Le Vent de la Chine Numéro 33 (2023)

De la Grande Muraille de Badaling (Pékin) à la promenade du Bund (Shanghai), en passant par les dunes de Dunhuang (Gansu) et ses désormais célèbres « embouteillages de chameaux », toutes les grandes attractions du pays se sont retrouvées assaillies par les touristes durant les vacances nationales (29 septembre – 6 octobre).
Avant les congés, les autorités avaient annoncé s’attendre à un rebond significatif du nombre de voyageurs par rapport à 2019. Cependant, ces prédictions se sont avérées un peu trop optimistes : ce sont finalement 826 millions de voyages qui ont été réalisés durant la période (au lieu des 896 millions attendus) et 753,5 milliards de yuans qui ont été dépensés (au lieu des 782,5 milliards anticipés) – des chiffres en hausse respectivement de 4,1% et de 1,5% par rapport à 2019 et qui ont suscité le scepticisme du grand public… D’ailleurs, si l’on prend en compte l’inflation et le plus grand nombre de touristes par rapport à il y a quatre ans, le montant dépensé par personne est encore bien en-dessous du niveau de 2019. A l’international aussi, malgré les appels du pied de la Thaïlande qui a décidé d’exempter les touristes chinois de visas pendant cinq ans, le nombre de voyageurs hors frontières était encore 15% inférieur à celui enregistré avant la pandémie.
L’autre indicateur économique particulièrement scruté durant cette « Golden week » a été celui des ventes immobilières. Malgré les trésors d’inventivité déployés par les promoteurs et l’assouplissement des restrictions à l’achat par les municipalités, les résultats sont mitigés. Selon le China Index Research Institute, dans les villes de 1er tiers (Pékin, Shanghai, Canton), le volume en m2 d’appartements neufs vendus a bondi de 62% par rapport à l’an passé. Les villes de 2nd tiers, elles, ont enregistré une baisse de 14% et celles de 3ème et 4ème tiers, un plongeon de 50%…
L’annonce le 28 septembre du placement en résidence surveillée de Xu Jiayin, patron d’Evergrande, n’a rien fait pour redonner confiance aux acheteurs hésitants. Homme le plus riche de Chine jusqu’en 2018, Xu est désormais considéré comme « l’ennemi public n°1 », laissant derrière lui 2 400 milliards de yuans de dettes, 6 millions de propriétaires sur le carreau, et mettant les actifs américains d’Evergrande (et peut-être une partie de sa fortune personnelle) sous protection de la justice US en déclarant l’entreprise en faillite. Mais est-il vraiment juste de faire de Xu l’unique responsable de cette crise qui plombe l’économie chinoise ? Il ne faut pas oublier que l’homme doit son ascension aux bonnes grâces des dirigeants chinois, en partie celle de Zeng Qinghong (l’ex-n°5 du Parti de 84 ans qui aurait osé réprimander Xi sur sa gestion des affaires du pays lors du conclave de Beidaihe, d’après le Nikkei). « Tout ce qu’Evergrande possède lui a été donné par le Parti » (“一切都是党给的”), répétait Xu à l’envi avant son arrestation.
L’avenir d’Evergrande devait sûrement être dans un coin de la tête de Xi Jinping lorsqu’il prit la parole (chose rare, cette tribune étant traditionnellement réservée au Premier ministre) lors de la réception donnée au Grand Palais du Peuple à l’occasion de la fête nationale le 28 septembre. Parmi les 800 invités, deux manquaient à l’appel : Qin Gang, l’ex-ministre des Affaires étrangères, démis fin juillet de ses fonctions, et Li Shangfu, ministre de la Défense, apparemment mis sous enquête début septembre. Le premier serait accusé d’avoir eu un enfant hors mariage et né sur sol américain avec une présentatrice TV chinoise, le second se serait rendu coupable de corruption lorsqu’il était à la tête du département de l’équipement de l’APL. Dans les deux cas, ces allégations ne seraient qu’un prétexte cachant une « faute politique » plus grave.
