Le Vent de la Chine Numéro 30

du 18 au 24 septembre 2011

Editorial : Trois sujets pour une puissance

Trois dossiers d’actualité, impliquant la Chine et le monde, furent discutés à Pékin par Alain Juppé (12-14/09), au terme d’un périple planétaire de préparation du G20 de novembre à Cannes.

[1] Juppé venait pour peaufiner une réforme des flux financiers, acceptable au plus grand nombre. Mais soucieux de réserver à Nicolas Sarkozy (voire à une poignée de décideurs du monde) la teneur des «ouvertures nouvelles importantes» acquises lors des échanges, Juppé se bornait à révéler que cette réforme ne se «ferait pas en un jour». Cette discrétion un peu atypique nourrit le soupçon : l’écart conjoncturel croissant entre Chine et Europe ne serait-il pas en train de décourager la Chine d’adhérer à l’ambitieux partenariat offert par Sarkozy ? Un an d’efforts diplomatiques français vers Pékin seraient-ils sur le point de déboucher sur le néant ?

[2] Les deux Ministres des Affaires étrangères ne pouvaient éviter le sujet de la crise des bourses et banques européennes — tirées dans le gouffre de l’économie grecque. Clairement, le remède de cheval imposé à Athènes l’achève au lieu de la guérir. D’autres commencent à souffrir, telle l’Italie, très endettée (1900MM²). Pour continuer à emprunter au rythme de 12MM²/semaine, elle paie près de 4% de plus que l’Allemagne -les émissions présentes ne servant qu’à refinancer la dette passée, sans même parler de la résorber. Ceci, afin d’éviter le défaut de paiement – sort qui semble inéluctable pour la Grèce dans les mois prochains.

Or, voilà que dès le 12/09, des indiscrétions suggéraient des achats significatifs de bons italiens, par une Chine volant à son secours. Scepticisme à travers le monde : pourquoi acheter des titres italiens douteux, dont mêmes les Européens ne veulent plus. Ex-conseiller à la Banque centrale Yu Yongding, exprimait un sentiment courant en Chine, en disant: « la Chine n’a pas vocation à être le sauveur des pays en difficulté ».

Pourtant à Dalian, devant le Gotha des décideurs du Word Economic Forum (14/09), le 1er ministre Wen Jiabao confirmait la disponibilité chinoise à injecter des fonds en Europe, pour peu que ses Etats prennent les mesures pour calmer leur marché. Mais rien sans rien. En contrepartie, Wen attendait de la zone Euro des gestes «courageux», tel l’octroi à la Chine du statut d’économie de marché, peut-être dès le sommet Europe-Chine le 25/10, à Tianjin.

Enfin Wen pratiquait l’optimisme sur commande, réaffirmant sa foi dans la capacité de l’Union Européenne et des USA à guérir. Malgré la récession extérieure et l’inflation interne (+6,2% en août), la réforme continuerait : le maintien d’une forte croissance (9% cette année) serait « la contribution chinoise à la convalescence de l’économie mondiale ».

[3] 3ème sujet abordé : le printemps arabe — Chine et Union Européenne échangeant sur le bouleversement dans cette région. Face à la Libye, ce n’est que le 12/09 que la Chine reconnut, bonne dernière des puissances, l’autorité du Conseil National de Transition – ce dernier ayant lui-même reconfirmé la veille la validité des 20MM$ de contrats signés par 26 firmes chinoises sous Kadhafi. Des semaines de conciliabules s’achevaient ainsi, probablement sous la pression de Pékin, contrôlant le dégel de 15MM$ d’avoirs de l’ancien régime, bloqués à l’étranger.

Le hasard voulut qu’au même instant se révèle la tentative par trois consortia militaires chinois, jusqu’en juillet, de vendre à Kadhafi pour 200M$ d’armes. Avec une telle image auprès des Libyens, faire reconfirmer ses contrats est un grand succès pour la Chine, prouvant que l’offre chinoise de développement low cost, faite aux pays émergents, reste irremplaçable.

