Outil traditionnel de l’arsenal politique local, le XII. Plan quinquennal (2011-2015) qui se prépare, naît dans un climat extrême, entre crise mondiale et été chaud.
Sa priorité d’origine était l’environnement : tâche qui restera, mais subordonnée à la priorité aux affaires sociales. Ce XII. Plan porte la griffe de Li Keqiang, d’où une double énigme: Œ il garantit après 2012, le maintien d’une influence du Président Hu Jintao, dont il est le fils spirituel—quoique le Bureau Politique ait pris soin de confier les rênes du régime à un hom-me d’un sérail rival, Xi Jinping. Hu Jintao est un conservateur déclaré, mais le Plan de Li Keqiang, selon toutes les sources, est audacieusement tourné vers la réforme et la rupture. Sa finalité: «accélérer les changements dans le mode de croissance», et renforcer les villes qui, avec 46% de la population sont en retard de 9% par rapport au monde, à niveau de PIB comparable — la Chine franchira en 2011 la barre des 4200$/habitant.
Chi Fulin, Président de l’Institut national à la recherche et au développement, suggère que «son train de réformes sera plus complet que celui de Deng Xiaoping 20 ans plus tôt», et Zhang Xiaojing, directeur à la CASS (Académie chinoise des Sciences Sociales) précise que «des gens et des groupes vont souffrir, […] des changements historiques se produiront durant l’exercice du XII. Plan ».
Qui souffrira? Les milliardaires perdront le monopole de l’immobilier au profit d’une structure publique encore inconnue en Chine, inspirée des «building societies» britanniques, bâtissant à prix modéré pour les 20M de nouveaux demandeurs par an. Cet organe aura la priorité sur le sol, le crédit, et les groupes privés devront les suivre sur ce nouveau marché. Autre perdant pressenti : les grandes entreprises d’Etat (GEE), qui perdront le monopole du crédit facile, au profit des PME, pépinières d’emplois. Pékin veut aussi réduire les financements anarchiques des provinces, et enrayer l’explosion de leurs dettes de 400MM², qui s’ajoute à la dette centrale, pour atteindre un endettement national de 53% du PIB, selon Zhang Ping, chercheur à la CASS.
Un outil du XII. Plan sera la hausse des salaires, +20% cette année et +50% d’ici 2015, selon nos sources. Un autre pourrait être l’assouplissement du planning familial : le recensement débute cet automne légalisera gratuitement les millions d’enfants conçus «hors plan», les arrachant à la clandestinité, leur permettant d’accéder à l’ école et la santé publique.
Autre but: la disparition du hukou (permis de résidence sur le lieu de naissance), avec l’évolution rapide vers le permis permanent en ville. L’idée étant de donner aux 150M de migrants, aujourd’hui citoyens de seconde zone, accès aux mêmes services que les citadins de souche, et ainsi les enrichir. Dans le même ordre d’idée, le Plan tentera d’imposer un parallélisme de croissance et une synergie entre ville et campagne, de transférer savoir-faire, technologies, crédits pour créer les mêmes chances, et une croissance «durable et équitable». L’Etat s’attend, pour ce tournant, à une telle résistance, qu’il se donne 10 ans pour y parvenir, les 5 ans du XII. Plan pour poser les jalons, et les 5 ans du XIII. Plan (2016-20) pour les vrais changements.
Et l’environnement? Y aura-t-il l’introduction de taxes carbone aux villes, aux industries, aux agriculteurs? Aux automobilistes en tout cas, une taxe aux émissions est annoncée.
A toutes ces nouvelles donnes, deux remarques :
[1] effectivement, la société chinoise n’a jamais été si peu harmonieuse, avec toujours plus de police et de censure, pour une stabilité toujours plus incertaine. Les temps sont objectivement murs pour un nouveau cycle—et des concessions sont à attendre de la part des cadres et nouveaux riches.
[2] mais en même temps, on voit depuis mai les grands groupes fonciers reprendre la course aux achats de terres à bâtir, que leur cèdent à prix d’or les municipalités complices : signe de confiance en leur entente, en leur capacité à résister à cette velléité de démocratisation du XII. Plan, qui est pourtant probablement la dernière chance du régime de se maintenir…
Sommaire N° 24