Le Vent de la Chine Numéro 38 (2020)

du 30 novembre au 6 décembre 2020

Editorial : Une reprise à deux vitesses
Une reprise à deux vitesses

Derrière les statistiques officielles chinoises attestant d’un rebond économique spectaculaire post-Covid-19, la fameuse reprise en « V » (passant de -6,8% de croissance au 1er trimestre, à +4,9% au 3ème trimestre) enviée par de nombreux pays occidentaux, certaines données laissent entrevoir une reprise à deux vitesses avec de fortes disparités régionales, et non plus uniquement entre l’Ouest et l’Est, mais aussi entre le Nord et le Sud.

En observant le classement de la croissance économique par provinces durant les neuf premiers mois de l’année par rapport à 2019, on s’aperçoit que la majorité de celles n’ayant toujours pas rattrapé leur niveau pré-Covid-19, sont situées au Nord-Est du pays. Mais le Hubei (-10,4%), épicentre de l’épidémie, le Heilongjiang, la Mongolie-Intérieure (-1,9%) et le Liaoning (-1,1%), sont elles aussi à la peine. Elles l’étaient déjà avant la crise sanitaire, leurs moteurs économiques (industries lourdes, charbon…) ayant connu un fort ralentissement ces dernières années, conduisant à des faillites en série… Puis plusieurs foyers de Covid-19 sont venus leur compliquer la tâche…

La ville de Tianjin elle, vient tout juste de retrouver son niveau de 12 mois plus tôt. Même si Tianjin reste un important « hub » logistique et manufacturier du nord du pays, avec un trafic conteneurs en augmentation de 5,2%, la municipalité perd de son attrait, n’enregistrant une hausse que de 0,5% des investissements étrangers, en dessous de la moyenne nationale de 2,5% et loin derrière Shanghai (+6,1%). Tianjin fait les frais d’une féroce compétition entre les grandes villes chinoises pour attirer les investisseurs et les nouvelles industries, elle qui a essentiellement compté jusqu’à présent sur l’investissement d’État et les consortia publics, s’endettant beaucoup et produisant peu… Résultat : son ratio dette/PIB pourrait atteindre 40%, contre 35% l’an dernier, devenant ainsi l’une des cinq régions les plus endettées du pays. Malgré ses récents efforts pour se diversifier, cela n’a pas été suffisant pour absorber le choc épidémique. Son économie ne s’élevait qu’à 1 000 milliards de yuans au 3ème trimestre, un tiers de celles de Shanghai ou de Pékin, et en dessous de celles de Hangzhou ou de Nankin. Ce faisant, elle perd sa 10ème place au classement des premières villes du pays en terme de performances économiques, laissant sa place à… Wuhan. Grande gagnante de ce classement : Chongqing, son économie (1 770 milliards de yuans) ayant dépassé sur les trois premiers trimestres de 2020 celle de Canton. L’axe Chengdu-Chongqing a d’ailleurs été désigné comme la 5ème zone prioritaire de développement régional par le gouvernement central.

À l’échelle du pays entier, les provinces du Sud représentaient 64,6% de l’économie nationale sur les neuf premiers mois de l’année. C’est 5,8% de plus qu’il y a cinq ans, reflétant un fossé grandissant entre le Nord et le Sud. De même, sept des dix provinces qui ont connu le plus fort déclin en termes de consommation par habitant sont situées dans le Nord du pays (les trois provinces du Dongbei, la Mongolie-Intérieure, le Xinjiang, Tianjin et Pékin). « L’écart entre le Nord et le Sud devrait continuer de se creuser à l’avenir et pourrait même devenir plus important que celui entre les provinces côtières et de l’Ouest du pays », prédit Huang Hancheng, consultant chez Trigger Trend.