Enfin, face à la Syrie, Juppé annonça que Pékin n’avait en rien changé d’avis dans son refus (partagé avec Moscou) d’une condamnation à l’ONU de la sanglante répression par Damas. Sauf renversement de situation sur le terrain, la Chine, résolument conservatrice, maintiendra son soutien impavide au dictateur Bachar el Assad et à son Parti Baas — faisant ainsi un pari risqué, quitte ou double !

 

 


Chinafrique : Barrage africain – la Chine ouvre les vannes

Dans l’irrésistible expansion de la Chine vers l’Afrique, combattant les vieux liens avec l’Europe, il est un domaine où Pékin déploie un de ses atouts maître : sa technologie des barrages, pour l’irrigation, la maîtrise des crues et la production d’électricité.

De 2001 à 2007, son investissement à travers le continent noir s’élevait à 3MM$. En 2009, elle promettait d’ici 2013, au Sommet Chine-Afrique du FOCAC (Forum on China-Africa Cooperation) 10MM$ de prêts concessionnaires. Elle a peut-être déjà dépassé ce montant, puisqu’entre Ethiopie, Soudan, Ghana, Zambie, Gabon, Congo et autres, les projets en cours ou juste achevés atteignent aujourd’hui 9,3MM$.

Le dossier chinois semble fort. Pour ses 800 millions d’âmes, l’Afrique produit (source Banque Mondiale) autant d’électricité que l’Espagne (46M). Depuis 1995, sa production monte d’1%/an et ses besoins de 10%. Or de ses fleuves, une de ses richesses (son «château d’eau»), seuls 3% du potentiel hydro est exploité, contre 52% pour l’Asie du Sud-Est. En face, les lobbies écologistes font remarquer que le réseau fluvial, limoneux, promet un envasement plus rapide qu’ailleurs. En tout état de cause, l’Ouest n’a pas su aider l’Afrique à se doter d’un réseau électrique conforme à ses besoins. La Chine le fait, à prix impossibles à suivre pour d’autres, apportant travailleurs, équipements et financement, se payant en matières premières.

Projet phare, le barrage Gibe III devant ouvrir en 2013, sera le plus haut d’Afrique (243m), et pour 2,2 milliards de $, doublera la capacité électrique de l’Ethiopie -au prix, disent ses détracteurs, de la destruction d’un sanctuaire d’hippopotames et d’oiseaux sauvages.

Même modèle au Nigeria, où moyennant un prêt chinois de 2,5 milliards de $, d’ici 2013, le barrage de Mambila doublera (à 4000MW) la production nationale. Sur les chantiers, des groupes de génie civil et d’ingénierie, comme Sinohydro ou Dongfang Electric, sont en tête, exportant leur main d’oeuvre par centaines de milliers, dont une part choisit ensuite d’établir sur place de petits commerces, faisant venir leurs proches et vendant leurs bassines en plastique, vélos et tissus traditionnels —au risque de mettre sur la paille le commerce local.

Côté financement, des banques telles l’Eximbank ou l’ICBC (Industrial & Commercial Bank of China)offrent des prêts à taux préférentiels. De la sorte, la Chine a détrôné en 2009 les USA comme 1er partenaire de l’Afrique, avec 14% du marché, et leurs échanges ont grandi en 10 ans de 10MM$ à 127MM$ en 2010.

La Chine complète son offre énergétique à ses partenaires d’Afrique par des investissements en énergies nouvelles, qu’elle teste sur ce marché. Ainsi dans 40 pays, pour 100 millions de $, elle finance 100 projets d’énergies renouvelables, comme cette centrale photovoltaïque de Suntech d’une capacité de 50mW à Droogfontein (Afrique du Sud). Longyuan prépare plusieurs projets de fermes à éoliennes et Hua Lien International ouvre des usines d’éthanol au Benin, Sierra Leone et Mozambique, palliant ainsi le manque de ces pays en carburant.

Pour revenir à la stratégie chinoise de barrages en Afrique, la polémique n’est pas prête de s’éteindre, mais l’Afrique, pour l’heure, semble avoir fait son choix. En mars, lors d’une conférence à Addis-Abeba, M. Zenawi, 1er ministre éthiopien déclarait : « l’hydroélectricité devra être au coeur de l’approvisionnement énergétique de l’Afrique ». Propos choquants pour l’Occident, après que le barrage Gibe III, refusé par la Banque Mondiale et d’autres banques occidentales, ait été “sauvé des eaux” par Pékin.


