Le Vent de la Chine Numéro 38 (2021)

du 22 au 28 novembre 2021

Editorial : Isolée, la Chine ?
Isolée, la Chine ?

« Non, la Chine ne se referme pas sur elle-même ». C’est en substance le message que les dirigeants chinois martèlent depuis quelques semaines, pour rassurer les investisseurs étrangers et faire taire les critiques sur son intransigeante stratégie « zéro Covid ».

« La Chine ne peut se développer en s’isolant du reste du monde, et le monde ne peut se développer sans la Chine », a affirmé le vice-président Wang Qishan au Bloomberg New Economy Forum. « La Chine va garder ses bras ouverts, fournir davantage d’opportunités d’investissements et de croissance au monde », a-t-il ajouté.

Quelques jours plus tôt, en un message vidéo délivré à l’occasion de l’inauguration de la 4ème foire aux importations de Shanghai (CIIE), le Président Xi Jinping tenait un discours équivalent. Même son de cloche lors du sommet virtuel organisé avec son homologue américain Joe Biden. Lors d’un dialogue (en ligne là encore) organisé par le World Economic World, le Premier ministre Li Keqiang tenait des propos similaires.

Ces promesses d’une Chine qui va « poursuivre son ouverture » peuvent surprendre, alors que le pays se barricade depuis bientôt deux ans, sous la menace d’un virus qu’elle a vu naitre.  

Les compagnies étrangères, les expatriés et les étudiantsqui n’ont jamais pu revenir en Chine terminer leur cursus – sont les premiers à déplorer cette situation. Faute de perspectives d’assouplissement des conditions sanitaires pour 2022, les étrangers sont nombreux à envisager de partir, las d’être séparés de leurs familles…

Selon une récente enquête réalisée auprès de 338 sociétés membres de la Chambre de commerce américaine (AmCham)* de Shanghai, plus de 70 % d’entre elles ont des difficultés à attirer et à retenir les talents étrangers – un constat partagé par trois quarts des firmes européennes.

Ces difficultés retardent ou mettent en péril les décisions d’investissements prises aux sièges, particulièrement dans un contexte de méfiance croissante à l’égard de la Chine. 

On aurait pourtant tort d’imputer cet exode uniquement au virus, la pandémie n’ayant été qu’un accélérateur de tendance. Selon les données du grand recensement décennal publié en 2020, seuls 856 000 ressortissants étrangers, toutes nationalités confondues (dont 14 000 Français) résideraient sur le territoire chinois (sans compter Hong Kong et Macao, qui accueilleraient 13 000 Français), représentant 0,06 % de la population. C’est beaucoup moins que les 2,8 millions installés au Japon (2,2%), pourtant réputé être un pays « relativement fermé » aux étrangers. À Shanghai, ville la plus internationale du pays, le déclin en 10 ans est de 22% (164 000 résidents étrangers), et de 42% dans la capitale chinoise (62 000).

Comment expliquer cette perte d’attrait de la seconde puissance économique mondiale ? Outre une image générale qui s’est dégradée (pollution, durcissement politique et idéologique, diplomatie « combattante »…), la compétition sur le marché du travail chinois est de plus en plus forte, conduisant à une « sinisation » des postes. Une imminente réforme de la taxation sur les revenus devrait également rendre l’expatriation en Chine moins attractive.

L’environnement d’affaires n’est pas non plus exactement au beau fixe. Certes, la Chine a ouvert son marché (liste « négative » des investissements réduite, fin de l’obligation de partenaire chinois dans certains secteurs), mais elle n’en a pas forcément facilité l’accès (critères d’investissement, licences…).

En outre, la pandémie a poussé le gouvernement chinois à vouloir réduire sa dépendance économique vis-à-vis des exportations en renforçant sa consommation intérieure. Ce concept de « circulation duale » a toutes les chances de profiter aux marques chinoises, favorisées par un nationalisme grandissant (le dernier 11.11 en est l’illustration).

