Le Vent de la Chine Numéro 3-4 (2020)
Le 25 janvier, certains pousseront un soupir de soulagement : selon l’astrologie chinoise, il sera l’heure pour le turbulent Cochon de Terre de rentrer dans sa soue, tandis que le Rat de Métal (ou d’Or) sortira de son trou, symbolisant l’entrée dans un nouveau cycle de 12 ans. En effet, selon la légende, l’Empereur de Jade organisa une course et récompensa les douze premiers animaux. Rusé, le Rat persuada le Bœuf de le prendre sur son dos pour traverser la rivière, et arriva premier, après avoir poussé le Chat à l’eau. Ainsi, dans le zodiaque chinois, le Rat est loin d’être le rongeur indésirable, porteur de maladies, que l’on connaît. Au contraire, il est vif d’esprit, opportuniste, bon gestionnaire, habile pour flairer les bons plans et se mettre les gens dans la poche… Le petit animal est également symbole d’opulence et de fertilité. Il a toutefois quelques défauts : sa mauvaise foi, son avarice, et son côté individualiste.
Parmi les natifs du Rat, on trouve des politiciens (Chen Min’er, Secrétaire de Chongqing – 1960, et l’activiste hongkongais Joshua Wong – 1996), du sang royal (Prince Harry – 1984, le Roi Philippe de Belgique – 1960), des poètes (Du Fu, sous la dynastie Tang), des philosophes (le penseur taoïste Zhuangzi du IVe siècle av. JC), des entrepreneurs (Mark Zuckerberg – 1984) ou encore… le Pape François (1936) ! Paradoxalement, les natifs du signe du Rat n’auront pas la vie facile en 2020, puisqu’ils seront dans leur « běnmìngnián » (本命年), en conflit avec le Taisui (太岁). Pour eux, l’année sera instable, marquée par les épreuves ou la malchance, selon Thierry Chow, expert en feng shui. Pour les autres signes, l’année du Rat sera pleine d’opportunités, pour le meilleur comme pour le pire… Chacun se souvient de la dernière année du Rat en 2008, du succès éclatant des JO de Pékin mais également de la crise financière mondiale. Lors de la précédente année du Rat de Métal en 1960, les Etats-Unis envoyaient 3 500 soldats au Vietnam, le mouvement hippie débutait, J.F. Kennedy était élu le plus jeune Président américain à 43 ans, une quinzaine de pays africains prenaient leur indépendance, la France devenait la 4ème puissance nucléaire, et le Chili était victime du plus fort tremblement de terre jamais enregistré (magnitude 9,5)…
Pour 2020, le Rat étant propice aux idées nouvelles et utopies, il faudra donc s’attendre à des mouvements civils, remettant en cause l’ordre établi. Les peuples se mobiliseront pour le climat, contre les inégalités, la corruption, ou un système politique à bout de souffle. Mais gare aux risques de radicalisation ou de violences, accrus par la rigidité du Métal. Sous une lumière plus positive, le Rat est aussi associé à un renouveau au sein des relations internationales ou d’un gouvernement.
En attendant, les 40 jours (chūnyùn, 春运) pendant lesquels chaque Chinois ira retrouver les siens dans sa province natale, ont déjà débuté. Entre le 10 janvier et le 18 février, 2,43 milliards de voyages par la route, 440 millions en train (+8% par rapport à 2018) et 17 millions en avion sont attendus. Tout est fait pour que cette migration de masse se fasse sans anicroche majeure. Ainsi, afin de fluidifier le trafic et malgré la polémique, certaines gares de Shenzhen et Canton proposent aux voyageurs d’acheter leurs tickets par reconnaissance faciale, le montant étant automatiquement déduit de leurs comptes WeChat une fois arrivés à destination. Les technologies liées aux « mégadonnées » sont également invitées à la fête pour améliorer la connectivité multimodale, et anticiper les périodes de pics et les bouchons en proposant des itinéraires bis… Le champion des VTC, Didi Chuxing, détecte, lui, la fatigue de ses conducteurs grâce à l’intelligence artificielle. Selon la firme, ce système permettrait de réduire de 15% la probabilité que ses 2 millions de chauffeurs aient un accident. Enfin, à Wuhan, mégalopole de 11 millions d’habitants, la vigilance est de mise après la découverte d’un nouveau type de coronavirus, le 2019-nCoV. Les autorités sont donc en alerte pour éviter toute propagation lors de la plus large migration annuelle au monde. Car rien ne doit troubler les festivités !
