A la loupe : Google crée la Grande Muraille musicale de Chine

Depuis 15 ans, Google piétine à la porte du marché chinois de la recherche en ligne, derrière Baidu qui en détient 65%, contre 15% seulement au n°1 mondial. Une raison de son retard, est le fait que le public chinois utilise énormément de musiques, films et logiciels, le plus souvent téléchargés, mais n’est pas disposé à en payer les droits. 84% des 300M d’internautes (170M abonnés, 130M clients surfant dans leur entreprise ou l’internet café) recourent au piratage, dont Baidu est le premier vecteur. D’après l’IFPI, le syndicat mondial des éditeurs musicaux, seul 1% des airs téléchargés en Chine paient les droits. La justice déboute les plaignants: Baidu «ne fait que trouver le lien vers le site pirate, ce qui est légal». Tout ceci lui donnait sur la concurrence un avantage inéquitable mais imbattable. Jusqu’à ce que Google trouve la parade !

Le 30/03, il a lancé (30/03) une offre gratuite, illimitée en Chine, de téléchargements. Il le fait, en JV avec deux groupes de partenaires. En amont les éditeurs (EMI, Warner, Vivendi Universal) qui offrent leurs catalogues (jusqu’à 1,1MM de titres) ; en aval, Top100.cn, diffuseur local. L’accord prévoit le partage des recettes publicitaires : les partenaires prétendent ce marché publicitaire suffisamment mature. Une analyste affirme que Google prévoirait cette année, an Asie Pacifique, des rentrées de 2MM$.

Google ne fait que reprendre à grande échelle un modèle commercial déjà préfiguré depuis des années. Ainsi tel romancier ou tel auteur compositeur, renonçant à produire sur version rigide son disque ou son roman, le met en ligne, après l’avoir fait sponsoriser par une firme, quitte à lui consacrer une chanson, ou la dédicace.

Par rapport à Baidu, l’offre de Google apporte quelques petits « plus ». L’usager n’est plus pirate -conscience tranquille. Sa liste de titres sera bien plus vaste (1,1MM de pièces), et de qualité -plus de risque de virus, ni de piste endommagée.

Mais pour que le concept reste viable, il doit fonctionner en circuit fermé – pour que les airs téléchargés en Chine, ne soient pas revendus en France. C’est pourquoi Google érige aussi vite que possible une « grande muraille » technique et légale pour empêcher ce type de réexportation, mais pour l’heure, le système n’est pas étanche.

Un détail intéressant, est la racine historique de cette passion chinoise pour la gratuité. Elle vient des années ’50-80, du temps où le citoyen urbain recevait de l’Etat l’essentiel de sa vie, à prix gratuit ou presque. Aujourd’hui, ce principe disparaît : la réforme des prix de l’eau, de l’énergie est en cours, de manière à décourager gâchis et pollution. L’idée de gratuité ne subsiste, symboliquement que dans l’audio-visuel où se réfugie la dernière bribe de cet idéal de «gratuité socialiste». Ce qui éclaire les raisons de l’Etat de ne pas y toucher : c’est trop tôt, et rien n’est déjà sur place, pour remplacer ce projet utopique -sinon, la « société du spectacle », le divertissement !

 

 

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