Le Vent de la Chine Numéro 21

du 3 au 9 juin 2007

Editorial : Chine—Un paradigme d’isolement

Depuis 25 ans, Pékin tente de bâtir avec l’Ouest un lien partenaire. Or, face à cette ambition, les points d’incompréhension se multiplient ! 

De retour des Etats-Unis, la vice 1er ministre Wu Yi qualifie sa mission un « succès total ». Mais l’exécutif américain parle de semi-échec, et le Congrès brandit le spectre d’une taxe de 20% sur tout export chinois.

Autre tension: le Pentagone dénonce en son dernier rapport le réarmement de la Chine (VdlC 20), sa force de frappe nouvelle, et questionne ses intentions. Autre scandale aux Etats-Unis, contre la Chine : sur la qualité de ses exportations alimentairescf article ci-contre

Mais le plus profond fossé entre la Chine et tout l’Occident, touche au Darfour, région sudiste, non islamique du Soudan, victime d’une guerre ayant causé 2M de déplacés et 200.000 morts, afin d’assurer la mainmise pétrolière à Karthoum, soutenu et armé par la Chine en échange des 2/3 dudit pétrole. Voilà que le 29/05, le Président G.W. Bush hausse la pression en lançant des sanctions unilatérales contre le Soudan, et en brandissant la menace de nouvelles sanctions de l’ONU, co sponsorisées par Londres. Il est vrai que 9 jours avant,  le Président Bashir élevait une énième objection à l’entrée en fonction d’une force d’interposition, mixte ONU-Union Africaine.

Il serait injuste pourtant de ne pas relever tous les efforts que Pékin à déployés pour éviter d’en arriver là : dès octobre, il votait le plan de paix de l’ONU. Puis il offrait 10M$ pour le Darfour, et nommait en mai un émissaire permanent en Afrique, et soutenait la force de paix, par l’envoi de 275 experts du génie militaire.

Mais quand il s’agit de toucher à son protégé, Pékin retombe dans ses réflexes rigides : à Hambourg au sommet de l’ASEMAsia-Europe Economic Meeting – (27Etats européens, 19 asiatiques), Yang Jieshi, ministre des Affaires étrangères, se refusait à toute concession. Il se retrouvait d’ailleurs à dire 不«bu» (non!) sur les autres sujets du jour Iran, Corée du Nord, réchauffement global… Il faisait connaissance avec son nouveau collègue français B. Kouchner, humanitaire déterminé à faire sortir le Soudan de la crise coûte que coûte… Mais Pékin ne peut céder, étant toujours plus dépendant de Karthoum qui depuis janvier, lui a livré 26M barils, 565% de plus qu’un an avant, alors que ses besoins de brut importé montaient de 23%…

Face à ses grands alliés, Pékin ne peut être que mal à l’aise, sentant ces derniers réévaluer leurs options. En filigrane, mais toujours plus net : les Jeux Olympiques, et l’opportunité pour l’Ouest, de faire pression sur la Chine. Ce lobby du boycott n’a sans doute aucune chance d’aboutir,mais Pékin n’a pas non plus les moyens de le faire taire, et sa Realpolitik africaine est toujours moins défendable—y compris, en Afrique-même !

Tout va comme si la Chine se trouvait sommée, plus vite qu’elle ne l’attendait, d’assumer le comportement responsable correspondant à son statut de nouvelle puissance en matière commerciale (qualité des produits), diplomatique (OMC) et politique (Darfour)…

 

 


A la loupe : Investissements chinois hors Chine—ça passe ou ça casse !

Quand les Chinois investissent hors de leur terrain, c’est parfois en desperados, pour échapper à un marché intérieur où production de masse se conjugue avec guerre des prix, supprimant tous moyens de recherche pour « rester dans le vent ».

C’est ce qu’a tenté en 2003 TCL, le géant de l’électronique, en dévoilant une ambitieuse synergie avec Thomson, n°1 européen du téléviseur, dont il re-prenait la branche cathodique et la marque pour 20 ans. La mariée semblait belle, associant bas coûts chinois aux grands marchés d’Europe et d’Amérique – et à celui d’Asie bien sûr. Dans TTE-Europe, leur JV, TCL-Multimedia empochait 67% et le Français 33%. Dès l’été 2005, Thomson selon le contrat, allait échanger ces parts contre 29,3% du capital de TCL-Corp, la maison mère.

