Le Vent de la Chine Numéro 24

du 4 au 10 juillet 2010

Editorial : Chronique d’une Chine à petits bouillons

Sous cet été de canicule météorologique et sociale, le régime se trouve soudain contraint de repenser ses priorités. Depuis des ans, par routine, il pouvait penser «protection de l’environnement», voire «guerre de succession». Mais bousculé par une cascade de crises, il doit réaffecter toute son attention aux oubliés de la croissance. Excédée par une distribution toujours moins équitable des richesses, la base sociale en ébullition sera la trame du XII. Plan (2011-2015) que s’apprêtent à boucler 200 apparatchiks au conclave balnéaire de Beidaihe (août), avant de le faire voter par le Comité Central d’octobre. En p.2, nous dégageons par anticipation une image de cet outil crucial, qui prétend opérer un tournant historique par rapport aux 20 dernières années. En p.3, nous vous offrons un regard sur plusieurs débats au sein de l’appareil : sur l’internet, sur l’immigration, sur les prémisses d’une réforme politique, sous la pression grandissante de la société.

[1] Les grèves s’étendent, visibles surtout dans les usines nippones, facilité par le climat historiquement ancré en la conscience chinoise, d’inimitié envers le Japon. De Canton, elles sautent à Tianjin, chez Mitsumi (3000 ouvriers, 29/06). A Shenzhen, Foxconn tire les leçons de 10 suicides survenus dans son usine de 400.000 âmes : il prépare le transfert de 300.000 jeunes vers Hebi (Henan), et va sous-traiter ses bases-vie afin de partager à l’avenir la responsabilité de tout nouvel acte de désespoir. Enfin, afin d’enrayer l’expansion de cette colère ouvrières, l’Etat fait augmenter (1/07) les salaires minima dans 9 provinces et villes (record à Shanghai, 1020¥): une stratégie aussi destinée à relancer le marché intérieur.

[2] Après le G20 de Toronto (27-28/06), Wen Jiabao le 1er ministre déclare que «l’économie chinoise va dans le bon sens, sous le macro contrôle du gouvernement». Ceci, pour remonter le moral face aux risques de baisse de la vapeur comme la chute de la bourse de 27% depuis janvier, dont 4,3% le 28/06 : record de baisse en 18 mois, et pire résultat d’Asie. Or, cette mauvaise tenue a affecté des milliers de petits commerçants ayant misé en bourse, spéculant sur une reprise qui ne vient pas. Selon Netease, 49% d’entre eux auraient perdu « plus de 30% »…

[3] A Rome Jeffrey Immelt, CEO de General Electric (13.000 emplois d’aéronautique, génération électrique et ferroviaire en Chine) critique publiquement (30/06) la stratégie chinoise visant à siphonner puis «rétro-ingéniérer» les technologies de l’étranger pour lui confisquer son marché chinois d’abord, mondiale ensuite. La Chambre de commerce européenne n’en pense pas moins, par la voix de son nouveau Président J. de Boisséson (aussi à la tête de Total-Chine) et dénonce les pratiques inéquitables chinoises, avertissant que le pays perd en attractivité pour le business européen. Ses principales flèches vont au principe juridique en cours d’introduction, dit de l’«innovation autochtone» lequel, craignent les étrangers, pourrait s’avérer discriminatoire. Dès avril, Wen conscient du risque, promettait à un groupe de patrons européens un correctif à son système—lequel correctif tarde à se matérialiser… Sur le long terme pourtant, 78% des 500 membres de la Chambre européenne gardent confiance en la croissance chinoise, et en leur capacité d’en tirer leur part.

Les firmes américaines se renforcent en Chine, comme IBM qui rachète pour 7M$ 50M de parts de Bright Oceans Intertelecom, groupe chinois d’électronique. De même CNBC, le leader mondial de la TV par câble et satellite ouvre (à prix tenu secret) un partenariat avec la CCTV : de ce lien, il escompte le doublement de son public mondial à 800M de téléspectateurs, qui suivront ses émissions financières en anglais, sous-titré en chinois !

 

 

 


A la loupe : Un vent nouveau sur la Chine?

Au bénéfice de la presse accréditée, deux visites rares viennent d’être organisées (30/06), vers deux des institutions les plus obscures de l’appareil, le Comité Central et l’Ecole du Parti. Sans compter une troisième au Tibet, d’ordinaire fermé aux métiers de l’information : signes d’une volonté de transparence… Par ailleurs, en même temps, l’actualité fuse de mini réformes sans conséquences, mais qui frappent par leur nombre et leur esprit :

[1] le 23/06, le bureau de l’ANP, le Parlement, décrète que tout maire de village (à 95% élu au suffrage direct) doit obtenir sous deux ans confirmation de son élection par vote du conseil communal, à moins d’être automatiquement radié.

