Le Vent de la Chine Numéro 1

du 12 au 18 janvier 2009

Editorial : Une rentrée douce-amère..

Sous la plus lourde récession qu’aient connu nos générations, la crise fait rage à travers toutes les provinces et sphères de Chine -pas de miracle. 670.000 PME ont disparu, privant 6,7M de gens de leur gagne-pain dont 10% à Canton. Zhang Chewei, de la CASS (Académie chinoise des Sciences Sociales), évalue le chômage à 9,4% – double du chiffre officiel- qui sera de 11% quand les millions de migrants retournés au bercail pour le Chunjie des semaines à l’avance, y resteront, leur usine ayant fermé pour de bon.

Blason de Pékin, Lenovo taille 2500 jobs, pour épargner 300M$ -ce n’est qu’on début. 25% des firmes en bourse sont dans le rouge. A Xiamen, la mairie doit se résoudre à laisser mourir Amoisonic, (DVD, portables), sorti de Bourse après 3 ans de pertes. A Shanghai, SAIC (Shanghai Automobile Industry Co) abandonne sa filiale coréenne Ssangyong (n°5) : son rachat (500M$ en 2004) de 51% avait causé la désaffection des Coréens envers ce constructeur, désormais ressenti comme étranger. Quant aux transporteurs aériens, ils pâtissent de la contraction du marché (-11,3% en novembre sur le fret extérieur) et n’attendent plus qu’un nouveau plan de secours de l’Etat : comme l’acier, le lait, l’automobile, l’immobilier…

L’Etat ne peut donc que constater une année «très difficile», forcé de dépenser plus en gagnant moins. Depuis octobre baissent sa recette fiscale et sa montagne de devises, laquelle perd 16MM$, à 1890MM$, après en avoir accumulé 280MM$ dans l’année.

    Même l’étranger tousse: en faillite aux USA, l’équipementier automobile Delphi ferme à Suzhou son usine flambant neuve de compresseurs (100 jobs)…

Le crédit a disparu : « l’argent frais », constate ce sidérurgiste européen, « est chassé dans les contrats par les bons d’Etat, puis les bons industriels, ce qui fait hanter le spectre des dettes triangulaires, le jour  où un des acteurs décide de réclamer son dû ». Signe des temps, on voit (5/01) la Banque populaire de Chine, comme bien d’autres banques centrales, annoncer 234,5MM$ de bons du trésor pour 2009, le double de 2008, afin de soulager les banques de leurs masses de fonds improductifs, et d’orienter une fraction des 100MM$ d’épargne privée vers les grands chantiers du plan national anti-récession.

Cependant, la crise est aussi une chance d’adaptation, de grand nettoyage des firmes non durables.  Seule en Asie à le faire à un tel rythme, la Chine reste un terrain fertile en fusions et acquisitions de firmes, +44% dans l’année, pour 159,6MM$ -achats chinois à l’étranger, et vice versa. C’est ainsi que l’américain Intel, l’auteur des micro processeurs les plus avancés, s’apprête à reprendre une part  «stratégique» de son concurrent low cost SMIC, accélérant ainsi sa pénétration sur ce marché chinois.

 La Chine aussi saisit sa chance (la seconde en 12 ans) pour créer ses réserves pétrolières stratégiques. Quoique ce genre de données soit tenu sous le boisseau, elle aurait fait rentrer, depuis août, 25M de barils, à moins de 50$ le baril. A suivre au prochain numéro.

 

 


A la loupe : Renforcement de la sécurité avant l’orage

Sur un bateau, quand vient l’ouragan, on retend les haubans et resserre les noeuds. C’est ce que fait le parti communiste chinois, de mille manières. Forcément lacunaire, le bref tableau qui suit de toutes les mesures sécuritaires, donne une idée de l’état d’esprit, mentalité d’assiégé. Pékin assiégé tente de se prémunir de 1000 dangers !

