Le Vent de la Chine Numéro 22

du 10 au 16 juin 2007

Editorial : L’écologie chinoise, en panne, jette le voile

Le 4/06, à 48h du sommet G8 de Heiligendamm, le ministre Ma Kai dévoila le 1er plan national contre le réchauffement global. Il rejetait tout objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), qui est la règle du jeu des pays signataires du protocole de Kyoto. Par fermeture de petites mines et d’usines, par économies d’énergie et développement des énergies renouvelables, Pékin espérait pour 2010, une coupe de 950Mt des rejets, 15% des émissions de 2004 (5,6MMt).

Problème: en 2005, la Chine a promis une coupe de 4% de ses besoins d’énergie et n’a atteint que -1,33%. Et même si elle tenait sa parole, son « plan national » vise beaucoup moins loin que celui visé par les nations de «Kyoto-II», à savoir d’ici 2050, contenir la hausse des rejets à +50% (par rapport à ’90), et le réchauffement à 2°C. La Chine justifie sa « traîne » par le «droit à la croissance», et la «responsabilité des riches», c’est-à-dire le refus des Etats-Unis de participer à l’effort commun.

Or de manière frappante, le 31/05, le Président George W. Bush proposait que «15 pays, gros pollueurs négocient entre eux» des quotas de réduction. Ces démarches chinoise et américaine, étaient identiques en esprit, rejetant l’effort collectif de Kyoto, qu’ils prétendaient troquer pour une action individualiste moins dérangeante. Symboliquement, avant de s’envoler pour l’Allemagne, Hu Jintao lançait une campagne pour resserrer les liens avec Washington: une de ses raisons, étant ce «partage du monde écologique », entre puissances conservatrices décidées à gagner quelques années sans rien changer.

Et pourtant, à Heiligendamm, G. Bush et Hu Jintao se sont trouvés en position délicate face à des européens et japonais bardés de rapports scientifiques accablants, qui les sommèrent de prendre leurs responsabilités, et une combative Angela Merkel, Présidente du G8. Et à l’issue, la moins mauvaise décision émergea : le G8, y-compris les Etats-Unis, promirent sous deux ans des coupes contraignantes, «substantielles», de GES. C’est un pas en avant certain : désormais, Pékin est seule dans son refus de participer à l’effort mondial !

Sur le fond, pourquoi Pékin s’enferre-t-il dans ce refus qui va l’isoler diplomatiquement, tout en privant ses industries d’une chance de guérir leur grande faiblesse face à l’extérieur, leur gâchis des ressources?

Il se trouve que selon plusieurs sources concordantes, le pouvoir vit une crise sans précédent. Wen Jiabao le 1er ministre s’angoisse de l’injustice, des privilèges des cadres «risquant de mener au désastre».Corruption et individualisme règnent sur les 71M de membres du Parti. Hu Jintao tente en vain de les combattre en multipliant les campagnes indigestes – la dernière intitulée « l’éducation aux trois consciences »…  Tout en rejetant tout appel à la démocratisation, suggéré par les anciens du Parti !

Ce syndrome explique au moins en partie l’absence d’initiative chinoise dans les affaires du monde : incapable de se faire obéir, Hu ne peut prendre d’engagements extérieurs, faute d’être sûr de pouvoir les remplir. D’autant moins qu’avant le XVII. Congrès, il doit réunir un consensus autour de lui et donc, ne pas heurter. Voici donc un prix que la Chine commence à payer, pour ses 20 ans d’impasse sur toute réforme politique: sa faible capacité d’engagement global !

 

 


A la loupe : 4 juin — la routine, ou presque

La presse du 4/06 titrait sur la bourse, le plan anti-réchauffement, un séisme au Yunnan… De tout, sauf de l’anniversaire des événements de Tian An Men, en 1989.

Sur la place TAM, le quadrillage était intense. Toute cette journée « chaude », la police arrêta 200 manifestants…

A leurs collègues du Sichuan, il ne fallut que 24 heures pour identifier un dissident anonyme, qui avait réussi à insérer au Chengdu Evening News (200.000 ex.), un encart d’hommage aux mères des victimes de TAM.

