Costa Rica et risque d’effet domino
Pékin vient de convaincre le Costa Rica de changer de Chine (6/06). A quelles conditions ? 130M$ en cash, et 300M$ en bons du Trésor, s’empresse d’affirmer Taipei, déplorant sa « diplomatie du chéquier » qu’elle-même venait de pratiquer avec succès auprès de Sainte Lucie, le 01/05 (VdlC 18). La taille de ce pays d’Amérique centrale (4,2M d’habitants) est moins importante que son poids symbolique : ce sont 60 ans d’amitié sur fonds d’alliance anti-communiste qui explosent.
Oscar Arias, le Président costaricien, ne nie pas ces tractations, mais pose la question de fond : la nécessité de prendre part au flux d’affaires liés à la Chine, « réalité qui ne peut plus être ignorée », « devoir de reconnaître 1/5ème de l’humanité devenu économiquement incontournable ».
Après ce nouveau succès diplomatique pour Pékin, il faut désormais envisager à terme, un effet domino de toutes les républiques soutenant Taiwan. Depuis 2000, Taiwan a perdu 8 représentations, et nul doute que ce centraméricain (Nicaragua, Panama, Guatemala, Salvador et Honduras) va voir s’aiguiser la tentation. Au compteur, il reste encore 24 pays qui votent Taipei – 170 pour Pékin.
Une loi de plus à l’arsenal anti-terroriste, avant JO
Après avoir disparu de la scène chinoise, le terrorisme y a refait surface depuis 10 ans, venu d’Asie centrale où le séparatisme ouighour trouve des soutiens dans les milieux intégristes.
L’ETIM, groupuscule armé en exil, est accusé par Pékin de 200 attentats au Xinjiang et en dehors. Face à ce risque, la Chine se montre hyperactive. Trois mois après les attentats du 11/09/01 à New-York, elle ajoutait 10 cas de crimes terroristes au droit pénal. En octobre dernier, elle adoptait une loi du blanchiment d’ argent, encadrant un réseau de veille sur les transferts suspects. Et depuis mai 2005, les juristes officiels font état d’une nouvelle loi anti-terroriste, projet qui ressort cette semaine.
Zhao Bingzhi, un des auteurs, évoque le besoin d’intégrer à la législation existante, les dispositions des conventions internationales ratifiées ou en cours de ratification. Ce texte devrait être adopté par le bureau du Parlement (ANP) et entrer en vigueur en 2008 : à temps pour être utilisé à l’approche des Jeux Olympiques. Cela permettra une coordination maximale avec l’étranger, face à la dissidence de l’exil, aux protestations étrangères dont la Chine ne connaît pas encore la force ni la parade. Au moment des Jeux, Pékin attend 20M de visiteurs chinois et 550 000 étrangers. En équipement, recrutement et conseil, la sécurité des Jeux était évaluée à 300M$, y-compris la formation de 90.000 policiers, à travers toutes sortes d’exercices d’envergure en Chine…
NB : en octobre, 100 soldats d’élite indiens viendront à Pékin partager leur savoir-faire lors d’exercices conjoints anti-terroristes.
La fin de la « clique de Shanghai »
Vice-1er du Comité Permanent, au 6ème rang de la nomenklatura, Huang Ju, 68 ans, est décédé le 02/06 à Pékin des suites d’un cancer du pancréas.
Il était l’ancien roi de Shanghai, placé par Jiang Zemin, et un des chefs de la « clique de Shanghai » qui dirigea tout le pays durant le règne de l’ex-Président. Natif du Zhejiang, cet ingénieur électricien de formation débuta sa carrière, administrateur aux grandes entreprises d’Etat de Shanghai. Au PCC dès 1980, il poursuivit à la mairie. La chute de Zhao Ziyang en 1989, le choix de Jiang pour lui succéder, furent sa chance : il était maire en 1991 (après Zhu Rongji), et Secrétaire du Parti dès 1994, avant de passer en 2002 au sommet à Pékin. En 2003, année d’arrivée aux affaires de Hu Jintao, il est vice-1er, soi disant aux finances et à l’économie, mais déjà « sur la touche»: il tente, de sauvegarder l’influence de Jiang contre Hu. En mars 2007, ultime apparition, il exhorte les édiles du Parlement (ANP) en session, à se mobiliser contre la corruption. Chant du cygne, alors que Chen Liangyu, son fidèle successeur à Shanghai est en prison pour l’affaire des fonds de pension.
Malgré sa réputation de cadre compétent et de réformateur modéré, Huang Ju n’était pas populaire. Ses funérailles marquent bien le style de Hu Jintao : sans faste, avec dignité, elles permirent une improbable photo de famille avec Jiang Zemin et Hu Jintao, qui honorait ainsi l’adversaire terrassé.
Nb : Après sa mort, il ne reste qu’un seul lieutenant de Jiang aux affaires: Jia Qinglin, mais si isolé que son départ après le XVII. Congrès semble tracé.
Merveille de Chine sous les algues
Jardin d’Eden, 3ème plus grand écosystème lacustre de Chine (2 250 km² en surface), dont les poètes antiques chantent les fruits (nèfles, pêches et prunes), et le célèbre « crabe chevelu », le lac Taihu vient de connaître fin mai une prolifération d’algues bleuâtres aux remugles nauséabonds, privant d’eau potable 2M d’habitants de Wuxi (Jiangsu).
Les autorités locales ont d’abord accusé les fortes chaleurs, et une sécheresse plus vue depuis un demi-siècle. Mais pour la SEPA – la State Environmental Protection-administration – (05/06), cela n’explique pas tout : le mécanisme bloquant à la surface la photosynthèse est lié à une teneur excessive en phosphate et nitrate, résultat des engrais des cultures locales, des eaux usées de la ville, des effluents d’industriels sans scrupule. En 10 ans jusqu’en 2006, la teneur en azote du lac a doublé, dit la SEPA, avec la complicité des autorités locales. Aussi quelques mesures furent prises d’urgence : un renfort de 50% du débit du Yangtzé, l’épandage de permanganate, et un feu rouge immédiat aux 2000 usines chimiques de Yixing, ville-canton riverain.
Résultat : le 6/06, face aux limiers verts pékinois, le lac avait repris un semblant de normalité, en attendant des inspections et fermetures définitives. De quoi donner raison à Wu Lihong, écologiste qui milite depuis 1991 pour le lac Taihu. Suite à son travail, il était devenu un des 10 défenseurs de la nature les plus connus du pays. Mais, attiré dans un piège par les satrapes locaux, il est depuis avril en prison, accusé de chantage !
Nb : c’est le moment que l’Anhui choisit pour annoncer que son lac Chaohu, 5ème de Chine, souffre des mêmes algues bleues. Les chaleurs actuelles servant de révélateur d’une pollution, qui semble quasi nationale.
Sommaire N° 22