Le Vent de la Chine Numéro 14 (2021)
Le couperet est tombé pour Alibaba : le numéro 1 du e-commerce chinois devra s’acquitter d’une amende record de 18,2 milliards de yuans (2,33 milliards d’euros) pour abus de position dominante depuis 2015. En outre, la firme de Hangzhou devra procéder à une refonte complète de ses opérations et sera tenue de réaliser des « examens de conformité » pendant trois ans.
Cette punition intervient dans un contexte de reprise en main des géants de l’internet par les autorités, dont la première cible est le vaste empire de Jack Ma. Fin octobre dernier, le charismatique fondateur d’Alibaba avait suscité l’ire de Pékin en formulant d’acerbes critiques à l’encontre du système réglementaire chinois. Ces commentaires ont été sanctionnés quelques jours plus tard par la suspension brutale de l’introduction en bourse de son bras armé financier Ant, suivie de l’ouverture d’une enquête sur ses pratiques monopolistiques fin décembre.
Aujourd’hui, l’administration d’État pour la régulation des marchés (SAMR) punit le géant du commerce en ligne pour avoir exigé l’exclusivité de ses marchands. Cette pratique, prénommée « èr xuǎn yī » (二选一), force les vendeurs à renoncer à être présents sur les plateformes rivales d’Alibaba. « Un tel comportement a restreint la concurrence et l’innovation dans le secteur et violé les droits et les intérêts des entreprises et des consommateurs », a déclaré le régulateur le 10 avril.
Le montant de l’amende, qui équivaut à 4 % du chiffre d’affaires d’Alibaba en 2019, dépasse largement toutes les précédentes pénalités infligées dans l’histoire antitrust chinoise. C’est le triple de celle écopée par le géant des semi-conducteurs Qualcomm en 2015, pour avoir exagéré ses prix : 6,1 milliards de yuans, soit 8% des ventes du groupe américain en Chine. L’addition aurait donc pu être encore plus salée pour Alibaba, les directives anti-monopole stipulant que les pénalités peuvent s’élever jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires annuel. Cette amende, loin de mettre Alibaba dans le rouge, est donc probablement le fruit d’un compromis entre les autorités et le géant du e-commerce, qui a fait preuve de bonne volonté depuis le début de l’enquête.
Le groupe a fait d’ailleurs preuve de contrition en indiquant accepter « sincèrement » le châtiment et s’y conformer « résolument ». Dans un communiqué adressé à ses employés, clients et actionnaires, le PDG d’Alibaba Daniel Zhang, a présenté cette sanction comme « un nouveau départ » pour l’entreprise. Publié une minute après l’annonce de la SAMR, un commentaire du Quotidien du Peuple expliquait que cette punition « n’est en aucun cas un désaveu du rôle majeur de ‘l’économie de plateforme’ dans le développement du pays, et ne représente pas un changement d’attitude à son égard ». « Juguler est aussi un acte d’amour », précisait l’organe de presse du Parti.
Et les utilisateurs dans tout cela ? Ils devraient en sortir gagnants, puisque cette punition pourrait déboucher sur davantage d’intégration des services d’Alibaba aux plateformes de son grand rival, Tencent. Preuve en est : Taobao Deals, concurrent de Pinduoduo, et Xianyu, spécialisé dans les ventes de seconde main, viennent de soumettre une demande pour apparaître en tant que « mini-programmes » sur WeChat, l’application « couteau suisse » qui appartient à Tencent. Si la demande d’Alibaba est acceptée, ce serait une première, les deux ennemis jurés excluant systématiquement les applications de l’autre depuis 2013… Il serait mal venu pour Tencent de refuser, l’autre géant du numérique ayant toutes les chances d’être la prochaine cible des autorités antitrust. Prenant les devants, son PDG Pony Ma a d’ailleurs rencontré les dirigeants de la SAMR fin mars, notamment au sujet des acquisitions passées du groupe.