A Hong Kong, l’enclave autonome, lancée par le parti démocrate, la nuit du souvenir au Parc Victoria rassembla 55.000 veilleurs, bougies allumées, réclamant l’impossible révision du jugement officiel sur la nature « contre-révolutionnaire » du Printemps de Pékin—le régime vient une nouvelle fois de s’y refuser.

L’aspect nouveau, c’est sans doute le déplacement thématique et géographique de la contestation. A Bobai (Guangxi), suite aux émeutes des semaines passées contre le planning familial (cf VdlC 20), 12 personnes furent arrêtées ce même jour. A Xiamen, après deux jours de marche de 7.000 citadins opposés à l’implantation d’un complexe pétrochimique géant (cf VdlC 21), Liu Cigui, le maire, annonça ce même jour des sanctions contre les leaders -déjà arrêtés. Mais la situation reste indécise : le même Liu admettant que le chantier pourrait être abandonné…

Trois jours plus tard, le 7/06 à Zhengzhou, 1000 étudiants de diverses universités manifestèrent, brûlèrent des voitures. La chaleur inhabituelle et la tension des examens proches, pouvant avoir contribué à la tension. L’incident avait démarré suite à la correction infligée à une étudiante par des vigiles dans la rue.

Cette réaction était une bien mauvaise illustration de la directive, le 4/06, du gouvernement cantonais à ses cadres : de traiter en douceur les manifestations. Wang Guangsheng, chef de la police provinciale, conseillait de «prendre exemple sur le Guangdong, le Zhejiang et le Sichuan » (sic), pour leur gestion douce d’émeutes récentes, et les bons résultats obtenus. Une mansuétude acquise par l’expérience, et aussi du aux JO qui se rapprochent : maintenir l’ordre sans bavures, question d’image…

Enfin, événement dont la portée est encore impossible à évaluer, le 4/06 à Rhodes Island, 60 exilés, menés par Xu Wenli, tenaient les 1ères assises d’un (autre) Parti Démocrate, prétendant jeter les bases d’une « 3ème république »… La réunion étant « félicitée », par télégramme, par Nancy Pelosi, Présidente du Congrès.

Tous ces événements autour d’une « journée sans histoire », étant là pour marquer que malgré 18 ans d’efforts, l’oubli n’est pas intervenu, ni la sérénité revenue, entre Etat et citoyens.


Joint-venture : Contre Wahaha, Danone gagne une bataille

Contre Wahaha, Danone gagne une bataille

Rebondissements dans le litige entre Danone et Wahaha Gp, sa filiale de distribution à 51%, dirigée par Zong Qinghou (VdlC 15).

Accusant Zong Qinghou d’écouler frauduleusement des produits clonés des siens, Danone lui donnait le 11/04 un mois pour parvenir à un accord—il lui offrait 387M² pour 51% des filiales grises. Zong répliquait sur internet, multipliant les accusations cocardières. Puis le 9/05, comme promis, Danone saisissait le tribunal d’arbitrage à Stockholm (09/05).

Tout en poursuivant une enquête privée pour démêler l’écheveau, le 04/06, il pouvait lancer une nouvelle plainte, devant une cour de Los Angeles, contre Ever Maple Trading, domiciliée aux USA (cise aux Iles Vierges) et Hangzhou Hongsheng Beverage (filiale EMT, maison-mère de Wahaha Food and Beverage Sales). Deux parents de Zong étaient aussi poursuivis, dont Kelly Fuli Zong, sa fille. Cette plainte vise à obtenir des juges fédéraux le blocage de 25M² /mois de revenus pirates. Puis le 7/06, Zong démissionne avec fracas de son poste de Président de la JV de boissons, remplacé par Emmanuel Faber, actuel vice-Président.