Monde de l'entreprise : Maldonne chez Hanlong

Depuis l’été Hanlong, groupe minier privé sichuanais s’acheminait vers le rachat de Sundance et Bannerman (Australie) pour 1,5 milliards de $ et 144 milliards de $. On négociait  – l’accord était proche. Las! Voilà que l’ASIC, tutelle australienne, met en examen cinq personnes dont trois cadres de Hanlong, pour délit d’initié : en juillet, ils auraient joué en bourse de Sydney sur des données secrètes des titres australiens en cours de rachat, leur permettant d’empocher 2 millions de $.

L’affaire ne plait pas non plus à la NDRC (National Development and Reform Commission), très à cheval sur l’image du pays. La manipulation pourrait inciter ce chef d’orchestre des investissements chinois à l’étranger à laisser d’autres groupes chinois surenchérir, privant Hanlong de son exclusivité sur ce rachat.

Ce scandale sino-étranger en rappelle un autre, de 2002. Un certain Wang Xuebing avait détourné 480 millions de $ à l’agence new-yorkaise de la Banque de Chine, qu’il dirigeait. Wang avait pris 12 ans ferme, à Pékin en 2003. Type de fraude qui révèle l’impression fallacieuse de liberté et d’impunité des businessmen chinois hors de Chine.

Mais qu’on se rassure : à Sydney, désireuses de mener le mariage à terme, les trois firmes travaillent d’arrache-pied pour s’entendre sur le bon prix (300 à 500 millions de $ de plus). A cet effet, Kang Huanjun, le Vice-Président de Hanlong, vient de faire le grand voyage. Elles font aussi valoir, par voie de presse, que le scandale éclabousse des employés de Hanlong, pas les firmes—nuance…


Joint-venture : Mer du Sud— amorce de changement de cap

La rentrée diplomatique chinoise s’est focalisée sur un dossier chaud, la Mer de Chine du Sud.

Fin août, le Président philippin B. Aquino visitait Pékin (cf VdlC n°28). Le 7/09 le Conseiller d’Etat Dai Bingguo s’envolait pour Hanoï. A chacune rencontre, l’ambiance se veut cordiale. Aquino rentre avec la promesse d’une route navale à l’abri d’arraisonnements chinois. Dai fait miroiter aux Vietnamiens des explorations pétrolières conjointes et s’engage à accélérer les palabres de partage des droits économiques sur cette mer, selon le Code de conduite de 2002 et surtout la loi internationale : ce qui change toute la donne !

Une déchirante révision semble avoir lieu à Pékin sur ce sujet. Symbole : à Jinjiang (Fujian), Tan Qixiong, le patron pêcheur, arrêté en 2010 au Japon pour avoir chargé deux garde-côtes près des îles Diaoyu / Senkaku, est aujourd’hui interdit à vie de reprendre la mer : dur coup du sort, après avoir été défendu bec et ongles par l’Etat chinois, et accueilli à son retour en héros national !

Mais cette révision est loin de faire l’unanimité. Publié le 06/09, un Livre blanc de l’Etat énumère toujours parmi ses intérêts vitaux, intégrité et unité territoriales : preuve d’une influence persistante des intérêts conservateurs. Par contre, on remarque la sourdine apportée par le professeur Wang Anling, à son discours d’ordinaire patriotique : «Certes, notre revendication sur la Mer de Chine est sacrée, mais elle ne vaut pas la stabilité dans la région ».

Selon un expert occidental, ce malaise que vit la Chine a pour origine une erreur d’interprétation faite 10 ans en arrière, sur les intentions des Etats-Unis. Dans les années 2000, la marine américaine se faisait discrète en Asie sous G.W. Bush, et B. Obama était élu sur un programme de politique intérieure.

Pékin en déduisait que les USA étaient en train de se désengager du Pacifique, la laissant y étendre son empire, selon la doctrine de l’amiral Liu Huaqing, qui se donnait 30 ans pour, îles après îles, accéder au Pacifique.

