A la loupe : Terres agricoles : la fin des haricots

Face à ses terres arables, la Chine vit une étrange contradiction, dévoilée (24/06) par Lu Xingshe, vice-ministre du Sol: « vu le tableau dans son ensemble, conserver notre ‘ligne rouge‘ de 1,8MM « mu » (120Mha) d’emblavures au-delà de l’horizon 2020, apparaît infaisable», en raison du rythme rapide d’industrialisation et d’urbanisation. «Détourner à ces fins des terres agricoles, est inévitable» : dès 2008, on était à la limite, avec juste un petit 26M de « mu » au-dessus du seuil du danger. Et de cette menace, les implications sont claires : sous cette barre, la récolte de 500Mt/an n’est plus assurée.

Derrière ces chiffres gris, se cache une réalité sociale explosive. Les gouverneurs de province dépendent des ventes de terre pour alimenter leurs budgets—payer les professeurs, policiers, chantiers d’infrastructures… La compensation des expropriations est bien plus basse que le prix de revente des terres, et les cadres ne reçoivent de l’Etat aucune aide : ils n’ont aucun intérêt à sauvegarder la terre ! Aussi, le règlement disant que tout champs perdu devrait être « rendu », par une surface équivalente d’usine ou de quartier désaffecté, reste lettre morte.

Et pourtant, l’intérêt national, quoique d’autre nature, vaut bien le local. En ordonnant en 1999 la reforestation de forêts coupées ras 30 ans en arrière, et celles de prairies asséchées pour en faire de piètres emblavures, Pékin s’assurait pour l’avenir des économies d’eau (supprimant le besoin d’irrigation), et stabilisait des terroirs fragilisés (en cessant les labours et plantant des arbres) : il enrayait la marche des tempêtes de sable, de la sécheresse et de la pollution industrielle, urbaine et agricole à la fois.

Aussi, c’est probablement sans nul plaisir que le vice-ministre annonce des mesures amères, pour retarder le passage inéluctable sous la barre des 120Mha: il n’y aura plus de nouveau plan à grande échelle de reforestation ou de renaissance des prairies humides. Les hauts cadres se voient reconnaître leurs expropriations à grande échelle même illégales (60.000 l’an dernier), quoique fauteuses majeures de troubles sociaux : ils peuvent agir en toute impunité tant que les saisies illégales n’excèdent pas 15% des surfaces saisies… Seule (modeste) mesure encourageante : le téléphone « 12336 » vient d’ouvrir, permet tant aux fermiers de se plaindre.

On peut douter que la mesure suffise. Depuis janvier, 233.000ha de chantiers sur sol confisqué ont été approuvés, 56% du plan. Dans les 215 jours menant au 31/12, il ne reste que 44%. Le plan sera donc dépassé : la situation reste hors contrôle.

 

 

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