Depuis novembre, la dissidente Charte ’08, qui réclame plus de démocratie, a rassemblé 7000 paraphes: déjà 101 des 300 signataires initiaux ont été inquiétés (Zhang Zuhua), emprisonnés (Wen Kejian), assignés à résidence (Liu Xiaobo), ou convoqués pour abjurer (prof. Xu Youyu, de la CASS, l’ académie chinoise des Sciences Sociales). Mais en son édito du 1er janvier, Nanfangzhoumo (Canton) paraphrase la Charte pour la soutenir : « oui, nous défendons sans faiblir ces valeurs humaines de progrès, démocratie, libertés et droits de l’homme ».

Une nouvelle censure de l’internet est annoncée, avec force équipements plus puissants, importés. Ostensiblement, c’est à la pornographie que s’en prend la campagne, commençant à fermer les portails, même les plus grands, s’ils persistent dans leurs « fautes de goût ». Baidu et Google(-China)  s’excusent platement- et invoquent la difficulté de la tâche, face à 300M d’internautes et 50M de blogs.

Divine surprise pour Microsoft, une vieille déviance commence à être réprimée, le piratage de ses produits. 11 hommes sont condamnés de 18 à 80 mois, pour avoir copié et vendu ses produits dans 36 pays en 11 langues, pour un préjudice de 2MM$.

Les cadres peuvent (un peu) moins voyager à l’étranger aux frais du socialisme ou de firmes sollicitant un privilège : de juin à novembre, 4000 cadres ont été retenus. Ils sont tout de même 830.000 à avoir pu sortir, « 19% de moins qu’un an auparavant ».

Contre la mafia, une nouvelle police est annoncée pour suppléer l’autre qui ne fait plus face, n’ayant pu de janvier à mai 2008 arrêter que 350.000, condamné que 20.292 membres des Triades (三合会). Mais Liang Huaren, criminologue voit comme source essentielle de cet envol du crime organisé, la crise de l’emploi et l’injustice sociale.

A l’étranger, la Chine commence à réclamer l’extradition des cadres et patrons véreux, même non nationaux, en fuite avec des fonds dérobés. Comme ces deux cadres chinois « égarés » à Paris, le mois dernier, avec un important fonds de caisse.

Enfin pour moraliser la bourse, les firmes cotées se voient ordonner de signaler dans leurs rapports semestriels leurs actifs à l’étranger. Ceci afin que le client puisse se rendre compte de déboires éventuels, tels les 2,3MM$ grillés par l’assureur Ping An, en rachetant 5% des parts du groupe belge Fortis

 

 


Joint-venture : La saga Wahaha-Danone : la fin proche

Saga Wahaha-Danone : la fin proche

La  guerre entre Danone et Wahaha tourne à l’avantage du groupe chinois. En jeu : 39 fi-liales illégales de Wahaha, produisant du «vrai-faux» yoghourt, jus et thé Danone pour un chiffre de 2,6MM$/an-16% du marché chinois. Jouant sur un vice de procédure, Zong Qinghou, boss de Wahaha a créé ces firmes hors de la JV qui les rendait filiales à 51% du groupe français. S’en sont suivi 30 procès dans sept pays. En novembre 2007, Danone croyait remporter une victoire décisive avec la mise sous tutelle des filiales, confiée par un tribunal des îles Vierges à la maison d’audit KPMG. Mais c’était pour voir 12 mois après, le jugement cassé par une  cour chinoise à Suqian (Jiangsu), tandis que la cour des îles Vierges se déjugeait un mois plus tard (décembre 2008) – Danone fait appel. Enfin, le 5/01, l’institut d’arbitrage de la chambre de commerce de Stockholm entame le plat de résistance, destiné à mettre tout le monde d’accord—verdict attendu d’ici quelques mois.

NB : les rumeurs à l’automne, d’un lâchage de Zong par Pékin ont fait long feu. Les soutiens politiques du financier sont décidément forts -et le ressentiment envers le Président français (qui avait personnellement défendu le dossier) joue contre le n°1 mondial du yoghourt.

