Le Vent de la Chine Numéro 18

du 13 au 19 mai 2007

Editorial : La mondialisation en marche

Avant l’été, la Chine des affaires prend le mors aux dents. A travers ces contrats nouveaux, l’Etat intervient plus que six mois avant : signe d’une tension qui se dessine, dans le triangle Chine-Amérique et Europe, forçant Pékin à prévenir pour éviter la crise!

[1] La NRDC (National Development and Reform Commission) intervient pour assagir son marché de l’aluminium. Depuis 2004, elle a gelé pour 1,7MM² de projets de fonderies, et pour 2006, 9,6% des investissements du secteur. Et pourtant en janvier et février, les investissements fixes chauffaient rouge, à +124%, attisés par la hausse de prix du métal blanc et l’abondance en électricité. C’est Chalco qui en a profité, la nébuleuse compagnie publique en train de décupler ses capacités. En janvier, en pleine action de rachat de ses petits rivaux, elle annonçait le passage de son parc productif de 1,94Mt à 5Mt d’ici 2009. Elle vient de tripler sa valeur (31MM$) en bourse de Shanghai, et a quintuplé ses profits en 3 ans, à 2,25MM² .

Mais voilà qu’Alcoa le n°1 (USA) se réveille, et veut racheter Alcan (Canada, n°3) pour 33MM$, dont 6 de dettes. Avec 7,5Mt/an de capacité, le nouveau géant resterait loin devant Chalco, qui peut se faire du souci, avec déjà 8% de ses parts chez ce dernier. Aussi le tour de vis de Pékin sur le secteur de l’aluminium, semble être un coup de fouet destiné à accélérer la consolidation, pour éviter la session à l’Amérique du joyau public chinois !

 [2] Une foule d’affaires européennes se débloquent. A Shanghai, le consortium Transrapid obtient le prolongement de son Maglev (voir p2). Alstom reçoit (12/04) son feu vert au rachat de 51% des Chaudières de Wuhan pour 34M², et reprend (2/05) Sizhou (Qingdao), expert en traitement des cendres de centrales thermiques. Dès le 13/04, Pékin avait aussi approuvé le rachat par SEB de Supor le n°1 chinois de la casserole, malgré l’objection des rivaux, au nom de la « souveraineté nationale ». Il faut aussi remarquer l’attitude volontariste du ministère du commerce, dans la crise Danone-Wahaha. Il tente une médiation, et surtout, agit par voie de presse pour expliciter les torts de la partie chinoise: c’est nou-veau. Dans   le deal Carlyle-Xugong, il avait fait traîner les choses 18 mois, et  laissé peser d’un poids bien plus lourd le point de vue de la concurrence locale. Cet interventionnisme est atypique : depuis l’entrée à l’OMC (2001), l’Etat limite  son dirigisme aux dossiers stratégiques, comme l’énergie ou le nucléaire.

Tentons une explication : avec le départ de Jacques Chirac, Pékin a conscience de perdre un ami, comme il l’avait déjà ressenti avec Gerhard Schroeder, remplacé par une Angela Merkel moins conciliante. Outre-Manche aussi, Tony Blair prépare ses valises, le 27/06. Pour la Chine, le temps des amitiés confortables en Europe semble arriver à terme. Or, au plan des affaires, depuis un an ses préférences sont allées nettement vers l’Amérique, dans l’espoir de retarder des sanctions et un protectionnisme — qui arrivent quand même. Ceci explique en Chine un nouveau souci de rééquilibrage favorable à l’Europe : Pékin veille au grain ! 

 

 


A la loupe : Spécial Xinjiang : Kashgar, le grenier épicé

En 1993, Kashgar, bourgade de terre crue attardée aux confins sud Sud-Ouest de l’empire, alignait trois hôtels, protégés par des sentinelles et chevaux de frise contre les attentats – dès 20h le couvre-feu était de règle. Sur la place de la grande mosquée déserte, trois bouibouis offraient un ragoût de mouton fruste.