Autre lecture de cette reprise économique : celle de la firme indépendante China Beige Book (CBB), qui dispose de ses propres indicateurs en sondant 3 300 entreprises, privées comme publiques, à travers le pays entier. Ses conclusions sont en totale contradiction avec toutes les affirmations chinoises selon lesquelles le pays aurait remonté la pente. D’après CBB, aucun pan de l’économie n’a rattrapé le niveau de l’an dernier : tous les secteurs, toutes les régions, tous les indicateurs de croissance restent en contraction par rapport à 2019. Toutefois, la firme note un rattrapage conséquent au sein des grands groupes installés à Shanghai, Pékin, Canton (et leurs grandes régions) … C’est la face « visible » de la reprise montrée par Pékin. Mais pour la plupart des entreprises ailleurs dans le pays, la reprise est beaucoup plus laborieuse. Au Tibet, au Gansu, au Qinghai et au Xinjiang, CBB n’enregistrait même aucune amélioration entre les deux derniers trimestres…

Différents analystes ont déjà souligné que les chiffres officiels de la croissance du 3ème trimestre ont été artificiellement gonflés par le Bureau national des statistiques, qui a réduit le point de comparaison de septembre 2019 « sur base du 4ème recensement économique ». Une réalité dont est bien conscient le premier ministre Li Keqiang, qui a appelé une fois de plus le 20 novembre les provinces à faire preuve « d’honnêteté » au sujet de leurs situations économiques, de manière à « prendre les mesures nécessaires pour stimuler l’emploi, la consommation et les investissements [performants]».

Alors que la Chine devrait être le seul pays du G20 à afficher une croissance positive sur l’année 2020, que le gouvernement chinois brandit sa vigoureuse relance économique comme preuve de sa victoire sur le virus, la reprise est beaucoup plus nuancée à travers son vaste territoire, la Covid-19 ayant agi tel un « révélateur » de la mutation du paysage économique chinois et de ses disparités.


Santé : Les produits congelés importés, preuve d’une origine étrangère de la Covid-19 ?
Les produits congelés importés, preuve d’une origine étrangère de la Covid-19 ?

Depuis des mois, les douanes chinoises sont sur le qui-vive. Des emballages de produits congelés importés seraient à l’origine des récents foyers de contamination de Covid-19 à travers le pays : Pékin, Dalian, Qingdao, Tianjin… En cause, des crevettes équatoriennes, du bœuf et des ailes de poulet venus du Brésil, des jarrets de porc allemands, ou encore du poisson d’Indonésie…

S’il a été prouvé que le virus est capable de survivre plusieurs semaines à -18°C, le risque de contracter la maladie au contact d’un emballage contaminé serait « très faible » selon l’OMS, et très facilement écarté en se lavant les mains. A ce jour, mis à part la Chine, seule la Nouvelle-Zélande a également déclaré en août un foyer d’infection parmi des manutentionnaires de produits importés, sans pouvoir retracer le schéma de contamination avec certitude.

De manière surprenante, deux des derniers foyers de contamination n’ont pas de lien avec des produits réfrigérés ou congelés. À Kachgar (Xinjiang), des conteneurs provenant du Tadjikistan seraient la cause des 400 cas de Covid-19 dans la région, tandis que le tout dernier « cluster » à l’aéroport du Pudong à Shanghai serait lié à un manutentionnaire qui n’aurait pas porté de masque lors du déchargement d’un conteneur venu d’Amérique du Nord. Une origine apparemment confirmée par la souche du virus retrouvée chez les malades, similaire à celle prévalente dans cette zone du monde. La présence du virus dans ces conteneurs non réfrigérés pourrait s’expliquer par les températures hivernales, l’humidité et une mauvaise ventilation, d’après Zhang Wenhong, expert shanghaien.

En attendant, dans les ports chinois, les procédures strictes de désinfection de toutes les cargaisons créent du retard et les conteneurs s’accumulent… Selon les données officielles, pour 10 000 emballages testés, seuls 0,48 seraient positifs. Et mis à part à Qingdao, dans tous les autres cas, seules des « traces » de Covid-19 à la charge virale très faible auraient été détectées.

En cas de test positif, l’exportateur reçoit une semaine de suspension et jusqu’à un mois en cas de récidive. A l’inverse du système de bonus-malus strictement appliqué aux compagnies aériennes, ces mesures sont essentiellement symboliques, puisque même si la firme fait l’objet d’une suspension, il y a de fortes chances que le prochain convoi soit déjà en mer, le trajet depuis l’Europe par exemple nécessitant en moyenne 45 jours.