 

 


A la loupe : Chongqing, laboratoire d’un test sans auteur

Le 31/12, le Conseil d’Etat adopte un innovant plan expérimental de croissance rurale pour Chongqing, région pauvre aux 33M d’habitants dont 80% de paysans. La région reçoit le mandat d’accélérer le rattrapage, et des outils inédits pour attirer la finance publique et privée (avec privilèges fiscaux) et la technologie. Chongqing doit devenir le hub de l’Ouest, y compris dans les échanges avec l’Asie Centrale, accueillir les complexes industriels mondiaux (textile, mobilier, mécanique) de dernière génération, profitant de l’abondance locale en énergie (barrages) et main d’oeuvre. Des grands travaux sont prévus, dont un port franc sur le Yangtzé, et une ville nouvelle au nord.

Le plan s’est vu octroyer des réformes inédites : la suppression du hukou, document qui enchaînait le paysan à sa glèbe ; la libre utilisation de la terre, et une couverture sociale pour tous, à court terme -on ignore par quel financement. L’objectif en 11 ans, est de combler le fossé de revenu entre ville et village, et par cet immense marché (940M d’âmes), compenser la saturation de ceux du monde riche.

Ce plan traduit un saut conceptuel, une rupture. Depuis 2003, le tandem Hu Jintao – Wen Jiabao s’efforce d’étendre l’accès du paysan à la santé, à l’école, au crédit. Mais ce plan prétend aller plus loin, rendre la campagne concurrentielle à la ville, en plaisir de vie comme en capacité productive. Sans pollution, mais avec internet. Chongqing est le laboratoire à ce plan destiné à être étendu au plus vite au pays -en cas de succès. Cette expérience est lancée au bon moment, en pleine crise (limitant les objections), alors que le pays réclame des solutions nouvelles, sous peine de sombrer dans le chaos. 

Fait insolite : en dépit de (et en fait sans doute, en raison de) son audace, le plan n’apparaît dans la presse que très discrètement, sans détails. Surtout, manque le nom de son auteur, Bo Xilai. Bo avait souffert dans sa carrière, bloqué par Jiang Zemin qui lui reprochait son franc-parler et sa popularité. Tiré de 17 ans d’« exil » au Liaoning par Hu Jintao en 2003, il devenait ministre du Commerce, mais sa promotion en 2007 à la tête du Parti à Chongqing, était à double sens, voie de garage pour les uns, tremplin pour les autres, tandis que la succession de Hu était déjà désignée, partagée entre deux autres hommes bien moins connus. A présent, le lancement anonyme du plan de Chongqing, ne fait rien pour lever l’ambiguïté, sur l’avenir de Bo Xilai.

 

 


Argent : L’internet portable – c’est parti

L’internet-portable – c’est parti

Le 31/12, avec 8 ans de retard, le MII distribue 3 licences du tél. portable 3G, celui de l’internet à haut débit. Risque mais aussi chance : avec déjà 634M d’abonnés au portable sous technologie 2G, la nouvelle génération peut séduire (disent les optimistes) 150M d’usagers d’ici 2010 et valoir 0,5 à 1% de PIB. Pour créer son réseau et ouvrir son échoppe, chaque opérateur devra verser 8 à 10MM², sous 2 ans au plus tard, et d’ici 2011, le marché pourrait investir 240MM$, en équipements et services. Aussi pour amortir aux opérateurs: la filière locale TD-SCDMA à China Mobile, l’européenne WCDMA à Unicom, l’américaine CDMA 2000 à China Telecom. China Mobile a reçu son lot quelques mois à l’avance (merci, JO !), et il est le seul dispensé de licence à l’étranger. Pour autant, sa filière est un cadeau empoisonné : pour le dire tout rond, TD-SCDMA ne marche pas, et n’a qu’une poignée de services associés, contrairement aux deux autres.

Les 1ers vainqueurs seront les équipementiers. Datang, ZTE et Huawei, moins bons qu’Alcatel-Lucent, Siemens, Ericsson ou Nokia, mais qui jouissent de la préférence nationale. Sera-ce rentable?  En tout cas, même avec leurs années d’avance en 3G, les pays riches n’ont pas encore trouvé la poule aux oeufs d’or !