Quatorze ans après, le tableau est plus souriant. La population a doublé à 0,4M âmes. 20 hôtels se disputent les 3000 arrivants quotidiens, et sous les gongs, sur le parvis de la mosquée, des 10aines d’échoppes offrent rafraîchissements et souvenirs.

Kashgar fait le trait d’union entre les 100aines d’oasis du bassin du Tarim, des vallées des monts Tianshan, des 330.000km² du désert du Taklamakan. Son bazar permet l’échange des boeufs, chameaux, moutons, des coffres de mariage ripolinés safran et des bottes en chameau, poignards damasquinés, chapkas d’agneau, renard ou marmotte, bijoux en or et pierres précieuses.

Mais la croissance fut interrompue par les attentats du 11 septembre 2001. Dès lors, autour de la ville, la garnison fut doublée à 60.000 soldats, surveillant les axes vers le Pakistan, l’Inde, l’Afghanistan. Le souk coloré, le tintinnabulis des carrioles à ânes ne ravissent plus que 300.000 touristes par an, dont seuls une poignée poursuivent vers l’Ouest, par la route du Karakorum.

Cachées dans ses dunes de sable, Turfan est une promesse de fournaise permanente, décourageant le visiteur. A tort. Car cette belle endormie à 180km d’Urumqi offre sans barguigner d’innombrables perles.

Telle son agriculture géniale, imbattable grâce à ses 330 jours d’ensoleillement/an, lui permettant de livrer à la côte, hors saison, ses fruits et légumes, des fraises, melons et raisins par 10aines d’espèces pour la table, le séchoir ou le vin. Un miracle : dans le désert, Turfan trouve l‘eau à profusion, descendue des monts Tianshan, et que le Ouighour tire depuis 22 siècles par une technique rarissime héritée de l’Iran : celle des karez, catacombes aquifères par -10m de fond. C’est la 2de, invisible grande muraille de Chine, 5600km de tunnels jusqu’à 10km de long, 180.000 puits de maintenance et d’aération. A leur apogée, ils donnaient 1Mm3 d’eau/an. Aujourd’hui encore, ils en débitent 300.000, faisant la fortune de cette ville-oasis !

Dernièrement, la province s’est dépêché de faire murer tous les karez désaffectés : des contrebandiers s’en étaient emparés pour en faire des citernes clandestines, où ils entreposaient le pétrole tiré des pipelines, ce qui leur permettait d’exercer leur trafic illégal sans risque, à grande échelle !

 


Joint-venture : Maglev à Shanghai – résistible ascension

Maglev à Shanghai – résistible ascension

Du progrès, mais du flou, sur l’extension de la ligne allemande de chemin de fer à lévitation magnétique (« Maglev ») à Shanghai.

De passage le 9/05, Christian Wulff, gouverneur de Basse-Saxe annonce l’accord imminent du Conseil d’Etat pour l’extension de la ligne avant 2010 à l’aéroport de Hongqiao, via l’Exposition universelle dont elle serait le clou. Sous la griffe de Transrapid (consortium Thyssen-Krupp, Siemens, DaimlerChrysler, Adtranz), la présente ligne relie Pudong-airport à la gare de Longyang, 30km en 7m20s, à 431km/h maximum. Depuis 2003, elle a transporté 10M de passagers. Ce que l’édile allemand ne dit pas, c’est si l’autre ligne vers Hangzhou verra le jour : 177km pour 4,3MM$, projet approuvé par la NDRC (National Development and Reform Commission) dès 2006.

Ce silence couvre une série d’incidents : le dernier, en août 2006, vit l’incendie d’un compartiment aux batteries en gare de Longyang. On voit aussi des problèmes politiques : Maglev dépend du ministère des sciences et techniques et non des chemins de fer. Les contrats en MM$ rempliraient les caisses de ministères, usines et régions fort différentes. Pour cette raison, les cheminots restent hostiles au Maglev, technologie rejetée au plan national. Aussi en question, la portion (forcément congrue) du marché concédé aux firmes d’outre-Rhin, et la part de technologie qu’elles devront transférer : thèmes qui avaient bloqué la décision lors du passage à Pékin d’Angela Merkel 12 mois plus tôt !