Mais dès 2008, malgré sa pénétration « douce », la Chine ne pouvait que constater l’inquiétude de ses petits voisins, leur appel aux Etats-Unis — qui répondirent alors par un soutien sans équivoque. Dès lors, l’armée chinoise (APL) tentait le forcing, multipliant les gestes unilatéraux de souveraineté sur la Mer de Chine-renforçant la tension, contredisant ses promesses de bon voisinage. Les choses empirèrent après juillet 2010, date d’inauguration de l’Accord régional de libre-échange. Dès lors, les pays de l’ASEAN (Association des Nations d’Asie du Sud-Est), assurés d’obtenir ces privilèges douaniers, n’avaient plus de raison de se taire, commencèrent à se défendre. Hanoï invita les pays riverains à s’unir, les USA et la Russie à revenir, internationalisant le conflit.

Dai Bingguo a donc fait cette concession essentielle, de traiter le dossier « selon la loi internationale », donc selon la Convention du droit de la mer de l’ONU. Mais son pays insiste toujours pour un règlement bilatéral séparé avec chaque pays, ce que les autres n’accepteront jamais. Et le temps presse – des nuages s’accumulent. Le 14/09, Vietnam et Indonésie conviennent de lancer des patrouilles conjointes en Mer de Chine du Sud, et l’Inde annonce une campagne d’exploration, par sa compagnie ONGC, dans deux zones vietnamiennes, rejetant le veto chinois comme « sans fondement légal »…

Tout ceci suggère que la position chinoise est de moins en moins tenable, et accentue la fragilité de la « cordialité » exprimée lors des rencontres avec le Vietnam, les Philippines -et toute l’Asie !


Sécurité Alimentaire : Huile, petits pains frelatés

Deux scandales alimentaires se succèdent le même jour (14/09). Le Ministère de la Sécurité publique annonce le démantèlement de deux lignes de production et six labos clandestins d’huile frelatée dans 14 provinces : 32 arrestations, 100t saisies.

Venue des restaurants, l’huile de rebut, au lieu d’être convertie en biocarburant, était filtrée par des firmes telle la Jinan Green Bio Oil (Shandong) pour en ôter la couleur noire et l’acidité. Mais elle n’ôtait pas des poisons tel l’aflatoxine, cancérigène. Le problème est universel : la Chine consomme 22,5 millions de tonnes d’huile végétale, sans compter au moins 2tonnes d’huile périmée, dont se sert un bouiboui sur 10.

L’autre souci concerne les «baozi» (petits pains étuvés) d’une banlieue de Pékin : la farce imitait la viande, ce qui n’est pas forcément nuisible, mais illégal. De plus, l’essence de parfum était importée, et sa formule non traduite.

A y regarder de près, les deux fraudes sont du même type : frappant les pauvres, sur des produits de base (huile, viande) dont les prix ont flambé cette année. Si l’on ajoute ces organophosphates dénoncés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), comme disrupteur hormonal, détectés le 12/09 par Greenpeace sur des légumes de supermarchés (Tesco, Lianhua ) entre Pékin, Shanghai et Canton, l’ambiance n’est pas au beau fixe : la loi de sécurité alimentaire de 2009 ne s’est pas imposée, malgré 2000 arrestations de fraudeurs depuis lors.

Conclusion de He Dongping, expert alimentaire, il faudra 10 ans à la Chine, pour venir à bout de ses huiles frelatées. D’ici là, prudence !


Diplomatie : Wikileaks en Chine -plus de peur que de mal ?

Le 2/09, Wikileaks lançait sur son site une salve (2de en 1 an) de messages internes de la diplomatie américaine : le reste des 251.287 câbles en sa possession, dont 12% émis depuis la Chine. Mais contrairement au 1er flux de novembre 2010, ces rapports classifiés «secrets» ou «confidentiels» n’ont pas été dévoilés via les média, afin d’assurer l’anonymat des sources, mais en clair, pour leur donner la chance d’être lus avant que les situations auxquelles ils se rapportent ne soient oubliées. De la sorte, une centaine de têtes pensantes chinoises se trouvent citées, profs de fac, lamas, écrivains, avocats, hommes d’affaires, voire leaders politiques.