Autre facteur : face à l’hostilité américaine sous l’administration Trump, le gouvernement chinois a fait de l’objectif d‘autosuffisance – alimentaire, énergétique, technologique – une priorité, et du principe de « sécurité nationale », un impératif. Il transparait notamment à travers un nouveau cadre réglementaire s’appliquant aux données récoltées en Chine et à leur transfert hors frontières.

Pour se mettre en conformité, les entreprises étrangères seront contraintes de dupliquer leurs investissements en Chine, ce qui va accroître le coût de leurs opérations dans le pays.

Une dynamique similaire s’observe au niveau des normes et standards, qui va nécessiter une plus forte localisation des produits destinés au marché chinois.

Résultat : seules les firmes ayant un fort intérêt à rester présentes sur le marché chinois (ce qui n’était visiblement pas le cas de Linkedin et de Yahoo) et ayant les reins assez solides financièrement, procéderont aux investissements nécessaires. Les autres jetteront l’éponge… 

Ce fossé entre les discours officiels « accueillants » et une réalité sur le terrain qui se complique, s’explique par les priorités conflictuelles du gouvernement chinois.

Bien conscient que l’afflux de capitaux, d’investissements et d’expertise étrangère durant les quatre dernières décennies, a sensiblement contribué au « miracle économique chinois », la Chine veut continuer à en bénéficier, surtout pour l’aider à devenir une puissance technologique.

Mais cette priorité s’entrechoque avec sa politique sanitaire, qui a pour le moment, l’ascendant sur toutes les autres. Cependant, plus cet isolement s’inscrira dans la durée, plus les séquelles sur ses relations avec l’étranger (au sens large) seront lourdes. Lorsque le pays se « rouvrira », l’enthousiasme pour retourner en Chine sera-t-il le même ? Il est permis d’en douter…

* Signe des temps : les deux présidents de l’AmCham, à Pékin et à Shanghai, vont eux aussi quitter le pays.


Société : Peng Shuai réapparait
Peng Shuai réapparait

Le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU, la Maison-Blanche, le Quai d’Orsay, l’Association des joueuses de tennis (WTA), des championnes telles que Naomi Osaka et Serena Williams, tous s’inquiètent pour la joueuse chinoise Peng Shuai, absente de la vie publique depuis qu’elle a accusé dans un message posté sur Weibo le 2 novembre, l’ancien n°7 du pays et ex-vice-premier ministre, Zhang Gaoli, d’avoir abusé d’elle.

La championne en double à Roland Garros en 2014 n’est pas la seule à avoir ainsi « disparu » des radars. L’actrice Fan Bingbing, la femme d’affaires Zhao Wei et le milliardaire Jack Ma, se sont eux aussi mystérieusement « évanouis » durant quelques jours, quelques semaines, ou quelques mois, avant de « réapparaître ».

Sauf que cette fois, la communauté internationale s’est saisie de l’affaire et a multiplié les appels à la transparence, en prenant toutefois soin de ne pas nommer l’ex-vice-premier ministre.

Le directeur de la WTA s’est notamment déclaré prêt à faire une croix sur ses activités en Chine (une dizaine de tournois, dont le masters de fin de saison à Shenzhen) pour s’assurer que sa joueuse va bien.

Cette prise de position courageuse intervient alors que Grace Meng, l’épouse de l’ex-directeur d’Interpol, a déclaré dans un premier témoignage à visage découvert, regretter que l’agence internationale de coopération policière se soit contentée de prendre note de la démission de son mari au moment de sa disparition fin 2018. Il a depuis été condamné à 13 ans et demi de prison…

