Le Vent de la Chine Numéro 18

du 16 au 22 mai 2010

Editorial : Santé chinoise — Bataille décisive

La santé chinoise offre une perspective trompeuse, aux scandales bien visibles (fruit de 20 ans de désengagement par l’Etat de ses hôpitaux), tandis que depuis 2003 se construit dans l’ombre (donc invisible du public), un avenir solide sous la volonté du tandem Hu Jintao-Wen Jiabao et du jeune ministre francophone Chen Zhu, armé de ses sept ans d’internat à Paris (Hôtel Dieu).

Cette contradiction apparaît le plus en matière de lutte antitabac. La Chine a adhéré à une convention l’enjoignant à bannir d’ici 2011 la fumerie en lieux publics. Mais aujourd’hui, ni la police spécifique, ni les campagnes de sensibilisation ne sont là pour matérialiser cet engagement. Et en guise de règlement à l’intérieur du pays, le ministère se borne pour l’instant à interdire le tabac d’ici fin mai 2010 … dans les 19 étages de sa propre tour…

Mais dans les gares, les restaurants, les autres ministères et même dans ses propres hôpitaux, il aura grand mal à se faire entendre, puisque 50% de ses médecins sont des fumeurs invétérés. Sans parler des malades, puisque 350M de Chinois (surtout hommes) fument : à 23% de la population mondiale, ils grillent 48% du marché planétaire de l’herbe de Nicot (source le journal South China Morning Post de Hong Kong), 1M décédant chaque année…

Dans sa croisade, le ministère vient d’être lâché par son meilleur allié : 1er moteur de recherche, jusqu’alors en pointe dans la campagne de conscientisation anti-tabagique, Baidu a laissé Li Xinzhe, sa directrice financière prendre un siège de directeur chez Ph. Morris, leader planétaire du tabac qui ne détient que 0,1% du marché chinois avec 3MM/an de Marlboro écoulées par la régie CNTC. Mais par ce coup médiatique, il compte faire mieux… Malgré tout, Chen Zhu réitère sa promesse d’appliquer son ban public dans les délais. Ce qui n’empêche l’American Heart Association (AHA) de prédire, au terme d’une étude sur la santé chinoise, l’aggravation de la mortalité cardio-vasculaire de 73% d’ici 2030, sous les coups de la tabagie et de l’obésité entre autres.

Une même ambigüité est perceptible dans la lutte contre le SIDA. Côté pile, un beau travail est fait pour déstigmatiser le fléau, et réunir médecins, policiers, partenaires sociaux et associations de malades pour convenir ensemble des normes de la politique de prévention, et prise en charge. De même, à la veille de son Expo de Shanghai, la Chine vient de lever le ban sur les visas aux séropositifs…

Mais côté face, Wan Yanhai, 1er activiste du Sida et des minorités sexuelles s’enfuit aux USA, alléguant des tracasseries. Gao Yaojie, la médecin de 87 ans précurseur en cette lutte, l’avait précédé dans cet exil l’an passé, au moment où Hu Jia, militant anti-SIDA entrait en prison pour trois ans et demi : les 3 plus actifs hérauts privés de l’action contre le HIV ont été rayés de la carte par une administration jalouse de ses prérogatives…

Parmi d’autres fléaux où la Chine peine, figure le retour foudroyant de la syphilis, bénigne si soignée, mais que les porteurs cachent par peur du stigmate. De fait, un enfant par heure naît atteint du mal (57/100.000 en 2008).

Mais comme on a dit, la bonne santé chinoise est en chemin : 900 hôpitaux et 2000 dispensaires sont en construction, des dizaines de psychiatres sont en formation. Un système de gestion des hôpitaux est testé dans 16 villes-pilotes, qui les financent, leur permettant de dispenser des médicaments génériques à prix conventionné. La couverture sociale est passée en cinq ans de 40% à 90% de la société : encore très faible, mais qui crée un socle de santé nouveau, pour presque toute la population, et promet de se renforcer d’ici les 20 prochaines années.


A la loupe : GOME ET FOXCONN —Les mystères de l’industrie chinoise

Avec son camp retranché à Shenzhen, Foxconn (du milliardaire taiwanais Terry Gou) est n°1 mondial de l’électronique à façon, notamment pour HP ou Apple. Gome, du milliardaire chinois Huang Guangyu, était en 2008 passé n°1 national de la distribution de l’électroménager. L’un et l’autre font aujourd’hui la Une, pour des pratiques aux confins de la loi.