La pire conséquence redoutée par la Maison-Blanche : une frappe policière sur les plus bavards. Cela n’a, peut-être, pas eu lieu mais une autre suite s’enclenche inexorablement : une chasse aux sorcières par des hordes d’internautes citoyens, parfois menées par un « ténor » de la toile chinoise. Ainsi Fang Youzhi, célèbre traqueur d’écrivains plagiaires, accuse dans son micro-blog l’activiste Yu Jianrong d’être un «vendu» (xiàn​rén, 线人), pour avoir décrit aux diplomates américains l’explosion des problèmes sociaux dans les campagnes. En fait, de la part de Fang, c’est un règlement de comptes. Depuis 2005, il traque Yu, son rival dans l’opinion – ce chercheur à la CASS (Académie chinoise des Sciences Sociales) s’étant fait connaître en pourchassant les cadres qui confisquent les terres des paysans et les kidnappeurs de jeunes enfants. Fang livre donc Yu à la vindicte de ses 1,1 million de suiveurs, toujours prêts à s’enflammer sur tout thème touchant au patriotisme. Yu se défend, rappelant que ses entretiens se sont déroulés devant témoins et ont été approuvés par le Parti. Il exige de bien improbables « excuses » : affaire à suivre !

En tout état de cause, le «pavé dans la mare» du «cable-gate» de Wikileaks apporte bien d’autres éclairages, parfois plaisants, dans bien d’autres domaines. Ainsi en 2008, lors du crash financier américain, des câbles montraient des manoeuvres chinoises pour racheter des parts des banques dans la tourmente, puis en 2009, de l’or en quantité, dans l’espoir d’«éroder la suprématie du dollar». 

 En 2009, après le test nucléaire effectué par la Corée du Nord, He Yafei, vice ministre des affaires étrangères, traite d’«enfant gâté» le régime de Kim Jong-il, et le vice-Premier Li Keqiang avertit charitablement l’ambassadeur de ne pas prendre trop à la lettre les chiffres «concoctés» du PIB national. Tandis que d’autres câbles de l’année rendent à Li Changchun et Zhou Yongkang (membres du tout puissant Comité Permanent) les paternités respectives des pressions pour censurer Google en Chine, et de l’attaque cybernétique massive contre son site. L’un des deux hommes étant réputé avoir agi pour motif personnel… Tandis que Xi Jinping, futur n°1, passe pour « dénué de charisme » dans les dîners, selon l’avis des dames.

Bilan : cet incident qui n’a été voulu, ni par Pékin ni par Washington, offre en fin de compte du grain à moudre à tout le monde. Le partenaire américain en savait en fait plus sur le fonctionnement interne chinois que n’aurait pu le croire le Parti communiste chinois (PCC) – même si la fuite de ces secrets ne change pas la face du monde. En somme, le « cablegate » pourrait conduire à une prise de conscience sur le prix toujours plus élevé à payer pour maintenir un tel niveau de secret sur les affaires du pays — pour un résultat finalement décevant. Côté américain, on aura pu s’émouvoir d’un risque d’évaporation des sources, suite à la lourde déchirure de sa muraille diplomatique. Mais pas trop, tant l’offre et la demande en données chinoises fiables – le besoin de communiquer de part et d’autre- sont incompressibles.


Petit Peuple : Shanghai—le gendarme voleur

Comme partout ailleurs, l’inversion des valeurs n’est pas rare en Chine. L’histoire qui suit, la chute d’un jeune homme vertueux gâté par son talent, a fait du bruit cet été, au Céleste empire.

Toujours 1er de la classe, Wan Xiang passait en 1998 à Shaoyang (Hunan) son bac avec un palmarès suffisant pour intégrer la fameuse université Tongji (Shanghai). Puis, il franchissait aisément le concours d’entrée à la police nationale (Groupe Général de Reconnaissance Pénale), qui l’envoyait pour un master à Fudan, l’autre université phare de la métropole.