Cette sanction signe-t-elle la fin des ennuis pour Alibaba ? Rien n’est moins sûr… Au-delà de l’enquête antitrust, les autorités ont ordonné à la firme de se concentrer sur le e-commerce, son cœur de métier, et de céder ses actifs dans les médias – le groupe étant propriétaire du quotidien anglophone hongkongais, le South China Morning Post. Mais les conséquences de la restructuration des activités d’Ant – sommé de se plier aux mêmes règles que les banques traditionnelles – sont encore incertaines, si ce n’est qu’elles devraient fortement réduire sa valorisation… Pour le reste de la Big Tech chinoise, le message est limpide : l’ère du laxisme, qui leur a longtemps profité, vient de prendre fin et la croisade antitrust à leur encontre ne fait que commencer.
Après des débuts timides, la Chine accélère le rythme de sa campagne de vaccination. En quelques semaines, le pays est passé d’un million de doses injectées quotidiennement, à 5 millions début avril. Initialement réservée à certains groupes à risques (personnel hospitalier, chauffeurs de taxi, livreurs, douaniers…), puis aux 18 – 59 ans, la vaccination a été ouverte aux plus de 60 ans – tranche d’âge qui représente 18% de la population – mais aussi aux centaines de milliers de ressortissants étrangers qui vivent dans le pays.
Au 10 avril, 164 millions de doses avaient été administrées en Chine. Un chiffre impressionnant faisant du pays le n°2 mondial en nombre d’injections, après les États-Unis. Pourtant, rapporté à son immense population, la Chine n’a vacciné que 10% de ses habitants, en retard sur les pays occidentaux. L’objectif est de porter ce chiffre à 40% fin juin (soit 560 millions de personnes), en quête de l’immunité collective, calculée en multipliant le nombre de personnes vaccinées par le taux d’efficacité des vaccins.
Pour y arriver, il faudrait injecter 10 millions de doses par jour. Un véritable challenge pour les autorités, qui font face au scepticisme et au manque d’empressement de la population, se sentant en sécurité en Chine.
« La vaccination doit être considérée comme une tâche politique majeure », a décrété la vice-première ministre Sun Chunlan, sur le front depuis le début de la pandémie. Il en va de la crédibilité du modèle chinois de lutte contre le virus sur la scène internationale.
Message reçu 5 sur 5 dans les grandes villes et dans les provinces les plus touchées par le virus (Hubei et Heilongjiang notamment), devenues les fers de lance de la campagne de vaccination.
À Pékin, cœur politique du pays qui fait l’objet d’une attention particulière depuis le début de la pandémie, déjà 9 millions d’habitants sur les 22 millions en ville auraient été inoculés. D’ici le mois de mai, la capitale devrait avoir atteint un taux de vaccination de 70%, seuil de l’immunité collective. Pour cela, les autorités locales n’ont pas hésité à offrir des récompenses aux vaccinés – des bons d’achat utilisables dans certains supermarchés ou deux boites d’œufs pour les sexagénaires. Dans certaines rues, des affichettes (cf photo) ont fait leur apparition sur les portes des résidences ou les vitrines des commerces : elles sont de couleur verte, jaune ou rouge, indiquant le taux de vaccination (au-dessus de 80%, entre 40% et 80%, inférieur à 40%).
Aucun doute, la pression des comités de quartiers auprès des habitants se fait de plus en plus forte : les coups de fil sont réguliers, parfois accompagnés de mises en garde… Le long des avenues, des calicots rappellent que « se faire vacciner est le droit, l’obligation et la responsabilité de chaque citoyen ».
Les 92 millions de membres du Parti, employés de firmes d’État et fonctionnaires, sont tous sollicités pour montrer l’exemple – sauf contre-indication médicale. En un contraste saisissant avec les images relayées par les médias chinois de chefs d’État étrangers se faisant administrer un vaccin « made in China » (le dernier en date étant le Président serbe), aucun dirigeant chinois n’a fait l’objet d’une telle mise en scène, probablement vaccinés des mois avant le grand public… Seule personnalité ayant relayé une vidéo de sa séance de vaccination : le Dr Zhang Wenhong, expert shanghaien apprécié pour son franc-parler.