Le fait qu’aucune date n’ait été annoncée pour le 3ème Plenum du XXème Congrès laisse entrevoir que l’appareil n’a pas encore statué sur leur sort : doivent-ils être expulsés du Comité central ou non ? Etrangement, les deux hommes conservent jusqu’à présent leurs titres de conseillers d’Etat… Quoi qu’il en soit, ce grand rendez-vous, qui aura probablement lieu début novembre, est attendu puisqu’il fixe traditionnellement les grandes lignes économiques pour les cinq ans à venir. Alors que des rumeurs d’un stimulus économique plus conséquent circulent, bien malin est celui qui pourrait prédire l’agenda du 3ème Plenum : « réformera, réformera pas ? »
En attendant, deux autres événements sont à suivre : le très attendu Forum « Belt & Road » (BRI) qui se tiendra à Pékin le 17 et 18 octobre et marquera les dix ans de cette initiative lancée par Xi Jinping dès son arrivée au pouvoir. Pékin devrait tenter de redorer la réputation de ce vaste programme qui a fait l’objet de nombreuses critiques ces dernières années (piège de la dette, saisies d’actifs stratégiques…) et qui n’a parfois pas tenu ses promesses (sortie annoncée de l’Italie…). Xi Jinping pourra compter sur le soutien de son « ami » Vladimir Poutine qui fera le déplacement pour l’occasion.
Le second rendez-vous à suivre est le Forum de Xiangshan, version chinoise du Dialogue de Shangri-la à Singapour, qui doit se tenir à la fin du mois (29 – 31 octobre) à Pékin. En l’absence du ministre de la Défense Li Shangfu, ce serait Liu Zhenli, chef de l’état-major interarmées de la Commission Militaire Centrale (CMC) qui pourrait jouer le maître de cérémonie, voire remplacer Li pour de bon. La bonne nouvelle, c’est que les Etats-Unis ont été conviés à participer, malgré l’interruption du dialogue militaire entre les deux pays depuis la visite de Nancy Pelosi à Taipei en août 2022. De là à voir les prémices d’un réchauffement en vue d’une rencontre entre Xi Jinping et Joe Biden en marge de l’APEC mi-novembre à San Francisco ? Tous les espoirs sont permis.

Le Premier ministre Li Qiang fait depuis peu parler de lui pour de curieuses raisons. Avant le 1er octobre, est paru un article sur le site de China Frontline (中国前线) traitant de sa famille ainsi que de leurs contacts dans le monde des affaires, notamment au Zhejiang et à Shanghai. À vrai dire, il était connu depuis un moment déjà que Li avait aidé Jack Ma alors qu’il était en poste à Wenzhou. Ceci dit, les liens entre l’épouse de Li Qiang et le secteur industriel et financier de manière générale étaient quant à eux peu connus. Encore plus surprenante était la révélation selon laquelle la fille de Li serait mariée à un « étranger », patron du cabinet SHLArchitects à Shanghai.
En temps normal, ces « fuites » n’auraient que peu d’influence sur la position de Li. Mais il faut rappeler que c’est également ce genre d’informations « indiscrètes » qui ont poussé Xi Jinping à remettre en cause la loyauté du ministre des Affaires étrangères, Qin Gang. Dans un climat de méfiance où les tensions entre les dirigeants du Parti sont de plus en plus palpables, parfois même entre les propres membres du camp de Xi qui tentent de se saper les uns les autres pour obtenir les faveurs du Secrétaire général, ces révélations auront un impact sur la viabilité de Li au sein des hautes instances du Parti. Tout comme Qin Gang, les agents déstabilisateurs qui aiment à utiliser les médias étrangers pour arriver à leurs fins ont, du moins partiellement, réussi à semer les germes du doute dans l’esprit de Xi quant à la loyauté et fiabilité de Li Qiang.
Plusieurs signes qui ne trompent pas
La question de la confiance de Xi envers Li Qiang remonte directement à son élection en tant que Premier ministre ainsi qu’à la création de son cabinet : Xi a choisi Ding Xuexiang (Shanghai) comme vice-premier ministre exécutif, et He Lifeng (Fujian), Zhang Guoqing (militaire/aérospatiale) et Liu Guozhong (Li Zhanshu) comme vice-premiers ministres pour « appuyer » Li Qiang. Le problème est que Ding se voit comme le « traducteur politique » de Xi, He comme son ami le plus fidèle et le plus méritant, Zhang comme le seul vrai technocrate ayant une expérience réelle en management, tandis que Liu est un simple « béni-oui-oui » poussé par l’ex n°3 du Parti, Li Zhanshu. En ce sens, Xi semble avoir délibérément assemblé un groupe dysfonctionnel de cadres pour s’assurer de deux choses : qu’aucun d’entre eux – et surtout pas Li Qiang – ne réussisse à consolider leur position et que ceux-ci se fassent concurrence et se « surveillent » entre eux. Dans ces conditions, Xi n’a pas donné à Li les moyens de faire son travail correctement, ni de contrôler le Conseil d’État. Bien au contraire, cet agencement laissait déjà transparaître ses doutes quant aux capacités de Li Qiang et semblait plutôt être une police d’assurance contre ses potentielles ambitions politiques.
