A la loupe : Contagion d’infanticide

Le 6/08, les ordres des ministres de l’éducation et de la police n’ont pas protégé la Chine de trois nouveaux meurtres scolaires en série, le dernier à Lincheng (Shaanxi, 9 morts). Depuis mars, 8 attaques ont fait des dizaines de morts et bien plus de blessés. Admise par le 1er ministre Wen Jiabao, la crise morale que suscite ce bain de sang force la société chinoise à se regarder dans un miroir : tentons de prendre un peu de recul, d’un oeil analytique.

Certains experts invoquent la vengeance sociale. Mais problème, la plupart des attaques sont décrites comme sans préméditation. De même, après la tuerie sur un mode quasi-identique, les assassins réagissent diversement -suicide, attente de la police ou des parents qui les lynchent : comme s’ils ne savaient plus comment faire après, et ne connaissaient que le début du scénario. C’est l’indice de la contagion d’infanticide, semblable à la vague de suicides dans l’entourage d’un désespéré. Sauf qu’ici, l’entourage est le pays tout entier.

Le psychologue accuse le meurtrier de s’en prendre aux petits «parce qu’ils peuvent le moins se défendre». Mais ceci n’a pas de sens, parlant de gens décidés d’en finir. Une motivation plus éclairante, est l’obsession délirante d’une absence d’avenir pour leur société, sous l’angle de l’échange immatériel, des valeurs et du bonheur : ces malades veulent réaliser un « hypersuicide », celui qui met fin à l’humanité entière en supprimant ses enfants.

Autre fait statistique : à ce stade, une majorité des tueurs sont des hommes -(ni femme, ni ados) – à la réputation jusqu’alors d’êtres équilibrés, sur leur 40aine, l’âge mûr, et des petits bourgeois socialement intégrés, prof, commerçant, médecin, agent d’assurances. La vague folle vient de la classe moyenne. Pourquoi ?

Depuis 20 ans, cette bourgeoisie presse pour obtenir sa part d’organisation sociale, refuser par un système toujours plus rigide, déterminé à défendre son monopole. Postes et prébendes y sont octroyés (redistribués dans un cercle restreint), privant les créateurs du succès mérité. C’est ainsi que la Chine n’a pas de Prix Nobel (sauf en lettres, chez un dissident). De même, les ONG, structure de redressement des problèmes sociaux et foyer d’expres-sion des classes moyennes, sont en Chine au bord de l’illégalité. Enfin, selon l’enquête toute récente du centre de recherche anti-suicide de l’hôpital Huilongguan (Pékin), 17,5% des gens souffrent de désordres mentaux —surtout passé 40 ans-, et moins de 10% sont soignés : un indice de plus que ces gestes expriment moins la vengeance, que le désespoir malade.

La solution de l’Etat (armer les portes des écoles, censurer les media, exécuter les coupables) semble d’une efficacité incertaine. Wen Jiabao, en admettant la réalité du problème, semble sur la bonne voie, celle d’un débat.

Enfin selon le chercheur londonien Kerry Brown, «la répétition de ces violences révèle un niveau de malaise et de maladie sociale, jusqu’à présent simplement passée sous silence ». Peut-être le prix à payer pour la stratégie de Hu Jintao de « bu zheteng » (不折腾), «  éviter de faire couler la barque ». En tout cas son autre mot d’ordre primordial, « société harmonieuse », semble en échec.

 

 

 

 

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