Dilma Roussef, la successeur de Lula, à la tête du Brésil, découvrait la Chine du 11 au 15/04, partenaire désormais essentiel, 1er en échanges commerciaux (56MM$ en 2010) et 1er investisseur (10MM$). On peut comprendre alors que sa suite compte 309 hommes d’affaires.
Relation ambiguë. Comme toute l’Amérique Latine, le Brésil livre en Chine minerai, bois, pétrole et soja, en volumes exponentiels et à des prix qui fusent, lui offrant une croissance rapide et l’adieu à la dépendance envers les USA. En même temps, le Brésil tremble à l’idée d’une crise en Chine, qui casserait ce marché providentiel.
Le Brésil voit alors en la Chine un redoutable rival industriel. Sur son sol, même le bikini chinois bat son rival carioca. Quand le Brésil a un produit high tech, si la Chine a l’équivalent, elle lui barre son marché, comme elle vient de le faire en refusant à Embraer de monter à Harbin (même en JV) son jet de 100 places E190, qui faisait de l’ombre à son propre (futur) ARJ21.
Pour la venue de la Présidente brésilienne, Pékin fit un geste en commandant 35 de ces appareils à plus de 40M$/pièce (pour le compte de Hebei-Air et China Southern, via CBD Leasing Co), et en offrant à Embraer de coproduire avec AVIC (Consortium Aéronautique public chinois) son jet d’affaires Legacy 600.
En échange, Roussef invita les groupes ferroviaires chinois à concourir pour le TGV Rio-Sao Paulo, 511km de ligne à monter d’ici 2014, pour un budget de 20MM$. Parmi d’autres accords envisagés, l’ICBC (Industrial & Commercial Bank of China), suivant l’exemple de la Banque de Chine, veut ouvrir une filiale au Brésil. Et le taiwanais Foxconn veut produire au Brésil l’iPad, moyennant un investissement de 12MM$ en cinq ans, et la création de 10aines de milliers d’emplois. Mais T. Gou, son patron, ne fait pas de mystère : c’est uniquement pour contourner le bouclier de taxes brésilien qui met son iPad à 860$, sur place contre 400 aux USA. Sous l’angle de la rentabilité, « pour 20 ans, la Chine restera imbattable».
La visite culmina sur le sommet des pays BRICS, dans le décor tropical de Sanya (Hainan, 14/04) entre Roussef, Hu Jintao, D. Medvedev (Russie), M. Singh (Inde) et J. Zuma, le Président d’Afrique du Sud, rejoignant ce groupe pour la 1ère fois. Ici, l’ambiance fut encore plus contradictoire, dans cette alliance vagissante entre mondes que tout sépare (histoire, océans, culture, idéologies etc). Ensemble, ils pèsent pour 40% de la population sur terre et 24,2% du PIB mondial en 2009.
La Chine s’impose d’emblée comme le leader et le seul ciment des BRICS, entretenant avec eux 12% de son commerce, tandis qu’eux-mêmes n’échangent que 3%. Là aussi, des partenaires comme Zuma ou Medvedev attendent de la Chine plus d’ouverture de son marché et déplorent une monnaie sous évaluée. Mais pas question de réclamer d’elle une réévaluation plus rapide : ce serait mauvais pour leur alliance, qui se veut contrepoids des pays riches.
Les partenaires voulaient arrêter une position commune sur la réforme des flux monétaires au G20 de Cannes, en novembre. Mais sans gêner une Chine nullement prête à réduire sa liberté de flux de capitaux, ni la contraindre à une entrée trop rapide du yuan dans le DTS, les Droits de tirage spéciaux, monnaie-panier du FMI—ce qui supposerait un yuan convertible.
C’est pourquoi à Sanya, les BRICS se satisfirent de gestes symboliques : convenir de swaps entre banques centrales (échanges de montants en rand, rouble, roupie, yuan et real), d’exiger la fin du monopole euro-US sur la Banque Mondiale et le Fonds monétaire international, FMI, et une «accélération» de la réforme des circuits monétaires mondiaux—mais entendons-nous, quand la Chine y sera prête !
Sommaire N° 14