Sanlu, à l’heure des vaches maigres

La date du 31/12/2008, pour le procès à Shijiazhuang du lait à la mélamine, était symbolique : soucieux de sauver une industrie en crise de confiance, et de restaurer sa propre image, l’Etat ne pouvait attendre 2009 pour lancer l’action judiciaire.

Sur les 60 arrêtés, 21 sont au box des accusés, autour du groupe Sanlu, en faillite, qui revendiquait le 2d rang mondial (en volume) du lait maternisé. Tian Wenjia, l’ex- Présidente qui plaide coupable d’avoir «produit, écoulé un produit frelaté», risque la peine de mort -comme Zheng Xiaoyu, ex-patron de l’Agence des médicaments et de l’alimentation exécuté en juillet 2007 pour avoir légalisé de faux antibiotiques. Avec ses co-inculpés, Tian se plaint d’être bouc émissaire, et réclame que les rejoignent, au banc infamant, des hauts fonctionnaires de la province du Hebei et des leaders des autres 21 firmes épinglées dans cette immense fraude. Les avocats préviennent que le procès pourrait durer des mois.

L’Etat a agi pour indemniser les 294.000 victimes. Les 22 firmes ont dû monter un fonds de 1,1MM¥ (161M$) : insuffisant face aux besoins, mais les taxer de plus aurait pu être fatal au secteur. Le Hebei dément la rumeur qui lui prête le versement de la cote part de Sanlu moyennant hypothèque sur son siège. Gestionnaire du fonds, China Life en verse 85% aux familles, à savoir 200.000¥ aux parents des 6 ou 7 enfants décédés, 30.000¥ aux familles devant assumer les frais d’une opération, et 2000¥ aux cas bénins. Le reste doit financer les soins ultérieurs, jusqu’à l’âge de 18 ans.

Quoique se voulant généreuse, l’offre publique passe mal dans les familles. Certaines affirment avoir dépensé bien plus en frais médicaux. D’autres accusent la justice et les forces de l’ordre d’avoir muselé leurs démarches pour porter plainte, pour manifester ou informer la presse. Elles réclament aussi un dialogue plutôt qu’une offre « à prendre ou à laisser ». On remarque ici, que c’est la 1ère fois que l’Etat s’investit dans un dédommagement de ce type. Mais qu’en même temps, les masses concernées réclament autre chose, de l’argent ET de la démocratie : signe de mutation.

Le dernier volet de cette triste affaire, reste inquiétant : en l’absence d’une justice indiscutable, comment, pour le secteur laitier, retrouver la confiance ? Au moment où Mme Tian comparaissait, les 22 laitiers émettaient en millions d’exemplaires un SMS d’excuses. Mais les 70% de consommateurs restés fidèles au lait, se tournent vers celui de Nouvelle Zélande, 25% moins cher, plus fiable… Voici donc un secteur en grand danger, qui ne s’en sortira pas sans d’autres mesures drastiques de l’Etat.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Pol : 2009, quatre anniversaires de feu

2009, quatre anniversaires de feu

Le hasard de l’histoire fait que cette année de feu coïncide avec quatre anniversaires d’événements où la rue s’éleva contre l’ordre établi :

s le 10 mars, le 50 ème  anniversaire du  soulèvement tibétain, suivi de l’exil du Dalai lama.

s le 4 mai marquera le 90ème anniversaire du Mouvement du 4 mai, une rébellion des jeunes en 1919, contre un Etat accusé d’avoir mal dé-fendu la cause nationale au traité de Versailles.

s le 4 juin est le 20ème du Printemps de Pékin.

s le 1er octobre marque le 60ème  de la fondation de la République populaire de Chine.

 

Ces dates sont pour la société autant d’étapes de réflexion et de bilan du régime -mais au risque de dérapages, dans cette atmosphère de tension. Pékin se prépare (cf autre article du Vent °01), par un programme d’embellissement et de sécurité de la capitale, qui voudra rivaliser en fastes avec les JO 2008, en décoration florale des artères et de Tian An Men, assorti d’un défilé militaire «austère et digne» (sic). Les mesures de sécurité aussi, seront dignes de celles des Jeux, incluant la multiplication des permis d’accès aux résidences et aux lieux de travail. Un plan signé Meng Jianzhu,  le ministre de la sécurité publique.