Face à cette pression croissante, des nouvelles de Peng Shuai ont soudainement afflué : un prétendu email d’abord, comportant la barre d’un curseur de logiciel de traitement de texte ; quelques photos d’elle – tout sourire – apparemment publiées sur son WeChat souhaitant un « bon week-end  » à ses proches ; puis deux clips vidéo tournés dans un restaurant avec des amis et son coach mentionnant spécifiquement la date du lendemain ; une apparition le 21 novembre lors de la finale d’un tournoi pour enfants sponsorisé par FILA (cf photo) ; et enfin un vidéo-call de trente minutes avec le président du Comité International Olympique (CIO) dans laquelle elle a expliqué être saine et sauve à son domicile mais qu’elle aimerait que sa vie privée soit respectée…

La plupart de ces « preuves » de son bien-être ont été publiées sur Twitter, plateforme bloquée en Chine, et par le biais de journalistes affiliés à des médias officiels tournés vers l’international, comme le Global Times et la chaine télévisée CGTN, déjà connue pour avoir diffusé plusieurs « confessions forcées », notamment celle de Peter Humphrey, citoyen britannique arrêté en Chine en 2013, et celle de Gui Minhai, libraire hongkongais naturalisé suédois, condamné par un tribunal chinois à dix ans de prison fin 2020.

Malgré tous ces efforts pour rassurer l’opinion publique internationale et détourner son attention de Peng Shuai, il est extrêmement probable que les faits et gestes de la championne fassent l’objet d’un contrôle permanent, le temps d’une enquête interne

De l’autre côté de la grande muraille numérique, toute référence à l’affaire continue d’être expurgée de la toile… Interrogés à plusieurs reprises, les porte-parole du ministère des Affaires étrangères se sont refusés à tout commentaire en arguant qu’il ne s’agissait pas d’un dossier diplomatique.

Sans aucun doute, Pékin tentera d’étouffer cette affaire extrêmement embarrassante pour l’appareil – particulièrement à trois mois des Jeux Olympiques d’hiver du fait du statut de l’accusé et de la popularité de la victime. Dans son prétendu courriel du 17 novembre, Peng Shuai aurait d’ailleurs affirmé que « les informations, notamment concernant l’accusation d’agression sexuelle, sont fausses ». Il n’est pas difficile d’imaginer que si elle ne coopère pas, cette situation pourrait bien se retourner contre elle…

Quid de Zhang Gaoli, dont les liens avec l’ex-vice-président Zeng Qinghong en font plutôt un opposant au leadership actuel ? L’ancien membre du comité permanent jusqu’en 2017 fera-t-il uniquement l’objet de sanctions internes, affaiblissant ainsi sa position ainsi que celle de ses associés politiques ? Ou alors sera-t-il mis publiquement sous enquête pour « corruption » d’ici quelque temps, ce qui aurait pour inconvénient de rappeler à tous ce scandale ? Le mystère reste entier…


Sport : Zhou Guanyu, premier pilote chinois en Grand Prix de Formule 1
Zhou Guanyu, premier pilote chinois en Grand Prix de Formule 1

C’est officiel : Zhou Guanyu (周冠宇), va devenir le premier pilote chinois de l’histoire à prendre le départ d’un Grand Prix de Formule 1. 

Le jeune homme de 22 ans intégrera l’équipe d’Alfa Romeo basée à Hinwil (Suisse), et concourra aux côtés du n°3 mondial, le finlandais Valtteri Bottas pour le Grand Prix de Bahreïn fin mars 2022. La nouvelle a été saluée par le public chinois, et vue plus de 230 millions de fois sur Weibo.

Comme de nombreux pilotes de F1, Zhou Guanyu a intégré ce sport d’élite grâce au soutien financier de sa famille. Fils d’un homme d’affaires ayant fait fortune dans l’automobile, Zhou Guanyu est considéré comme un « riche de seconde génération » (富二代 ; fù’èrdài). Alors qu’il n’avait que 9 ans, son père aurait dépensé plus de 12 millions de yuans pour lui construire sa propre piste de karting à Weifang (Shandong). Ce natif de Shanghai a ensuite quitté la Chine, dès l’âge de douze ans, pour rejoindre une écurie de karting à Sheffield, dans le nord de l’Angleterre. Zhou Guanyu a ensuite été repéré par la Ferrari Driver Academy et mis le cap sur l’Italie à ses quinze ans.