[1] Après un redressement judiciaire de l’an passé, Gome se retrouve avec deux directions, ouvertement en guerre :

– celle de Huang, en prison à Pékin, qui attend sa condamnation imminente pour délit d’initié et corruption,

– et celle de ses lieutenants, qui depuis, font tourner la boutique. Cassé dans son image, le groupe fut sauvé l’an passé par l’apport de fonds de Bain Capital, 233M$ en obligations, en échange de trois postes de direction. Mais à l’Assemblée Générale de la semaine passée, deux firmes de Huang, actionnaires de Gome, forçaient le départ des directeurs de Bain : illico, la direction les renomma, invoquant l’intérêt des actionnaires (éviter 351M$ d’amende pour rupture de contrat), et de l’apport positif des managers étrangers (transparence gestionnaire, compétence).

Pourquoi Huang, derrière ses barreaux, tente t’il d’écarter l’étranger ? C’est un mystère. Peut-être pour sauver le style patriarcal de direction du groupe… Bain Capital risque toujours l’éviction au Conseil d’administration de 2011, à moins de convertir ses obligations en actions, avec droits de vote. On lui en prête l’intention -un peu risquée : la part Gome à Hong Kong ayant perdu 19% cette année à l’indice Hang Seng.

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[2] Foxconn cite en avril des résultats formidables faisant de lui un des groupes les plus rentables de Chine, grâce à l’Iphone et à l’Ipad d’Apple. Mais depuis janvier, il vient d’avoir parmi ses 300.000 employés, huits suicides dont six aboutis, et deux en une semaine.

Foxconn se targue d’offrir à ses employés un cadre de vie «de qualité mondiale» avec 13 restaurants, une poste, une banque, une piscine. Ce qu’il ne peut nier, est que le campus est fermé comme Fort Knox (pour protéger le secret industriel). Les horaires sont de 10h/jour, 6 jours par semaine. Les salaires sont bas, on parle de 40$/mois, et les conditions de vie primaires, à 100 par dortoirs : la piétaille de l’armée Foxconn étant des jeunes filles peu éduquées, parfois rudoyées. Un des suicidés, jeune ingénieur, n’avait pas supporté une fouille ayant permis de récupérer sur lui un prototype du Iphone 4G.

Dans un autre cas, la direction, informée de la dépression d’une ouvrière, autorisa sa collègue à alerter sa mère qui prit le train, mais arriva quelques heures trop tard.

Suite à cette vague qui commence à faire désordre, Foxconn commande la venue de 30 prêtres bouddhistes du mont Wutai, et une poignée de messes pour «calmer ces âmes et les sortir du purgatoire». Ce groupe promet aussi à l’avenir, en prévention, des conférences générales sur les joies de l’existence. Un cas de « trop peu, trop tard », non ?

 

 


A la loupe : Contagion d’infanticide

Le 6/08, les ordres des ministres de l’éducation et de la police n’ont pas protégé la Chine de trois nouveaux meurtres scolaires en série, le dernier à Lincheng (Shaanxi, 9 morts). Depuis mars, 8 attaques ont fait des dizaines de morts et bien plus de blessés. Admise par le 1er ministre Wen Jiabao, la crise morale que suscite ce bain de sang force la société chinoise à se regarder dans un miroir : tentons de prendre un peu de recul, d’un oeil analytique.

Certains experts invoquent la vengeance sociale. Mais problème, la plupart des attaques sont décrites comme sans préméditation. De même, après la tuerie sur un mode quasi-identique, les assassins réagissent diversement -suicide, attente de la police ou des parents qui les lynchent : comme s’ils ne savaient plus comment faire après, et ne connaissaient que le début du scénario. C’est l’indice de la contagion d’infanticide, semblable à la vague de suicides dans l’entourage d’un désespéré. Sauf qu’ici, l’entourage est le pays tout entier.

Le psychologue accuse le meurtrier de s’en prendre aux petits «parce qu’ils peuvent le moins se défendre». Mais ceci n’a pas de sens, parlant de gens décidés d’en finir. Une motivation plus éclairante, est l’obsession délirante d’une absence d’avenir pour leur société, sous l’angle de l’échange immatériel, des valeurs et du bonheur : ces malades veulent réaliser un « hypersuicide », celui qui met fin à l’humanité entière en supprimant ses enfants.

Autre fait statistique : à ce stade, une majorité des tueurs sont des hommes -(ni femme, ni ados) – à la réputation jusqu’alors d’êtres équilibrés, sur leur 40aine, l’âge mûr, et des petits bourgeois socialement intégrés, prof, commerçant, médecin, agent d’assurances. La vague folle vient de la classe moyenne. Pourquoi ?

