Editorial : Pneumonie atypique — le basculement de l’appareil!

Pneumonie atypique — le basculement de l’appareil!

Sur le front de la pneumonie atypique (SRAS), la semaine passée fut le temps d’une lutte interne intense, avec pour enjeu un changement de stratégie. Entre le « tout est sous contrôle » de rigueur, dix jours plus tôt, et le «la situation est grave» du 1er Ministre Wen Jiabao (13/4), un virage à 180° a eu lieu. Un verrou de six mois a été dynamité, grâce à deux constats:

[1] La chape de plomb de silence, ne protégeait que les quelques cadres incapables de fai-re face, au détriment de la nation : mécanisme traditionnel de l’appareil, mais qui soudain nuisait aux intérêts supérieurs et à l’impératif de stabilité (cf le psychodrame du 16/4 à l’université de Beida, avec un mort, une faculté fermée, et beaucoup de tensions);

[2] Le maintien du monopole du Parti sur la santé, impliquait de facto l’incapacité à coopérer avec le monde (du fait que le virus lui, ne connaît pas de frontières), et le mensonge « légal » : les cas de SRAS identifiés par le CDC étaient d’abord communiqués au Parti qui les validait -on non, selon ses objectifs-, puis seulement au min. de la santé… Constitutionnellement interdit, le partage des pouvoirs avec l’étranger devenait incontournable : que l’OMS coordonne en Chine les normes mondiales de lutte du SRAS!

Hu Jintao, le nouveau Président, est convaincu de l’urgence pour le régime de faire de lourdes concessions pour gagner cette guerre contre le mal. «Combat pour le peuple», son slogan du 18/4, signifie la transparence (voulue par l’OMS), au nom du socialisme (pour sa survie).

En face, la vieille école avait maintenu jusqu’alors –sans concession depuis 13 ans– que toute remise en cause d’un privilège du PCC, serait rendre ce dernier vulnérable. Cette tendance s’est retrouvée affaiblie, après l’admission que le 1er cas pékinois avait été hospitalisé en secret avant le Plenum de l’ANP en mars, pour ne pas effrayer l’opinion. Eclatant 15 jours après l’entrée en fonction de la nouvelle équipe, la pneumonie atypique ébranlait l’autorité morale du PCC, à commencer par sa bonne image de « sérieux comptable » et de « partenaire mondial », résultat de 20 ans d’efforts…

Ces explications sont là pour éclairer la portée du virage à 180° publié lors d’une conférence de presse (20/4), et des 4 concessions majeures annoncées.

a) programmée avec Zhang Wenkang, Ministre de la santé, et Meng Xuenong, maire de Pékin. Mais le jour dit, surprise : les deux hommes étaient absents et leur limogeage annoncé -Zhang s’était fait le chantre d’une vision rassurante d’un fléau jugulé. Ces disgrâces furent probablement prises lors du Politbureau du 18/4, où Hu  promulguait, sous peine de sanction, l’interdiction de tricher sur  les chiffres du SRAS.

b) Le PCC reconnaît aussi -c’est peut-être une 1ère s’être trompé en omettant de mettre en place un système unique de saisie des cas de SRAS.

c) Pékin, la capitale voit son bilan passer de 37 malades officiels à 346, presque le décuple (l’OMS en attendait « 200 »). Ses morts passent de 4 à 18.

Pour la Chine, les cas passent de 1530 à 1807 : l’effort de rigueur nationale est supporté pour l’instant presque exclusivement par Pékin, et le bilan pour une ville comme Shanghai, moins de 10 malades, reste insatisfaisant.

d) Dernière courageuse décision : Pékin annule la semaine de congés du 1er mai: les employés n’auront que le jeudi 1er férié. Jusqu’alors, le pouvoir encourageait aux départs massifs. 87M de gens auraient du, suivant les chiffres de 2002, dépenser 3,5MM$ et 7% des recettes de tourisme de l’année… L’OMS avait crié à l’imprudence, le pouvoir l’a entendu, renonçant ainsi à la quête du Graal des affaires—course au %age de hausse du PIB…

Il ne faut pas s’y tromper, les conséquences de ces décisions sont incalculables, et dépassent indéniablement le domaine de la santé. Parmi celles-ci, le pouvoir a identifié son incapacité à traverser cette épreuve, sans dialogue avec sa population et l’étranger -l’obligation de sortir de sa « tour de guet de Grande Muraille ». Par cette cascade de concessions au monde et à son opinion, le régime semble prêt à quitter le crin de la rhétorique socialiste pour rentrer dans la réalité et la coopération.

Mais après cette rupture, les divisions  ne pourront que s’aggraver, entre conservateurs aux abois, guettant la faute des nouveaux leaders,et ces dernier qui voudront se ruer dans la brèche pour forcer modernisation et entrée dans la réforme politique !

 

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