C’est au début de la saison 2019 qu’il est devenu pilote de développement au sein de l’équipe Alpine (ex-Renault Sport Academy) et qu’il a fait ses débuts en Formule 2 (l’anti-chambre de la F1), avec un certain succès, puisqu’il a terminé le championnat à la 7ème place et remporté le titre de « rookie » (débutant) de l’année. Il occupe actuellement la 2ème place du classement cette saison, avec deux manches (soit six courses) encore à disputer.

Pilote à l’avenir prometteur, ses sponsors chinois auraient consenti à payer l’écurie Alfa Romeo jusqu’à 30 millions d’euros (plus de 200 millions de yuans) – un soutien financier qui avait fait défaut à plusieurs pilotes chinois avant Zhou Guanyu… Indéniablement, les enjeux financiers autour de sa participation au championnat de F1 sont importants – le jeune pilote l’a reconnu lui-même…

Pour le groupe Stellantis (dont fait partie Alfa Romeo), c’est une aubaine, lui qui entend remettre un pied en Chine après une période très difficile marquée par la fin de sa coentreprise avec Dongfeng, d’importants soucis logistiques et le flop commercial de DS.

C’est que la Chine représente un énorme marché, non seulement pour les constructeurs automobiles, mais aussi pour la F1.

Or, depuis le premier Grand Prix de Chine à Shanghai en 2004, l’engouement du public chinois n’a jamais vraiment décollé, faute – notamment – de voir un pilote chinois sur la ligne de départ.

Ainsi, l’arrivée de Zhou Guanyu chez Alfa Romeo, pour une durée de trois ans maximum, pourrait bien changer la donne. Même si le GP de Chine ne retrouvera pas sa place au calendrier avant 2023 à cause de la Covid-19, le promoteur de la F1 a annoncé lors de la récente foire de Shanghai, sa prolongation jusqu’en 2025.


A lire, à voir, à écouter : Le musée M+ à Hong Kong, « 1000 ans de joies et de peines » de Ai Weiwei
Le musée M+ à Hong Kong, « 1000 ans de joies et de peines » de Ai Weiwei

Musée M+ (Hong Kong) : Après plusieurs années de retard et un budget initial de 760 millions de $ largement dépassé, le M+, premier musée mondial de culture visuelle contemporaine en Asie, a finalement ouvert ses portes le 12 novembre. Ses collections, qui couvrent les arts visuels, le design, l’architecture et les images animées, en font le joyau du nouveau quartier culturel de West Kowloon. Reconnaissable par sa forme en « T » inversé, le musée a été conçu par le prestigieux cabinet suisse Herzog & de Meuron (également à l’origine du Nid d’Oiseau à Pékin) en partenariat avec TFP Farrells et Arup.

L’œuvre la plus monumentale de la collection du M+ est indéniablement « Asian Field » du sculpteur britannique Antony Gormley. Elle est constituée de dizaines de milliers de figurines en argile, modelées par 300 habitants d’un village du Guangdong (cf photo). 

Photo : Rachel Wong

Autre incontournable, la collection personnelle du suisse Uli Sigg : avec ses 1510 œuvres, elle est considérée comme la collection la plus complète au monde sur l’art contemporain chinois, retraçant de façon quasi encyclopédique quatre décennies d’évolutions artistiques et politico-sociales, de la fin de la Révolution culturelle aux créations du XXIe siècle. On y retrouve des sculptures de Wang Keping, des toiles de Huang Rui, Ma Desheng, Fang Lijun, Zhang Xiaogang, Yue Minjun, Zeng Fanzhi, Liu Xiaodong, Xu Bing, ou encore des créations de Ni Youyu et de Cao Fei.