Bombardier, ténor des souterrains

Sur un marché chinois du métro en plein essor, Bombardier s’est vu confier (3/05) la fourniture de 192 voitures de type MOVIA qui équiperont la future ligne 7, pour le compte de la compagnie publique Shentong Metro. Sur les 150M² de la commande, 51M² reviendront directement au groupe canadien. 1ères livraisons au 2d  trimestre 2008.

C’est CBRC (Changchun Bombardier Railway Vehicles Company Ltd), la JV de Changchun (Jilin) qui fera le montage, tandis que BCP, la JV de Changzhou se partagera la production des bogies-moteurs avec la filiale de Vasteras (Suède).

En décembre 2006, Bombardier s’était vu octroyer un contrat de 306 wagons pour la ligne 9 du même métro de Shanghai. Son matériel roule aussi déjà entre les tunnels de Canton, Shenzhen, et Hong Kong. A noter que la position de Bombardier n’est nullement dominante, mais plutôt également partagée avec les autres grands mondiaux de cet équipement—ABB, Siemens, Alstom…

NB: Bombardier, aurait surpris en 2006 des ingénieurs chinois subtilisant des secrets informatiques à une de ses usines à Montréal. Sur ce piratage, Bombardier se tait : raison commerciale oblige !

 

 


A la loupe : Spécial Xinjiang : Urumqi, le mirage bétonné

Capitale du Xinjiang, Urumqi est un mirage de béton en plein Gobi, crachant dans sa nuit étoilée, les néons de ses tours de 40 étages, sous les yeux d’une Asie centrale plus pauvre qu’elle. Sacrée ville la plus continentale de la planète – à 2500km de toute mer-, Urumqi a bien oublié sa 2de naissance, dans les années ’60, quand Mao Zedong, pour assagir la turbulente région, lui imposa une colonisation han, et verrouilla les 5400 de km de frontières vers l’URSS d’alors, l’Inde, l’Afghanistan, le Pakistan.

Depuis, Urumqi s’est éveillée, doublant en 13 ans sa population à 2M d’âmes et se lançant dans un programme forcené d’équipements. Son aéroport est international. Ses autoroutes sont les plus denses, en milliers de km à travers la province. Rachetée par Baosteel (cf article rubrique Argent), son aciérie produit 3Mt de laminés et poutrelles en 2006. A Dushanzi, Urumqi crée un complexe pétrochimique à 3MM² et plusieurs pipelines entre le Kazakhstan et Shanghai. Déjà deux supermarchés Carrefour sont dans la ville, faisant côtoyer derrière leurs caddies les ménagères Hans et Ouighours, pour des ventes quotidiennes en M²…

A Urumqi, les Han prédominent, avec 85% de la société. Mais des jeunes comme Han Dongwang, 23 ans rêvent de « descendre à la mer» : retourner au paradis de la côte, avec ses hauts salaires et ses belles voitures. Faute d’instruction, les Ouighours demeurent cantonnés aux emplois de force, mais des fortunes émergent parmi eux, dans le commerce et la restauration.

D’une façon inattendue, Urumqi voit croître une industrie à haute technologie, soutenue par les ministères. Surgies en moins de 10 ans, des usines de cellules photovoltaïques et d’irrigation hydroponique doublent leur chiffre d’affaires chaque année, exportant à prix imbattable. Non loin de la ville, au bord de l’autoroute de Turfan se dresse déjà la plus grande ferme d’éoliennes du pays avec 70.000Kw installés, 100aines de majestueux rotors tripales blancs, importés d’Allemagne ou du Danemark, moulinant lentement le vent des monts Tianshan… Il faudra 20 ans au groupe Huadian, et 1,5MM² pour atteindre le rythme de croisière – 2MKw!

Un nouvel atout se profile : l’étranger qui débarque, avide de participer à l’équipement en énergie, en agriculture et communications de cette province nouvelle frontière. A Urumqi, un signe ne trompe pas : le quart des publicités murales sont écrites en cyrillique, destinées aux 100.000 démarcheurs venus de Russie et des pays d’Asie Centrale dont Urumqi est devenu le grenier, le garage et l’ultime lieu de divertissement ! 