Le 15 janvier, c’était le grand jour. A la Maison Blanche, le Président Trump, tout sourire, signait avec le vice-Premier ministre chinois Liu He la première phase de l’accord commercial tant attendu. Le lieu et les protagonistes de cette cérémonie étaient hautement symboliques, le Président américain n’ayant jamais caché son désir de clamer haut et fort « sa victoire » quelques mois avant les élections, et cela malgré l’absence de son homologue Xi Jinping. Selon la rumeur, le refus de Donald Trump de lever l’ensemble de ses tarifs douaniers aurait définitivement enterré tout espoir d’une signature entre les deux Présidents…
48h avant la poignée de main, Taoran Notes, compte WeChat tenu par une personne proche de la délégation chinoise, sortait de son silence pour préparer l’opinion chinoise : « peu importe le contenu de l’accord, il y aura toujours des critiques ». Il ajoutait que « ce n’est pas une victoire pour les Américains. La Chine n’a fait que renouveler ses engagements commerciaux de novembre 2017 lors de la visite de Trump à Pékin ». Les médias officiels chinois s’efforçaient aussi de présenter cet accord comme « gagnant-gagnant », faisant « partie intégrante de la stratégie à long terme de réforme et d’ouverture de la Chine ». Le quotidien nationaliste Global Times, exhortait le public à « faire preuve de retenue, à ne pas pinailler sur les détails ». Justement, les détails sont parlant. Dans le texte de l’accord, « la Chine doit » est mentionné 105 fois, « les deux parties doivent » 60 fois, tandis que « les USA doivent » seulement 5 fois. Ce décompte reflète bien le déséquilibre des concessions en faveur de Washington. En effet, Pékin s’engage sur deux ans à acheter 200 milliards de $ de produits américains supplémentaires par rapport aux 186 milliards de 2017. Selon les estimations du Conseiller économique de la Maison Blanche Larry Kudlow, ces commandes devraient booster la croissance américaine de 0,5% en 2020 et 2021. Cela représente 32 milliards de $ de produits agricoles (soja, blé, maïs) en plus, 52 milliards dans l’énergie (GNL, pétrole), 77 milliards de biens manufacturés (Boeing, voitures, matériel médical…) et 38 milliards de services (tourisme, finance…).
Avant même que ces chiffres soient dévoilés, les experts s’inquiétaient : la Chine arrivera-t-elle à tenir ses engagements sans impacter ses propres producteurs, modifier ses quotas, ou revenir sur ses accords avec d’autres partenaires ? Le Quotidien du Peuple, journal du Parti, affirmait que « l’énorme demande chinoise n’aura aucun problème à absorber ces 200 milliards de $ de produits additionnels ». Liu He aussi, était confiant : « nous nous sommes assurés que ce deal ne nuirait à aucune partie tierce ». Pourtant, Phil Hogan, Commissaire européen au Commerce, semblait en douter : « l’UE vérifiera si les termes de l’accord sont effectivement conformes aux règles de l’OMC ».
En échange, Washington a très peu cédé, réduisant simplement sa salve de taxes douanières de septembre 2019 de 15% à 7,5% sur 110 milliards de $ de produits chinois, et abandonnant sa menace de taxer le reste des importations chinoises encore indemnes (160 milliards de $). Le reste des taxes (sur 360 milliards de $ d’imports) reste donc toujours en place et ne sera réduit que si la Chine tient ses engagements. De l’aveu de Trump lui-même : « nous n’aurions plus aucun levier sur la Chine pour la deuxième phase des négociations, si nous avions annulé toutes les taxes ». Ainsi, dans les deux camps, les tarifs douaniers restent en moyenne 20% plus élevés qu’avant la guerre commerciale. Ces rétorsions ont déjà coûté 46 milliards de $ aux entreprises américaines, et érodé leur compétitivité en augmentant leurs coûts de production.
Autre passage important de l’accord : celui sur le « mécanisme de contrôle des engagements ». Certains déplorent que cette section ne règle pas le fait que les compagnies américaines sont généralement réticentes à dénoncer des transferts forcés de technologie ou des violations de leur propriété intellectuelle. Déjà, ce mécanisme fait l’objet de différences d’interprétation. Dans sa presse officielle, la Chine affirme que ce système d’arbitrage ne sera pas contrôlé unilatéralement par les USA – ce qui contredit les annonces faites de l’autre côté du Pacifique.