 

Taiwan-Chine : l’intégration remplace la réunification

Durant les 10 ans de règne du parti autonomiste DPP sur Taiwan, le rival nationaliste Kuo Min Tang attendait son heure pour relancer le dialogue avec la Chine. Depuis sa reprise du pouvoir en mai 2008, quand Ma Ying-jeou a endossé l’écharpe de Président de la République, les contacts avec Pékin ont repris à étapes forcées. Rétablis le 15/12, 432 vols passagers par mois (et 60 vols cargo), relient des dizaines d’aéroports des deux rivages, 20 navires/jour de même, entre 63 ports chinois et 11 de l’île.

De plus, des négociations sont en cours en tous domaines pour une intégration économique totale, qui ne peut se comparer qu’avec celle de l’Union Européenne : manière de retarder, mais aussi de rendre futile la question qui divise, celle de la réunification.

Côté financier, les deux rivages vont mettre en place un mécanisme de supervision de sept banques taiwanaises dont First Commercial et Hua Nan, ce qui leur permet de convertir leurs bureaux en Chine en agences, et de prêter à leurs clients insulaires installés en Chine. Besoin urgent, car ces 150MM$ d’investissements risquent la paralysie ou pire, faute de crédits pour financer leurs opérations. Pour leurs besoins immédiats, trois banques publiques chinoises (ICBC, BdC et CDB) ont débloqué 19MM$.

Dans d’autres domaines, entre autres projets, figurent l’ouverture réciproque des marchés du génie civil, et l’offre d’achat par Pékin d’écrans LCD taiwanais pour 2MM$. Les avocats recevront la licence de l’autre bord, sans que l’on sache s’ils pourront plaider ou simplement conseiller. L’ouverture profitera aussi aux groupes d’énergie, d’électronique, de pharmacie.

On parle aussi -au malaise manifeste de Washington, et d’intérêts américains- de coopération politique. Hu Jintao envisage -tournant bouleversant- de laisser Taibei siéger à l’OMS, «à condition que la démarche exclue toute notion d’indépendance». Il  tend la main au DPP, lui murmurant que toute reddition de sa part, sera récompensée, et va jusqu’à proposer d’«explorer la possibilité d’un mécanisme de confiance sécuritaire et militaire mutuelle » – prélude au démantèlement des 1400 missiles balistiques pointés sur Taiwan. Échange de bons procédés, en face, Ma Ying-jeou offre de lever l’interdiction aux fonctionnaires de rencontrer leurs homologues communistes. Battant le fer tant qu’il est chaud, les deux régimes conviennent de se rencontrer à niveau ministériel tous les six mois… Tous ces projets qui fourmillent en sont  aux balbutiements. On en saura plus avant l’été, lors de la signature d’une « déclaration d’intention ». Une chose en tout cas est sure : avec Ma au pouvoir, rien ne sera plus comme avant.

NB : Triste symbole d’échec d’un rêve : pendant ce temps, son prédécesseur DPP Chen Shui-bian, convaincu de corruption, va passer les fêtes du Chunjie en prison !

Le retour de la grippe aviaire

Alerte rouge à Pékin, après le décès d’une jeune fille le 5/01-cas confirmé de grippe aviaire. Aussitôt, un cordon routier et ferroviaire fut imposé à toute volaille de la province, vers la capitale. Détail rassurant toutefois : seule la morte avait manipulé les bêtes vivantes, et aucun des 12 convives ayant consommé avec elle n’a été atteint : prouvant que le virus H5N1 n’est -toujours- pas transmissible par l’homme.

Ayant causé 391 infections humaines dont 2/3 fatales, le H5N1 n’est maîtrisé ni en Chine, ni ailleurs. En décembre, deux épizooties violentes dans le Jiangsu ont nécessité l’abattage de 370.000 volailles.