 

 


Argent : Parcours du combattant pour Baosteel

Parcours du combattant pour Baosteel

Fiançailles entre Hansteel (HIS Handan Iron and Steel Ltd.), l’aciérie du Hebei, et  Baosteel de Shanghai. L’accord du 10/05 fonde une JV (50/50%, pour 190M² d’investissement, 2/3 en phase initiale) de 5Mt/an de tôle automobile, dont Baosteel tient déjà 50% du marché national. C’est un des projets majeurs approuvé par Pékin, dans son plan de concentration visant à « diviser par 5 », avant 2010, les 6.600 aciéries actuelles. N°5 mondial, Baosteel finalisait en janvier son achat de 70% de Xinjiang Bayi. En mars, il rassemblait sur le marché pour 14M² de parts de HIS, la filiale boursière de Hansteel, devenant ainsi son 2d actionnaire. Par ces petits pas, Baosteel veut atteindre en 2012 les 50Mt de capacité annuelle, tout en haussant la valeur de ses produits, et doubler POSCO (Corée) et JFE (Japon) pour accéder au 3e niveau mondial, derrière Arcelor-Mittal et Nippon Steel. Tout en rendant plus ardue la pénétration en Chine de l’ogre indo-européen, voire une reprise hostile du n°1 chinois. L’investissement sur Hansteel est cependant aussi perçu par les experts comme un lot de consolation pour Baosteel, après s’être vu geler sine die son projet de 10Mt à Zhangjiang, Canton.

Bourse : la corrida à Shanghai

Après le mini krach du 27/02 (-8,9%), la bourse de Shanghai est repartie, franchissant le 8/05 les 4.000 points, tandis que le Yuan passait sous la barre symbolique des 7,70¥/1$. En 3 mois, c’est presque d’1% que le renminbi s’est réévalué. Le gouverneur de la BPdC (Banque Populaire de Chine), Zhou Xiaochuan s’inquiète, comme 3 mois plus tôt : la « bulle » boursière est bien là, risquant l’explosion, et la CASS (Académie chinoise des Sciences Sociales) prévoit un excédent commercial de 42% cette année. C’est net, Pékin ne peut plus garder le ¥ bas : en 2007, l’excédent de devises a augmenté d’1M$ par minute, et le coût pour l’échanger  en yuans, pour la BPdC, devient insupportable. D’autre part, Pékin voit arriver le nuage noir des sanctions US. Mais le Min. du Travail et de la SS font leurs comptes (10/05): 5 à 10% de réévaluation coûteraient 3.5M de jobs ouvriers, 10M de jobs fermiers. Or, pour freiner la débâcle, la BPdC semble condamnée aux moyens classiques, éponger les crédits en haussant les réserves des banques (devises, et ¥) au 15/05. A défaut d’outils nouveaux, Jin Renqing, ministre des finances signe à Kyoto avec Japon, Corée et ASEAN (5/05), un accord de swap de devises, afin de prévenir une agression monétaire comme celle qui mit à plat, un certain vendredi « noir » de 1997, la plupart des monnaies d’Asie, sauf le Yen fort, et le Yuan alors hors circuit !

 

 


Pol : L’iconoclaste nostalgie du baby boom

Taiwan rattrape sa 25ème ambassade

La veille du 1er mai, alors que la Chine fermait pour une semaine de congés, Taiwan récupéra sa 25ème ambassade en rétablissant des liens avec Sainte-Lucie (170 000 habitants), petite île antillaise. Le prix du retournement n’est pas précisé, autrement qu’une « aide aux industries agroalimentaires ». C’est une guerre ingagnable qui se poursuit. Taipei avait établi les relations diplomatiques dès 1984, pour se les voir rompues au profit de Pékin en 1997, suite à un revers électoral.

