Editorial : Rétrospective de rentrée

Rétrospective de rentrée

Une nouvelle fois cet été, la Chine a été victime du réchauffement climatique avec des phénomènes météorologiques extrêmes. À la fin juillet, des pluies torrentielles ont frappé la région de Pékin, causant la mort d’une trentaine de personnes et forçant l’évacuation de plus de 80 000 habitants. Chose rare : les autorités ont reconnu des failles dans leurs plans de prévention, soulignant la nécessité de renforcer les infrastructures et procédures d’urgence. À l’est du pays, une vague de chaleur exceptionnelle, avec des températures dépassant les 40 °C, a contraint les universités à transformer leurs bibliothèques en refuges climatisés pour étudiants, tandis que la consommation électrique atteignait des records.

Parallèlement, le Guangdong fait face depuis l’été à une flambée du chikungunya, avec près de 8 000 cas confirmés. Dans une drôle de guerre contre les moustiquesqui n’est pas sans rappeler celle de Mao contre les « quatre nuisibles » -, les autorités locales ont réinstauré des mesures drastiques inspirées de l’ère Covid, incluant quarantaines, pulvérisations massives d’insecticide et contrôles renforcés. De quoi raviver de mauvais souvenirs chez certains…

Au plan de la politique intérieure, l’été a été plutôt agité, avec la nouvelle de l’arrestation discrète début août de Liu Jianchao, diplomate pressenti pour remplacer Wang Yi à la tête du ministère des Affaires étrangères, ou encore la mise sous enquête de Wang Lixia, présidente de Mongolie Intérieure. En parallèle, les rumeurs la santé de Xi Jinping et son éventuel départ en retraite dans un avenir proche, ont continué d’aller bon train. 

Comme pour faire taire les ragots, le leader s’est envolé le 20 août pour Lhassa (Tibet) et ses 3650 m d’altitude, en compagnie de plusieurs membres du Politburo, à l’occasion des 60 ans de la fondation de la région autonome. Le message envoyé par Xi était clair : loyauté et assimilation (culturelle, religieuse…) restent les maîtres mots pour le Tibet. Aucune inflexion n’est donc à attendre de Pékin sur la question du choix du successeur du Dalaï-Lama, le leader spirituel tibétain exilé, qui a fêté ses 90 ans en juillet.

Si ce voyage de Xi Jinping sur « le toit du monde » a surpris, c’est qu’il aurait pu déléguer cette tâche, comme il l’avait fait en 2015, mais a tout de même fait le déplacement – le second depuis 2021. Cette importance accordée au « Xizang » (Tibet dans le texte) souligne le caractère stratégique de la région pour Pékin, véritable château d’eau du reste de la Chine et de l’Asie. Justement, mi-juillet, les travaux d’un barrage géant sur le fleuve Yarlung Tsangpo – connu sous le nom de Brahmapoutre de l’autre côté de l’Himalaya – ont officiellement débuté. Surnommé le « projet du siècle » par la presse officielle, ce complexe hydroélectrique aura une puissance d’environ 60 GW, soit approximativement la capacité installée de l’ensemble du parc nucléaire français. Son coût ? Environ 1000 milliards de yuans (137 milliards de $) pour une petite décennie de chantier. Une fois achevé, le barrage de Motuo devrait devenir le plus grand projet hydroélectrique au monde, détrônant celui des Trois Gorges, sur le fleuve Yangtsé. En aval, New Delhi, avec qui Pékin tente de recoller les morceaux, a d’ores et déjà fait part de son inquiétude à la Chine, craignant que ce barrage ne réduise le débit du fleuve en période sèche…

Enfin, le grand événement de cette rentrée sera bien entendu la parade militaire du 3 septembre à Pékin, commémorant le 80ème anniversaire de la fin de la seconde Guerre mondiale et de la victoire contre l’agression japonaise. Friand des défilés militaires, Xi Jinping s’offre ainsi une 3ème parade pour son 3ème mandat, après celle célébrant en 2019 les 70 ans de la fondation de la RPC et celle marquant en 2015, le 70ème anniversaire de la victoire des Alliés contre le fascisme.

Dans la capitale chinoise, cela fait des mois que les préparatifs vont bon train, avec des survols d’avion de chasse en avant-première pour les Pékinois. Par mesure de sécurité, les ponts, les tunnels et les rames de métro sont désormais surveillés par des gardes ou des militaires pour éviter que tout acte isolé (une innocente banderole par exemple) ne vienne troubler la fête… Les colis entrants font également l’objet de contrôles renforcés.

Par rapport au défilé de 2015, la liste des invités a quelque peu évolué. Comme il y a 10 ans, aucun dirigeant d’une puissance occidentale, ni le premier ministre japonais, n’a daigné faire le voyage pour s’asseoir dans les tribunes aux côtés du président russe Vladimir Poutine, recherché par la Cour pénale internationale, du dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, et de l’iranien Masoud Pezeshkian. Pékin a toutefois eu plus de succès auprès de ses voisins asiatiques (11 sur 14 ont répondu « présent »). Côté européen, seuls Robert Fico, Premier ministre slovaque, et Aleksandar Vučić, président serbe, ont accepté l’invitation. L’événement a également été boudé par la plupart des dirigeants africains (seuls 2 feront le déplacement contre 5 en 2015)…

Mais pour la Chine, l’essentiel n’est pas là. Il s’agit avant tout de resserrer les alliances existantes, raviver sa mémoire historique (en tête du box-office de l’été, Nanjing Studio Photo 南京照相馆, un film racontant l’histoire d’un groupe de civils qui risquent leur vie pour préserver des preuves photographiques des atrocités commises par l’armée japonaise) et bien sûr, afficher sa puissance militaire. Seront ainsi mis en scène les équipements les plus performants de l’Armée Populaire de Libération (APL) actuellement en service, dont les avions furtifs J-20 et les missiles balistiques intercontinentaux Dongfeng-41.

Cette démonstration de force aura toutefois peine à masquer les récentes turbulences au sein du haut commandement de l’armée. Depuis 2023, pas moins d’une vingtaine de généraux et hauts gradés de l’APL ont été placés sous enquête, dont l’un des vice-présidents de la puissante commission militaire centrale (CMC). Dans ce contexte tendu, bien malin serait celui qui donnera le nom du commandant-en-chef du défilé. De même, la présence des membres de la CMC deviendra un signal important pour observer la structure du pouvoir au sein de la direction militaire suprême.

C’est également vrai pour les apparitions en tribune des anciens dirigeants du Parti. Leur apparition lors des commémorations nationales reflète souvent leur statut au cœur du pouvoir et constitue un indicateur-clé de l’atmosphère politique actuelle. Ainsi, il y a 10 ans, la présence de l’ex-Premier ministre Zhu Rongji, avait déclenché un torrent spontané de louanges de la part des internautes. Cette année, on attend de voir si l’ancien président Hu Jintao, 79 ans (« éjecté » en pleine séance de clôture du XXème Congrès en 2022 et que l’on dit malade) et son premier-ministre de l’époque, Wen Jiabao, octogénaire, apparaîtront… Réponse mercredi !

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