Entre la vaccination et les destructions sélectives, la Chine a constitué depuis 2003 un bouclier solide. Mais pas assez, déplore l’OIE, l’Office International des épizooties, l’organe mondial vétérinaire sis à Paris. B. Vallat son directeur estime que Pékin ne dédommage pas bien les éleveurs, qui préfèrent cacher tout mal suspect dans leur basse-cour, rendant vain tout espoir d’éradication du fléau. L’OIE craint aussi l’effet de la crise, qui inciterait les pays à relâcher la garde sur la grippe aviaire, en coupant dans leurs budgets de lutte.

 

 

 

 


Temps fort : La crise, vue de la rue et par la jeunesse

Dès les premiers signes de la crise, la jeunesse urbaine, Bo-bo a pris ses marques. Avant l’été, ce fer de lance de la consommation, groupe le mieux éduqué et payé, dépensait sans compter (2500¥ par jeune en novembre à Shanghai) et plus qu’il ne gagnait (2192¥ en sept., moyenne nationale). Aujourd’hui, c’est le frein moteur. Sur son site internet qui fait fureur, Wang Hao, Pékinois de 24 ans prétend vivre à 100¥/ semaine, en troquant (au chapitre repas) la pizza pour le «mantou», le taxi pour le vélo. Autres suggestions : ne plus changer d’emploi comme de chemise, ni créer d’affaires, ni acheter une voiture, ni faire d’enfant, ni voyager. De la sorte, tel couple parvient à épargner un salaire entier, 10.000¥, en prévision d’années noires. Étonnante société, capable de virer de bord sans transition du consumérisme le plus futile au malthusianisme le plus obtus, au risque d’enrayer le plan de l’Etat, les 600MM$ jetées dans le pot pour relancer l’économie. Il faut dire que l’an dernier, jusqu’à 70% de leur épargne a grillé en Bourse… Sans surprise, du 1er au 3 janvier, les mille premiers détaillants n’ont réalisé que pour 1,25MM² de ventes, 10,5% de mieux sur 12 mois, contre 30% en 2007—Adieu, années fastes !

Cette attitude névrotique menace même les couples, tentés par le divorce – le plus fortuné refusant d’entretenir celui au chômage. Souvent, l’union se retrouve en sursis, sauvée par le constat que l’appart n’est pas vendable à prix correct—que les conjoints n’ont pas les moyens matériels de leur reprise d’indépendance.

Sentimentalement désagréables, de tels comportements des villes s’expliquent, par leur utilité réaliste, dans une logique de survie face à l’ouragan. Pas pour rien, l’Etat révise aujourd’hui sa définition de la pauvreté : il triple à 42M son chiffre des démunis, à « moins de 1067¥/an ». Chiffre certainement toujours très optimiste, par rapport aux probables centaines de millions aux portes de la faim.

Cette jeunesse sait compter. Pour que l’emploi cesse de reculer, la Chine doit réussir son pari de « sauver les 8 » (8% de croissance). Mais rien n’est moins sûr, avec un taux attendu de 5% au 1er trimestre. Et si le bilan annuel n’atteint que 6 à 7%, le plan anti-récession ne créera que 8M d’emplois neufs, alors que les jeunes diplômés entrant sur le marché, seront 7,6M, en comptant les 12% de chômeurs de l’année précédente : record battu, au pire moment !

Dans ces conditions, quand on est jeune, il faut en rabattre sur ses espérances : certains s’apprêtent à partir pour l’Ouest, Chongqing ou autre, en échange d’un emploi médiocre, mais comportant la compensation d’un remboursement des droits d’inscription en université. D’autres, même aux bons diplômes, s’enrôlent par milliers dans l’armée, ou comme gens de maison à Canton. Et presque tous se disent prêts à travailler pour 1000 à 4000¥/mois (selon diplôme) pour un 1er emploi : prêts à tout, pour le droit à travailler.

 


Petit Peuple : Chongqing, le richard aux 10.000 balles!

A Chongqing, Qiu Guoqing,  est une célébrité controversée, escroc aux yeux des uns, saint ou philanthrope, pour les autres. C’est que la plupart de ses 93 ans, il les a passés à gagner et à donner, les seules passions de sa vie. Au reste, célibataire invétéré, il vit de rien, en garni, après avoir offert 130.000 ² depuis 1990.