Cette victoire a, sans tarder, entraîné les conséquences attendues, selon un scénario usé à force d’être joué : rupture immédiate (5/05) de Pékin avec l’îlot qui espérait irréellement « maintenir des liens amicaux » ; désertion des chantiers chinois en cours -un hôpital pour handicapés, un stade dans la ville de Castries… Pékin dénonce la « diplomatie du chéquier », qu’elle pratique pourtant aussi sous toutes latitudes, en forme de dons et prêts bonifiés, investissements industriels, remises de dettes, et chantiers. A Sainte-Lucie, l’opposition tourne la page de la partition et annonce la suite du concert : déplorant l’absence de transfert de technologie agricole, elle considère « hérétique » ce changement de Chine, qu’elle se promet de réparer après les présidentielles de 2008 —si l’offre chinoise est bonne, s’entend !

Murmures sur l’oreille bleue

Elle fait surface, la maladie porcine localement surnommée  « mal de l’oreille bleue ».

Les cadres ne lui prêtent que 300 décès parmi les cochons. La rumeur suggère 0,5 à 1M, depuis son apparition au Jiangxi, début 2006. L’Etat lui-même doit ignorer le bilan réel, vu le cloisonnement des élevages et la médiocrité de l’appareil statistique. Pour prouver le succès de leur administration, et pour leur carrière, maires et gouverneurs doivent tricher sur les chiffres. Mais fin avril à Silao, (Guangdong), l’épidémie causant ces 300 décès, Pékin a été forcé de reconnaître cette mutation du virus connu sous le nom de SRRP. La Chine a pris des mesures apparemment adéquates, en isolant les foyers d’épidémie, abattant les troupeaux suspects, désinfectant abattoirs et marchés et vaccinant massivement les élevages cantonais. Heureusement, cette maladie agressant les défenses immunoactives n’est pas transmissible à l’homme.

Problème : comme en toute crise de santé publique, l’administration chinoise n’a pas communiqué sur le SRRP jusqu’en avril 2007, ni avec le public, ni avec l’OMS (Organisation mondiale de la santé). Se privant ainsi d’un accès aux bases de données du monde, et entravant sa recherche sur ce nouveau danger.

Fièvre africaine pour Pékin

Pékin a mal à l’Afrique. Amnesty International vient de dénoncer (8/05) 81M$ de ventes d’armes et d’avions de combat (six K-8S d’AVIC) au Soudan « en violation de l’embargo de l’ONU ».

Le 9/05, alors que Pékin dément, arrive la lettre de 108 membres du Congrès américain à Hu Jintao, l’avertissant que ses JO seraient un « désastre » s’il n’usait maintenant de son influence sur le président Omar al-Béchir, pour mettre fin au conflit. Du coup, après avoir inspiré Khartoum, le mois dernier, d’accepter le déploiement de Casques bleus dans une future force mixte ONU-UA (Union africaine), Hu y envoie (7/05) 275 hommes du génie, et nomme (10/05) un envoyé spécial en Afrique, Liu Guijin, qui commencera son mandat au Darfour. Liu, toutefois, devra vite faire face à d’autres fronts.

Au Nigeria, le Mouvement d’émancipation du delta du Niger (MEND), accusant la Chine de contribuer à la spoliation de ce qu’il affirme être « son » or noir, annonce qu’il « traitera en voleur, tout Chinois découvert sur un site pétrolier ». Au Congo-Brazza, un proche du Président suggère de « chasser les Chinois », en réponse aux salaires trop bas dans la cimenterie chinoise de Bouenza. D’autres problèmes émergent en Ethiopie (9 Chinois assassinés sur un site pétrolier), au Zimbabwe (dont Pékin prend soudain ses distances) : en bref, le climat des relations sino-africaines se charge à toute vitesse !

L’iconoclaste nostalgie du baby boom

Directeur national du planning familial, Zhang Weiqing lance la sirène d’alarme : imposée depuis 1979, la politique de l’enfant unique est foulée aux pieds et le spectre du baby-boom rampe à la porte. En 1975, 1000 Chinois en engendraient 23 ; en 2005, ils n’en faisaient plus que 12,22. Mais en 2007, la courbe remonte à 13,45. Zhang y voit deux fauteurs :

[1] les nouveaux riches, dont 10% ont 3 héritiers ou plus, après avoir payé jusqu’à 20.000² d’amende pour chacun. Ils ont une raison illégitime (étaler leur fortune), et une raisonnable : seul, un enfant est gâté, « petit empereur » prône à l’égoïsme et à l’indiscipline.

