Société : La Chine veut relancer ses naissances

La Chine veut relancer ses naissances

« Vous sentez-vous prête à enfanter » ? « Connaissez-vous les dates de vos dernières règles » ? « Souhaitez-vous être rappelée lorsque vous serez en période d’ovulation » ? Ce sont ce genre de questions que des dizaines de milliers de jeunes Chinoises se sont vues poser ces derniers mois lors d’échanges téléphoniques avec des employés de leurs comités de quartier (居委会, jūwěihuì) – les mêmes qui se sont illustrés durant la politique « zéro Covid ».

Ces derniers ne démarchent pas au hasard. Lorsque les couples s’enregistrent au bureau des mariages ou déclarent une naissance à l’hôpital, leurs informations sont transmises au bureau du planning familial de leur lieu d’habitation, qui les transfèrent par la suite aux comités de quartier, qui se chargent eux-mêmes de contacter les jeunes mariés ou les heureux parents.

« Je leur ai simplement répondu que je n’avais pas assez de temps, d’argent, ni d’énergie pour un second enfant », témoigne une jeune maman qui a été contactée. Un sentiment apparemment partagé par la majorité des Chinoises interrogées. Certaines ont également exprimé leur inquiétude quant à l’état de l’économie et du marché de l’emploi ou encore, de forts ressentiments vis-à-vis de la politique de l’enfant unique en vigueur pendant plus de trois décennies.

« Que le gouvernement commence par rembourser les amendes (parfois disproportionnées au regard des revenus des familles) prélevées durant cette époque, avant de venir nous demander de faire des enfants », ont parfois entendu les fonctionnaires. En effet, malgré les promesses de plusieurs localités de « traiter les problèmes historiques (et surtout les abus) liés au contrôle de naissances » de manière « appropriée », aucune forme de compensation (encore moins d’excuses) n’a été apportée à ce jour. Pour rappel, la politique de l’enfant unique a été assouplie à deux enfants en 2015, puis à trois enfants en 2021.

Jugé maladroit et particulièrement intrusif par les « générations Y » et « Z », cet effort téléphonique s’inscrit dans une campagne plus large pour relancer la natalité du pays, en chute progressive depuis plusieurs années. Environ 9 millions de bébés sont nés en 2023, soit la moitié du total de 2016.

Pour espérer inverser la tendance, le Conseil d’Etat a dévoilé fin octobre un plan censé favoriser une « société propice aux naissances » avec un budget qui devrait osciller entre 250 et 500 milliards de yuans par an. Ces mesures s’inscrivent dans la continuité de l’appel de Xi Jinping fin 2023, mettant en avant la nécessité de faire émerger « une nouvelle culture du mariage et de la procréation auprès des jeunes femmes ».

Outre l’augmentation des primes à la naissance (qui existent déjà) et autres allocations familiales, l’Etat a annoncé que l’accès à la propriété ainsi qu’aux logements à loyer modéré pour les familles avec plusieurs enfants, serait facilité. De nouveaux allégements fiscaux pour les parents d’enfants de moins de 3 ans sont également prévus. Au plan médical, l’état prévoit une meilleure couverture durant la grossesse ainsi qu’un meilleur accès aux technologies de reproduction assistée et à la péridurale. Enfin, le gouvernement veut s’assurer que la réglementation encadrant le congé maternité soit respectée et encourager les employeurs à construire davantage de crèches d’entreprises tout en favorisant des horaires de travail flexibles et le télétravail.

Rien de véritablement nouveau en somme. D’ailleurs, la réaction du public n’a pas été celle escomptée. « C’est comme si vous achetiez une Ferrari et que le gouvernement vous offrait une réduction de 100 yuans », commentait un utilisateur de Weibo.

En parallèle, l’Etat a lancé mi-octobre, un sondage à l’échelle nationale auprès de 30 000 femmes en âge de concevoir (entre 15 ans et 49 ans selon l’échantillon statistique retenu), afin d’« obtenir de nouvelles données sur la perception du mariage et de la procréation ainsi que sur les principaux facteurs déterminants ». Le centre chargé de cette étude a expliqué qu’elle avait pour but de mieux comprendre les difficultés et les besoins des familles en matière de natalité et parentalité, ainsi que les raisons les poussant à ne pas avoir d’enfant. Une enquête du même type avait déjà été menée en 2021.

La démarche est louable. Mais le gouvernement est-il prêt à en tirer les conclusions qui s’imposent ? Pour les jeunes Chinoises, le mariage est depuis longtemps devenu synonyme de davantage de travail domestique – voire dans certains cas, de violences conjugales -, et la grossesse est perçue comme un frein à leur carrière, tandis que le divorce a été rendu volontairement plus difficile à obtenir par les autorités. Elles ont encore plus à dire au sujet de l’accouchement… Face à ces inquiétudes, distribuer quelques billets et passer quelques coups de fil ne vont pas suffire à leur faire changer d’avis. 

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