Selon les experts, Danone gagne une bataille, pas la guerre. Il risque une désaffection de l’opinion locale- Zong tente de l’inciter-, et en bourse mondiale. Zong, qui reste à la tête de son Wahaha-Group, semble compter, pour envaser les procès, sur la « jungle » inextricable du réseau de vente dont il a toujours tenu Danone à l’écart. Sur le fond, le monde des affaires chinois et étranger attend l’épilogue, et pour commencer, la position du Ministère du Commerce, aujourd’hui cantonné dans un silence de Sphinx : comment prendra-t-il cet appel à une justice autre que chinoise ?

Tous pour un , et une mine pour tous

En quête de minerai, les quatre plus gros sidérurgistes chinois s’associent sur le sol cambodgien. Wuhan, Baosteel, Anshan et Shougang fondent entre eux une JV d’exploration et d’exploitation des mines de fer du Preah Vihear (nord du pays), province créditée de 2,5MM de tonnes de dépôts, et d’une réserve déjà localisée, de 200Mt. Le chef de file est Wuhan, avec 50% de la société, suivi de Baosteel (20%), les deux autres se partageant les 30% restants. Comme toutes leurs grandes consoeurs mondiales, les aciéries chinoises depuis cinq ans, multiplient les prises d’intérêts hors frontières, recyclant ainsi les profits de leurs exports massifs. Elles contrôlent de la sorte, déjà 580Mt de réserves extérieures : en Australie (Baosteel, Wuhan, Anshan), au Brésil (Baosteel) et au Pérou (Shougang). Sans parvenir toutefois à s’affranchir de la dépendance aux fournisseurs mondiaux dominant le marché, Vale do Rio Doce (Brésil) et BHP Billiton (Australie) et Rio Tinto, vu sa production et ses besoins. La Chine a importé 325Mt de fer en 2006 (près de 50% de la demande globale) et sa fonte d’acier est montée à 423Mt (+19,5%), 35% de la production mondiale. Logiquement, le cours du minerai est monté, pour la 4ème année consécutive, de 9,5% depuis le 1er janvier 2007, après 19% en 2006, 71,5% en 2005.

 

 


A la loupe : Gaokao — petit ascenseur pour le paradis

Les 7-8/06, 10M de lycéens chinois subirent l’épreuve du feu, but d’années de marche-ou-crève scolaire : le gaokao, concours d’entrée à l’université.

La promo 2007 leur offrait 5,7M de places, chiffre qui révèle l’immense effort du régime : en 2000, ils étaient 4M pour 1,4M de places ! Issu du système mandarinal inventé (le 1er dans l’histoire) avant JC, le Gaokao avait été aboli en 1966 par Mao, en même temps que tout système scolaire, puis rétabli par Deng Xiaoping 11 ans plus tard. C’était il y a 30 ans pile. Il a depuis lors ouvert à 36M de bacheliers les portes de la faculté !

C’est donc pour cette jeunesse, le moment crucial, qui décide de leur vie : aux gagnants (et à leur famille!), les chances de promotion sociale ; aux autres, les places en usine ou en magasin… Aussi depuis des semaines, un luxe de précautions a été pris pour assurer aux candidats les meilleures chances.

Des A-yi tantes») ont été recrutées comme cuisinières, avec menus allégés et toniques. Les pharmacies ont été dévalisées de stimulants ou remèdes douteux tel le Ritalin (méta-amphétamine, contre l’hyperactivité). Les chambres d’hôtel proches du centre et les taxis ont été retenus. Puis les rues adjacentes ont été barrées par les parents : le silence est d’or, la Chine marche sur la pointe des pieds, brûle l’encens dans les églises, puis dans les temples…

Le Gaokao compte deux versions, « S » et « L ». Canton cette année teste une variante, en introduisant une « épreuve de base » et plusieurs options. Il s’agit d’une épreuve à points, garantissant un maximum d’équité. Mais avec un tel enjeu, et la chute malgré tout sensible des valeurs morales, la fraude gagne, aidée par les progrès de la microélectronique. Les tricheurs détectés étaient 1300 en 2005, 3000 en 2006 ! Aussi le Ministère, après avoir introduit dès 2004 la promesse écrite d’honnêteté, menace les joueurs invétérés d’un genre de casier judiciaire qui les suivra toute leur vie, consultable par les employeurs potentiels… 

