Avant l’été, la Chine des affaires prend le mors aux dents. A travers ces contrats nouveaux, l’Etat intervient plus que six mois avant : signe d’une tension qui se dessine, dans le triangle Chine-Amérique et Europe, forçant Pékin à prévenir pour éviter la crise!
[1] La NRDC (National Development and Reform Commission) intervient pour assagir son marché de l’aluminium. Depuis 2004, elle a gelé pour 1,7MM² de projets de fonderies, et pour 2006, 9,6% des investissements du secteur. Et pourtant en janvier et février, les investissements fixes chauffaient rouge, à +124%, attisés par la hausse de prix du métal blanc et l’abondance en électricité. C’est Chalco qui en a profité, la nébuleuse compagnie publique en train de décupler ses capacités. En janvier, en pleine action de rachat de ses petits rivaux, elle annonçait le passage de son parc productif de 1,94Mt à 5Mt d’ici 2009. Elle vient de tripler sa valeur (31MM$) en bourse de Shanghai, et a quintuplé ses profits en 3 ans, à 2,25MM² .
Mais voilà qu’Alcoa le n°1 (USA) se réveille, et veut racheter Alcan (Canada, n°3) pour 33MM$, dont 6 de dettes. Avec 7,5Mt/an de capacité, le nouveau géant resterait loin devant Chalco, qui peut se faire du souci, avec déjà 8% de ses parts chez ce dernier. Aussi le tour de vis de Pékin sur le secteur de l’aluminium, semble être un coup de fouet destiné à accélérer la consolidation, pour éviter la session à l’Amérique du joyau public chinois !
[2] Une foule d’affaires européennes se débloquent. A Shanghai, le consortium Transrapid obtient le prolongement de son Maglev (voir p2). Alstom reçoit (12/04) son feu vert au rachat de 51% des Chaudières de Wuhan pour 34M², et reprend (2/05) Sizhou (Qingdao), expert en traitement des cendres de centrales thermiques. Dès le 13/04, Pékin avait aussi approuvé le rachat par SEB de Supor le n°1 chinois de la casserole, malgré l’objection des rivaux, au nom de la « souveraineté nationale ». Il faut aussi remarquer l’attitude volontariste du ministère du commerce, dans la crise Danone-Wahaha. Il tente une médiation, et surtout, agit par voie de presse pour expliciter les torts de la partie chinoise: c’est nou-veau. Dans le deal Carlyle-Xugong, il avait fait traîner les choses 18 mois, et laissé peser d’un poids bien plus lourd le point de vue de la concurrence locale. Cet interventionnisme est atypique : depuis l’entrée à l’OMC (2001), l’Etat limite son dirigisme aux dossiers stratégiques, comme l’énergie ou le nucléaire.
Tentons une explication : avec le départ de Jacques Chirac, Pékin a conscience de perdre un ami, comme il l’avait déjà ressenti avec Gerhard Schroeder, remplacé par une Angela Merkel moins conciliante. Outre-Manche aussi, Tony Blair prépare ses valises, le 27/06. Pour la Chine, le temps des amitiés confortables en Europe semble arriver à terme. Or, au plan des affaires, depuis un an ses préférences sont allées nettement vers l’Amérique, dans l’espoir de retarder des sanctions et un protectionnisme — qui arrivent quand même. Ceci explique en Chine un nouveau souci de rééquilibrage favorable à l’Europe : Pékin veille au grain !
Sommaire N° 18