Depuis 20 ans, cette bourgeoisie presse pour obtenir sa part d’organisation sociale, refuser par un système toujours plus rigide, déterminé à défendre son monopole. Postes et prébendes y sont octroyés (redistribués dans un cercle restreint), privant les créateurs du succès mérité. C’est ainsi que la Chine n’a pas de Prix Nobel (sauf en lettres, chez un dissident). De même, les ONG, structure de redressement des problèmes sociaux et foyer d’expres-sion des classes moyennes, sont en Chine au bord de l’illégalité. Enfin, selon l’enquête toute récente du centre de recherche anti-suicide de l’hôpital Huilongguan (Pékin), 17,5% des gens souffrent de désordres mentaux —surtout passé 40 ans-, et moins de 10% sont soignés : un indice de plus que ces gestes expriment moins la vengeance, que le désespoir malade.

La solution de l’Etat (armer les portes des écoles, censurer les media, exécuter les coupables) semble d’une efficacité incertaine. Wen Jiabao, en admettant la réalité du problème, semble sur la bonne voie, celle d’un débat.

Enfin selon le chercheur londonien Kerry Brown, «la répétition de ces violences révèle un niveau de malaise et de maladie sociale, jusqu’à présent simplement passée sous silence ». Peut-être le prix à payer pour la stratégie de Hu Jintao de « bu zheteng » (不折腾), «  éviter de faire couler la barque ». En tout cas son autre mot d’ordre primordial, « société harmonieuse », semble en échec.

 

 

 

 


Argent : L’habit neuf du métro chinois

Parmi les plans titanesques d’infrastructures de la Chine, compte aussi le métro.

En tête, Pékin et Shanghai caracolent, comptant passer à 561 et 600km, plus grands réseaux du monde. Et voici que 23 autres villes tunnelisent, au terme d’un plan réactualisé, incluant 10 villes de plus : d’ici 2015, elles auront bâti 87 lignes nouvelles, pour une longueur de 2495km en plus des 940km en service. Soit 500km de métro neuf par an (soit 2,5 métros parisiens). A ce rythme, la Chine aura dépassé les USA dès 2012 comme champion mondial du 地铁 « chemin de fer souterrain ».

Excellente affaire pour la CRCC (China Railway Construction Corp), un des leaders du marché. Vice directeur à la NDRC (National Development and Reform Commission), Li Guoyong estime à plus de 100milliards² le coût global, 20milliards²/an, à comparer aux 14milliards² dépensés durant les 4 ans de 1995-1998.

En réalité, la Chine n’a plus le choix. La conquête rapide des villes par l’auto s’est accompagnée d’une congestion du trafic, d’une pollution et d’une poussée exponentielle de la demande en carburant : avant de pénaliser la voiture, l’Etat doit offrir aux citadins une alternative.

NB1 : Pékin se distingue avec sa future ligne de 22km Mentougou-Haidian, en technologie Maglev. Beaucoup plus lente que la ligne shanghaienne, à 100km/h seulement, mais beaucoup moins chère, silencieuse—et développée par une filiale de la mairie de Pékin…

NB2 : le modèle de la copie maximale et de l’autonomie interne n’est peut-être pas éternel. Une fois les réseaux en place, il va falloir les maintenir et les rentabiliser. Et là, l’alliance Veolia-RATP, détentrice d’un savoir-faire unique, attend son heure…

 

 


Pol : Coup de torchon sur les péripatéticiennes

En l’an 2000, la dernière campagne du genre, au plan national, avait vu fermer 1million de lieux de plaisirs à travers le pays. Celle qui déferle sur Pékin depuis le 11/04, culminant le 29/04 a refait le grand nettoyage, causant l’arrestation de 1132 mama-san et souteneurs (de 139 bordels), fermant 256 salons de coiffure, six saunas et 24 autres karaokés. 35 des établissements les plus huppés, tels le « Passion Club » (carte de membre : 20.000¥) ou le Mansion 8 ont été fermés pour six mois, la sanction plus ferme prévue par la loi. Ces maisons très closes avaient d’ordinaire la paix, vu la qualité des protecteurs et clients. Le message est clair et se retrouve dans d’autres campagnes contre la corruption par exemple : pas d’exception pour les riches.

La frappe n’est pas que morale, mais aussi sanitaire, car la Chine compte 4 à 10M de filles vénales, dont seules 40 à 50% emploient le préservatif, avec pour résultat que la transmission hétérosexuelle du SIDA dans une ville comme Dongguan (Canton) passait de 25% en 2007 à 50% en 2009, l’homosexualité causant 9% supplémentaires.

