu Shouyuan, fermier de 48 ans, et sa femme, durent se résigner à abandonner leur fille de sept semaines. Faute de pouvoir la nourrir, ils la confièrent à la commune populaire, qui la plaça dans un autre foyer, une autre ville. A cette décision terrible, il n’y avait pas de retour en arrière, ils le savaient. En ces temps là, la misère régnait toujours, nul n’aidait quiconque. Les temps étaient simplement trop durs.

La vie continua, bon an mal an. Plutôt mal an, en ce Henan, qui était (et demeure) bien trop peuplé pour être à l’aise, avec ses 100 millions d’êtres à nourrir, vêtir, loger et employer.

 Dahe, le journal qui relate l’épisode omet malheureusement de préciser, si dans la décision de Liu et de sa femme, s’était mêlé le calcul d’obtenir, du point de vue du planning familial, le droit de concevoir un second enfant, un garçon cette fois. En effet l’héritier préféré des foyers paysans, avec ses muscles de fer leur permettent de bien labourer et bien nourrir les parents en leurs vieux jours. Quelle que soit la motivation de Liu Shouyuan et de son épouse, leur décision, fille de nécessité, avait ouvert une blessure jamais refermée, sentiment d’une perte irréparable.

Au fil des 2 décennies qui suivirent, ils avaient cultivé leur lopin, vendu leurs récoltes, fait un peu d’élevage en complément, acquis la télévision (d’occasion), un réfrigérateur, un petit tracteur et l’équipement de base pour ses vaches à lait, mais jamais Liu n’avait oublié sa fille abandonnée. Pas une semaine ne se passait, sans ce souvenir de culpabilité et d’absence lancinante. D’autant qu’ils étaient finalement restés sans autre héritier : le petit dragon tant attendu n’était jamais venu.

Et puis voilà qu’en mars, sa femme décède, à l’aube de ses 70 ans – il en a 71. Au village, les affaires matrimoniales se gèrent au sein du clan, au conseil des anciens qui veille à reconstituer les foyers aussitôt qu’ils se brisent, et à consolider un tissu rural déchiré par l’exode. Sans retard, les funérailles furent suivies d’un remariage de Liu, avec Zhang Qiuxiang, veuve que lui avait présenté un entremetteur.

Il se passa peu de jours, avant que Zhang, épanouie de cette union inespérée, lise l’ombre d’un souci au visage du mari, lui demandant la source. Après plusieurs assauts, Liu finit par avouer ce qui le hantait, le fantôme de sa fillette. Sans retard, désireuse de prouver sa bonté et sa capacité d’épouse fidèle, Zhang lui promit de l’aider à retrouver la disparue.

Mais l’aveu du mari la plongea en un trouble où se mêlaient des émotions fortes et l’intuition d’un souvenir sous roche, proche et inaccessible. Elle-même avait une fille adoptée, du même âge -22 ans- que la disparue. Le patronyme (celui d’avant l’adoption) Liu Qiuhuan était celui de son nouveau mari. Se pouvait-il que…par incroyable miracle …?

Depuis belle lurette, Liu avait oublié le prénom choisi avec sa femme pour ce bébé. Tout ce dont il se souvenait, était que le nourrisson portait à hauteur du bassin une tâche de vin, couleur bleu-vert…

Et là, ce fut la preuve ultime: Fuge (nom post-adoption de la jeune fille) portait la marque, même couleur, à l’endroit attendu : en épousant la mère, Liu avait donc récupéré sa fille. C’était une belle illustration de l’adage selon lequel « en définitive, le ciel ne fait pas obstacle à votre destin » (天无绝人之路, tiānwú juérén zhīlù).

Quoique souvent athée, la Chine superstitieuse raffole de ces coups de tonnerre tombant du ciel pour changer le cours de la vie des hommes.

Mais à ce qu’il nous semble, derrière ces coups de baguette magique agit moins un lourd jugement des Dieux, qu’un clin d’oeil plaisantin des forces de l’au-delà. Comme une plaisanterie céleste faite pour adoucir les duretés de l’existence : comme un sourire du ciel, par lequel la misère devient moins pénible au soleil.

 

 

 


Rendez-vous : A Shanghai, le Salon de l’automobile

18-20 avril, Shanghai : OIL China, Huiles d’olive et végétales

20-22 avril, Shanghai : RE China Asia Expo, Salon de l’imprimerie

20-28 avril, Shanghai : Salon de l’automobile

21-23 avril, Chengdu : API China / Interphex / Pharmachina, Salons de l’industrie pharmaceutique

22-25 avril, Shenzhen int’l Fair

23-31 mai, Pékin : Festival de la photographie