Finalement, cet accord préliminaire ne marque pas la fin de la guerre commerciale, seulement de la première manche. Trump pourra se targuer d’avoir éteint un incendie qu’il avait lui-même allumé, et réintroduit un dialogue semestriel avec la Chine qu’il avait lui-même aboli. Pour le gouvernement chinois, c’était le prix à payer pour obtenir un répit, limiter les dégâts économiques et stabiliser la relation sino-américaine. Mais, comme le soulève le Global Times : « un accord intermédiaire obtenu dans une période où la relation est au plus bas, peut-il tenir ? Sera-t-il source de progrès ou, au contraire, de nouveaux conflits ? ».
Car ce premier accord ne comprend pas une ligne sur les demandes stratégiques des USA comme les subventions de la Chine à ses entreprises d’Etat ou le plan « Made in China 2025 »… Ces litiges devraient être au cœur des négociations pour la deuxième phase du deal. Celles-ci devraient débuter « dans la foulée » selon le Président Trump. Toutefois, Liu He calmait ses ardeurs en déclarant qu’« il serait insensé de passer à une deuxième phase alors que l’encre du premier accord n’est même pas encore sèche ». De plus, il aura fallu plus de 18 mois aux deux parties pour s’entendre sur un accord aux enjeux presque purement commerciaux. Difficile d’imaginer que les prochaines discussions, dont les enjeux sont autrement plus stratégiques, puissent aboutir avant les élections américaines en novembre.
En effet, la Chine ne brûle pas d’envie de négocier la réduction de son intervention sur l’économie ou l’abandon de ses ambitions technologiques. Par contre, elle espère la levée de tous les tarifs douaniers et des sanctions contre ses champions high-techs comme Huawei ou Hikvision. De leur côté, les Etats-Unis veulent-ils plus d’accès au marché chinois pour leurs entreprises, ou contenir à tout prix la montée en puissance de la Chine ? Car, il leur sera difficile d’obtenir les deux : si la Chine peut s’ouvrir davantage (et c’est dans son intérêt), elle ne renoncera sûrement pas à ses ambitions hégémoniques. Alors, les USA choisiront-ils de poursuivre cette confrontation frontale pour espérer conserver leur leadership mondial ou opteront-ils pour le retour à un certain niveau de coopération et de concurrence constructive ? Les élections américaines de novembre seront déterminantes pour répondre à cette question.
A Wuhan, mégalopole de 11 millions d’habitants au centre de la Chine, les autorités sont en alerte après qu’au moins 750 de ses habitants ont été contaminés par un nouveau type de coronavirus. Les premiers malades sont des vendeurs du marché de Huanan où l’on pouvait notamment acheter, avant sa fermeture le 1er janvier, des animaux vivants comme de la volaille, des marmottes ou des chauves-souris. A ce jour 14 membres de l’équipe médicale ont attrapé la maladie au contact de leurs patients, ce qui indique que la transmission entre humains est possible. 15 cas sont apparus hors frontières : cinq en Thaïlande, deux au Vietnam, un au Japon, un à Taïwan, un aux États-Unis, trois à Singapour, et deux autres en Corée du Sud. Les patients s’étaient tous rendus à Wuhan avant leur hospitalisation. Par contre, aucun d’entre eux n’avait visité le marché de Huanan, ce qui laisse supposer que le virus « 2019-nCoV » peut s’être répandu dans d’autres parties de la ville. Finalement, la ville était bouclée par les autorités le 23 janvier. Mais trop tard, le virus s’était déjà répandu dans la Chine entière : 41 cas étaient détectés à Pekin, 33 à Shanghai, 57 à Chongqing, 10 à Tianjin, 3 à Zhuhai... Deux cas étaient déclarés à Macao et cinq autres à Hong Kong. Cela allait dans le sens de l’estimation publiée le 17 janvier par le MRC Centre d’analyse des maladies infectieuses de l’Imperial College de Londres, se basant sur le nombre de cas déclarés à l’étranger (au 12 janvier) et le trafic aérien depuis l’aéroport de Wuhan. Selon leurs calculs, pas moins de 1723 personnes pourraient avoir été infectées.
