Taiwan rattrape sa 25ème ambassade
La veille du 1er mai, alors que la Chine fermait pour une semaine de congés, Taiwan récupéra sa 25ème ambassade en rétablissant des liens avec Sainte-Lucie (170 000 habitants), petite île antillaise. Le prix du retournement n’est pas précisé, autrement qu’une « aide aux industries agroalimentaires ». C’est une guerre ingagnable qui se poursuit. Taipei avait établi les relations diplomatiques dès 1984, pour se les voir rompues au profit de Pékin en 1997, suite à un revers électoral.
Cette victoire a, sans tarder, entraîné les conséquences attendues, selon un scénario usé à force d’être joué : rupture immédiate (5/05) de Pékin avec l’îlot qui espérait irréellement « maintenir des liens amicaux » ; désertion des chantiers chinois en cours -un hôpital pour handicapés, un stade dans la ville de Castries… Pékin dénonce la « diplomatie du chéquier », qu’elle pratique pourtant aussi sous toutes latitudes, en forme de dons et prêts bonifiés, investissements industriels, remises de dettes, et chantiers. A Sainte-Lucie, l’opposition tourne la page de la partition et annonce la suite du concert : déplorant l’absence de transfert de technologie agricole, elle considère « hérétique » ce changement de Chine, qu’elle se promet de réparer après les présidentielles de 2008 —si l’offre chinoise est bonne, s’entend !
Murmures sur l’oreille bleue
Elle fait surface, la maladie porcine localement surnommée « mal de l’oreille bleue ».
Les cadres ne lui prêtent que 300 décès parmi les cochons. La rumeur suggère 0,5 à 1M, depuis son apparition au Jiangxi, début 2006. L’Etat lui-même doit ignorer le bilan réel, vu le cloisonnement des élevages et la médiocrité de l’appareil statistique. Pour prouver le succès de leur administration, et pour leur carrière, maires et gouverneurs doivent tricher sur les chiffres. Mais fin avril à Silao, (Guangdong), l’épidémie causant ces 300 décès, Pékin a été forcé de reconnaître cette mutation du virus connu sous le nom de SRRP. La Chine a pris des mesures apparemment adéquates, en isolant les foyers d’épidémie, abattant les troupeaux suspects, désinfectant abattoirs et marchés et vaccinant massivement les élevages cantonais. Heureusement, cette maladie agressant les défenses immunoactives n’est pas transmissible à l’homme.
Problème : comme en toute crise de santé publique, l’administration chinoise n’a pas communiqué sur le SRRP jusqu’en avril 2007, ni avec le public, ni avec l’OMS (Organisation mondiale de la santé). Se privant ainsi d’un accès aux bases de données du monde, et entravant sa recherche sur ce nouveau danger.
Fièvre africaine pour Pékin
Pékin a mal à l’Afrique. Amnesty International vient de dénoncer (8/05) 81M$ de ventes d’armes et d’avions de combat (six K-8S d’AVIC) au Soudan « en violation de l’embargo de l’ONU ».
Le 9/05, alors que Pékin dément, arrive la lettre de 108 membres du Congrès américain à Hu Jintao, l’avertissant que ses JO seraient un « désastre » s’il n’usait maintenant de son influence sur le président Omar al-Béchir, pour mettre fin au conflit. Du coup, après avoir inspiré Khartoum, le mois dernier, d’accepter le déploiement de Casques bleus dans une future force mixte ONU-UA (Union africaine), Hu y envoie (7/05) 275 hommes du génie, et nomme (10/05) un envoyé spécial en Afrique, Liu Guijin, qui commencera son mandat au Darfour. Liu, toutefois, devra vite faire face à d’autres fronts.
Au Nigeria, le Mouvement d’émancipation du delta du Niger (MEND), accusant la Chine de contribuer à la spoliation de ce qu’il affirme être « son » or noir, annonce qu’il « traitera en voleur, tout Chinois découvert sur un site pétrolier ». Au Congo-Brazza, un proche du Président suggère de « chasser les Chinois », en réponse aux salaires trop bas dans la cimenterie chinoise de Bouenza. D’autres problèmes émergent en Ethiopie (9 Chinois assassinés sur un site pétrolier), au Zimbabwe (dont Pékin prend soudain ses distances) : en bref, le climat des relations sino-africaines se charge à toute vitesse !
L’iconoclaste nostalgie du baby boom
Directeur national du planning familial, Zhang Weiqing lance la sirène d’alarme : imposée depuis 1979, la politique de l’enfant unique est foulée aux pieds et le spectre du baby-boom rampe à la porte. En 1975, 1000 Chinois en engendraient 23 ; en 2005, ils n’en faisaient plus que 12,22. Mais en 2007, la courbe remonte à 13,45. Zhang y voit deux fauteurs :
[1] les nouveaux riches, dont 10% ont 3 héritiers ou plus, après avoir payé jusqu’à 20.000² d’amende pour chacun. Ils ont une raison illégitime (étaler leur fortune), et une raisonnable : seul, un enfant est gâté, « petit empereur » prône à l’égoïsme et à l’indiscipline.
[2] les paysans marient leurs filles très jeunes, et les font accoucher dans des cliniques illégales, voire à la ferme, sans obstétrique et sans amende. Des provinces telles le Zhejiang tentent de réagir contre ce ferment de déchirure sociale : en cas de non respect de la loi, les apparatchiks risquent leur avancement, voire leur place. Les industriels sont menacés de redressements fiscaux.
A Pékin, des stars du sport (Yao Ming) ou du showbiz (Zhang Ziyi) se voient décocher les flèches de la presse, pour avoir fait l’apologie des familles nombreuses. Mais cette réponse publique manifeste un désarroi : son seul outil utilisable est l’autoritarisme, dont la société ne veut plus, et que le planning tente d’assouplir depuis 10 ans déjà…
Sommaire N° 18