L’action serait à porter à l’initiative de Fu Zhenghua, nouveau chef de la police. Mais en ce genre de situation, le commerce de la chair ne disparaît jamais : il se terre !

 

 


Temps fort : De Pékin à Cancun—l’introuvable accord climatique

En décembre 2009, le sommet mondial de Copenhague avait été la scène d’une déprimante cacophonie, pays et blocs se trouvant paralysés sous le lobbysme des USA et de la Chine, 1ers émetteurs de gaz à effets de serre (GES), déterminés à prolonger leur liberté de polluer. Cinq mois après ce fracassant échec, le débat reprend cahin-caha : pour préparer le sommet de Cancun (Mexique), 2d essai de produire un plan commun de lutte anti- réchauffement climatique, en remplacement du protocole de Kyoto. En 15 jours, 3 meetings ont eu lieu (25-26/04 Afrique du Sud ; 30/04 Petersberg ; et dernièrement, 8-9/05 Pékin). Ce dernier rassembla 20 ministres de l’environnement des cinq continents : vu les profondes divergences enregistrées, Pékin ne put que constater la faible vraisemblance d’un rapprochement d’ici novembre 2010.

En clair : rien n’a changé ou presque. Bloqués par leur Sénat et leur besoin de lier toutes leurs réformes les unes aux autres (santé, climat, finances), les Etats-Unis n’ont pas voté leur loi climatique qui encouragerait fiscalement leurs coupes d’émissions. Dans ces conditions, Pékin qui garde son réflexe historique de cavalier seul, ne voit pas le besoin de bouger. D’autant que sa liberté de polluer vient de la porter en 2009 au second rang industriel mondial, par son avantage de production « sale et pas chère », et la croissance vertigineuse de ses conglomérats.

Si Pékin bloque sur le but de coupes nationales des gaz à effet de serre, c’est aussi car au 1er trimestre pour la première fois, ses rejets ré-augmentent (+3,2%). Le 5/05, Wen Jiabao a averti les provinces et exigé le respect de l’objectif d’une baisse de 20% (base 2005) de l’intensité énergétique. Pour certains d’ailleurs, le meeting de Pékin aurait été tenu moins pour l’étranger que pour éduquer les provinces, et par ses efforts contre la surchauffe (+11,2% au 1er trimestre), il espérerait abattre deux pigeons d’une seule pierre : enrayer autant l’explosion de la bulle et ce dérapage écologique…

A défaut de plan mondial à Cancun, les pays espèrent y recréer la confiance, trouver des accords partiels, telle la gestion du fonds de 100MM$ promis aux pays pauvres. L’accord final viendrait en 2011 au Cap (Afrique du Sud).

L’embellie débute avec l’Union Européenne le 30/04 à Pékin, José Barroso, Président de la Commission lance avec Wen Jiabao un Centre commun des Énergies propres hébergé par l’université Tsinghua (la pépinière de leaders), voué à la recherche et aux transferts technologiques. Doté de 12M² pour débuter, il étudiera des filières de charbon propre, de biofuels durables, d’énergies renouvelables, d’optimisation de l’efficacité énergétique et des réseaux de distribution. A cette occasion, la Chine a salué le rôle de l’Europe qui lui avait livré 30.000 technologies «bas carbone» fin 2009, face aux 10.000 livrées par les USA et le Japon.

Enfin dit l’institut américain Pew, la Chine est passée 1er investisseur mondial en énergies propres avec 34,6MM$, loin devant les USA (18,6MM$). En terme de puissance installée, elle est seconde, talonnant les USA avec 53,4GW. A présent, voir ses provinces retomber dans leurs mauvaises habitudes, porte Pékin à accélérer les préparatifs sous le XII. Plan (2011-15) pour une taxe carbone aux industries, villes et agriculteurs. Chercheur à l’institut énergétique de la NDRC (National Development and Reform Commission), Jiang Kejun le prophétise, ainsi qu’un régime d’aides fiscales à la R&D en technologies à bas carbone : comme si la Chine s’efforçait, en lutte climatique, de faire toujours plus vite et fort—à condition de le faire en cavalier seul, sans les autres nations !

