Temps fort : La crise, vue de la rue et par la jeunesse

Dès les premiers signes de la crise, la jeunesse urbaine, Bo-bo a pris ses marques. Avant l’été, ce fer de lance de la consommation, groupe le mieux éduqué et payé, dépensait sans compter (2500¥ par jeune en novembre à Shanghai) et plus qu’il ne gagnait (2192¥ en sept., moyenne nationale). Aujourd’hui, c’est le frein moteur. Sur son site internet qui fait fureur, Wang Hao, Pékinois de 24 ans prétend vivre à 100¥/ semaine, en troquant (au chapitre repas) la pizza pour le «mantou», le taxi pour le vélo. Autres suggestions : ne plus changer d’emploi comme de chemise, ni créer d’affaires, ni acheter une voiture, ni faire d’enfant, ni voyager. De la sorte, tel couple parvient à épargner un salaire entier, 10.000¥, en prévision d’années noires. Étonnante société, capable de virer de bord sans transition du consumérisme le plus futile au malthusianisme le plus obtus, au risque d’enrayer le plan de l’Etat, les 600MM$ jetées dans le pot pour relancer l’économie. Il faut dire que l’an dernier, jusqu’à 70% de leur épargne a grillé en Bourse… Sans surprise, du 1er au 3 janvier, les mille premiers détaillants n’ont réalisé que pour 1,25MM² de ventes, 10,5% de mieux sur 12 mois, contre 30% en 2007—Adieu, années fastes !

Cette attitude névrotique menace même les couples, tentés par le divorce – le plus fortuné refusant d’entretenir celui au chômage. Souvent, l’union se retrouve en sursis, sauvée par le constat que l’appart n’est pas vendable à prix correct—que les conjoints n’ont pas les moyens matériels de leur reprise d’indépendance.

Sentimentalement désagréables, de tels comportements des villes s’expliquent, par leur utilité réaliste, dans une logique de survie face à l’ouragan. Pas pour rien, l’Etat révise aujourd’hui sa définition de la pauvreté : il triple à 42M son chiffre des démunis, à « moins de 1067¥/an ». Chiffre certainement toujours très optimiste, par rapport aux probables centaines de millions aux portes de la faim.

Cette jeunesse sait compter. Pour que l’emploi cesse de reculer, la Chine doit réussir son pari de « sauver les 8 » (8% de croissance). Mais rien n’est moins sûr, avec un taux attendu de 5% au 1er trimestre. Et si le bilan annuel n’atteint que 6 à 7%, le plan anti-récession ne créera que 8M d’emplois neufs, alors que les jeunes diplômés entrant sur le marché, seront 7,6M, en comptant les 12% de chômeurs de l’année précédente : record battu, au pire moment !

Dans ces conditions, quand on est jeune, il faut en rabattre sur ses espérances : certains s’apprêtent à partir pour l’Ouest, Chongqing ou autre, en échange d’un emploi médiocre, mais comportant la compensation d’un remboursement des droits d’inscription en université. D’autres, même aux bons diplômes, s’enrôlent par milliers dans l’armée, ou comme gens de maison à Canton. Et presque tous se disent prêts à travailler pour 1000 à 4000¥/mois (selon diplôme) pour un 1er emploi : prêts à tout, pour le droit à travailler.

 

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
10 de Votes
Ecrire un commentaire