Ce que TCL avait négligé, était la raison pour vendre, de Thomson : ses 93M$ de pertes au 1er semestre précédent. Le téléviseur extraplat, LCD, frappait à la porte. Rien ne pouvait freiner la disparition de la génération obsolète. Aussi bientôt, TCL serait bon pour fermer l’usine européenne, payer les lois sociales, restructurer le réseau TTE qui accumulait 203M² de pertes depuis 2004, et par effet boule de neige, 181M² en 2006 chez TCL Corp.

Un fléau ne vient jamais seul : sur la sellette depuis 2 ans, le régulateur menaçait TCL Corp de la radier de la bourse si elle ne renouait pas avec les bénéfices cette année. Ce qui explique, au 1er semestre, un profit de 1,3M², lié à la perte de TTE déclarée (25/05) en faillite. Tandis que Thomson revendait en douceur ses parts dans TCL, de 29 à 20% en novembre, puis 11% le 17/05, de quoi financer sa part des fermetures de TTE, tout en laissant le dinosaure chinois de retour au bercail, lécher ses blessures !

En un autre coup commercial stratégique digne d’un Napoléon, Pang Yuliang, fondateur propriétaire de LinkGlobal Logistics, groupe de messagerie du Henan, présent dans 200 villes de Chine et 90 pays, reprend pour 100M² (26/05) l’aéroport de Parchim (Allemagne, ex RDA). Il souffle l’affaire à des rivaux prestigieux, tels FedEx, Hambourg Airport et Emirates qui à ce prix-là, préfèrent jeter l’éponge. Vieillot, déficitaire, l’aéroport ne comporte pas moins une piste de 3000 mètres pouvant recevoir les A380, et le droit d’opérer de nuit. Sa région de Mecklembourg-Poméranie est très centrale (entre Berlin et Hambourg), et la plus pauvre d’Allemagne.

Le marché est tout tracé : fret chinois (à partir de compagnies à attirer, voire à créer !) et tourisme low cost-charter dans les deux sens. Pang promet d’investir 20M² d’ici fin 2008. Une banque du Nigéria devrait lui avancer les fonds. Souhaitons lui du courage. A tout le moins, ce deal apparaît taillé dans le bois dont sont faites les faillites fracassantes—ou les coups de génie !

 

 


Joint-venture : Retraits stratégiques

Retraits stratégiques

Peu usuel, le retrait par Manulife Financial, l’assureur canadien qui cherche repreneur pour les 50% de sa Joint Venture John Hancock Tianan Life.

Les assureurs du monde se pressent au portillon pour entrer en Chine, et cette JV a triplé son marché en 4 ans, à 20M². Manulife ne joue pas la fine bouche, mais elle a hérité de JHTL en rachetant l’assureur américain John Hancock en 2004, acquérant du même coup la JV chinoise. Or, le géant à la feuille d’érable avait déjà sa propre JV avec Sinochem, aujourd’hui quatre fois plus grosse. Et comme les deux Joint Venture sont d’un modèle commercial différent et incompatible, Manulife préfère ne pas courir deux lièvres à la fois. L’affaire toutefois rend nerveuse une tutelle CIRC (China Insurance Regulatory Commission) prise de court (pas seulement elle, toute la Chine déteste çà !) et ayant si peu envisagé ce cas d’espèce, que la législation n’était pas au point, pour spécifier par exemple, si le repreneur doit être obligatoirement étranger comme le vendeur…

De même, Daimler Chrysler (DC) vend (20/05) ses 50% dans Yaxing Benz, Joint Venture de bus montée il y a dix ans, avec Yangzhou Motor.

Ce pas était davantage attendu. Ne serait-ce que pour mieux entériner le divorce mondial entre le constructeur de Stuttgart et celui des Grands Lacs, Chrysler, revendu au fonds d’investissement Cerberus, pour 7,4MM$ en mai. Il le fait aussi pour se conformer à la loi, qui limite les constructeurs étrangers à 2 JV (2 groupes chinois) par catégorie de véhicule.