Autre signe qui ne trompe pas : lors de la Conférence nationale des secrétaires généraux des comités de Parti et des gouvernements, qui s’est déroulée à Pékin le 13 et le 14 septembre, Cai Qi, directeur du bureau des affaires générales et proche allié de Xi, a repris à son compte la gestion des secrétaires, responsabilité qui incombait à l’origine à Li Qiang. De plus, jusqu’alors, sous Li Keqiang, l’administration des secrétaires généraux du Parti et du gouvernement étaient séparées. Ainsi, en « unifiant » les deux lors d’une seule conférence, le leadership a envoyé un message clair : tous doivent suivre les consignes de Cai Qi, et non pas celles de Li Qiang.
La reprise d’un autre champ de compétence de Li Qiang par Cai Qi n’est cependant pas une coïncidence. La rumeur voudrait que les deux hommes ne s’entendent pas et, malheureusement pour Li qui semble faire profil bas depuis les derniers mois, Xi a toujours eu un faible pour les cadres qui agissent de manière décisive. C’est d’ailleurs pour cette raison que Cai est aux commandes de l’idéologie, du système de sécurité rapproché des hautes instances du Parti et de l’agenda de Xi.
Deux semaines après cette conférence, lors de la grande réception donnée à l’occasion de la fête nationale au Grand Palais du Peuple le 28 septembre, Xi n’a pas laissé Li Qiang prononcer de discours. À peine une semaine plus tard, lors du XVIIIème Congrès national des syndicats chinois, tous les membres du Comité Permanent du Politburo étaient présents sauf… Li Qiang, en déplacement dans le Zhejiang. Or, chacun sait que les syndicats sont, pour le Parti, des organisations « clés » dans le système politique puisqu’ils représentent des centaines de millions d’individus. Le gouvernement central attache donc une grande importance aux conférences syndicales, et d’autant plus à ce genre de congrès national qui ne se tient que tous les cinq ans. En ce sens, l’absence de Li Qiang est notable et signale que les choses ne vont pas fort pour lui…
Prenant la parole lors du Symposium sur le développement de la ceinture économique du Yangzi à Nanchang (Jiangxi) le 12 octobre, Li Qiang a fait l’éloge de Xi, affirmant qu’il faut « étudier consciencieusement, comprendre et mettre en œuvre minutieusement » l’esprit de la pensée de Xi. Cette déclaration de loyauté n’est pas passée inaperçue. De fait, par le passé, non seulement le premier ministre était absent, mais c’étaient les vice-premiers ministres exécutifs qui prononçaient un discours à l’occasion (Zhang Gaoli en 2016, et Han Zheng en 2018 et 2020). Il est donc naturel que la présence de Li Qiang, son allocution et les fleurs lancées à Xi aient attiré l’attention.
Li Qiang ne peut pas disparaître
Tous ces éléments rassemblés – en plus du fait que Li n’a pas eu droit aux « avions spéciaux » du gouvernement lors de ses récents déplacements à l’étranger – tendent à démontrer que Li Qiang se trouve dans une situation difficile. Les fuites concernant la fortune de sa famille sont peut-être la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour Xi.
Cependant, contrairement aux deux ministres et conseillers d’État Qin Gang et Li Shangfu, on ne peut pas se défaire de Li Qiang ou encore le faire disparaître. Ce que les opposants de Li Qiang – et potentiellement aussi de Xi – cherchent, c’est d’abord lui retirer son pouvoir, ou mieux encore, forcer Xi à le faire. Avec des personnalités comme Cai Qi qui tentent constamment de nuire à Li, il est fort probable que le Conseil d’État devienne réellement, comme Li Qiang l’a lui-même mentionné le 14 mars 2023 « […] avant tout un organe politique […] ». Ce commentaire a priori anodin implique que le Conseil d’État s’en remette au Comité central et qu’il ne soit plus vraiment en mesure de prendre des décisions sans l’aval du Parti. Une perspective qui n’est pas pour déplaire à Xi.

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