Editorial : L’ASEAN entame sa mue

A Hua Hin sur la côte thaïe (23-25/10), le 12e sommet des 10 pays de l’ASEAN + Chine, Corée, Japon et trois autres pays de la région Asie-Pacifique a fait paraître l’Empire du Milieu à son zénith. Non content de se poser en incontestable 1er pays à s’arracher à la crise (cf p.2), le pays poursuivait un marathon du tapis vert entamé en septembre, qui culminera avec l’accueil de B. Obama mi-novembre. Signe de l’importance qu’elle place en l’ASEAN, la Chine s’était faite représenter par le 1er ministre Wen Jiabao en personne et une partie de son cabinet.

 

De plus, comme en un Festival off, elle tenait à Nanning (Guangxi, 20-24) la 6ème foire Chine-ASEAN: 2500 exposants y signèrent 136 projets pour 6,5MM$ d’investissement, 3,8% de plus que la session 2008. A la reprise chinoise, la zone ASEAN emboîtait le pas. La BAD révise ses pronostics de croissance de 3,4 à 3,9% cette année et de 6 à 6,4% l’an prochain. Grâce au commerce avec la Chine, passé en 8 mois de 33% des échanges Chine-UE, à 50% : selon l’image chère à Wen Jiabao, la Chine pouvait apparaître à Hua Hin comme le «bienveillant éléphant» protégeant par sa masse le reste de la faune de l’ouragan…

 

Dans ces conditions, le déficit commercial accru pour les 11 (76MM$ contre 55 en 2008), pouvait passer pour péché véniel. D’autant qu’au 1er janvier entrent en vigueur les traités de libre échange entre ASEAN, Chine et Inde: 90% des échanges seront alors hors taxes. Le Japon, qui espère conclure son propre accord de libre-échange sous deux ans, relançait le rêve du nouveau n°1 Hatoyama, d’une Union Asiatique calquée sur l’Européenne. La Chine le soutient, mais rêve, déjà, d’en devenir le pilier. Voté à Hua Hin, un premier centre communautaire de foires et de services va voir le jour… à Pékin, qui manoeuvre aussi pour que le yuan devienne la monnaie pivot des échanges de ce bloc d’1,9MM d’êtres humains.

 

Aux pays de l’ASEAN, il a déjà présenté 1MM$ pour financer des infrastructures communes (dont la fameuse ligne ferrée et autoroute Singapour- Pékin), acompte sur un chèque global de 15MM$… Dans cette démarche, il est surveillé de près par le Japon et l’Inde, soucieux de ne pas se laisser distancer en influence sur la région. Ainsi Tokyo s’apprête à exiger que Washington soit partie prenante dans la future organisation régionale histoire de contenir la puissance de la Chine, laquelle ne voudra jamais d’une telle présence quasiment à ses frontières. Le reste du Sommet s’est déroulé en rencontres bilatérales, confirmant plus encore la force montante de l’ Empire du Ciel: les rivalités et litiges se retrouvant atténués (mais non effacés) par les bénéfices de la locomotive chinoise.

 

Ainsi l’Australien Kevin Rudd déclare que le cas Rio Tinto (le groupe minier multinational dont 4 cadres sont aux arrêts à Shanghai pour espionnage) est demi oublié : il demeure «intense», mais cesse d’être un obstacle aux rapports. L’Indien Manoman Singh réitère avec son collègue Wen Jiabao la volonté de régler les litiges de l’Arunachal Pradesh (revendiqué par Pékin sous le nom de «Sud Tibet»), des projets de barrages chinois sur des fleuves mitoyens comme le Brahmapoutre, ou l’épineuse question du Dalai Lama.

 

Enfin lors de ces rencontres, les 17 pays surprirent le monde en jetant un regard presque sympathique envers la junte militaire birmane. Ils croient y déceler un désir de réconciliation avec la population et le monde. Ils attendent de voir dans quel climat de tolérance ou au contraire de violences et de fraudes se dérouleront les élections de l’an prochain… méthode Coué et désir d’éradiquer une zone de conflit !

 

 

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