Lorsque les incitatifs ne suffisent pas, certaines localités sont prêtes à sanctionner les éléments récalcitrants à la vaccination. À Wanning sur l’île-province de Hainan, les autorités les ont menacés de leur interdire l’accès à certains lieux publics et de les priver des aides du gouvernement. La sévérité des punitions promises a créé la polémique et poussé les autorités à revoir leur approche, tout en expliquant qu’elles n’ont fait que suivre les directives « venues d’en haut ».
On touche là au cœur du problème : est-ce qu’un mélange de petits incitatifs, de pression sociale et de nationalisme ambiant, suffira à maintenir – voire à accélérer – le rythme vaccinal ? L’avenir le dira. Cependant, si les efforts de vaccination stagnent, l’État pourrait être tenté d’employer les grands moyens en interdisant les voyages inter-provinciaux à toute personne non vaccinée. Pour cela, il dispose déjà de l’outil idéal : le code QR de santé. Néanmoins, une mesure si radicale risquerait d’être impopulaire et pèserait sur l’économie, alors que la consommation peine à retrouver son niveau pré-pandémique…
De la vitesse de vaccination dépendra aussi la réouverture du pays qui doit accueillir les JO d’hiver dans 300 jours. Dr Zhang Wenhong ne voit pas la Chine assouplir ses restrictions aux frontières avant le printemps 2022 – période à laquelle elle devrait avoir bâti sa grande muraille immunitaire, avec entre 70 et 80% de sa population vaccinée.
En un premier aveu public de l’efficacité moindre des vaccins inactivés chinois comparés à ceux de type ARN (Pfizer/BioNtech et Moderna) – qui ont d’ailleurs été dénigrés par plusieurs médias officiels fin 2020 – le directeur du CDC national Gao Fu a évoqué le 10 avril plusieurs pistes pour renforcer leur niveau de protection, comme d’augmenter le nombre de doses ou de mélanger les vaccins. La question de leur efficacité face aux différents variants pourrait également retarder l’ouverture du pays…
Quoi qu’il en soit, Pékin devra réévaluer sa politique actuelle de « tolérance zéro » (cas de Covid-19), la deuxième puissance économique mondiale ne pouvant rester recroquevillée sur elle-même dans la crainte du virus, alors que le reste du monde se remet à échanger. En effet, une fois que le pays aura atteint l’immunité collective, il deviendra inutile de maintenir ces mesures aux frontières pour garder le virus à distance.
Pékin devra donc opérer un virage à 180 degrés : après avoir démontré à sa population que le risque de contamination est très faible en Chine, puis incité le pays entier à se faire vacciner, le gouvernement devra expliquer à ses citoyens que la vaccination n’empêche pas de contracter la Covid-19, seulement d’éviter des réactions les plus graves, et qu’il faudra donc apprendre à vivre avec. À ce jour néanmoins, très peu de signes laissent entrevoir que le gouvernement envisage déjà ce scénario inévitable, Pékin étant sûrement plus à l’aise dans le contrôle que dans le lâcher-prise.
Royaume incontesté des mines à bitcoin (BTC), la Chine pourrait voir ses objectifs climatiques compromis par cette activité très gourmande en électricité.
Depuis des années, le pays entretient une relation ambiguë avec la « mère des cryptomonnaies ». Dès 2013, de nombreux opérateurs télécoms, géants de l’internet et commerces se sont mis à accepter les bitcoins (比特币, bǐtè bì) en guise de paiement, avant que Pékin ne décrète ses premières restrictions à l’encontre de cette cryptodevise. Cela n’a pas empêché les investisseurs chinois de se ruer sur cet « or digital ». Fin 2016, 99% des transactions en BTC provenaient de Chine. C’est ce succès qui a poussé la Banque Centrale chinoise à réfléchir au lancement de son propre yuan digital, en cours d’expérimentation aujourd’hui.