Or Daimler assemble déjà depuis 2003 des utilitaires avec Fujian Auto, et la même année, il avait un autre fer au feu, une JV de poids lourds avec Beijing Auto (sa filiale Beiqi Foton) : la tutelle bloquait son lancement. La revente de ses parts dans Yaxing, qui ne tenait que 0,5% du marché, lui permet d’aller de l’avant avec un partenaire plus attirant, Foton qui vendait 343,679 unités en 2006 !

 

 


A la loupe : Energie : beau temps virtuel, gros temps réel

Formidable, mais bizarre série de découvertes d’hydrocarbures, ces derniers mois !

[1] 1MM de tonnes à la CNPC, la compagnie nationale pétrolière, à Jidong Nanpu (mer de Bohai), plus grosse trouvaille depuis 40 ans, l’é-quivalent de Daqing qui assure 43% de la production intérieure.

[2] 3800MM m3 de gaz à Dazhou (Sichuan), qui seront partagés entre CNPC et Sinopec -de quoi satisfaire des ans de besoins du pays.

[3] 140Mt de brut pour Sinopec à Tahe (Xinjiang). Chaque pétrolier y va de ses petites découvertes, faisant ainsi ronfler son titre en bourse. Mais de telles infos sont invérifiables. Elles ont au moins la vertu de masquer plusieurs soucis, telle  l’incapacité à créer des réserves stratégiques, d’acheter assez de gaz naturel liquifié (GNL), ou d’éviter ces coupures qui s’intensifient à Canton dès avril, du jamais vu, avec un déficit de 4000MW (40% de plus qu’attendu).

Autre maldonne, sur le vent : évalué à 750.000MW, le potentiel éolien chinois offshore serait surévalué.  

Li Junfeng, vice Directeur à la NDRC (National Development and Reform Commission) l’a dit au Forum Global de l’Energie. Son administration se donne 3 ans pour réévaluer, correctement cette fois,  les avoirs du pays. Mais déjà, suite à ce faux espoir, les usines ont jailli du sol en l’espace d’une saison. De 2600MW en 2006, la capacité annuelle atteindra en 2010 quelques 10.000MW, c’est-à-dire trop, et de qualité faible. La preuve : sur les commandes publiques passées en 2004, seules 37% ont été homologuées, les autres n’ayant pas franchi les critères de qualité. Autrement dit, le fait de garantir aux acteurs nationaux au moins 70% des contrats, crée un parc pas cher, mais pas forcément utilisable ni adapté à la demande, avec double risque de casse, pour les producteurs comme pour les « fermes à vent » !

Même son de cloche en énergie solaire, où l’objectif de 300MW de capacité nationale dès 2010, prend du retard, tandis que la Chine conserve soigneusement son marché à ses nationaux. Pour maintenir l’élan, Shi Lishan, directeur à la NDRC annonce le financement de quatre centrales photovoltaïques de 50MW, à placer en Mongolie, au Tibet et au Gansu, financées par le trésor public et adjugées sur appel d’offres.

En nucléaire, cette semaine vit la naissance d’une corporation nationale de technologie nucléaire, pour produire avec Westinghouse la centrale de 3ème génération AP1000. Etant entendu que l’essentiel des 32 centrales à construire sous 15 ans (pour quadrupler le parc à 40GW, moyennant 50MM$) devrait revenir à des centrales de génération dite « 2,5 », dérivées des 4 tranches bâties avec EDF et AREVA à Daya Bay et Ling Ao (Canton).

NB : pas plus que toute autre filière, le nucléaire ne fournira la solution-miracle, vu la raréfaction déjà sensible du combustible : la Chine, comme le monde, entre en économie de pénurie !

 

 

 


Argent : Bourse—Effet d’annonce, sans réelles conséquences

« Nous voulons vivre, nous voulons notre santé ! »

On assiste peut-être en Chine, à la naissance d’une action citoyenne, des 10aines de milliers de citadins enrayent des projets publics pour cause écologique.

