Politique : Xi Jinping et le haut commandement de l’APL

Xi Jinping et le haut commandement de l’APL

Xi Jinping serait-il en perte d’influence au sein de l’Armée Populaire de Libération (APL) ? C’est l’une des questions qui agitent les observateurs ces dernières semaines. Plusieurs éléments alimentent leurs soupçons.

Il y a eu d’abord la rencontre entre Jake Sullivan, conseiller à la Sécurité nationale des États-Unis, et Zhang Youxia, vice-président de la Commission Militaire Centrale (CMC), à la fin du mois d’août. Après tout, hormis durant les forums à vocation militaire, les hauts placés de gouvernements étrangers devraient s’adresser directement à Xi pour discuter de problématiques liées à la sécurité et ne devraient pas avoir accès à quelqu’un comme Zhang Youxia. L’autre élément qui pourrait laisser à penser que Xi a perdu en influence au profit de Zhang, pourtant son « ami » de longue date, est la présence « éclipsante » de ce dernier durant le forum de sécurité de Xiangshan en septembre.

Deux autres changements internes pourraient également indiquer un affaiblissement de Xi au sein de l’appareil militaire. Le premier cas concerne la rétrogradation de Chen Guoqiang, le bras droit du secrétaire de la commission disciplinaire de l’APL, chargé par Xi Jinping des purges récentes (l’ex-ministre de la Défense, Wei Fenghe, Li Shangfu, Zhou Yaning et Li Yuchao…), notamment dans la Force des missiles. Avant cela, Chen Guoqiang avait travaillé, entre 2018 et 2021, en tant que directeur du bureau des affaires politiques, au sein du département des systèmes aérospatiaux de la Force de soutien stratégique de l’APL, l’un des départements les plus touchés par la présente purge. Cela tend à prouver que le problème de Chen n’est probablement pas sa loyauté envers Xi, mais plutôt ses liens avec des membres de la Force aérienne.

Le second cas problématique est celui de l’ancien directeur du bureau des affaires générales de la CMC (qui fait la liaison entre la structure organisationnelle de l’APL et le Président de la CMC), Qin Shengxiang. L’homme a piloté le bureau de la réforme et de la structure organisationnelle de la CMC de 2016 à 2017, une période cruciale de changement interne pour l’APL. En effet, durant ce bref moment, Qin sera l’une des figures clés de l’agenda de recentralisation de Xi Jinping, froissant et bousculant par le fait même bon nombre de hauts placés. Plusieurs observateurs ont vite fait d’associer Qin à Xi par le biais de la connexion de la « 38e armée », à présent connue sous le nom de « 82e groupe armé », l’une des unités servant à protéger la capitale. Pourtant, il doit son ascension à d’autres généraux associés à l’ex-Président Jiang Zemin. Ce faisant, s’il s’avérait que Qin est effectivement sous enquête, il faudrait pointer du doigt l’ancienne garde, et non Xi.

Une réflexion similaire pourrait s’appliquer à Chen Guoqiang, et même potentiellement à Qin Shutong, le commissaire politique de l’Armée de terre de l’APL, progressivement effacé de l’espace virtuel chinois…

Alors, peut-on déduire de la « sur-présence » de Zhang Youxia, des mouvements de hauts gradés parfois mal expliqués par l’APL, ainsi que des rumeurs à l’endroit du leader communiste, que la position de commandant en chef des armées de Xi Jinping est affaiblie ? Pas nécessairement.

En effet, une perte d’influence, aussi minime soit-elle, demande l’usage de leviers importants de forcer le leader à négocier, à semi-abdiquer. Or, cette situation est inconcevable, à en croire l’historique du Parti. De fait, le contrôle de l’APL ne se partage pas vraiment. L’ancien dirigeant, Hu Jintao, a appris cette leçon à la dure durant ses 8 ans (et non 10) à la tête de la CMC.

De plus, un mouvement de fronde pour écarter, même partiellement, Xi, déstabiliserait le Parti-État dans son entier et créerait avec elle une structure d’opportunité dans laquelle s’immiscerait l’ensemble des mécontents voulant le forcer à quitter ses fonctions le plus rapidement possible.

Il est donc plus probable que Xi cherche actuellement à « partager la responsabilité » en se faisant représenter par Zhang Youxia et à apaiser certaines tensions en réalisant ces transferts de personnel et mises en examen. De fait, si Xi avait réellement perdu de son influence au profit de Zhang Youxia et de ses soutiens qui s’opposent à une guerre avec Taïwan, l’APL aurait probablement déjà commencé une désescalade graduelle entre les deux côtés du détroit.

Par Alex Payette

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