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Le porc français mis hors de cause

Mi-novembre, des traces de la Covid-19 ont été détectées à Xiamen sur l’emballage d’une cargaison de 25 tonnes de porc français, arrivée par Shanghai. Après enquête, le porc hexagonal était mis hors de cause, les autorités sanitaires concluant à une contamination croisée… Les producteurs allemand et danois n’ont pas eu cette chance : touchés par le coronavirus et par la fièvre porcine (PPA), leurs envois vers l’Empire du Milieu, représentant près de 50% des exportations européennes, ont été interrompus. Cet embargo provoque un afflux de porc sur le marché européen, qui tire les cours vers le bas, tandis qu’en Chine, les prix remontent en prévision du Nouvel An chinoismême s’ils restent inférieurs à ceux de 2019. Dans ce contexte, les importateurs chinois pourraient en profiter pour faire de meilleures affaires en Europe. Mais comme les pays exportateurs ne sont pas nombreux, l’Espagne, qui représente à elle seule 30% des exportations vers la Chine, et dans une moindre mesure, la France, pourraient maintenir leurs prix, la Chine ayant besoin de volume. Pour l’hexagone, l’enjeu est de rester indemne de PPA. Sous cette perspective, la reprise des négociations sur le zonage géographique, permettant d’éviter que toutes les exportations françaises vers la Chine soient pénalisées par un embargo national si la maladie était détectée dans une seule région, est une bonne nouvelle.

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Au total, des firmes exportatrices de plus d’une vingtaine de pays à travers le monde seraient concernées et réclament à la Chine des preuves de la contamination de leurs produits, considérant ces suspensions comme des « restrictions injustifiées au commerce ». Mais jusqu’à présent, aucune précision n’a été donnée par les autorités chinoises, ni sur la méthode de prélèvement et d’analyse, ni sur les résultats…

Une opacité dénoncée par les exportateurs et qui crée la suspicion autour des motivations chinoises : y a-t-il une volonté de « punir » certains pays, de favoriser les producteurs locaux, de blâmer les produits importés pour cacher le fait que la Covid-19 circule toujours en Chine ? La propension chinoise à systématiquement imputer à « l’étranger » (voyageurs comme produits importés, congelés ou non) tous ses nouveaux foyers domestiques, renforce ces soupçons.

En effet, cela fait des mois que la théorie voulant que la Covid-19 ne vienne pas de Chine est poussée par le gouvernement et la presse officielle. Elle a été formulée la première fois dès fin février par l’expert Zhong Nanshan, affirmant que « si la Chine a détecté le virus la première, elle n’en est pas forcément l’origine ». Fin mai, c’était au tour de Gao Fu, directeur de Centre national de Prévention des Maladies (CDC) de déclarer durant le Parlement, que les prélèvements réalisés quatre mois plus tôt au marché de Huanan à Wuhan et testant positifs à la Covid-19, n’étaient pas « d’origine animale » mais « environnementale ». Le marché ne serait donc qu’une « victime » du virus, et pas son origine. Puis, il y a eu l’épisode du marché de Xinfadi à Pékin début juin, où des traces du virus retrouvées sur une planche à découper du saumon importé semblaient indiquer une provenance étrangère… Enfin, mi-novembre, Wu Zunyou (cf photo), l’épidémiologiste en chef au CDC, est allé jusqu’à supposer que le virus pourrait avoir été « importé » au marché de Huanan à Wuhan, puisque les prélèvements positifs les plus nombreux se trouvaient dans la zone consacrée aux fruits de mer en provenance de l’étranger…

Une théorie réfutée par Jin Dongyan, professeur en sciences biomédicales à l’université de Hong Kong : « si des produits importés étaient à l’origine de la contamination à Wuhan, d’autres régions dans le monde auraient également connu une croissance exponentielle des cas de la maladie au même moment et les séquences génétiques du virus auraient été similaires ».

Ce débat sur l’origine du virus a resurgi début novembre après la publication d’une étude réalisée par l’institut national du cancer à Milan (Italie), détectant des anticorps réagissant à la Covid-19 chez des patients (asymptomatiques) dès septembre 2019. En Chine, cette découverte a été interprétée comme la preuve que le virus n’est pas né dans le pays et viendrait d’ailleurs… Les scientifiques italiens eux, déclarent que cette étude démontre simplement que la maladie circulait bien avant décembre 2019 à Wuhan.

