
Dernier grand constructeur automobile arrivé dans l’Empire du Milieu (si l’on fait abstraction de son expérience malheureuse avec ses minibus Trafic dans les années 90), Renault (雷诺 ; léi
Depuis lors, on pouvait penser que Renault avait complètement renoncé à la Chine. Pas tout à fait. Mi-janvier, la marque au losange a annoncé l’ouverture d’un centre de R&D à Shanghai. Baptisé « Advanced China Development Centre » (ACDC) – clin d’œil aux notions de courant alternatif et courant continu -, le centre héberge environ 150 ingénieurs qui ont pour mission de développer le moteur, la batterie, ainsi que l’habillage intérieur de la future Twingo électrique, affichée à moins de 20 000 euros et dont la sortie est prévue en Europe pour 2026.
Ce pari audacieux, le PDG de Renault, Luca de Meo, l’assume pleinement, malgré les critiques de « délocalisation déguisée » de la part des syndicats en France. Dans une interview donnée début janvier au China Daily, le patron d’origine italienne explique : « Lorsque j’ai demandé à mes équipes (françaises) de relever ce défi il y a un an, elles m’ont dit : ‘c’est impossible’. Lorsque j’ai posé la même question ici, on m’a dit : ‘aucun problème’ ». Le PDG semble intimement convaincu que l’expertise chinoise dans le domaine des véhicules électriques représente la meilleure chance pour son groupe d’accélérer ses cycles de développement et de rester compétitif sur le plan mondial. « Quand je suis arrivé chez Renault en 2020, il fallait entre 48 et 60 mois pour développer une voiture. Aujourd’hui, nous pouvons le faire en un tiers du temps », poursuit-il. Luca de Meo reconnaît également que certaines entreprises chinoises, bien qu’étant des concurrentes, « offrent une source d’inspiration et une créativité remarquable ».
La situation présente un aspect un peu paradoxal : tandis que l’Union européenne s’efforce de restreindre les importations de véhicules électriques « made in China » en imposant des droits de douane compensatoires (la E-Twingo sera d’ailleurs produite en Slovénie), les principaux constructeurs européens multiplient les alliances avec les acteurs chinois. Ainsi, depuis l’arrivée de M. de Meo à la tête de Renault il y a 5 ans, le groupe a conclu plusieurs partenariats avec des entreprises chinoises, parmi lesquels le constructeur Geely, et les fabricants de batteries, Minth, Envision et CATL.
Renault n’est pas le seul acteur à miser sur la Chine pour combler son retard dans l’électrique. En juin 2023, le groupe allemand Volkswagen a annoncé l’inauguration de son plus grand centre de R&D au monde à Hefei (capitale de la province de l’Anhui) pour un investissement d’un milliard d’euros. Ce centre regroupera plus de 2 000 ingénieurs et spécialistes des achats, avec pour objectif une réduction de 30% des délais de développement et un meilleur repérage des fournisseurs innovants. La tendance est tenace : entre 2012 et 2021, le montant des investissements étrangers (IDE) en R&D vers la Chine a presque doublé.
De nombreuses entreprises présentes en Chine (tous secteurs confondus) partagent le même constat : malgré une dégradation sensible du climat d’affaires ces dernières années, le maintien d’une présence sur place et des visites régulières dans l’Empire du Milieu restent cruciales pour profiter du terreau d’innovation local et garder un œil sur la concurrence chinoise afin de ne pas se laisser distancer à l’international. Les dirigeants des constructeurs automobiles allemands (VW, BMW, Mercedes…) en ont fait l’amère expérience lors du salon de l’auto de Shanghai 2023, constatant avec surprise l’avance prise par les marques chinoises pendant la pandémie de Covid-19.
Sommaire N° 6 (2025)