Longtemps célébrées, certaines œuvres sont subitement devenues un problème, accusées de propager la haine contre la mère patrie. C’est le cas de la série photographique de l’artiste chinois Ai Weiwei dans laquelle il tend un doigt d’honneur devant des lieux de pouvoir à travers le monde, dont la place Tiananmen à Pékin. Ce cliché avait été accusé de porter atteinte à la « loi de sécurité nationale » introduite par Pékin en juin 2020. Il restera finalement dans les archives du musée…

A partir du 12 novembre, entrée gratuite pour tous les visiteurs pendant 12 mois.

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« 1000 ans de joies et de peines » de Ai Weiwei : Pour la première fois, le célèbre artiste dissident revient sur son enfance, ses 17 ans passés dans les camps de travail, son éveil à l’art, sa formation à New York, son cheminement personnel, son amitié avec Allen Ginsberg ainsi que l’influence de Duchamp et de Warhol sur son travail…

Ai Weiwei raconte avoir envisagé d’écrire ses mémoires durant ses onze semaines d’incarcération en 2011, repensant au fossé d’incompréhension qui s’était creusé entre son père (le grand poète chinois Ai Qing, violemment purgé en 1957 durant « la campagne anti-droitiste ») et lui. Il ne voulait pas que son fils ait pas les mêmes regrets.

Loin d’être uniquement un récit autobiographique, « 1000 ans de joies et de peines » retrace l’histoire de la Chine au cours du dernier siècle tout en abordant la démarche artistique et l’engagement politique d’Ai Weiwei. Un destin hors du commun, de l’anonymat au statut d’artiste superstar et figure de l’engagement contre la répression.

Indisponible en Chine. Publié le 2 novembre 2021 en anglais. A paraître le 3 février 2022 en français.


Chiffres de la semaine : « 10 PME innovantes, un restaurant sur cinq, 65 millions ont reçu une 3ème dose, 100 millions d’amis »
« 10 PME innovantes, un restaurant sur cinq, 65 millions ont reçu une 3ème dose, 100 millions d’amis »

10 firmes innovantes qui ont fait leurs débuts en bourse de Pékin (BSE) le 15 novembre, ont vu leurs cours multipliés par deux ou par trois lors du premier jour d’échanges. À l’inverse, les 71 PME auparavant cotées sur la plateforme de négociation de gré à gré (NEEQ) ont connu une baisse. 16 d’entre elles ont enregistré une chute de plus de 10%. Des débuts mitigés donc pour cette bourse censée offrir de nouveaux financements aux entreprises technologiques.

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300 restaurants : c’est le nombre de fermetures annoncées par la célèbre chaine de hot-pot sichuanaise Haidilao, soit un établissement sur cinq. Les six premiers mois de cette année, le groupe avait ouvert 299 restaurants et 530 autres en 2020, misant sur un impact sanitaire du Covid-19 de court terme. Cependant, la résurgence de cas à travers le pays a eu raison des ambitieux projets d’expansion du groupe qui avait pourtant connu le succès pendant l’épidémie du SRAS en 2003 en proposant des « fondues à emporter ». Depuis le début de l’année, le cours de l’action Haidilao en bourse de Hong Kong a « fondu » de 75% (soit 350 milliards de HKD).

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65,73 millions de personnes ont reçu une 3ème dose de vaccin, sur le 1,076 milliard de Chinois qui ont reçu un schéma vaccinal complet, soit 76,3% de la population. Un chiffre qui stagne depuis plusieurs semaines.

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100 millions de chiens et chats sont recensés dans les zones urbaines chinoises. 63 millions de Chinois seraient ainsi propriétaires d’un ou plusieurs animaux de compagnie. Ils y consacreraient en moyenne 20% de leur revenu disponible, soit 6500 yuans chaque année. Ce marché estimé à 300 milliards de yuans devrait connaitre une augmentation de 40% d’ici 2023… Cela explique l’émoi suscité à travers le pays par la mise à mort d’un corgi à coups de barre de fer par des employés des services sanitaires de Shangrao (Jiangxi), alors que sa propriétaire était en quarantaine. 