Préoccupées par le risque de blanchiment d’argent et de fuite de capitaux, les autorités ont finalement mis le holà sur le bitcoin en 2017, interdisant tous les échanges en cryptomonnaies et les ICO (Initial Coin Offering). Malgré cela, les Chinois ont encore sorti 17,5 milliards de $ de Chine en 2020 grâce aux cryptodevises (+53% par rapport à 2019), posséder des bitcoins n’étant pas illégal dans le pays.
Seul pan de l’industrie encore épargné par Pékin, le minage est désormais dans la ligne de mire des autorités. En avril 2019, la tutelle de l’économie (NDRC) a menacé de placer cette activité sur la liste de 450 industries polluantes à éliminer au plus vite…
En effet, 79% des transactions mondiales en bitcoin sont « authentifiées » par des mines chinoises. Le pays abrite aussi Bitmain et Canaan, leaders chinois dans le matériel informatique destiné au minage de cryptomonnaies, côtés au Nasdaq.
Le minage est la base de la technologie « blockchain », sur laquelle reposent toutes les cryptomonnaies. L’activité – très lucrative, rémunérée en bitcoins – consiste à effectuer des calculs mathématiques complexes à l’aide d’ordinateurs tournant 24h/24 pour « vérifier » les transactions. Ces calculs étant de plus en plus complexes, le minage est de plus en plus énergivore. C’est pourquoi la majorité des mines sont installées dans des régions où le prix de l’électricité est particulièrement bas, rachetant souvent le surplus électrique des compagnies locales. 40% des mines à bitcoin seraient alimentées par des centrales à charbon.
Selon une étude publiée dans le magazine Nature menée par le professeur Guan Dabo de l’université Tsinghua à Pékin, si la Chine n’agit pas, le minage de bitcoins pourrait continuer de prendre de l’ampleur avant d’atteindre son pic en 2024. À cette échéance, les mines chinoises consommeront annuellement 297 milliards de kilowattheures – c’est plus que l’Italie en 2016 – et généreront 130 millions de tonnes d’émissions de CO2 – soit l’équivalent des émissions de gaz à effet de serre de l’Arabie Saoudite, troisième producteur mondial de pétrole. D’ici trois ans, l’empreinte carbone du minage représentera 5,4 % du total des émissions dues à la production électrique en Chine.
Pour lutter contre cette industrie, les chercheurs recommandent aux autorités d’accentuer les inspections de ces fermes à bitcoin. Ces visites ont pour objectif d’identifier les mines qui profitent de politiques gouvernementales préférentielles et de tarifs électriques avantageux. Des contrôles qui conduisent souvent les mineurs à déménager dans des provinces alimentées par l’hydroélectrique ou par les énergies renouvelables, telles que le Sichuan, le Yunnan ou encore le Guizhou.
Déjà, la Mongolie-Intérieure, seule région du pays à avoir raté ses objectifs en matière d’intensité énergétique en 2019, a annoncé bannir le minage d’ici fin avril. Cette nouvelle a fait l’effet d’un mini-séisme dans le monde du bitcoin puisque la région héberge 8% de la puissance de calcul nécessaire au fonctionnement de la blockchain mondiale – c’est plus que la puissance cumulée dédiée à cette technologie aux États-Unis.
Ce ban régional sonnerait-il le glas de l’activité de minage en Chine ? Difficile à dire… Ce qui est sûr, c’est qu’une fois que les provinces auront défini leurs propres objectifs en matière de neutralité carbone, les mines à bitcoin ne seront officiellement plus les bienvenues nulle part en Chine, ces projets polluants ne contribuant pas suffisamment à l’économie locale, notamment en termes d’emploi, par rapport à leurs profits réels (les marges peuvent être de 90%).
Ainsi, même si une interdiction pure et simple des activités de minage en Chine n’est pas à exclure, il est plus probable que les mineurs soient progressivement raccompagnés la porte, au nom de l’écologie.