Les175km de ligne ferroviaire Maglev Shanghai-Hangzhou et leurs 3,5MM² d’investissements (cf, VdlC 18/XII), sont suspendus (26/05). A Shanghai, les riverains du district de Minhang ont signé assez de pétitions pour faire reculer le projet, dénonçant bruit et danger de « radiation ». Une semaine plus tard, la mairie nie toute intention d’abandon, organise d’urgence des séances d’«explication par les cadres et experts».

Plus au sud, le port de Xiamen (Fujian, ville d’1,5M d’habitants) avait donné son accord au groupe Tenglong Aromatic PX, pour une usine pétrochimique de paraxylène à 1,4MM$ à 7km du centre ville, et à deux pas des villas avec vue sur la plage. Ceci déplut aux autochtones, qui réagirent en envoyant des millions de SMS à la mairie, dénonçant la «bombe atomique sur l’île de Xiamen». Le 30/05, après des mois de blocage, l’appel était entendu par Ding Guoyan, le maire-adjoint qui annonçait le « gel » du projet. Concession tardive, qui n’empêcha pas, dès le 1/7, 20.000 manifestants, ruban jaune au bras – salve d’avertissement !

Calamine et effet d’allumage à la bourse

On a bien cru que le remède de cheval infligé aux boursicoteurs chinois aurait raison de leur rage d’achats à Shenzhen et Shanghai.

Rien n’y manquait, pas même la vertueuse assurance de la CSRC (China Securities Regulatory Commission), qu’elle ne toucherait pas au droit de timbre. Avant de tripler son montant le mardi 29/05, de 0,1 à 0,3%, après la fermeture des bureaux. Une recette nouvelle pour l’Etat, équivalente au budget (officiel) de l’armée chinoise. A la réouverture, les deux bourses semblaient chanceler—Shanghai perdait 6,5 points, grillant 1,6MM² dans la journée. 500 titres repassaient le plancher des 10% de perte alloués par jour. C’était mieux que la triple et inutile mesure du 18/05 (Cf, VdlC 19/XII).

Mais qu’importe, quand on aime, on ne compte pas : dès le lendemain, l’abondance des liquidités, la faiblesse relative des taux d’intérêt, un yuan fort, les profits des entreprises, induisaient le rallumage instantané des places. Jouait aussi l’intérêt du pouvoir à ne pas taper trop dur avant le congrès du Parti en octobre : dès le 31/05, l’indice composite de Shanghai clôturait à 4109.65 points (+1.40%). Des acteurs comme la Société Générale n’avaient pas été dupes, qui le soir-même, postulaient pour un doublement de leur quota de 50M$ de parts en QFII, (Qualified Foreign Institutional Investors) pour revendre aux étrangers piaffant au froid dehors…

La Chine, 3ème Miss Monde du fardeau fiscal

Dialogue de sourds, entre Forbes et les impôts chinois (17/5). Selon l’«indice 2007 de la misère fiscale» compilé par la revue américaine, sur 52 pays classés selon leurs appétits en six types de taxe (impôt des sociétés, sur le revenu, charges, TVA, ISF), la Chine avec 152 points, arrive 3ème derrière la France 1ère (166,8 points) suivie de la Belgique (158 points).

En bas de la liste, figurent les Emirats Arabes Unis, avec l’indice 18 -pas d’impôt. «Que nenni ! », s’insurge Shu Qiming, de l’Administration Nationale des Taxes. D’après lui, avec 376MM² d’assiette d’impôt en 2006, la Chine prélevait 18% du PIB, et 0,5% de plus qu’en 2005. Ce chiffre serait 3% plus modeste que la moyenne des Pays en voie de développement, et 12% que celui des pays riches : on aurait donc une Chine, dans le peloton de tête des bas impôts.