Podcast : 26ème épisode des Chroniques d’Eric – « Trois femmes chinoises – action / réaction ! »
26ème épisode des Chroniques d’Eric – « Trois femmes chinoises – action / réaction ! »

Venez écouter le 27ème épisode des « Chroniques d’Eric », journaliste en Chine de 1987 à 2019 et fondateur du Vent de la Chine.

Zhang Zhan, Peng Shuai et Zhao Wei sont trois femmes sur leur plus bel âge, et au pinacle de leurs professions respectives d’avocate-journaliste citoyenne, joueuse de tennis et actrice-femme d’affaires. Elles se retrouvent aussi, en même temps victimes de leur gouvernement, privées de liberté, de leur espace social et de leur profession. Pourquoi ? C’est ce qu’on va entendre ici. 

Toutefois, une question peut-être plus intéressante, est de savoir : d’où tiennent-elles leur force intérieure, quel chemin ont-elles partagé pour arriver jusque là – jusqu’à ce point où  elles gênent parleur existence-même l’autorité, aux mains des hommes ?

Sans dévoiler notre sujet, on peut dire ici que cette histoire marque l’indice, ou les prémisses, d’une Chine dont le ciel est occupé pour moitié par les femmes, et d’une Chine peut-être bien en voie vers le matriarcat ? 

Suivez dès à présent les « Chroniques d’Eric » via le flux RSS ou sur Apple Podcast !
 


Vocabulaire de la semaine : « Pilote, Formule 1, mémoires, musée, censure »
« Pilote, Formule 1, mémoires, musée, censure »
  1. pilote : 车手; chē shǒu
  2. Formule 1 : 一级方程式; yī jí fāngchéngshì

    周冠宇成为中国首位一级方程式(Formula 1)正式车手。

    Zhōu Guānyǔ chéngwéi zhōngguó shǒuwèi yī jí fāngchéngshì zhèngshì chēshǒu.

    Zhou Guanyu devient le premier pilote chinois de Formule 1.
  3. musée :  博物馆 ; bówùguǎn
  4. censure : 审查 ; shěnchá

    审查阴影下,香港M+博物馆开馆

    Shěnchá yīnyǐng xià, xiānggǎng M+ bówùguǎn kāi guǎn

    Sous l’ombre de la censure, le Hong Kong M+ Museum ouvre ses portes

  5. mémoires : 回忆录 ; huíyìlù
  6. commenter sur, discuter de : 评论 ; pínglùn
  7. politique : 政治 ; zhèngzhì
  8. tradition: 传统 ; chuántǒng

    这位 中国 艺术家 在 新 出版 的回忆录中 讲述 了 自己 家族 评论 政治 、 挑战 权威 的 传统。

    Zhè wèi zhōngguó yìshùjiā zài xīn chūbǎn de huíyìlù zhōng jiǎngshùle zìjǐ jiāzú pínglùn zhèngzhì, tiǎozhàn quánwēi de chuántǒng.

    L’artiste chinois décrit dans ses mémoires récemment publiées, la tradition dans sa famille de discuter de politique et de défier l’autorité.

  9. « Au service du peuple », devise du Parti communiste chinois : 为人民服务 ; wéi rénmín fúwù

    “全心全意为人民服务” 是 中国 共产党 始终 坚持 的 根本 宗旨。

    Quánxīnquányì wéi rénmín fúwù” shì zhōngguó gòngchǎndǎng shǐzhōng jiānchí de gēnběn zōngzhǐ. 

    « Servir le peuple de tout son cœur » est l’objectif fondamental du Parti communiste chinois. 