A Xichuan (Henan), Han Shimei, fille de la campagne, a été mal mariée par des parents indignes. Elle a tout raté, et jamais eu de chance donc, jusqu’à ce jour où…
Ce qui sauva Han Shimei, fut son smartphone. Jusqu’à l’an 2019, elle n’avait jamais eu que le portable le plus basique, de ceux qui ne servent à rien de plus qu’à passer un coup de fil. Mais en cette année 2020 à 49 ans, la mère de famille libérée de son aîné (qui volait enfin de ses propres ailes) avait pu satisfaire un vieux rêve, s’octroyer un téléphone relié à l’internet. Oh, pas grand-chose, rien qu’une de ces machines à tout petit écran, à coque un peu griffée dès l’achat (un modèle d’exposition) à mémoire antédiluvienne, de ceux qu’on trouve en Chine dans les villes de 4ème niveau pour à peine plus de 100 yuans.
Mais tel quel, l’appareil avait fait le job au-delà des espoirs les plus fous. Shimei avait vu soudain s’ouvrir à elle des centaines d’applications étranges et merveilleuses, dont elle voyait depuis des années profiter les gens autour d’elle, de ces petites icônes qu’on pouvait cliquer et qui lui donnaient un truc utile, un service, parmi la liste sans fin des petits conforts du monde virtuel. Dans sa cambuse à l’usine, avant de préparer le déjeuner des contremaîtres, elle pouvait consulter les meilleurs prix des légumes sur tel ou tel marché, ou s’enquérir de nouvelles recettes pour rafraîchir son menu. Elle pouvait savoir le temps qu’il ferait demain, ou retrouver l’adresse de tel ami. Surtout, elle avait accès aux réseaux sociaux : elle pouvait lire et entendre les aventures de tas d’inconnus, suivant la trace tangible de l’infinie diversité de leurs destins. Elle pouvait sourire d’aise en découvrant leur chance, ou compatir sur leurs malheurs. Au final, cette toile de fond humain lui faisait deviner qu’elle aussi existait. Les choses qui lui arrivaient, comparées à celles qui arrivaient aux autres, en étaient la preuve. Elle-même n’était pas moins réelle que les autres ! En en prenant conscience, elle avait soudain le sentiment qu’à ce moment, sa vie démarrait pour de vrai.
Bientôt, son fils lui installa le portail Kuaishou, « Main-rapide », un portail d’histoires créées par tout le monde, un site très populaire en milieu rural. La nuit dans la maison, quand tous dormaient, elle pouvait pendant plusieurs heures visionner des dizaines de ces sketches de quelques secondes ou quelques minutes. Pour chaque clip visionné, Kuaishou promettait une à vingt « sapèques d’or », et jusqu’à cent si l’auditeur cliquait sur l’auteur pour le « suivre ». 10.000 sapèques dans votre escarcelle vous faisaient gagner un yuan sonnant et trébuchant : alors, le trésor virtuel rejoignait le monde réel. En un an de surf assidu sur Kuaishou, Shimei gagna ainsi quelques centaines de yuans, mais surtout, elle visionna des milliers de tranches de vie de la Chine profonde, chacune résonnant comme un écho d’elle-même.
Une nuit bien noire, elle tomba sur un poème. Comme un haïku japonais, il était très court et tout simple d’apparence, en sept caractères, mais il la bouleversa par la magie de sa mélodie et de son rythme. Incrédule, elle répéta la formule comme une incantation, d’abord maladroitement, puis avec toujours plus d’assurance gourmande. Cette nuit-là, émerveillée, elle ne ferma plus les yeux, mais récita, récita sans cesse ces mots tout neufs qui coulaient dans sa bouche « avec l’aisance d’un torrent » (朗朗上口, lǎnglǎng shàng kǒu). Elle qui jusqu’alors se trouvait si souvent traversée de doutes et de pensées morbides, voyait soudain en elle la brume se lever, et des souvenirs d’enfance s’aligner dans sa tête, joyeusement revisités.