[2] le même bureau ordonne la protection des dénonciateurs de corrompus: des peines de prison à quiconque les dénonce auprès de leurs puissantes victimes. L’expérience prouvant que 70% de ces dénonciateurs sont victimes de rétorsion par la suite : agression, procès “bidon”, licenciement…

[3] La ville de Jiangmen (Canton) entame une curieuse expérience contre la corruption : compenser au fonctionnaire intègre le manque à gagner des bakchichs auxquels il a renoncé. Calqué sur la sécurité sociale chinoise, le système ouvre à 4500 cadres un compte alimenté par la mairie (20¥ sont alloués), et par prélèvement sur son salaire. Cinq ans après, le rond de cuir, si son dossier “corruption” est resté vierge, récupère 70% de sa cagnotte, et le ripoux rien. Le coût du système, pour la collectivité, sera lourd, mais moins élevé que celui des bakchichs qui grèvent le coût des services en aval (tampons, contrats, licences). Selon Le Zheng, Président de la CASS locale (Académie chinoise des Sciences Sociales), ce test en éprouvette n’est qu’un parmi d’autres, contre la corruption. Le point commun à tous, étant de respecter la règle d’or du régime actuel, à savoir la dépendance de la justice et de la presse envers les directives du Parti, précisément pour laisser les mains libres à ses hauts membres…

Pour être clair, aucune de ces réformettes ne peut passer pour une réforme politique sérieuse. Mais elles expriment l’attente des masses et des cadres en un changement—comme l’aube d’une ère de révision des pratiques publiques et des rapports entre Etat et citoyen.

Dans ce contexte, un signal apparaît très significatif: les félicitations de Wen Jiabao (16/06) aux ouvriers de Honda-Foshan, à l’issue de leur grève. Pour avoir fait appel au professeur Chang Kai (sommité nationale du droit ouvrier) comme leur conseiller, et pour s’être astreints à ne jamais agresser les “jaunes”, ni briser le matériel, le 1er ministre les a traités en “glorieux exemple pour la nation”. Quoiqu’ils viennent de se faire élire par leurs ateliers en Conseil ouvrier, en infraction à la loi, contre la branche locale de l’ACFTU, le syndicat officiel-potiche, qui se retrouve à présent désavoué par le n°2 de l’Etat. Décidément, l’avenir sera intéressant à suivre !

 

 


A la loupe : Immigration, blogs : les tiraillements contradictoires

La rédaction d’un XII. Plan qui veut rompre avec le passé, permet de deviner des affrontements au sein de l’appareil. Le VdlC en a identifié deux, très symboliques : en matière de blogs, et d’immigration.

Blogs: la contradiction explose le 08/06, dans le Livre Blanc de l’Internet. Le pouvoir y dévoile une opinion lyrique sur le sujet, «cristal du génie humain, la grande invention scientifique du 20. siècle, important indicateur de productivité avancée». Aussi se promet-il de faire passer ses 374M d’internautes à 550M d’ici 2015, 45% de la population. Même les dizaines de millions de blogs du pays sont jugés valables- même le micro-blogging de Twitter (pourtant inaccessible en Chine sauf via proxy), comme «améliorant la capacité du citoyen de communiquer». Mais en même temps, au nom de la «protection de la jeunesse», il prétend contre toute vraisemblance garder un contrôle «complet» des contenus de son internet.

Même contradiction sur le terrain: les 27-29/06, le département de la propagande de Qujing (Yunnan) émet sur un « twitter » local photos et commentaires des riverains ayant subi une tempête à Malong. Mais à l’APL, l’armée, (28/06), Wang Long, commissaire politique, interdit aux 2,3M de soldats de blogger, même pour se trouver emploi ou fiancée, même à ceux encasernés au bout du monde. Pour combler ces besoins primaires des recrues, l’Etat-major réfléchit à ses propres mesures…

Immigration : le 7/06, l’agence Xinhua révèle une série de mesures nouvelles pour attirer les talents du monde vers la Chine. Le Plan de croissance des talents à moyen et long terme (2010-2020) offre aux candidats réductions d’impôts, régime d’assurance maladies/retraite, logement, écolage pour les enfants, insertion du conjoint, plans de carrière et primes du gouvernement. En fait, ce sont les jeunes chinois partis aux études que Pékin veut inciter au retour : car sur trois néo diplômés chinois en Amérique, un seul retourne, et un sur deux en Europe. Et encore, pas les meilleurs : les plus doués préfèrent faire carrière dans un environnement de libertés.