Dans ce débat, le plus intéressant, nous semble être l’avis de media tel China Daily (CD) qui donne raison à Forbes, sur le fait que la ponction fiscale va plus vite que la croissance et le revenu individuel. China Daily ajoute à son réquisitoire des récriminations bien connues : l’opacité des dépenses publiques (l’impression de gâchis et d’absence de dépenses dans les domaines où elles sont le plus attendues, en éducation et santé) et l’évasion fiscale des riches. Mais tous s’accordent sur le fait d’une réforme fiscale dynamique en Chine, ayant doublé le seuil d’impôt individuel à 1,600¥, en train de doter les sociétés (chinoises et étrangères) d’un taux d’impôt unique, à 25%. D’ici 2010, il devrait en résulter, pour le contribuable, un allégement de 10MM² /an. Même sur l’échelle Forbes, la Chine est passée depuis 2005, de n°2 à n°3 : la cure de jouvence devrait se poursuivre !

 

 

 


Pol : CO² sous cloche : volte-face surprise américaine !

Inde-Chine – un réchauffement semé d’embûches

Le 29/05 en marge du sommet de l’ASEM (Asia-Europe Economic Meeting), les patrons chinois et indien de la diplomatie, Yang Jiechi et Pranab Mukherjee ont eu de quoi discuter.

Notamment du visa que la Chine venait de refuser à un cadre indien : il « n’en avait pas besoin », étant         « citoyen chinois», de la province indienne d’Arunachal Pradesh ! Déjà en novembre, Sun Yuxi, l’ambassadeur à New Delhi avait soulevé un lièvre en réclamant le « retour » de ces 90,000km2 du « Zangnan », « Tibet méridional ». De son coté, Delhi revendique 38,000 km2 de l’Aksai Chin, et la restitution de ses pertes territoriales lors de la guerre de 1962.

Curieusement, presque instantanément, l’affaire fut enterrée en haut lieu, les deux gouvernements annonçant de prochains exercices militaires conjoints. Raison d’Etat, sans doute. Soit au nom des échanges de 25MM$ en 2006, de 11.4MM$ depuis janvier (+56%), et qui visent les 40MM$ d’ici 2010. Soit au nom de la candidature de l’Inde au Conseil de Sécurité (en tant que membre permanent), impensable sans la Chine. Mais même ainsi, l’affaire de l’Arunachal prouve qu’entre ces géants longtemps ennemis, de lourds nuages subsistent. Ils ont trait à l’accès au pétrole mondial, au contrôle des périphéries (Népal, Tibet), et à la stratégie chinoise du « collier de perles » : les comptoirs navals, militaires chinois dans l’océan Indien autour de l’Inde, en Birmanie, au Bengladesh, au Sri Lanka, au Pakistan

Chine, mère nourricière !

En son année d’or (celle de son signe astral optimal, qui revient tous les 60 ans), la viande de porc voit s’envoler ses prix sur les marchés, à 15-20¥/kg, +29% en avril, +43% depuis janvier.

Parmi les causes, comptent la sécheresse, qui limite les récoltes. Le mal des oreilles bleues (le SRRP – syndrome porcin reproductif et respiratoire , cf VdlC n°18) qui força l’abattage de millions de têtes, réduisant le stock de porcelets. La croissance des distilleries, dévoreuses de grain. Peut-être surtout, la mode du « carburant vert », l’éthanol dans lequel tous les groupes « agro » privés et publics investissent, causant un bond de 20% du cours du maïs. Comme toujours en cas de risque alimentaire, Pékin a parfaitement reçu l’alarme. Wen Jiabao, le populaire patron du Conseil d’Etat cultiva sa cote d’amour par une tournée d’inspection dans le Shaanxi. Mais ses options sont limitées : le bonheur des fermiers (les cours élevés) faisant le malheur des citadins. Pour l’heure, Wen évoque des primes aux pauvres, voire la création d’une réserve de porc congelé, clone de la montagne de porc européenne.

NB : Anodine en apparence, l’affaire est à prendre au sérieux pour 3 raisons :

le chinois mange 1,5kg de porc /mois,

cette hausse nourrit celle d’autres produits (oeufs = +20%), et l’inflation (+3%).

Hu Xingdou, de l’université pékinoise de technologie rappelle qu’inflation et hausse du panier alimentaire furent les mamelles du printemps de Pékin, mobilisant des millions de citoyens !

CO² sous cloche : volte-face surprise américaine !

Dans le jeu mondial du réchauffement climatique, l’Amérique tourne casaque.