Ces dernières années, donc, les chances d’admission ont fort monté. Au Gaokao, on reproche un manque d’équité, du fait des quotas instaurés par chaque université pour sa ville, et telle ou telle province. Même handicap pour les filles qui feraient autrement 70% des entrées. Sur les paysans aussi. Nanti des meilleurs professeurs, l’enfant des villes a 80% de chance, contre 30% à celui des campagnes. C’est l’échec du rêve de Deng d’une école socialiste ayant réalisé l’égalité des chances. Ainsi, les pédagogues le reconnaissent, loin d’être parfait, le système est le «moins mauvais possible ». Du reste, le Gaokao va devoir franchir une étape périlleuse pour son existence : quand le nombre de places dépassera celui des candidats—c’est pour bientôt !

 

 


Argent : La bourse chinoise, battue et contente

La bourse chinoise, battue et contente

Le temps s’approche, espérons, ou Le Vent de la Chine pourra se permettre de faire l’impasse sur la Bourse, sujet brûlant, quoique sans âme.

Entre le 29/05, où l’indice shanghaïen avait battu son dernier record à 4168, et le 6/06 où il conclut à 3767, c’est 12,89% de la valeur qui a vécu, et 300MM$ disparus en fumée. Même descente tout schuss pour les ouvertures de comptes, qui chutèrent à 197.000 le 4/06, contre 300.000 huit jours avant, et 1,08M le 30/04, journée record. Ainsi, l’Etat a réussi à faire dégorger la bourse, sans la tuer.

Son remède de cheval (le triplement de la taxe à 0,3%, qui lui rapportera 40MM$) fait baisser la vapeur, sans causer de désespoir ingérable. Le dernier indice est estimé « raisonnable » et « soutenable ». Mais ce même 6/06, l’indice remontait de 2,63%, puis encore de 1% le vendredi 7 : suite à une foule de bonnes paroles émises par l’autorité via la presse pour redonner confiance.

Seule incertitude : le risque d’une nouvelle hausse du taux d’intérêt, succédant à celle de la Banque Centrale Européenne… Gageons que pour l’heure, ce sera non : Pékin ne voulant surtout pas donner maintenant aux agioteurs une nouvelle douche froide !

 

 


Pol : Lac Taihu : Merveille de Chine sous les algues

Costa Rica et risque d’effet domino

Pékin vient de convaincre le Costa Rica de changer de Chine (6/06). A quelles conditions ? 130M$ en cash, et 300M$ en bons du Trésor, s’empresse d’affirmer Taipei, déplorant sa « diplomatie du chéquier » qu’elle-même venait de pratiquer avec succès auprès de Sainte Lucie, le 01/05 (VdlC 18). La taille de ce pays d’Amérique centrale (4,2M d’habitants) est moins importante que son poids symbolique : ce sont 60 ans d’amitié sur fonds d’alliance anti-communiste qui explosent.

Oscar Arias, le Président costaricien, ne nie pas ces tractations, mais pose la question de fond : la nécessité de prendre part au flux d’affaires liés à la Chine, « réalité qui ne peut plus être ignorée », « devoir de reconnaître 1/5ème de l’humanité devenu économiquement incontournable ».

Après ce nouveau succès diplomatique pour Pékin, il faut désormais envisager à terme, un effet domino de toutes les républiques soutenant Taiwan. Depuis 2000, Taiwan a perdu 8 représentations, et nul doute que ce centraméricain (Nicaragua, Panama, Guatemala, Salvador et Honduras) va voir s’aiguiser la tentation. Au compteur, il reste encore 24 pays qui votent Taipei – 170 pour Pékin.

