Petit Peuple : Chongqing – Luo Lijuan : mariage plus vieux, mariage heureux !

Chongqing – Luo Lijuan : mariage plus vieux, mariage heureux !

En ce jour pluvieux de février, à la sortie du bureau des mariages de son district de Chongqing, Luo Lijuan ne passe pas inaperçue. Si elle laisse les dentelles et les strass aux mariées de vingt ans, elle a choisi à 67 ans une robe écarlate à larges volants pour convoler une seconde fois. Dans ses cheveux teints en rouge volètent des papillons de soie, tandis qu’à ses doigts brillent des pierres de différentes couleurs. Atypique, exubérante, Luo Lijuan sourit, plus rayonnante que jamais au bras de son tout nouveau mari.

Fille unique et choyée d’un couple de commerçants, Luo Lijuan a toujours eu confiance en elle et en sa bonne étoile. Quand toutes ses amies se mariaient les unes après les autres, sous la pression familiale, elle refusait d’épouser un homme sans amour. Las de lutter, ses parents ont fini par la laisser tranquille. A l’aube de la trentaine, le grand amour s’est enfin présenté avec dix ans de plus, un milieu plus simple mais un esprit d’initiative et une ouverture vers l’étranger qui firent merveille quelques années plus tard quand les grandes multinationales étrangères voulurent entrer sur le marché chinois.

Ils se sont mariés, sans prêter attention aux avis parentaux mitigés et Luo Lijuan accoucha d’une petite fille un an plus tard. Dix années d’un bonheur sans nuages avant la maladie puis la mort de son époux qui lui portèrent un coup terrible. Il la laissait à l’abri du besoin mais vidée tout d’un coup de sa joie de vivre et de son énergie. Pour sa fille elle s’est accrochée, a ouvert une boutique de prêt-à-porter et s’est plongée dans le travail pour ne plus penser.

Quelques années plus tard, enfin diplômée et à l’orée d’une belle carrière, sa fille s’est mise tardivement en quête du Prince Charmant, l’exemple maternel ayant prouvé que tout vient à point à qui sait attendre. Luo Lijuan pensa la quête rapide, sa fille n’avait-elle pas toutes les qualités ? Il n’en fut rien.

A bout de patience, sur le point de poster une annonce détaillant les caractéristiques physiques, le salaire et les centres d’intérêts de sa fille dans le coin des marieuses à Hongyadong, Luo Lijuan s’est souvenue de la patience de ses propres parents et n’en fit rien. Une application de rencontre dénicha la perle rare pour sa fille et Luo Lijuan, d’abord réticente, découvrit les potentialités de ces nouveaux outils de dating.

Au moment des confinements à répétition liés au Covid-19, elle s’est familiarisée avec l’application Douyin, a créé un profil, s’est amusée à se photographier dans les tenues colorées qui attendaient tristement dans sa boutique fermée. Son profil « Belle Grand-mère » a été suivi, de plus en plus, les commentaires élogieux se sont succédé, Luo Lijuan a retrouvé le sourire, s’est surprise à rêver…

Un abonné souligne un jour sa ressemblance avec une participante d’un show télévisé qui permet à des seniors de retrouver l’amour. Pourquoi pas elle ? Sa fille la soutient, l’encourage même et la voilà sur un plateau de télévision.

Dès le lendemain, près de 200 prétendants, souvent bien plus jeunes qu’elle, divorcés ou veufs, la contactent. Le dixième, un divorcé de 74 ans, honnête et sportif, surnommé Qi, retient son attention. Plus de beaux-parents ni de parents à contenter, plus de pression sur la différence de milieu, sur la situation financière, Luo et Qi s’émerveillent de la simplicité de leurs échanges, de cette légèreté que ni l’un ni l’autre n’avait expérimenté auparavant. Luo aime faire de longues balades sur la moto de Qi et Qi apprécie la vitalité de Luo, son optimisme et son amour des papillons et des couleurs vives.

Un jour, Qi a murmuré à Luo qu’il est comme un arbre desséché qui a retrouvé le printemps (枯木逢春, kū mù féng chūn). Grâce à elle, il revient à la vie et ne souhaite plus la quitter. Avant de se marier, les deux tourtereaux sont retournés sur le plateau de l’émission pour remercier et témoigner. Ils ont parlé d’un amour enfin débarrassé des exigences matérielles, du diktat des apparences, de la pression d’enfanter et d’éduquer des enfants, un amour pour aimer, tout simplement, et les jeunes qui les ont écoutés n’en ont pas laissé échapper une miette.

Devant le bureau des mariages, comme deux papillons de 67 et 74 ans, que ni la pluie ni la vieillesse n’effraient plus, ils s’apprêtent à prendre un envol que tous les abonnés de Luo leur souhaitent le plus long et le plus léger possible !

Par Marie-Astrid Prache

NDLR : Notre rubrique « Petit Peuple » dont fait partie cet article s’inspire de l’histoire d’une ou d’un Chinois(e) au parcours de vie hors de l’ordinaire, inspirée de faits rééls.

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
2.5/5
4 de Votes
1 Commentaire
Ecrire un commentaire