Jusqu’alors, Bush rejetait tout effort de coupe d’émissions de gaz à effet de serre, dans le cadre du protocole de Kyoto : tel effort « ne servait à rien », et «de très gros pollueurs en étaient exempts en tant que Pays en voie de développement ».

Or, voilà que tournant bride (31/05), il propose des quotas obligatoires aux émetteurs réels, à savoir, Europe-Japon-Canada, plus les USA, l’Inde et la Chine. 15 pays devraient à l’automne fixer ces engagements à long terme. C’est un « coup » et un geste habile, à six jours du sommet G8 (06-08/06), où la question a été placée au coeur du débat par la chancelière Angela Merkel, après l’échec au sommet de l’ASEM (Asia-Europe Economic Meeting).

Jusqu’alors, les experts croyaient que Pékin allait adhérer en premier, ce qui aurait placé Washington en position d’accusé : c’est l’inverse qui se produit, mettant Pékin et Delhi sur la sellette ! A un détail près : comme pour sauver la face, Bush prétend remplacer la solidarité de la démarche de Kyoto (associant tous les pays sur base volontaire) par son propre élitisme autoritaire (n’imposant d’efforts qu’aux quelques pollueurs réels). D’où les cris de Berlin, qui voit s’envoler toute chance d’accord : il visait la création d’un marché mondial du Co², la réduction de moitié des émissions pour pays riches d’ici 2050… A moins que ces protestations ne soient qu’une position stratégique : car après l’offre américaine, le tapis est plus (ou-)vert que jamais. Un peu trop tard, Pékin promet pour le 04/06 son 1er plan anti-réchauffement climatique, irréaliste à souhait, puisque «national», et «hostile à toute contrainte». A suivre !

 

 


Temps fort : Sécurité alimentaire: Quelque chose de pourri au royaume des baguettes…

Menottes aux poignets, impassible au spectacle de sa vie dévastée, Zheng Xiaoyu apparut mardi 29/05 à la CCTV, écoutant un juge le condamner à mort. Les faits étaient notoires : de 1998 à 2005, moyennant bakchichs (650.000² prouvés), ce patron des médicaments et aliments chinois avait parfois certifié n’importe quoi, causant les morts de 11 Cantonais en 2006 après injection de faux anti-biotique, de 13 nourrissons en 2004, nourris au faux lait maternisé —et d’autres !

Le verdict sera-t-il appliqué ? Si le juge d’appel confirme, ce serait la 1ère exécution d’un ministre depuis 2000. Le top niveau veut « tuer le poulet pour faire peur au singe » – faire un exemple. L’exaspération de l’Etat contre ses cadres déloyaux est au comble, suite aux scandales qui lui reviennent en boomerang d’outre-Pacifique, faux aliments pour chiens, ou poisson-chat chinois avarié, faux dentifrice… En Chine même, les scandales de qualité des aliments se succèdent, témoignant d’une lourde crise et de laisser-aller : oeufs teintés à l’amarante cancérigène,  pesticides dans les légumes, antibiotiques dans la viande, le miel… En 2005, 34000 intoxications collectives étaient dénombrées. Cette année, sur les 450.000 usines alimentaires du pays, un tiers n’avait pas de licence, et 60%, pas de laboratoire…

La SFDA (State food and drug Administration) se réveille : les 170.000 licences de remèdes vont être révisées. Dans l’alimentaire, 90 inspecteurs sont en route vers 15 provinces pour traquer les fraudes repérées. Un règlement national sera prêt en décembre, imposant le rappel des produits dangereux. Mais, remarque J. Harkness, Président de l’IATP (ONG américaine, de référence mondiale, en matière de législation agroalimentaire), le vrai problème n’est pas abordé : l’encadrement hygiénique et phytosanitaire de la production. Harkness craint que la Chine suive le modèle des USA, confiant au marché la charge de la sécurité alimentaire. Pékin aurait notamment commis une erreur en planifiant, d’ici 2008, le remplacement des marchés par les supermarchés, estimés « de facto » propres et modernes.