Sur ce qui lui arriva les six années suivantes, la presse reste confuse ou pudique. Wan Xiang semble avoir été corrompu par l’exemple de ses collègues et par la collusion dangereuse entre business, ronds de cuir et mafia, par l’impunité totale de sa fonction publique. Déçu, il se serait jeté dans les petites magouilles puis les grosses, jetant aux orties la morale professionnelle et le service du peuple. Mais avec un cerveau comme le sien, il fallait plus de défi, plus d’amplitude dans le crime : Wan serait milliardaire ou rien !

En février 2009, à 29 ans, après des mois de préparatifs, il ouvre sa galerie sur internet, «Shanghai-élégance », dédiée aux produits cosmétiques. Puis cinq mois après, changement de cap : il s’attaque au business de la fringue de luxe, beaucoup plus rentable. Faut-il le préciser ? Tout est contrefaçon, lui permettant d’offrir du « Prada », « Chanel » et bien d’autres, à 10% voire 20% des prix originaux.

Chaque matin donc, après un bref passage au service (car policier il est encore), il se rend à son quartier général, une villa louée en banlieue sur Jinglian. 38 petites mains y travaillent, photographes, informaticiens, manutentionnaires et emballeurs. Il a au total trois boutiques et galeries virtuelles, « Shanghai-élégance », « Nuomizhijia », « Luoshen ». Sauf à une poignée de lieutenants de toute confiance, Wan ne révèle jamais l’origine de sa camelote —les marchés de gros de Canton, Shenzhen ou Hangzhou.

Le succès ne se fait pas attendre. Dès septembre 2009, Wan a encaissé 100.000 ¥. Douze mois après, le million est franchi. A l’été 2010, notre jeune ripou a franchi le Rubicon, démissionnant de la police pour se dédier à plein temps à ce passe-temps si lucratif. En septembre, il a déménagé son QG un peu plus loin, en plus gros, sur Jiangyin. Et par habile référencement, il a fait monter son entreprise marchande à 2 étoiles dans le système national d’évaluation qualité, qui en compte cinq.

Malheureusement, la chance ne dure pas. 60 jours après le déménagement, un client se plaint au Bureau municipal du commerce et de l’industrie : sa veste Burberry à 1700 yuans a un problème de doublure, et quand il s’est plaint par tél, le Service après-vente de Luoshen l’a envoyé sur les roses — un manque de jugement qui lui sera fatal.

Car Wan Xiang l’ignore peut-être, mais c’est le mauvais geste, au mauvais moment. Une campagne nationale anti-piratage est en cours, dont les responsables ont besoin de résultats.

De plus, les ex-collègues de Wan n’ont pas apprécié son lâchage et se demandent ce qu’il trafique. Ils le mettent sur écoute, et une fois certains de leur piste, font une descente (8/12). La prise est de taille : 50 M² de matériel est saisi ainsi que 16.195 articles aux griffes usurpées de 65 grandes marques, lesquelles se font une joie de se porter parties civiles… Wan Xiang s’enfuit, vivote en cavale, avant de se faire pincer en février à Guizhou dans un cybercafé.

L’épilogue arrive quatre mois plus tard : face aux juges de Jiangying, sa vieille maman accourue en catastrophe de Shaoyang, n’a su attendrir le juge, qui coffre Wan Xiang pour cinq ans fermes, sans compter 5M¥ d’amende.

Hélas pour lui, car il persiste à croire que sa barque a coulé dans un «canal traître» (阴沟里翻船 yīn gōu fān​chuán) : c’est la faute à « pas-de-chance », pas la sienne !


Rendez-vous : A Pékin, le Salon de l’aéronautique et de la gestion des aéroports

19-21 septembre, Pékin : Salon des équipements de l’industrie nucléaire

21-23 septembre, Pékin : Ng China Salon du Gaz naturel

21-23 sept. Shanghai ! EP China – Salon de la production et distribution d’énergie

21-24 septembre, Pékin : Salon de l’Aéronautique et Salon de la gestion des aéroports

23 sept., Tianjin Binhai : Sommet int’l de l’industrie de la voiture électronique 

19-25 septembre, Pingyao : Festival de la Photographie