Quatre mois plus tôt, des scientifiques espagnols avaient annoncé avoir retrouvé dans des prélèvements d’eaux usées de la ville de Barcelone (Espagne) datant de mars 2019 des traces « faibles mais positives » de la Covid-19, laissant penser que le virus pourrait avoir circulé dans le monde entier de manière silencieuse pendant un long moment avant d’avoir été détecté pour la première fois à Wuhan en décembre 2019.

C’est dans ce contexte que le 19 novembre, Zeng Guang, expert auprès de la Commission Nationale de Santé, notait qu’il est très possible que le virus ait coexisté à plusieurs endroits du globe avant d’être repéré à Wuhan. Zeng se félicitait au passage que « le système d’alerte chinois mis en place après le SRAS en 2003 a été le premier dans le monde à détecter ce nouveau virus », sous-entendant que les autres pays n’auraient pas été en mesure de le faire sur leur sol et surtout niant les précédentes déclarations d’autres membres du CDC, affirmant que le système d’alerte sanitaire n’aurait pas fonctionné. Dans le même esprit, Zhao Lijian, le porte-parole du gouvernement se réjouissait le 24 novembre que « la Chine soit le premier pays au monde à inviter des experts de l’OMS », se posant ainsi en modèle de coopération…

Justement, les premières informations à propos de l’enquête sur les origines du virus menée par l’OMS en Chine, étaient révélées courant novembre. Les 10 spécialistes de la santé publique, de la santé animale, chercheurs de virus, japonais, qatari, allemand, vietnamien, russe, australien, danois, hollandais, britannique et américain, seront chargés de recenser les animaux vendus au marché et leurs origines, remonter la trace du patient zéro (au moins avant le 17 novembre 2019 selon le South China Morning Post), fouiller dans les bases de données des hôpitaux pour retrouver des patients atteints de pneumonie avant décembre 2019, retester les prélèvements encore disponibles, consulter les registres des décès…

Cependant, aucune date n’a pour l’instant été annoncée pour leur arrivée. En effet, en dépit des promesses publiques de Pékin, Mike Ryan, responsable des situations d’urgence à l’OMS, déclarait le 23 novembre que l’organisation internationale aurait toutes les peines du monde à envoyer ses experts sur le terrain.

Surtout, la plupart de ces recherches seront conduites – ou ont très probablement été déjà réalisées – par des scientifiques chinois, qui présenteront par la suite leurs données aux experts internationaux. Cela signifie que les chances que de nouveaux éléments soient communiqués sont très minces. Néanmoins, si la Chine n’arrive pas à convaincre le monde entier qu’elle a fait preuve de transparence durant cette mission, la thèse selon laquelle le virus ne vient pas de chez elle aura bien du mal à gagner du terrain au-delà de ses frontières…


Société : A chaque époque, ses figures tutélaires
A chaque époque, ses figures tutélaires

Dans la Chine actuelle, que sont devenues les figures tutélaires associées au maoïsme d’entre 1949 et la fin des années 70 : l’ouvrier, le paysan et le médecin aux pieds nus ? Le premier, héritage commun du marxisme, a été mis très tôt sur un piédestal par le grand frère Russe avant d’être redessiné avec des traits chinois. Le second a été magnifié durant la Révolution culturelle, en accueillant sur ses terres les intellectuels dévoyés des grandes villes. Le troisième a longtemps fasciné les visiteurs occidentaux d’un jour qui s’émerveillaient du génie chinois capable d’apporter à sa population déshéritée les bienfaits d’une médecine nourrie de beaucoup de tradition et d’un peu de modernité.

Le ministère de la Propagande, qui porte toujours ce nom, ne produit plus aujourd’hui de telles représentations idéalisées, comme il l’a fait jusqu’aux années 80 à travers des affiches, des films ou des opéras, mettant en scène la femme et l’homme parfaits, le regard tourné vers un avenir meilleur. Pourtant, de nouvelles figures tutélaires sont apparues, omniprésentes sur tous les écrans et sur tous les réseaux : le scientifique, l’entrepreneur et l’influenceur.

