Temps fort : Sanlu, la boîte de lait—Pandore

Le scandale de Sanlu (cf VdlC 30) prend de l’ampleur, à mesure que rentrent les rapports des 5000 inspecteurs lancés par l’AQSIQ (l’organe de contrôle de l’hygiène alimentaire) auprès des 1500 usines laitières et centres de collecte en Chine. C’est une crise sans précédent que vit cette filière émergée si vite, aux usines flambant neuves, ayant vendu pour 19MM$ l’an dernier. Sanlu et ses collecteurs mélangeaient à leur lait de la mélamine (succédané de protéine alimentaire, cause de calculs rénaux) : 59 cas étaient alors dénombrés, dont deux mortels.

Mais ce n’était que la face émergée de l’iceberg : aujourd’hui, les petites victimes sont plus de 6200, dont 158 cas graves et 4 morts. Et les traces du poison se retrouvent dans les glaces, les yoghourts de 20% des firmes (22 sur 109), jusqu’aux plus célèbres tels Yili (le n°2, Mongolie intérieure), Mengniu le n°1 national (2,1MM² de chiffre, le fromager local de KFC et Pizza Hut), Suncare de Qingdao, Bright de Shanghai, Yashili de Canton, qui exporte vers l’Asie pauvre (Birmanie, Yémen, Bengladesh). Tout le monde est là —sauf les étrangers, tel Nestlé qui, pour l’instant, apparaît indemne. Et donc (sous réserve d’inventaire), encore fiable—contrairement à l’administration chinoise, surprise d’avoir fermé les yeux sur une pratique indéfendable! Au moins, celle-ci a réagi avec célérité, décrétant l’affaire comme crise nationale. Déjà, elle promet «pour 2009», la refonte des contrôles toxicologiques et de la traçabilité. Elle offre les consultations gratuites aux parents des victimes, et les 1ères sanctions tombent, avec 19 arrestations, 4 limogeages, dont un vice maire de Shijiazhuang -capitale du Hebei, siège de Sanlu.

Au fait : comment Sanlu a pu attendre le 2/09 pour rappeler ses produits, quand les 1ères plaintes dataient de mars? Sa «chance» (à présent son cauchemar), aura été l’ordre d’étouffer toute nouvelle pouvant faire ombrage aux JO. Il aura fallu la dénonciation par le groupe néo-zélandais Fonterra, son actionnaire à 43% (n°1 mondial) pour forcer Pékin à réagir. Comme causes  structurelles de la fraude,   

[1] La pénurie mondiale depuis 2007, cyclique, en lait comme en tout produit agri-cole, a coincé l’industriel entre une ressource limitée et une demande insatisfaite.

[2] Réintroduit depuis ce printemps, le contrôle des prix a coincé l’industriel entre des frais qui s’envolaient, et un tarif étiquette stagnant.

De cette affaire, le pouvoir devra tirer des leçons. Pour sortir la Chine de sa pénurie laitière, il faudra développer la Mongolie, terre promise du lait asiatique. Pour apprendre aux laitiers à respecter la loi, il faudra former des générations d’inspecteurs de niveau mondial. Et placer le haut cadre communiste sous le coup de la loi – rendre son indépendance à la justice : mesure qu’aucun Politbureau n’a osé prendre. Mais après avoir tout essayé sans succès, les options se resserrent…

 

 

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