Sans rien dire à personne, Shimei se mit à rimer derrière ses casseroles, possédée par cet art qui la hantait. À peine composés, ses poèmes étaient appris par cœur, ou bien notés sur le papier sous sa main sur le moment : au dos d’une enveloppe grasse, ou bien au petit carnet de ses commissions pour la cantine.
Le 18 janvier dans la nuit, Han Shimei osa mettre en onde ses trois premiers poèmes, petits bijoux à cinq caractères. Oh, on n’était pas dans la grande Littérature. C’étaient des clichés ultra-traditionnels, colorés et concrets, de ceux qui se retrouvent en quadrichromie dans tous les calendriers. Mais le style vigoureux apportait joie et énergie pure, et les émotions invoquées s’envolaient avec les images, telle celle de la ferme sur flanc de montagne aux rizières en terrasse, qu’Han Shimei dépeignait « sous des volutes de brume– dans mes rêves, je vois se lever des cactus en fleurs ». Sous son poste, elle ajoutait cet humble commentaire : « quand j’ai composé, j’étais si absorbée par mon plat de ‘hongshaorou’ que j’en ai oublié un vers. Le voilà les amis…»
Contre toute attente, le succès fut sensationnel. En deux heures, des centaines de commentaires apparurent, certains proposant d’autres vers pour compléter, d’autres exigeant de la rencontrer, d’autres de la protéger comme une fleur fragile. « Sœur, disait celui-là, détache-toi de tout ça, tu vas te brûler». En dévorant ces messages, Han sentait la joie et la fierté l’envahir : libérée de sa chrysalide, elle s’était métamorphosée en autrice, les« likes » qui s’amoncelaient en étaient la preuve. C’était toute une communauté qui s’adressait à elle. Au fil des jours, un homme proposa de lui servir de maître en poésie (elle accepta, mais ne comprit rien à ses messages pédants et l’envoya bouler après quelques jours). Un autre lui offrit de l’épouser (elle refusa, prétextant qu’elle avait sa famille à soutenir). Désormais, avec 1430 « suiveurs » et 1547 auteurs qu’elle suit, elle avait sa nouvelle famille, une famille choisie. Rien ne pouvait plus l’en arracher !
Mercredi 14 février à 19h30 (heure chinoise) : Dernières places pour la visio-conférence de Fenêtre sur Chine : » La transition énergétique chinoise » avec Christophe Poinssot, ancien conseiller nucléaire à l’Ambassade de France à Pékin et nouveau directeur général délégué du bureau de recherches géologiques et minières en France.
Inscription gratuite : Envoyez votre nom, prénom à fenetresurchine@gmail.com
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12 – 17 avril, Pékin : CIMT, Salon international de la machine-outil
13-16 avril, Shanghai: CHINAPLAS’2021, Salon international des industries du plastique et du caoutchouc
14 – 16 avril, Pékin : CIENPI, Salon chinois international de l’énergie nucléaire
15- 24 avril, Foire de Canton : China Import and Export Fair, Salon international de l’import-export – en ligne.
20 – 22 avril, Shanghai : IE Expo, Salon professionnel international de la gestion et traitement de l’eau, du recyclage, du contrôle de la pollution atmosphérique et des économies d’énergie
21 – 23 avril, Shanghai : China Smart Card and RFID Technologies, Salon international sur les technologies et applications de la carte à puce et à la RFID et à ses applications dans les produits et services
21 – 23 avril, Shanghai : NEPCON, Salon international des matériaux et équipements pour semi-conducteurs
23- 25 avril, Chengdu: Int’l Solar Photovoltaic & Energy Storage Technology, Salon international des technologies solaires photovoltaïques et de stockage d’énergie
27- 30 avril, Shanghai : Bakery China, Salon international de la boulangerie et de la pâtisserie
6- 9 mai, Shanghai : China Glass, Salon chinois des techniques industrielles du verre
7-10 mai, Haiku: China Intl Consumer Products Expo, 1ère exposition internationale des produits de consommation en Chine