Une loi de plus à l’arsenal anti-terroriste, avant JO

Après avoir disparu de la scène chinoise, le terrorisme y a refait surface depuis 10 ans, venu d’Asie centrale où le séparatisme ouighour trouve des soutiens dans les milieux intégristes.

L’ETIM, groupuscule armé en exil, est accusé par Pékin de 200 attentats au Xinjiang et en dehors. Face à ce risque, la Chine se montre hyperactive. Trois mois après les attentats du 11/09/01 à New-York, elle ajoutait 10 cas de crimes terroristes au droit pénal. En octobre dernier, elle adoptait une loi du blanchiment d’ argent, encadrant un réseau de veille sur les transferts suspects. Et depuis mai 2005, les juristes officiels font état d’une nouvelle loi anti-terroriste, projet qui ressort cette semaine.

Zhao Bingzhi, un des auteurs, évoque le besoin d’intégrer à la législation existante, les dispositions des conventions internationales ratifiées ou en cours de ratification. Ce texte devrait être adopté par le bureau du Parlement (ANP) et entrer en vigueur en 2008 : à temps pour être utilisé à l’approche des Jeux Olympiques. Cela permettra une coordination maximale avec l’étranger, face à la dissidence de l’exil, aux protestations étrangères dont la Chine ne connaît pas encore la force ni la parade. Au moment des Jeux, Pékin attend 20M de visiteurs chinois et 550 000 étrangers. En équipement, recrutement et conseil, la sécurité des Jeux était évaluée à 300M$, y-compris la formation de 90.000 policiers, à travers toutes sortes d’exercices d’envergure en Chine…

NB : en octobre, 100 soldats d’élite indiens viendront à Pékin partager leur savoir-faire lors d’exercices conjoints anti-terroristes.

La fin de la « clique de Shanghai »

Vice-1er du Comité Permanent, au 6ème rang de la nomenklatura, Huang Ju, 68 ans, est décédé le 02/06 à Pékin des suites d’un cancer du pancréas.

Il était l’ancien roi de Shanghai, placé par Jiang Zemin, et un des chefs de la « clique de Shanghai » qui dirigea tout le pays durant le règne de l’ex-Président. Natif du Zhejiang, cet ingénieur électricien de formation débuta sa carrière, administrateur aux grandes entreprises d’Etat de Shanghai. Au PCC dès 1980, il poursuivit à la mairie. La chute de Zhao Ziyang en 1989, le choix de Jiang pour lui succéder, furent sa chance : il était maire en 1991 (après Zhu Rongji), et Secrétaire du Parti dès 1994, avant de passer en 2002 au sommet à Pékin. En 2003, année d’arrivée aux affaires de Hu Jintao, il est vice-1er, soi disant aux finances et à l’économie, mais déjà « sur la touche»: il tente, de sauvegarder l’influence de Jiang contre Hu. En mars 2007, ultime apparition, il exhorte les édiles du Parlement (ANP) en session, à se mobiliser contre la corruption. Chant du cygne, alors que Chen Liangyu, son fidèle successeur à Shanghai est en prison pour l’affaire des fonds de pension.

Malgré sa réputation de cadre compétent et de réformateur modéré, Huang Ju n’était pas populaire. Ses funérailles marquent bien le style de Hu Jintao : sans faste, avec dignité, elles permirent une improbable photo de famille avec Jiang Zemin et Hu Jintao, qui honorait ainsi l’adversaire terrassé.

Nb : Après sa mort, il ne reste qu’un seul lieutenant de Jiang aux affaires: Jia Qinglin, mais si isolé que son départ après le XVII. Congrès semble tracé.

Merveille de Chine sous les algues

Jardin d’Eden, 3ème plus grand écosystème lacustre de Chine (2 250 km² en surface), dont les poètes antiques chantent les fruits (nèfles, pêches et prunes), et le célèbre « crabe chevelu », le lac Taihu vient de connaître fin mai une prolifération d’algues bleuâtres aux remugles nauséabonds, privant d’eau potable 2M d’habitants de Wuxi (Jiangsu).