     


Petit Peuple : Pingtai (Fujian) – Le drame de désespoir de Ou Jinzhong (3ème partie)
Pingtai (Fujian) – Le drame de désespoir de Ou Jinzhong (3ème partie)

Ou Jinzhong a tué son voisin Chen Wuxin qui l’empêchait depuis 5 ans de construire sa maison. Craignant les représailles, il prend le maquis…

La stupeur fut sans limite à la mairie, apprenant l’assassinat de Chen Wuxin, membre du club très fermé de la nomenklatura locale. Elle se mua vite en colère, et en actes : dès le dimanche soir, six heures après le meurtre, les poteaux télégraphiques de Pingtai portaient des affichettes à l’effigie d’Ou Jinzhong, 55 ans, meurtrier, tandis que quinze inspecteurs arpentaient la montagne.

La traque se renforça le lendemain : une centaine d’agents démarrèrent, avec des chiens fureteurs. Par chance pour Ou, le typhon de la veille avait effacé toutes odeurs, faisant tourner les chiens en rond. Mardi vit une nouvelle escalade : par voie d’affiches, les citoyens étaient avisés de dénoncer tout mouvement suspect, tout passage d’inconnus, tout indice de vol de vêtement ou de nourriture. Mais l’aspect le plus choquant était la mise à prix du fugitif, sous deux tarifs : 20.000 yuans pour sa capture, 50.000 yuans pour son corps mort.

Par sa folie, l’annonce laissait voir que les policiers avaient perdu la tête. Elle se propagea dans tout le pays. La réaction des masses fut inattendue et prenait le parti de l’assassin, estimant qu’il avait été poussé à bout par un système corrompu. À quoi rimait une prime de cadavre deux fois et demie supérieure à celle d’une capture ? C’était un appel au meurtre, rien de moins !

Sans doute rabrouée en haut lieu par téléphone, la mairie rectifia le tir (si l’on peut dire) : jamais elle n’avait appelé la populace à se faire justice expéditive par des « mauvaises actions » (sic).

Quoi qu’il en soit, dès le mercredi, tous les effectifs disponibles étaient à pied d’œuvre, 14 heures par jour, pour une battue entre lande, marais et montagne. La traque était sans cesse redirigée aux quatre horizons sous d’incessants ordres et contre-ordres, dans un brouhaha indescriptible suite aux appels de délateurs contradictoires. Au pic de l’action, l’armée des chercheurs atteignait 350 hommes.

Si la mairie en faisait tant, c’était aussi dans une lutte contre la montre, pour empêcher Ou Jinzhong de tout révéler. Sur la toile, la passion des citoyens battait son comble, avec 100 questions sur la nature de la contrebande qu’aurait pratiquée le défunt Chen depuis Taïwan, et les juteuses enveloppes qu’il aurait versé aux édiles de Pingtai pour fermer les yeux.

D’autres encore dénonçaient la déréliction du devoir de rester au service du peuple (« 为人民服务 », wéi rénmín fúwù). Et puis, questionnait insidieusement un juriste, lancer une telle chasse à l’homme entrait-il dans les compétences d’une simple mairie de province ?  Et sur quels fonds s’apprêtait-elle à payer la prime aux délateurs : avait-elle une caisse noire ?

Yan Shulou, blogueur, s’empara de l’histoire et écrivit que « seuls ceux longtemps opprimés, peuvent comprendre la colère et l’impuissance ayant conduit au meurtre » – son post lui valut pas moins de 100.000 clics avant d’être effacé.

Pour des millions, Ou Jinzhong prenait la dimension d’un bandit d’honneur du roman « Au bord de l’eau ». Un adolescent lui conseillait même de « fiche le camp : « Shushu (oncle), décampe ! Je te souhaite de pouvoir toujours trouver paix et bonheur pour le reste de ta vie ».

En même temps, sortaient sur internet des pans de sa vie passée, qui évoquaient son profil vertueux. À 25 ans, il s’était jeté en mer pour sauver un enfant de la noyade. En 2008, il avait sauvé un couple de dauphins échoués sur la grève, les repoussant à l’eau…

Tout cela forçait à conclure que bon samaritain de naissance, Ou Jinzhong avait été acculé au crime par le manque de cœur de Chen Wuxin, et des édiles qui auraient dû le protéger et qui l’avaient abandonné. Du coup, il devenait victime du système.

