Dans l’irrésistible expansion de la Chine vers l’Afrique, combattant les vieux liens avec l’Europe, il est un domaine où Pékin déploie un de ses atouts maître : sa technologie des barrages, pour l’irrigation, la maîtrise des crues et la production d’électricité.
De 2001 à 2007, son investissement à travers le continent noir s’élevait à 3MM$. En 2009, elle promettait d’ici 2013, au Sommet Chine-Afrique du FOCAC (Forum on China-Africa Cooperation) 10MM$ de prêts concessionnaires. Elle a peut-être déjà dépassé ce montant, puisqu’entre Ethiopie, Soudan, Ghana, Zambie, Gabon, Congo et autres, les projets en cours ou juste achevés atteignent aujourd’hui 9,3MM$.
Le dossier chinois semble fort. Pour ses 800 millions d’âmes, l’Afrique produit (source Banque Mondiale) autant d’électricité que l’Espagne (46M). Depuis 1995, sa production monte d’1%/an et ses besoins de 10%. Or de ses fleuves, une de ses richesses (son «château d’eau»), seuls 3% du potentiel hydro est exploité, contre 52% pour l’Asie du Sud-Est. En face, les lobbies écologistes font remarquer que le réseau fluvial, limoneux, promet un envasement plus rapide qu’ailleurs. En tout état de cause, l’Ouest n’a pas su aider l’Afrique à se doter d’un réseau électrique conforme à ses besoins. La Chine le fait, à prix impossibles à suivre pour d’autres, apportant travailleurs, équipements et financement, se payant en matières premières.
Projet phare, le barrage Gibe III devant ouvrir en 2013, sera le plus haut d’Afrique (243m), et pour 2,2 milliards de $, doublera la capacité électrique de l’Ethiopie -au prix, disent ses détracteurs, de la destruction d’un sanctuaire d’hippopotames et d’oiseaux sauvages.
Même modèle au Nigeria, où moyennant un prêt chinois de 2,5 milliards de $, d’ici 2013, le barrage de Mambila doublera (à 4000MW) la production nationale. Sur les chantiers, des groupes de génie civil et d’ingénierie, comme Sinohydro ou Dongfang Electric, sont en tête, exportant leur main d’oeuvre par centaines de milliers, dont une part choisit ensuite d’établir sur place de petits commerces, faisant venir leurs proches et vendant leurs bassines en plastique, vélos et tissus traditionnels —au risque de mettre sur la paille le commerce local.
Côté financement, des banques telles l’Eximbank ou l’ICBC (Industrial & Commercial Bank of China)offrent des prêts à taux préférentiels. De la sorte, la Chine a détrôné en 2009 les USA comme 1er partenaire de l’Afrique, avec 14% du marché, et leurs échanges ont grandi en 10 ans de 10MM$ à 127MM$ en 2010.
La Chine complète son offre énergétique à ses partenaires d’Afrique par des investissements en énergies nouvelles, qu’elle teste sur ce marché. Ainsi dans 40 pays, pour 100 millions de $, elle finance 100 projets d’énergies renouvelables, comme cette centrale photovoltaïque de Suntech d’une capacité de 50mW à Droogfontein (Afrique du Sud). Longyuan prépare plusieurs projets de fermes à éoliennes et Hua Lien International ouvre des usines d’éthanol au Benin, Sierra Leone et Mozambique, palliant ainsi le manque de ces pays en carburant.
Pour revenir à la stratégie chinoise de barrages en Afrique, la polémique n’est pas prête de s’éteindre, mais l’Afrique, pour l’heure, semble avoir fait son choix. En mars, lors d’une conférence à Addis-Abeba, M. Zenawi, 1er ministre éthiopien déclarait : « l’hydroélectricité devra être au coeur de l’approvisionnement énergétique de l’Afrique ». Propos choquants pour l’Occident, après que le barrage Gibe III, refusé par la Banque Mondiale et d’autres banques occidentales, ait été “sauvé des eaux” par Pékin.
Sommaire N° 30