Dernière tendance, pas la plus rassurante : comme par «oeil pour oeil», l’administration frappe aussi l’importé. Cinq conteneurs d’eau d’Evian (Danone) sont bloqués depuis février pour «excès bactériel», 30 tonnes de poissons australiens congelés sont refusées à Canton, pour trop de métaux lourds. Mi-2005, après le drame du lait maternisé, Nestlé avait vu deux de ses marques de lait en poudre interdites quelques mois, pour «excès d’iode». Destiné au public, le message est implicite: l’insécurité n’est pas que chinoise—pas la peine d’acheter étranger !

 

 


Petit Peuple : Pékin : la cavale des voleurs malchanceux !

Princes du bonneteau, rois du poker à cartes biseautées, Ding et Jia montèrent le 12 mai à Pékin de leur Anhui  natal, suivis de 5 loubards, pour blouser aux cartes les gogos. Ils visaient les hôtels 5 étoiles, là où se tiennent les conférences, avec les étrangers – de celles où l’on s’ennuie, et où on rêve de choses un peu plus excitantes. C’est alors le bon moment pour plumer les pigeons — tout le monde sait cela !

Malgré la stratégie brillante, nos tricheurs firent chou blanc. Soit qu’en dépit de leurs atours à peu près nets, les chasseurs les fassent déguerpir.

Soit que les clients rétifs aux cartes, refusent l’offre bancale. Le 5ème jour, quand ils désespéraient, les bandits virent à la réception quelques hommes s’enregistrer. A terre, oubliés, traînaient des cartables de cuir, bien lestés: des souvenirs du colloque, forcément, choses de valeur, statuettes, cristal, montres ou cravates : ils en piquèrent un, foncèrent à leur planque, en banlieue. A l’abri de leur gourbi, Ding ouvrit le sac, inspecta le butin. Quelle déception : il ne recelait que 9 lourds ouvrages rébarbatifs, pleins d’équations, courbes et formules ! Pour pouvoir prétendre que leur journée n’était pas un complet désastre, ils les recyclèrent comme oreillers sur leurs paillasses, et s’endormirent.

C’est en cette posture que les agents les surprirent 2 heures plus tard, au terme d’une enquête-éclair. Sans perdre une minute, quelqu’un de haut (très haut)-placé leur avait collé les meilleurs détectives de l’Empire. Trop tard, nos filous réalisaient leur erreur fatale : ils n’avaient rien trouvé de mieux à détrousser, à travers la capitale, que les cerveaux du programme spatial -à peu de chose près, les gens les plus stratégiques de toute la nation !

Confus, menottés, ils partaient en camp pour de longues années. Ils payaient pour leur amateurisme, s’étant attaqués à bien trop élevés pour eux. Le Chinois le sait bien, qui dit que « 丈二和尚,摸不着头脑»

(zhang er he shang, mo bu zhao tou nao),   « à statue de moine de 4 mètres, impossible de tripoter la tête !» 

Notons au passage, les raisons diamétralement opposées du journal et du censeur, à publier une histoire si embarrassante pour la sécurité d’Etat qui s’était couverte de ridicule. Pour le reporter, au-delà de la franche rigolade, la mésaventure montrait que tous protégés qu’ils soient, les savants étaient vulnérables, comme tout le monde. Or, depuis des millénaires, tel constat, pour le pékin moyen, signale chez l’Empereur la perte du mandat du ciel—le temps venu pour une nouvelle dynastie.

Tandis que pour le censeur, la police rapide comme l’éclair avait sauvé la situation. Preuve que le fonctionnaire, le Parti-même était aussi naïf, inconscient que son voleur. Seule l’avait sauvé la bonne vieille police : à l’instar de la censure, une fois de plus, celle-ci démontrait qu’elle restait le rempart ultime, et plus ou moins la seule chose qui ne flanche jamais, en ce pays !

 

 


Rendez-vous : Shanghai: Salons du textile et de l’énergie électrique

1-4 juin, Shanghai : ShanghaiTex, Salon du textile

2-5 juin, Pékin: PALM Expo, audio, lumières, musique, et de leurs technologies

5-7 juin, Shanghai: Electric Power Supply Equipment Expo

4 juin, Pékin—18ième anniversaire du massacre de la Place Tian An Men