Un grondement sourd montait parmi la foule, exprimant l’exaspération envers mairie, police, justice, la presse même, toutes les émanations du régime. La Chine entière entamait son examen de conscience… Pour la mairie sous le feu des critiques, c’était intolérable ! Depuis longtemps, le compte Weibo du mareyeur avait été fermé, pour éviter que ne s’y déversent des millions de messages de soutien.

Finalement, le lundi de la semaine suivante Ou Jinzhong fut repéré au fond de la grotte où il se terrait. Selon la version officielle, c’est lui qui se tua plutôt que de se rendre. Une version évidemment contestée par tous, car trop commode pour les officiels locaux, qui pouvaient respirer à présent, ayant évité le pire.

Toutefois, la mort de Ou Jinzhong ne restera peut-être pas sans suite. Certes, par principe, l’État socialiste soutient toujours ses cadres contre le peuple, sans considération de ses droits. Mais dans sa tanière, il n’abhorre rien de plus que les erreurs de ses cadres, décisions futiles et irréfléchies qui font voler en éclat la stabilité sociale. Ces erreurs, il les sanctionne toujours une fois le calme revenu, quand il croit que son action ne peut plus être interprétée comme un désaveu de son personnel.

Dès maintenant, pour calmer le jeu, la commission locale d’inspection de la discipline (qui prend notoirement ses ordres de Pékin) ouvre une enquête sur l’annulation du permis de construire à l’origine du bain de sang. D’ici quelques mois, maire et commissaire de Pingtai pourraient donc avoir du souci à se faire pour leur carrière. Et s’ils étaient mutés ou démis de leur fonction, il ne faudrait pas plus que cela s’en étonner !


Rendez-vous : Semaines du 22 novembre au 19 décembre
Semaines du 22 novembre au 19 décembre

24-26 novembre, Shanghai : ITB CHINA, Salon des professionnels du tourisme – EN LIGNE

25-29 novembre, Canton : TEA EXPO GUANGZHOU 2021, Salon du thé de Canton

30 novembre-2 décembre, Shanghai : ELECTRICAL SHANGHAI 2021, Salon international des équipements électriques

1-3 décembre, Shanghai : ICIF CHINA 2021, Salon international de l’industrie de la chimie en Chine 

1-5 décembre, Shanghai : CIIF 2021, Foire industrielle internationale de Shanghai. Industrie du métal et machine-outil. Automatisation industrielle. Technologies de l’environnement. Technologies de l’information et des télécommunications. Énergie. Technologies aérospatiales

1-5 décembre, Shanghai : FACTORY AUTOMATION ASIA 2021, Salon international de l’automatisation des usines, de l’ingénierie mécanique et électrique, de l’informatique industrielle et de l’ingénierie 

4-6 décembre, Canton : GUANGZHOU INTERNATIONAL TRAVEL FAIR 2021, Salon international du voyage

10-12 décembre, Shanghai : SHANGHAI INTELLIGENT BUILDING TECHNOLOGY 2021, Salon professionnel chinois des technologies de construction intelligentes

13-15 décembre, Shanghai : AUTOMOTIVE TESTING EXPO CHINA 2021, Salon du test, de l’évaluation et de l’ingénierie de la qualité dans les composants automobiles 

15-17 décembre,Shanghai : CFIE 2021, Salon international des condiments et ingrédients alimentaires 

16-18 décembre, Shanghai : BIOPH CHINA 2021, Salon de la pharmacologie et des biotechnologies, rassemblant compagnies pharmaceutiques, institutions et organismes de recherche

22-24 décembre, Shanghai : TIM EXPO SHANGHAI 2021,  Salon international du matériel d’isolation thermique, des matériaux étanches et des technologies liées à l’économie d’énergie