Celles d’aujourd’hui…

La recherche est devenue le fer de lance de l’offensive chinoise qui affiche ouvertement son objectif d’appuyer sa puissance industrielle sans égale sur une capacité d’innovation de pointe. À titre d’exemple, rappelons simplement que selon l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle), pour la première fois depuis la création du système de brevet international en 1978, la Chine vient de dépasser, en 2019, les États-Unis en nombre de dépôts: 58 990 brevets déposés pour la Chine contre 57 840 pour les États-Unis.Pour emporter l’adhésion collective et mobiliser les générations, la figure du chercheur est programmée en prime time, par exemple dans l’émission My Future qui a entamé sa troisième saison. Diffusée par l’une de grandes chaines de télévision, Hunan TV, ce show de vulgarisation à grand spectacle met en avant des scientifiques qui y présentent, avec des mots simples, des applications futuristes étonnantes soumises à l’approbation d’un jury de vedettes invitées.

L’ouverture à l’économie de marché de l’ère Deng Xiaoping des années quatre-vingt est à l’origine de la réhabilitation des entrepreneurs galvanisés par la devise « enrichissez-vous ». Ils furent autorisés à devenir représentants du peuple à l’Assemblée Nationale Populaire en 1979 et encouragés à rejoindre les écoles et universités qui rouvraient enfin leurs portes. Du tissu dense de près de 40 millions de TPE-PME aux grands groupes partis à la conquête du monde, l’entreprise a joué le rôle d’un formidable ascenseur social. Des self-made-women etmen à succès aux très jeunes étudiants créateurs de startups, l’économie chinoise regorge d’exemples de femmes et d’hommes ayant acquis une reconnaissance sociale enviée. Le plus célèbre d’entre eux est probablement le fondateur d’Alibaba, Jack Ma. Son statut ne l’a pas pourtant pas empêché de se faire rappeler à l’ordre par un régime sourcilleux

Mais, la figure la plus surprenante est sans doute celle de l’influenceur ou KOL (key opinion leader),qui détrône les acteurs et chanteurs célèbres. Ces jeunesfemmes et hommes rassemblentdes communautés de millions de fidèles qui suivent leurs vidéos sur les réseaux sociaux populaires comme Wechat, Weibo ou Douyin (TikTok). Pour eux, ils recommandent des produits qu’ils ont testés dans le cadre de partenariats assumés avec des marques tel le célèbre Li Jiaqi (Austin Li) aux40 millions de fans, surnommé le « roi du rouge à lèvres » après en avoir vendu pour120 millions d’euros en une seule journée, le jour de la « fête des célibataires », le 11/11. Ces nouveaux influenceurs sont beaucoup plus efficaces que n’importe quelle publicité traditionnelle, à l’heure où la génération Z chinoise passe 70% de ses commandes directement via les réseaux sociaux. En Chine, le chemin entre la recommandation, le clic dela commande et la livraison à domicile, est l’un des plus courts et des plus efficaces au monde.

Et celles de demain ?

Au bout de la route triomphale dessinée d’un seul trait par le nouveau Timonier, autant pour galvaniser que pour canaliser les forces du pays, trois nouvelles figures se profilent : celles de l’écologiste, du taïkonaute et du général.

La Chine de 2050 se rêve en effet en chef de file des pays ayant réussi leur transition verte. L’offensive a été lancée il y a une dizaine d’années, avec comme résultat de hisser la Chine au premier rang de la production de panneaux photovoltaïques ou des parcs installés d’énergies renouvelables, éolien et solaire compris.

La course aux étoiles, en sommeil depuis la chute de l’empire soviétique, a été relancée par la Chine qui en fait un symbole de sa maîtrise technologique. L’Empire du Milieu se voit déjà en super-puissance contrôlant le système solaire à partir de bases installées sur la Lune et sur Mars. Le lancement de la mission lunaire Chang’e-5 le 28 novembre, avec pour objectif de ramener des échantillons de sol et de roches, en témoigne.A plus long terme, la Chine espère bien envoyer ses taïkonautes sur la Lune, puis sur la planète Mars.

Enfin, la figure du militaire, garant de la révolution comme du maintien de la cohésion nationale, est omniprésente depuis les origines de la République populaire. Mais, le statut de première puissance mondiale que revendique de plus en plus ouvertement la Chine, demande un changement de nature de sa force militaire. L’objectif est clairement annoncé : disposer d’une armée « de classe mondiale » dès2027. Question de se préparer à assumer son rôle de gendarme du monde grâce à une armée augmentée par les nouvelles technologies de surveillance, de défense et d’offensive.