Idem à Foshan, des firmes recrutent des experts retraités allemands (+65 ans), à 4500¥/mois, sans compter logement, repas et billets d’avion. Pour rassurer les autorités, les missions sont limitées à 3-6mois.

Mais face à ces plans d’encouragement, la Chine prépare aussi des mesures opposées, pour mieux cloisonner ses frontières face aux candidats à une vie chinoise. Quoique la masse des résidents demeure infime (600.000 en 2007, diplomates inclus). La loi de l’immigration distinguera les «qualifiés» des «non qualifiés», les «demandeurs d’emplois» des «investisseurs», quoique sur le terrain, les «travailleurs immigrés» de Chine soient tous qualifiés. Mais c’est le fantôme historique révolutionnaire qui demeure, la hantise de la «pollution spirituelle bourgeoise» : la crainte de voir trop germer ce grain trop performant, au formatage trop émancipé…

 

 

 

 


Argent : Aviation, télécoms—têtes qui tombent

Suicide insolite pour Liu Yajun, 50 ans, sous les rails d’un TVG (24/06) : il était directeur de la CAAC/Chine-Centre et Sud, tutelle de l’aviation civile, avec tous pouvoirs sur les transporteurs entre 7 provinces. Enterré en grandes pompes, son geste a été attribué au stress par les autorités.

Difficile à croire : en juin, 7 cadres de China Southern ont été arrêtés. Le 28/06 Kuang Xing, le directeur à la NDRC (National Development and Reform) Commission en charge de tous projets d’équipement en transports aériens (aéroports, achats d’appareils) était inculpé. En novembre dernier, tombait Huang Dengke, l’homologue de Liu en Chine du Nord, puis en février Yu Renlu, n°2 de la CAAC, accusés de céder aux compagnies aériennes les meilleures lignes et créneaux horaires contre bakchich. Suivait encore Zhang Zhizhong, président de l’aéroport de Pékin.

Au Sichuan, Li Hua, roi de China Mobile est arrêté (30/06). Son subordonné Li Xiangdong était parti en cavale avec 40M² de bakchich en avril, avant de se rendre. Li aurait détourné le produit des ventes de tonalités en vogue, marché de 2,2MM² en Chine en 2009.

Ces rafles sectorielles succèdent à des contrôles de police financière qui montrent le sérieux du régime, dans sa volonté d’endiguer les délits d’ententes entre cadres des tutelles et ceux des grandes entreprises d’Etat qui en dépendent. Toutefois, à l’évidence, l’Etat ne parvient pas à terrasser le dragon : une tête coupée, dix de repoussées.

 

 


Pol : TIBET – le froid toujours

Surprenante rétractation que celle de Norgye, novice au monastère du Jokhang, à Lhassa. En mars 2008, il était de ceux qui interrompaient une conférence de journalistes étrangers, pour crier des brûlots tels «le Tibet n’est pas libre… le gouvernement ment… ils ont tué…». Puis le 29/06, presque devant les mêmes et au même endroit, il reprenait la parole, pour dire l’inverse: «je ne savais rien à l’époque… J’ai entre-temps compris que ce que nous avons fait n’était pas bien, et contre la loi». Entre-temps, il y a eu 2 ans de rééducation. Mais il est rare que des moines tibétains se rétractent de la sorte—d’ordinaire, ils préfèrent s’en tenir à leur combat.

Au Xinjiang, un tribunal impose 15 ans de prison à Karma Samdrup, collectionneur d’art tibétain, sous une accusation de « pilleur de tombes » reprise après avoir été abandonnée plus tôt, faute de fondement. Son avocat affirme que ses aveux ont été obtenus par la torture.

Cette action intervient alors que la Chine est anxieuse de tourner la page des explosions violentes intervenues au Toit du monde et au Xinjiang, en 2008 et 2009. Face à la mission de journalistes à Lhassa, Hao Peng, vice-gouverneur a rappelé la capacité de la Chine à maintenir son autorité sur le pays des neiges « pour toujours », mais a admis le prix à payer : le maintien en permanence, de très lourdes forces policières et armées.

 

 


Temps fort : Le XII. Plan quinquennal, plan de la rupture

Outil traditionnel de l’arsenal politique local, le XII. Plan quinquennal (2011-2015) qui se prépare, naît dans un climat extrême, entre crise mondiale et été chaud.