Les autorités locales ont d’abord accusé les fortes chaleurs, et une sécheresse plus vue depuis un demi-siècle. Mais pour la SEPA – la State Environmental Protection-administration – (05/06), cela n’explique pas tout : le mécanisme bloquant à la surface la photosynthèse est lié à une teneur excessive en phosphate et nitrate, résultat des engrais des cultures locales, des eaux usées de la ville, des effluents d’industriels sans scrupule. En 10 ans jusqu’en 2006, la teneur en azote du lac a doublé, dit la SEPA, avec la complicité des autorités locales. Aussi quelques mesures furent prises d’urgence : un renfort de 50% du débit du Yangtzé, l’épandage de permanganate, et un feu rouge immédiat aux 2000 usines chimiques de Yixing, ville-canton riverain.

Résultat : le 6/06, face aux limiers verts pékinois, le lac avait repris un semblant de normalité, en attendant des inspections et fermetures définitives. De quoi donner raison à Wu Lihong, écologiste qui milite depuis 1991 pour le lac Taihu. Suite à son travail, il était devenu un des 10 défenseurs de la nature les plus connus du pays. Mais, attiré dans un piège par les satrapes locaux, il est depuis avril en prison, accusé de chantage !

Nb : c’est le moment que l’Anhui choisit pour annoncer que son lac Chaohu, 5ème de Chine, souffre des mêmes algues bleues. Les chaleurs actuelles servant de révélateur d’une pollution, qui semble quasi nationale.

 

 

 

 

 


Temps fort : Chine d’avenir : branchée, et dans sa chambre?

Voici trois paris industriels sur la Chine future. Sans rien de commun —sauf l’idée plutôt inquiétante d’un monde à venir.

– Coca Cola prévoit un pays en grand manque d’eau, et s’y prépare.

A Pékin le 05/06, son PDG Neville Isdell annonçait la couleur : « toute goutte d’eau utilisée par Coke, sera ensuite rendue à la nature ». Les 176M de mètres cubes employés en 2006 dans le monde, en lavage, rinçage et autre, seront recyclés. Par litre de Coke produit, depuis 2002, le géant d’Atlanta a déjà su réduire ses besoins en eau d’un tiers, à 2,54litres… Il annonce aussi un mécénat mondial de 20M$, dont une partie ira, pour la Chine, à la sauvegarde du bassin du Yangtze.

Discret, Disney investit dans la distribution par télécom prenant le contrôle de 2 PME de services pour tél. portable : dès août 2006, Mobile2Win, fournisseur de son et image, puis en mars, pour 20M$, Enorbus, concepteur de jeux. Via Steamboat, sa filiale de capital à risque, il a investi dans l’internet dès déc., en entrant dans 56.com, site de partage de vidéos, puis en mars dans UUSee, leader de la web TV (36M d’utilisateurs), seul réseau légal d’échange de vidéos entre particuliers (P2P). Le 30/05, il remet cela en misant 5M$ sur CTS Media (Shanghai), marchand de pub internet, fournisseur exclusif de Best-TV.

Ainsi écarté depuis des années du petit écran chinois (monopole public), Disney tente de faire entrer Mickey par la porte de derrière, à travers la toile.

Le troisième groupe, lui, est suédois, Entropia Universe, qui prétend dépasser le succès du fulgurant portail mondial Second Life, et offrir aux jeunes chinois une alternative virtuelle à leur milieu stressé. Comme dans Second life, les internautes sont invités à créer une image animée d’eux-mêmes dite avatar, et à se lancer sur la planète virtuelle Calypso. Ce n’est pas un gag : le concept a été agréé par l’autorité de contrôle, avec pour partenaire la firme locale CRD (Cyber Recreation Development). Il s’agira de développer un monde à la taille du pays, avec présence des plus grandes marques, pour accueillir jusqu’à 7M d’acteurs en même temps. Le club comptera 150M de membres co-investisseurs. David Liu, de la CRD, prédit déjà 10.000 emplois fixes, et 1MM$ de rentrées par an, dont la plupart, pour les joueurs eux-mêmes, en travaillant (dans Calypso) devant écran. Un autre avantage attendu, étant une réduction significative de la pollution, du fait de l’économie de transport physique, remplacé par le virtuel…

C’est donc une Chine future en bulle qui se profile, nourrie de jeux et de TV, un Coca à la main, retirée du monde réel, au nom du sauvetage de la planète bleue!