Ces figures tutélaires, mais changeantes, incarnent les valeurs cardinales d’une économie chinoise en perpétuelle évolution. Seule constante, celle d’être au service d’un pouvoir qui se pense lui, immuable.

Par Jean Dominique SEVAL, directeur fondateur du cabinet de conseil « Soon Consulting » et ancien directeur général adjoint du club de réflexions européen Idate DigiWorld spécialisé dans l’économie numérique, les médias, l’internet et les télécommunications.

 

 


Podcast : Lancement des «Chroniques d’Eric»
Lancement des «Chroniques d’Eric»

Eric Meyer, journaliste en Chine de 1987 à 2019 et fondateur du Vent de la Chine, lance son podcast  » Les Chroniques d’Eric ». Découvrez son premier épisode !

Comment vit-on la vie d’expatrié en Chine ? C’est ce que je raconte dans ce podcast, après 32 ans passés à Pékin comme correspondant de journaux et radios. Ce dont je vous parle : de la manière dont vivent les Chinois jeunes et vieux, et les étrangers venus partager leur existence. Je n’ai qu’un seul préjugé : l’envie de vous faire connaître et apprécier cet univers immense en perpétuel mouvement, mais qui reste toujours proche de nous par la chaleur humaine qui en émane.

Si vous voulez vivre un peu de vrai dépaysement, rejoignez moi sur « Les Chroniques d’Eric » !

1er épisode des « Chroniques d’Eric » : Sanlitun

Pour commencer, je vous emmène découvrir le quartier diplomatique de San Li Tun au Nord-Est de la capitale, le village muré conçu spécialement par le Parti Communiste Chinois pour les étrangers, lieu où j’ai résidé avec ma femme et nos deux enfants nés sur place. Bienvenue, et venez m’écoutez, des surprises vous attendent ! 
 
 

 
 

Petit Peuple : Wulou (Shandong) : Les funérailles mouvementées du Père Li (1ère partie)
Wulou (Shandong) : Les funérailles mouvementées du Père Li (1ère partie)

Quand à Wulou (Shandong), le père Li Chenbin rendit son dernier soupir, ce 25 décembre 2018, ses trois fils auraient dû le faire incinérer. L’État, ces dernières années, ayant rendu obligatoire la crémation, dans le cadre de sa campagne de « réforme des pratiques funéraires », l’enterrement était banni.

C’est qu’à travers le territoire national, ces funérailles traditionnelles, à 15 millions de décès par an, finissaient par grignoter d’énormes surfaces de terres et compromettre la capacité du pays à se nourrir. C’est pourquoi, le dos au mur, le gouvernement imposait désormais partout des quotas de crémation, pourcentages obligatoires par rapport au nombre des décès, et les cadres, pour obtenir leur promotion tous les cinq ans, avaient tout intérêt à les tenir.

Les trois fils Li auraient donc dû faire passer le cher disparu au crématorium, quitte à honorer ses cendres dans une urne au cimetière, ou bien dans la salle d’apparat chez eux à la ferme. Ils auraient aussi pu les disperser en mer depuis le bastingage d’un navire enturbanné de blanc, lors d’une mini-croisière au large de Lianyungang, en compagnie de dizaines d’autres familles en deuil. La cérémonie, simple et digne, aurait été officiée par un moine en robe carmin, à grand renfort de gongs, de fifres et de génuflexions sous la fumée âcre des boisseaux d’encens.

Seulement voilà, la tradition avait la vie dure, surtout dans les campagnes et loin de Pékin, au nom du proverbe « 天高皇帝远 » (tiān gāo huángdì yuǎn, le ciel est haut et l’empereur est loin). Dans les familles rurales, on croyait dur comme fer à l’impératif confucéen d’honorer son père et sa mère, surtout après la mort : une fois dans l’au-delà, ils se muaient en demi-dieux qui revendiquaient impérieusement leur droit à la réincarnation. Et celle-ci ne pouvait intervenir que si l’on avait préservé l’intégrité du corps. C’était pour cela, historiquement, que les eunuques se faisaient enterrer avec leurs parties viriles enchâssées dans des coffrets de terre cuite ou de métal cloisonnés, précieusement préservés durant leur existence.