Pour oser sa 1ère  donation, Qiu a attendu 75 ans:10.000¥, en contribution aux Jeux Asiatiques. Enorme pour l’époque (1990), la somme fit tourner vers lui les feux de la rampe, y compris ceux des impôts : il était entré au 万元户wan yuan hu, club des « richards de 10.000 balles ». Qiu enchaîna par un chèque au projet «Hope» d’aide à l’enfance malheureuse, puis un autre aux victimes des crues de 1991. Son record, 100.000¥, il l’allongea à l’école de Qixian son village. Son dernier versement, il l’a bien sûr porté aux sinistrés du séisme sichuanais de mai dernier.   

Qiu n’est pourtant pas né une cuillère en argent dans la bouche. Orphelin- élevé par sa grand-mère dans la gêne, il dut se faire seul, ferrailleur à 10 ans, patron d’une quincaillerie, puis d’un mont de piété aussi lucratif que clandestin. A l’âge où d’autres pensent à la gaudriole, il investissait avec des partenaires dans un «Hôtel de Chine», puis dans un parc immobilier diversifié.

Jusqu’ aux années ’70, époque terrible où il pratiqua sa charité sous le manteau, comme un vice dont on est accroc, mais que l’on cache. En pleine Révolution culturelle et juste après, la fortune privée restait intolérable, sauf s’il restait caché, sous le « bonnet rouge» de structures prétendument publiques. En ces temps là, il se limitait à offrir un sac de riz aux voisins incapables de joindre les deux bouts, à prêter un fourgon un jour ou deux à un entrepreneur débutant, ou donné ni vu ni connu, un petit banquet aux proches d’un jeune qui se mariait…

Bientôt pourtant, Guoqing ressentant toujours plus l’urgence du mécénat, ne se satisfit plus de sa charité au petit pied. A 69 ans, il bazarda ses logis, les convertit en obligations, qui l’enrichissaient plus vite, tout en lui donnant accès à du cash pour ses oeuvres. 

On voudrait peut-être savoir quel moment de sa vie déclancha cette vocation? Elle eut lieu très tôt. A huit ans, alors que la faim l’assiégeait en permanence, ventre creux, visage diaphane et les jambes plus fines que ses baguettes, il était tombé d’inanition, en l’absence de sa grand-mère.

A son réveil, il avait eu la géniale surprise d’un bol de riz chaud, qu’une voisine compatissante devait de porter à son chevet : il s’était alors juré de consacrer sa vie à soulager à son tour la faim des autres : à 慷慨解囊 kāng kǎi jiě náng,  «desserrer pour les plus démunis les cordons de sa bourse».

Mais on l’a deviné: depuis longtemps déjà, ses ambitions de largesse dépassent ses moyens : voici 13 ans que pour assumer ses besoins à lui, il doit faire les ménages et re-venir occasionnellement, au métier de son enfance, chiffonnier. Ces derniers temps, il épargne comme un rapiat pour réaliser son grand-oeuvre, une fondation, pour poursuivre la tâche au-delà de la mort.

Qiu ne fait rien de tout cela pour l’honneur : l’idée de la notoriété ne l’effleure même pas. Le désir d’une fondation est plus lié aux échecs rencontrés durant sa vie de mécénat. Le flou des oeuvres de l’Etat, dans les rapports qu’elles lui ont faites de l’usage de ses dons. Les gaspillages, détournements peut-être. En bon « pro », avec l’âge, il réalise que même pour faire le bien, on est jamais si bien servi que par soi-même : la gestion directe, est la plus sage !

 

 


Rendez-vous : Pékin, Forum des entreprises ‘Travailler ensemble’

13-16 janvier, Pékin : Salon de la fourrure et du cuir

15 janvier, Shanghai : China Luxury Mart

16 janvier, Pékin : Forum « Travailler ensemble » renforcer les liens d’affaires entre grandes et petites entreprises françaises implantées en Chine