[2] les paysans marient leurs filles très jeunes, et les font accoucher dans des cliniques illégales, voire à la ferme, sans obstétrique et sans amende. Des provinces telles le Zhejiang tentent de réagir contre ce ferment de déchirure sociale : en cas de non respect de la loi, les apparatchiks risquent leur avancement, voire leur place. Les industriels sont menacés de redressements fiscaux.

A Pékin, des stars du sport (Yao Ming) ou du showbiz (Zhang Ziyi) se voient décocher les flèches de la presse, pour avoir fait l’apologie des familles nombreuses. Mais cette réponse publique manifeste un désarroi : son seul outil utilisable est l’autoritarisme, dont la société ne veut plus, et que le planning tente d’assouplir depuis 10 ans déjà…  

 

 


Temps fort : Pékin entre nominations et vapeurs idéologiques

Le 27/04 vit l’arrivée aux affaires de quatre nouveaux ministres : Yang Jiechi, aux Affaires étrangères, Wan Gang (Sciences et technologies), Xu Shaoshi (Ressources naturelles) et Chen Lei (eau). Ils sont jeunes, entre 53 ans (Chen) et 57 (Yang). Ils sont surdiplômés : ex-ambassadeur à Washington, Yang vient de la London School of Economics. Mais la rupture la plus affirmée est chez Wan, 1er non-communiste à accéder à ce rang depuis les années ’50. Wan est Vice Président du Zhi Gong Dang (un des 8 mini-partis tolérés en Chine), et de l’élite des cadres formés à l’Ouest. Il a passé 15 ans en Allemagne, entre un doctorat à la TU de Clausthal, et un poste de chercheur émérite chez Audi, sur le projet A4. Retourné en Chine en 2000, il a dirigé le programme 863, dédié à la voiture électrique et au moteur à cellule combustible, avant de présider après 2004 son alma mater, l’Université Tongji à Shanghai. Sa promotion et les 3 autres marquent la volonté du Président Hu Jintao de donner au pays, comme administrateurs, les meilleurs cerveaux, experts plutôt que rouges. Et faire une réforme technocratique tout en maintenant un silence sphyngien face aux demandes politiques contradictoires de la base.

Ainsi, Xie Tao, ex-vice Président de l’université de Pékin lançait dès février un appel à la réforme constitutionnelle, contre la corruption, et écornait au passage les icônes de Marx, Lénine ou Mao. En face, un ex n°2 de la NDRC (National Development and Reform Commission), Liu Fuyuan veut faire radier tous les communistes « tièdes sur le marxisme », et désherber le cadre idéologique : appliquer la lutte des classes, ou bien la répudier. Tandis que de l’extérieur, Amnesty International, s’en tenant aux faits, accuse (30/04) le régime d’avoir durci sa répression à 15 mois des JO. Certes, arrestations et limogeages politiques se poursuivent, tandis que Pékin voit se multiplier les dérapages sur le terrain, et tente de faire le nettoyage avant les JO. En un an, 17.600 gangsters des triades ont été arrêtés. Le 3/05, des hackers détournaient le signal satellite de la TV cantonaise pour diffuser des messages dissidents. Le 9/05, des paysans en colère, se plaignant du vol de leur terre, à Gurao (Canton) saquaient la villa du maire. Attendant les ordres, la police assistait, les bras croisés.

Le silence de Pékin embarrasse les cadres, qui réclament des directives—soit pour réprimer, soit pour légaliser. Ce que Hu se garde de faire, afin de ne pas exacerber l’affrontement interne, avant le XVIIème Congrès. Seul un nouveau règlement apparaît, en guise de réforme, « code de conduite » en 55 articles, pour interdire aux cadres, le jeu, la débauche, le langage choquant : nouveau gadget de « société harmonieuse », qui les laissera évidemment tous sur leur faim.