Conséquemment, longtemps à l’avance et respectant le désir du père, les trois frères avaient pris sur eux de zapper l’étape du crématorium, et d’enterrer papa. Zhende, l’aîné pensait qu’il n’y avait aucun risque : ayant été jusqu’à peu le secrétaire du Parti de Wulou lui donnait du pouvoir – personne n’oserait dénoncer leur acte. En plus, le site retenu pour les funérailles se trouvait au Henan, la province voisine : donc hors d’atteinte des inspecteurs funéraires de chez eux au Shandong !

Voilà pourquoi, à peine le vieux Li Chenbin eut rendu son dernier soupir, que les frères chargèrent son corps respectueusement emballé dans une couverture. Puis à bord de leur véhicule tout-terrain, ils roulèrent à travers le « parc forestier du Fleuve Jaune » vers le lieu de rendez-vous. À l’arrivée les attendait Liu Qinghua, le patron de l’entreprise de pompes funèbres. Le site était excellent, invisible depuis la route au sommet d’une colline complantée de hauts pins, de fougères et de bruyères : il promettait un paisible repos jusqu’à la fin des temps ! Sous la voûte étoilée et le croissant de lune, les hommes se mirent à piocher dans le terreau meuble. Liu sortit les articles commandés par les fils – le cercueil de bois noir, le linceul blanc, le suaire écarlate, dont ils revêtirent le défunt. Au bout d’une heure, après les rites d’usage, le père Li gisait sous son petit tumulus pyramidal, joliment paré des rubans multicolores du rite lamaïste. Pour sa peine, Liu Qinghua recevait 4 200 yuans de la main à la main. Avant de retourner chacun chez soi, les quatre hommes se jurèrent de préserver le secret absolu sur toute l’opération.

Ce qui s’avéra, à l’expérience, plus facile à dire qu’à faire. Soixante jours plus tard, en février 2019, Zhende reçut la visite du cousin Li Liang, son successeur au poste de secrétaire du Parti. Embarrassé, Li Liang apportait une mauvaise nouvelle : la tombe avait été détectée, identifiée, il allait falloir déterrer ce corps pour l’incinérer finalement.  « Mais, ajouta le cousin finaud, il y a peut-être un moyen d’arranger les choses » : un faux certificat de crémation pouvait être dressé, moyennant 30 000 yuans « pour les frais, les intermédiaires, et pour le risque qu’ils prendraient pour ce passe-droit ». En cœur, les frères se récrièrent contre le montant exorbitant. Puis on transigea, ergota, leva les bras aux ciels, avant de toper, là, en bons paysans, sur 13 000 yuans. Peu après, Li Liang remettait aux frères un superbe certificat qui garantissait que le père, soi-disant « déterré et incinéré », était désormais à l’abri de toute mauvaise surprise, dans sa tombe sous les hauts pins balayés par les vents de la mer ! 

Tout alla pour le mieux par la suite, jusqu’au 4 avril, date du nettoyage rituel 100 jours après la mise en terre. À l’arrivée des frères et du secrétaire du Parti qui les accompagnait, les attendait le choc de leur vie. Zhengcai, le cadet, fut le premier à noter que la terre du tumulus avait été remuée, les rubans souillés ou arrachés. Fiévreusement, ils pelletèrent jusqu’au cercueil et le découvrirent vide : manquaient le linceul, le suaire, et la dépouille mortelle !

C’était un vol de cadavre, un crime devant les hommes et devant les Dieux. Comment les frères allaient-ils l’affronter ? Vous le saurez, ami lecteur, dans le prochain numéro !


Rendez-vous : Semaines du 30 novembre au 27 décembre
Semaines du 30 novembre au 27 décembre

2–5 décembre, Shanghai : Automechanika, Salon professionnel des pièces détachées et accessoires pour l’industrie automotive

3–5 décembre, Shanghai : EP Shanghai, Salon international pour la production et la distribution d’énergie

9 – 11 décembre, Canton : INMEX, Salon international de l’industrie maritime

15-17 décembre, Shanghai : China Wedding Expo, Salon du mariage de Shanghai

15-17 décembre , Canton : Hotelex Guangzhou, Salon international des équipements et fournitures pour l’hôtellerie

16-18 décembre, Shanghai : CPhI & P-MEC China, Salon international de la pharmaceutique