A la loupe : Spécial Xinjiang : Kashgar, le grenier épicé

En 1993, Kashgar, bourgade de terre crue attardée aux confins sud Sud-Ouest de l’empire, alignait trois hôtels, protégés par des sentinelles et chevaux de frise contre les attentats – dès 20h le couvre-feu était de règle. Sur la place de la grande mosquée déserte, trois bouibouis offraient un ragoût de mouton fruste.

Quatorze ans après, le tableau est plus souriant. La population a doublé à 0,4M âmes. 20 hôtels se disputent les 3000 arrivants quotidiens, et sous les gongs, sur le parvis de la mosquée, des 10aines d’échoppes offrent rafraîchissements et souvenirs.

Kashgar fait le trait d’union entre les 100aines d’oasis du bassin du Tarim, des vallées des monts Tianshan, des 330.000km² du désert du Taklamakan. Son bazar permet l’échange des boeufs, chameaux, moutons, des coffres de mariage ripolinés safran et des bottes en chameau, poignards damasquinés, chapkas d’agneau, renard ou marmotte, bijoux en or et pierres précieuses.

Mais la croissance fut interrompue par les attentats du 11 septembre 2001. Dès lors, autour de la ville, la garnison fut doublée à 60.000 soldats, surveillant les axes vers le Pakistan, l’Inde, l’Afghanistan. Le souk coloré, le tintinnabulis des carrioles à ânes ne ravissent plus que 300.000 touristes par an, dont seuls une poignée poursuivent vers l’Ouest, par la route du Karakorum.

Cachées dans ses dunes de sable, Turfan est une promesse de fournaise permanente, décourageant le visiteur. A tort. Car cette belle endormie à 180km d’Urumqi offre sans barguigner d’innombrables perles.

Telle son agriculture géniale, imbattable grâce à ses 330 jours d’ensoleillement/an, lui permettant de livrer à la côte, hors saison, ses fruits et légumes, des fraises, melons et raisins par 10aines d’espèces pour la table, le séchoir ou le vin. Un miracle : dans le désert, Turfan trouve l‘eau à profusion, descendue des monts Tianshan, et que le Ouighour tire depuis 22 siècles par une technique rarissime héritée de l’Iran : celle des karez, catacombes aquifères par -10m de fond. C’est la 2de, invisible grande muraille de Chine, 5600km de tunnels jusqu’à 10km de long, 180.000 puits de maintenance et d’aération. A leur apogée, ils donnaient 1Mm3 d’eau/an. Aujourd’hui encore, ils en débitent 300.000, faisant la fortune de cette ville-oasis !

Dernièrement, la province s’est dépêché de faire murer tous les karez désaffectés : des contrebandiers s’en étaient emparés pour en faire des citernes clandestines, où ils entreposaient le pétrole tiré des pipelines, ce qui leur permettait d’exercer leur trafic illégal sans risque, à grande échelle !

 

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