 

 

 


Petit Peuple : Changxing : Lou Boyu, citoyen serviable

Quand vint l’été 1992 à Changxing (Zhejiang), Lou Boyu, agent des postes dut affronter le plus fort défi de sa vie : à 60 ans, c’était la retraite. A ce rendez-vous inévitable, la solution n’est pas plus facile en Chine qu’ailleurs: lire jusqu’à la nausée, sortir le chien, tuer le temps tout en feignant d’avoir quelque chose à faire…

A notre pensionné, il fallut 10 ans pour tomber -par hasard- sur la mission qui allait lui rendre sa raison d’être et le rendre célèbre. Passant dans sa rue pour la centième fois, il vit une bouche d’égout à l’air libre, son couvercle de fonte ayant été dérobé. La scène était banale mais cette fois, elle fit «tilt». Qu’après 60 ans de révolution, la mairie tolère tel laisser-aller lui fit trouver l’incident odieux. Avec l’appareil-photo qu’il avait en poche, il saisit la scène et alla tout droit au journal local. Là, il embêta tant les huissiers qu’ils allèrent déranger un journaliste. En soi, c’était déjà une victoire éclatante sur la grisaille de son existence. Mais le triomphe survint le lendemain, quand « son » article parut, avec photo du délit et de lui en Zorro, tandis que trois petits jours après, la mairie échaudée avait fait remplacer le rond de fonte. Dans tout le quartier, le rentier était le héros du jour…

Dès le lendemain, sa résolution était prise: renouveler l’exploit. Il se mit à hanter les rues en quête de la petite bête. Ces nappes du restaurant séchant sur la pelouse publique. Ce lampadaire brisé du carrefour. La poubelle publique renversée derrière le stade, l »épave sans plaque, ou la crotte du pékinois de Mme Zhang… Depuis ce jour d’illumination, rien n’échappe plus au pensionné qui en 8 ans a pris 20.000 clichés et usé trois appareils argentiques, avant de passer aujourd’hui au numérique.

Depuis, il s’est professionnalisé. Ses photos sont classées, ses inspections codifiées en routes et en fréquence. Depuis sa mise en chasse, il estime avoir crapahuté un tour de la Terre.

Enfin, il connaît -et est connu -de l’instance responsable pour chacun de ses petits bobos: China Telecom pour les fils tél. emmêlés par les tempêtes, la voirie pour ces affichettes anarchiques qui prolifèrent sur les pylônes ou parapets, parcs et forêts pour les lopins squattés dans les jardins publics.

Et si le sous-fifre ne bouge pas sous 3 jours, c’est le journaliste qu’il va voir, toujours à l’écoute de ses bonnes « stories » — gratuites en plus. En huit ans, de la sorte, Lou a dénoncé 4000 abus, dont 97% résolus.

Son hyperactivité n’est pas toujours appréciée. En 2007, une usine chimique déversait ses effluents dans la rivière. Sachant qu’il s’en prenait à forte partie, Lou bétonna son affaire, prenant sept jours pour filmer rizières et jardins brûlés, les poissons ventre en l’air, les boutons aux fronts des mômes. Alors qu’il était en pleine tâche, un contremaître l’aborda, le menaçant de le jeter dans le cloaque. Mais la menace ne fit que rire le vieillard, à qui la mort ne faisait ni chaud ni froid. Trois jours après, il était devant le maire, trois mois après, la boite fermait. Sur ce haut fait, les riverains lui offrirent la plaquette de son surnom en ville désormais : «citoyen serviable ».

D’autres tentent la corruption. Tel ce supermarché qui le soir rejetait en rue les déchets du jour. Comme Lou filmait, un chef de service l’aborda, tentant de lui glisser en main une poignée de bons de réduction. Mais le vieux gouailla de mépris : «la ‘rouille‘, çà marche pas avec moi». Voulant lui signifier ainsi qu’au bakchich, il était « inoxydable ».

Par ces méthodes, Lou a fait école. Depuis, autour de lui, les gens reprennent foi en leur force d’améliorer la vie. Des inconnus l’abordent pour lui passer des cas. Des jeunes rêvent de devenir, comme lui, la mémoire de Changxing, symbole de la capacité à 坚持不懈 jiānchí bú xiè, « insister et ne jamais renoncer » !

 

 


Rendez-vous : Le SIAL, le Salon de l’alimentation à Shanghai

18-20 mai, Harbin – API China, Pékin -Interphex China Salon des équipements et produits pharmaceutiques

19-21 mai, Shanghai : SIAL, Salon de l’alimentation, vins et spiritueux

19-21 mai : Shanghai : Metro China + Tunnel China

19-21 mai : Shanghai : China Beauty Expo, cosmétiques

19-21 mai : Nankin : CIMPS, Salon des industries navales, du transport maritime et équipements portuaires

21-23 mai, Suzhou : Salon des PME/PMI