Sa priorité d’origine était l’environnement : tâche qui restera, mais subordonnée à la priorité aux affaires sociales. Ce XII. Plan porte la griffe de Li Keqiang, d’où une double énigme: Œ il garantit après 2012, le maintien d’une influence du Président Hu Jintao, dont il est le fils spirituel—quoique le Bureau Politique ait pris soin de confier les rênes du régime à un hom-me d’un sérail rival, Xi Jinping.  Hu Jintao est un conservateur déclaré, mais le Plan de Li Keqiang, selon toutes les sources, est audacieusement tourné vers la réforme et la rupture. Sa finalité: «accélérer les changements dans le mode de croissance», et renforcer les villes qui, avec 46% de la population sont en retard de 9% par rapport au monde, à niveau de PIB comparable — la Chine franchira en 2011 la barre des 4200$/habitant.

Chi Fulin, Président de l’Institut national à la recherche et au développement, suggère que «son train de réformes sera plus complet que celui de Deng Xiaoping 20 ans plus tôt», et Zhang Xiaojing, directeur à la CASS (Académie chinoise des Sciences Sociales) précise que «des gens et des groupes vont souffrir, […] des changements historiques se produiront durant l’exercice du XII. Plan ».

Qui souffrira? Les milliardaires perdront le monopole de l’immobilier au profit d’une structure publique encore inconnue en Chine, inspirée des «building societies» britanniques, bâtissant à prix modéré pour les 20M de nouveaux demandeurs par an. Cet organe aura la priorité sur le sol, le crédit, et les groupes privés devront les suivre sur ce nouveau marché. Autre perdant pressenti : les grandes entreprises d’Etat (GEE), qui perdront le monopole du crédit facile, au profit des PME, pépinières d’emplois. Pékin veut aussi réduire les financements anarchiques des provinces, et enrayer l’explosion de leurs dettes de 400MM², qui s’ajoute à la dette centrale, pour atteindre un endettement national de 53% du PIB, selon Zhang Ping, chercheur à la CASS.

Un outil du XII. Plan sera la hausse des salaires, +20% cette année et +50% d’ici 2015, selon nos sources. Un autre pourrait être l’assouplissement du planning familial : le recensement débute cet automne légalisera gratuitement les millions d’enfants conçus «hors plan», les arrachant à la clandestinité, leur permettant d’accéder à l’ école et la santé publique.

Autre but: la disparition du hukou (permis de résidence sur le lieu de naissance), avec l’évolution rapide vers le permis permanent en ville. L’idée étant de donner aux 150M de migrants, aujourd’hui citoyens de seconde zone, accès aux mêmes services que les citadins de souche, et ainsi les enrichir. Dans le même ordre d’idée, le Plan tentera d’imposer un parallélisme de croissance et une synergie entre ville et campagne, de transférer savoir-faire, technologies, crédits pour créer les mêmes chances, et une croissance «durable et équitable». L’Etat s’attend, pour ce tournant, à une telle résistance, qu’il se donne 10 ans pour y parvenir, les 5 ans du XII. Plan pour poser les jalons, et les 5 ans du XIII. Plan (2016-20) pour les vrais changements.

Et l’environnement? Y aura-t-il l’introduction de taxes carbone aux villes, aux industries, aux agriculteurs? Aux automobilistes en tout cas, une taxe aux émissions est annoncée.

A toutes ces nouvelles donnes, deux remarques :

[1] effectivement, la société chinoise n’a jamais été si peu harmonieuse, avec toujours plus de police et de censure, pour une stabilité toujours plus incertaine. Les temps sont objectivement murs pour un nouveau cycle—et des concessions sont à attendre de la part des cadres et nouveaux riches.

[2] mais en même temps, on voit depuis mai les grands groupes fonciers reprendre la course aux achats de terres à bâtir, que leur cèdent à prix d’or les municipalités complices : signe de confiance en leur entente, en leur capacité à résister à cette velléité de démocratisation du XII. Plan, qui est pourtant probablement la dernière chance du régime de se maintenir…

 

 

 


Petit Peuple : Liuzhou : les vieux n’ont plus toujours raison

A Liuzhou (Guangxi), à l’âge tendre de 2 ans, Ruijin fut confié aux grands-parents, par ses parents partis travailler dans une plus grande ville. Quoique malingre, l’enfant avait en lui une grande vitalité. Un jour que le vieux lui tendait les poignets, Ruijin s’y appuya et fit une cabriole: ce qui inspira à Zhensheng (c’était le nom du grand-père) une forte émotion, car dans sa jeunesse, il avait raté une carrière sportive, et l’avait toujours regretté. Qu’à cela ne tienne : avec Ruijin, il al-lait rattraper ça. Son petit fils allait connaître la gloire, les médailles, les filles et la télé que lui n’avait pas eus !

