Editorial : Hong Kong, rampe de lancement internationale pour CATL

Hong Kong, rampe de lancement internationale pour CATL

Coup de gong. Le 20 mai, le chinois CATL, numéro un mondial des batteries de véhicules électriques, qui détient presque 37 % du marché global, a levé 4,6 milliards de $ en bourse de Hong Kong. Il s’agit de la plus importante introduction en bourse (IPO) dans l’ex-colonie britannique depuis 2020 et dans le monde entier depuis le début de l’année.

L’opération a attiré des poids lourds de la finance mondiale comme JPMorgan, Bank of America, le fonds souverain du Koweït, la holding d’investissement de la famille italienne Fiat Agnelli, et la compagnie pétrolière étatique chinoise, Sinopec. Le grand public a fait preuve de davantage d’engouement encore : les particuliers ont demandé 151 fois plus d’actions que disponibles.

CATL, ou Contemporary Amperex Technology Limited (宁德时代), de son nom complet, est peu connu du grand public. Ses batteries équipent pourtant bon nombre de véhicules automobiles, de Tesla à Volkswagen, en passant par Ford, Stellantis, Toyota et Mercedes – à l’exception, bien sûr, de son grand rival, le chinois BYD, qui produit ses propres batteries.

Déjà coté à Shenzhen et valorisé à 135 milliards de $, CATL restait jusqu’ici inaccessible aux investisseurs internationaux. En débarquant à Hong Kong, le leader mondial des batteries franchit un cap stratégique : il s’ouvre aux capitaux étrangers, tout en faisant de l’expansion à l’étranger un moteur clé de sa croissance.

En effet, cette cotation lui offre un accès direct aux dollars dont il a cruellement besoin pour financer ses vastes projets d’investissement, notamment en Europe, où l’entreprise multiplie les implantations industrielles et les partenariats.

Après une première usine inaugurée en Allemagne en janvier 2023, le groupe de Ningde (Fujian) a indiqué que 90% des fonds levés servirait à financer la construction d’une usine en Hongrie. Le groupe fondé par Robin Zeng s’est également lié à Stellantis dans un partenariat à 4,1 milliards d’euros qui doit donner naissance à une gigafactory en Espagne d’ici fin 2026. Tous ces projets font de CATL le plus gros investisseur chinois sur le Vieux Continent.

Cette levée de fonds peut être étonnante de la part d’un groupe à la tête d’une petite fortune, évaluée à 42 milliards de $. Sauf que l’essentiel de cette somme est libellé en yuans. Or, Pékin impose des règles strictes sur la sortie de capitaux de manière à décourager toute velléité de financement hors du territoire. Conséquence : CATL ne peut pas utiliser sa monnaie nationale pour alimenter ses projets européens. Une contrainte de taille que la levée de fonds en dollars à Hong Kong vient précisément contourner.

Il y a encore quelques années, une entreprise d’envergure souhaitant lever des fonds à l’international aurait opté pour Wall Street les yeux fermés. C’était l’option choisie par le géant du e-commerce Alibaba dès 2014 ou le leader des VTC, Didi Chuxing en 2021. Mais c’est sans compter sur le déficit de confiance qui prévaut aujourd’hui entre Pékin et Washington, l’un voulant réduire l’exposition de ses entreprises aux marchés américains, l’autre se méfiant de leur présence et espérant leur départ…

Pour CATL, la question ne s’est tout simplement pas posée : en janvier, Washington a placé le groupe sur liste noire au motif qu’il fournirait des batteries à l’armée chinoise, ce que dément la direction. D’ailleurs, pour limiter au maximum son exposition aux Etats-Unis, CATL a eu recours à un tour de passe-passe réglementaire, qui a empêché les petits investisseurs américains d’acheter ses actions à Hong Kong.

Ce détail mis à part, l’entrée de CATL au HKSE pourrait bien inciter d’autres grands groupes chinois aux ambitions internationales, à faire de même. Selon un porte-parole de la Bourse de Hong Kong, quelque 40 entreprises de Chine continentale envisageraient déjà une cotation dans l’ex-colonie britannique pour accéder, elles aussi, aux devises étrangères. En parallèle, un nombre croissant de groupes chinois cotés aux États-Unis cherchent à se rapprocher de chez eux pour contourner les risques géopolitiques et la menace potentielle de dé-listing

Ce retour en grâce serait une véritable bouffée d’air pour Hong Kong après le tour de vis réglementaire de Pékin en 2020, qui a conduit plusieurs grandes entreprises chinoises à suspendre leurs projets de cotation. Si cette tendance se concrétise, l’ex-colonie britannique pourrait bien retrouver son statut de première place mondiale pour les introductions boursières, perdu en 2022 en pleine pandémie… Hier encore porte d’entrée privilégiée de la Chine continentale, Hong Kong serait-elle en train de devenir sa meilleure porte de sortie ?

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