Editorial : Pékin entre Corées et Cancun

Le 23/11, à partir de 14:34, les canons nord-coréens tirèrent 180 obus vers l’île sudiste de Yeonpyeong, terre de 1200 pêcheurs, subissant 4 morts. Pyongyang accusa le Sud d’avoir tiré en 1er, lors d’exercices—Séoul démentit.

Située à 3km de la Northern Limit Line (frontière maritime) que le Nord rejette, cette zone vit sous tension. En 1999 et 2002, elle connut des échanges de tirs avec morts d’hommes. En 2007, les deux bords convenaient d’en faire une «zone de paix». Puis l’accord retomba, suite à quoi Séoul réoccupa ses eaux initiales, tandis que Pyongyang prétendait considérer la NLL comme abolie.

Après 48h, Pékin se contenta de déplorer les morts et d’appeler«les 2 parties» à la raison. Comme lors du torpillage de la frégate Cheonan en mars (46 morts), il soutient la dynastie coréenne Kim et joue l’attentisme, au nom du dégonflage de la tension. Une tendance qui émerge ici, est celle d’une opinion chinoise plus osée : les experts critiquent l’alliance, criant au « chien fou ».

Pour la plupart, l’attaque est signée Kim Jong-Un, l’héritier au trône dont la récente promotion à 25 ans comme général à 4 étoiles n’a pas plu à la camarilla : il aurait voulu s’imposer… Au mépris de ses attentions permanentes envers le «pays du matin calme», Pékin n’a pas été consulté sur cette aventure, qu’il aurait sans doute interdite…

La réaction US a été vive. A peine l’agression connue, Obama, s’arrachant aux années d’atermoiements, se fâche, redirige le porte-avions USS G .Washington vers la péninsule. La canonnade fait suite à la révélation d’une usine d’enrichissement d’uranium au nord. Pour le chercheur Xu Guangyu, ces accrocs à la paix empêchent les US de retourner aux négociations à six. Ce qui pourrait tenter la Chine de rétablir un dialogue direct entre Nord et Sud, par dessus les USA. Aussi Barak Obama offre t’il à Séoul des manoeuvres conjointes (28/11-1/12) : pour l’heure, la tension ne fera que croître…

Sur un autre front, s’ouvre ce lundi le Sommet de Cancun (Mexique). Pékin veut créer la surprise en se disant prêt au compromis pour un accord contre le réchauffement climatique. En décembre 2009 à Copenhague, il bloquait le renouvellement du protocole de Kyoto, afin de préserver sa liberté d’émission de CO2, partagée avec les Etats-Unis. Depuis, c’est l’impasse : des pays comme le Japon menacent de renoncer en 2012 à réduire leurs émissions, si le protocole reste sans suite.

Et voici que Pékin brandit le rameau d’olivier.

Le 24/11, le vice premier Li Keqiang prédit à Cancun une «attitude ouverte et constructive». Le 23/11, Xie Zhenhua, n°2 à la NDRC (National Development and Reform Commission), promet que son pays fera «tout ce qu’il peut pour pousser au progrès» en ces discussions de la dernière chance. Il évoque aussi de nouvelles mesures fortes en Chine, taxe environnementale, taxe carbone, tout en confirmant que suite aux efforts désespérés des derniers mois, la promesse de réduction de 20% du gaspillage d’énergie entre 2006 et 2010 sera tenue, épargnant au monde 1,5 milliard de t d’émission de CO2.

Idéologiquement pourtant, rien ne change : Pékin dénie toujours catégoriquement toute coupe contraignante, au côté de l’Europe ou du Japon, tant que les USA ne se seront pas eux-mêmes engagés dans la décarbonisation de leur économie : c’est aux « pays riches à prendre la tête… laissant aux pauvres la place pour prospérer ».

Pourtant la sincérité de la main tendue chinoise, même sans détails ni offre concrète, est indiscutable. Elle est aussi inattendue, le pays s’étant jusqu’ alors distingué par la défense patriote de ses intérêts. Qu’est-ce qui provoque le changement? Deux réponses sont possibles, d’ailleurs non exclusives l’une de l’autre: [1]la vieille crainte pour Pékin d’être perçue en responsable d’un échec prédit par tout le monde – la crise étant entre-temps venue exacerber les égoïsmes nationaux, [2] l’inquiétant recul de la richesse en Chine, les myriades de PME en faillite, seuls les millionnaires et l’Etat disposant désormais du crédit pour entreprendre et consommer. Un plan vert mondial pourrait apparaître alors comme une chance de relance pour la Chine- la meilleure, par les temps qui courent !

 

 

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