Le training débuta. Zhensheng coachait Ruijin au bas de leur HLM, lui faisait faire son petit saut périlleux sous les bravos des voisins. Ils faisaient la fine équipe, avec la chambre du petit tapissée de photos d’athlètes en sueur, et d’espaliers bricolés en tuyaux de fonte. Le seul souci venait le week-end, quand débarquaient les parents. Ceux-ci n’appréciaient pas les sauts de carpe de Ruijin, avec réception sur le menton. Ils craignaient son âge trop jeune, ses fréquents bleus, oedèmes et entorses, causés par l’amateurisme de l’entraîneur. Mais le vieux fou ne voulait rien savoir. « Liuzhou comptait une école de gym », leur répondait-il, filiale de la ligue des Pionniers, qui servait à détecter les futurs champions. C’était l’école de Li Ning, du grand Li Ning qui avait triomphé aux JO de Los Angeles en 1984, amassant 6 médailles, et la gloire sur laquelle il allait bâtir son empire de vêtements de sport. Quand Ruijin aurait 4 ans, le grand-père l’y présenterait et là, ils verraient ce qu’ils verraient. Sur ce, il poursuivait l’entraînement du petit, sourd aux protestations de ses parents.

Vint le grand jour, en août 2009. Au gymnase, Yang l’entraîneur observa le petit. Zhensheng qui lui tendait les poings. Huijin qui enfilait sauts périlleux et sauts de carpe, le grand répertoire de toutes les passes et mimiques. Mais à observer la réaction du maître de gym, le vieillard devina que les choses dérapaient. Yang pouffa, d’abord en se couvrant la bouche par politesse, comme pour cacher une quinte de toux, puis ouvertement sans plus se gêner. Car tout ce qu’il voyait était un macaque alignant les grimaces. Nulle vocation sportive là-dedans. A Zhensheng, il porta un coup en plein coeur par son verdict: les poses stupides en apnée privaient le gosse d’un oxygène crucial à sa croissance. Les gestes ineptes sans échauffement lui meulaient les vertèbres, les articulations. Avec un si piètre entraîneur, il avait de bonne chance de faire la chute cervicale qui le condamnerait à vie au fauteuil roulant… De plus, avec ses biscotos riquiqui et ses jambes ficelles, vraiment, ce petit n’avait rien du bois dont on fait les champions : pour le bien-être du môme, conseil d’ami, laissez tomber !

Pour Zhensheng, le retour à la maison fut une montée au calvaire. Tous ses rêves explosaient. Vert de rage, devant sa femme terrorisée, il démolit l’espalier, arracha les photos décolorées, jeta par la fenêtre le vélo d’appartement. Le plus terrible, furent les plaintes de Ruijin qui ne comprenait rien au drame en cours, et en redemandait.

Puis après des semaines, à mesure que se calmait l’amertume, revint la paix à petites étapes. L’abandon du marche ou crève ouvrait à l’ enfant d’autres plages d’activité: le vieux pouvait lui apprendre les pliages sur papier, les chants et devinettes de son enfance.

S’interrogeant sur les sources de son erreur, il dut convenir qu’il n’avait rien étudié, ni en pédiatrie, ni en pédagogie : il se précipita sur internet pour combler ses lacunes. Un jour, au bulletin météo, il constata que l’enfant retenait les noms des villes : une aptitude qui n’était qu’à lui et à nul autre. Enfin, le vieillard réalisa la faute de perspective des gens de son âge : on n’avait pas plus ni moins raison à 5 ans qu’à 70, le temps n’y faisait rien à l’affaire. Pour son petit loup, mieux valait le laisser trouver seul sa vocation. Zhensheng changea alors de projet, d’un château en Espagne vers du plus raisonnable, et du fantasme vers la vie réelle. En chinois, on dit: « si ton dessin de tigre n’a pas marché, fais-en un de chien » ! (画虎不成 反类犬 Huà chéng fǎn lèi quǎn).

 

 


Rendez-vous : Shanghai, Salon des technologies publicitaires

7-10 juillet, Shanghai, Salon de Shanghai pour les équipements et technologies de publicité

8-10 juillet, Shenzhen, Salon du textile

8-11 juillet, Canton : CBD Salon du bâtiment et de la décoration

10-12 juillet, Wenzhou, Salon de l’optique