 

 


Petit Peuple : Nanning, Confucius réincarné en porc fumé!

A son Institut des minorités de Nanning- humble école juste promue au rang d’université après 50ans de loyaux services, Dong Yingchun, célibataire (30 ans) enseigne la littérature.

Est-ce ce décor sans lustre qui lui inspira sa manière si originale de ruer dans les brancards? Le fait qu’en ce Guangxi écrasé de soleil, jamais rien ne se passe ? Ou bien l’exil de son Jiangsu natal, terre bénite à 1000km plus au nord ? Un dernier détail en tout cas, joue forcément son rôle : Dong est membre de « troisseptembre », mini-Parti indépendant qui sert souvent de refuge aux intellectuels, idéalistes et  personnalités hors-norme.

Toujours est-il que Dong, depuis 2005, durant les congés d’hiver et d’été, offre en sa mansarde un cours privé de composition littéraire – initiation à la lecture critique, écriture du roman, poème. Un stage sans compromis : le séminaire dure un mois au terme duquel les étudiants doivent rendre un manuscrit d’au- moins 20.000 caractères, ou un article académique d’au-moins 7000. Et le jeune maître, fier des prouesses de ses poulains, s’empresse de les publier—à ses frais, si nécessaire !

Dans la cathédrale des lettres, le jeune mentor appartient à la chapelle des intégristes : il combat opiniâtrement l’usage de l’internet, et croit qu’au-delà des 2000 titres classiques de l’antiquité, point de salut ! Pas question non plus de se faire payer : haïssant comme Confucius l’esprit de lucre, il prend pour insulte toute tentative de le payer!

 Enfin, c’était ainsi, jusqu’à son dernier séminaire. Mais depuis, Dong a réalisé que son devoir moral était un tantinet plus compliqué : il lui fallait en même temps inculquer la valeur de l’enseignement, donc le faire payer, et maintenir l’égalité des chances d’accès à son cours, pour que tous y aient accès, indépendamment de leur classe sociale. C’est pourquoi après infinie réflexion, le maître a annoncé sa nouvelle règle du jeu inspirée d’une maxime prêtée au Grand Sage en personne: il prendrait comme disciple, « quiconque lui offrirait 10 morceaux de porc parfumé », en l’occurrence, une livre de porc mariné ou 5 kg de riz blanc.

Par cercles centrifuges, l’annonce excentrique fit le tour de Nanning puis celui de la Chine, semant dans les milieux lettrés comme dans ceux profanes, des opinions très divisées.

Beaucoup rient du naïf, avec sa prétention ridicule et inutile de « dessiner le tigre à l’image du chat » (照猫画虎 zhao mao hua hu), réincarner à lui tout seul le prince des philosophes chinois. Prétention d’autant plus idiote que Dong, économiquement, est à bout de souffle : ayant grillé 20.000 yuans (les deux tiers de ses faméliques émoluments annuels), entre les achats de livres pour la bibliothèque de sa petite académie, son mécénat de publication, et les cachets des orateurs -à 200¥ la palabre, tout de même !

 Mais d’autres sont touchés, déstabilisés même par l’ascétisme du personnage, sa quête du Graal, son intransigeance morale au service de sa société : le porc parfumé de Dong, fait à la Chine moderne l’effet d’une claque, à la joue de sa vénalité !

 

 


Rendez-vous : A Canton; le Salon de la machine-outil

14-16 juin, Shanghai : Salon International de la décoration et du design

12-15 juin, Dalian : Salon du meuble et des machines à bois

15-18 juin, Canton : Salon international de la machine-outil