 

 


Petit Peuple : Invention de la 4.ième génération existentielle

Lycéenne à Canton, Liu Lian partage un passe-temps fort en vogue, qui lui fait dévorer sa vie avant l’heure, via internet. La toile connaissait le faux-argent, le sexe frelaté. Voilà qu’elle développe le faux mariage. Liu Lian en est à sa 2de union virtuelle, enregistrée par le site!

Tout débuta en 2004.Gauche et discrète, elle n’avait d’yeux que pour Wei, 1er de la classe, si doué qu’elle n’osait lui parler. Par les copines, elle sut qu’il s’adonnait au «Voyage à l’Ouest » en rêve, jeu de rôle en ligne, et  apprit son pseudo : elle s’y mit à son tour, et l’impression utopique de liberté illimitée lui permit de briser la glace avec Wei, de devenir son amie, puis «épouse». Quittant l’écran, ils se retrouvèrent souvent dans un parc, au bord de l’étang. Ce retour au monde réel l’aurait sauvée, si les adultes ne s’en étaient mêlé : quand profs et parents découvrirent leur liaison, «fi», firent-ils, «si jeunes!», et mirent tout en oeuvre, la loi, les ordres et la délation des camarades, pour détruire leur relation – ce qui advint : ils « divorcèrent ».

Dès lors, Liu Lian avait compris : le monde en « www@ » était clair et beau, moins décevant que le réel, non pollué par la morale et les interdits : « à corps perdu », elle passa ses jours à tapoter son clavier, chevauchant motos ailées ou ULM diaprés, errant dans ces villes fausses, où père-la-morale, mère crieuse et surveillants rabat-joie passaient à la trappe, remplacés par les magiciens et héros aux visages des acteurs les plus célèbres, où l’on se recomposait une personnalité que l’on aime. Elle y pêcha son 2d homme, Po, 18 ans, de Hohhot (en Mongolie). Bientôt, ils ne purent se passer l’un de l’autre. Pour la fête nationale en 2006, elle resta avec lui 7  jours sur écran, ensemble à 4000km de distance, sales faute de se laver, affamés faute de se nourrir, sans voir les oedèmes qui gonflaient leurs jambes faute de les dégourdir…

La veille de leur mariage sur écran, son fiancé candide l’informa avoir plusieurs filles, et pas que virtuelles… Perdue, Liu l’épousa tout de même – mais depuis lors, ne croit plus à rien. Quelle différence entre bien et mal, vrai et faux, homme et femme, solide et virtuel, le loin ou le près ? 

Dans cette démarche aliénante, Qi Qi,  de Shenzhen, va plus loin encore : il s’est déjà marié trois fois, tout en ne divorçant qu’une, et dans un de ses 2 couples, il joue la femme, se retrouvant ainsi à la fois bigame et androgyne, à 11 ans!

Po, Qi Qi, Wei ou Liu, tous ces cas sont banals : à Shenzhen, ils seraient 24% de leur âge, ces ados mariés en ligne et 14% en seraient à leur 2de union. C’est la 4ème dimension de la jeunesse chinoise, celle d’une vie par procuration et par la technologie. En bouddhisme, on appelle çà « rêvasser dans la bulle d’ombre » (meng huan pao ying, 梦幻泡影).

Mais le risque est lourd, d’un avenir où les chinois des villes vivraient dans leurs caves, échangeraient par leurs ondes, désertant les échanges réels. Ils laisseraient la place publique à l’Etat, sa propagande, ses mégaphones, sacrifiant par obéissance, leur existence à celle de la grande machine !

 

 


Rendez-vous : Pékin, Symposium sur les équipements de police et d’anti-terrorisme

14-18 mai, Pékin : ACHEMASIA Salon et Congrès sur l’ingéniérie et biotechnologies

17-19 mai, Pékin : CIPATE, symposium sur les équipements de police et d’anti-terrorisme

17-20 mai, Pékin : Salon 4N, de la publicité, media, équipements, matériaux