Si la Chine a retenu la douloureuse leçon du SRAS, dont elle avait tu l’épidémie pendant de longues semaines, les autorités ne sont toutefois pas exactement bavardes, et ne communiquent auprès du public que lorsqu’elles y sont contraintes. En effet, alors que le premier patient était hospitalisé le 12 décembre, il aura fallu que plusieurs rumeurs courent sur internet, pour que la Commission de santé de Wuhan fasse sa première déclaration le 31 décembre. Depuis, la municipalité s’efforce de faire plusieurs rapports hebdomadaires sur la situation, exhortant la population à ne pas céder à la panique et à être vigilante en cas de fièvre, difficultés respiratoires ou douleurs pulmonaires…
A peine une semaine après l’annonce de l’épidémie, des chercheurs chinois révélaient la séquence génétique du pathogène – une preuve des progrès accomplis par la Chine en virologie depuis le SRAS en 2003. A l’époque, cette tâche avait nécessité trois mois. « Identifier un nouveau virus en une si courte période est une réalisation remarquable, selon le Dr Gauden Galea, représentant de l’OMS en Chine, mais il faut encore déterminer l’espèce animale porteuse du virus, la période d’incubation, les modes de transmissions ». Depuis Berlin, le Dr. Drosten, directeur de l’Institut de Virologie à l’hôpital de la Charité et codécouvreur du SRAS, annonçait le 17 janvier que son équipe avait réussi à développer un test de dépistage pour le nouveau virus. La souche n’est qu’à 73% semblable au SRAS, mais il existe des similarités : tous deux ont émergé en Chine, pendant l’hiver, et ont été transmis d’animaux vivants à l’homme dans des marchés. En revanche, si le SRAS était très contagieux et dangereux (8 000 infectées, 775 décès, dont 80% en Chine), cette nouvelle zoonose est loin d’être aussi meurtrière : au 24 janvier, 41 décès ont été recensés. Pourtant, les experts avertissent que le virus n’est pas à l’abri d’une mutation.
Dans les rues de Wuhan, les habitants ne sortent plus sans leurs masques. Mais chacun s’efforce de garder son calme… Zhao Ma, résident à Shanghai, a été contraint d’annuler son voyage à Wuhan : « je ne serai pas avec ma famille pendant les fêtes mais c’est plus sûr de rester à Shanghai ». En effet, la plus grande migration humaine au monde a déjà débuté, à l’occasion du Nouvel an chinois (25 janvier). Jusqu’au 18 février, plus de 3 milliards de voyages seront effectués à travers la Chine, par plus de 400 millions de ruraux qui quittent les grandes villes où ils travaillent, pour retourner dans leur province natale. De plus, quelques millions de Chinois s’envoleront faire du tourisme à l’étranger pendant les fêtes. Ainsi, les aéroports de Hong Kong, Macao, Taïwan, Corée du Sud, Singapour, Malaisie, Indonésie et Etats-Unis, sont sur leurs gardes, scannant la température corporelle de tous les passagers en provenance de Wuhan. Il ne reste plus qu’à espérer que ces précautions suffisent pour contenir l’épidémie…
Le 13 janvier, surlendemain de la réélection de Tsai Ing-wen à la présidence taiwanaise, le maire de Taipei Ko Wen-je était à Prague pour signer un accord de jumelage avec la capitale tchèque. Le partenariat stipule que le zoo de Prague, à défaut de recevoir un panda, accueillera des pangolins venus de Taïwan. En échange, des étudiants tchèques seront envoyés à Taipei étudier le chinois, le système d’exploitation de son métro, et la digitalisation du secteur de la santé. Pour Taïwan, c’est une petite victoire après que sept de ses alliés diplomatiques lui aient tourné le dos depuis 2016 en faveur de Pékin. Ce rapprochement avec Prague, Taipei le doit à Zdenek Hrib, maire de 38 ans et médecin de formation, ayant réalisé son internat à Taïwan en 2005. Déjà en octobre dernier, le leader du Parti Pirate, avait rompu le jumelage de la capitale aux cent clochers avec Pékin, car il refusait de souscrire au principe « d’une seule Chine ». Dans une tribune publiée le 12 janvier dans l’édition dominicale du quotidien allemand Die Welt, Hrib explique qu’il « ne pouvait pas tolérer un accord de jumelage contraignant sa ville à nier l’indépendance du Tibet ou de Taïwan (…) Ce sont des affaires purement politiques, n’ayant rien à voir avec les échanges culturels qu’un accord de jumelage prévoit ». Même si le jeune élu est pour le maintien des relations avec la Chine, il appelle aussi les démocraties européennes à « réfléchir à deux fois avant de s’engager avec un partenaire aussi peu fiable que la Chine ». Au passage, Hrib accuse le gouvernement tchèque de renier l’héritage de la Révolution de velours qui, en 1989, avait destitué le régime communiste en place depuis quarante ans dans l’ancienne Tchécoslovaquie. À la suite de tels commentaires, la municipalité de Shanghai rompait formellement son jumelage avec Prague, la capitale tchèque « ayant pris à plusieurs reprises des décisions erronées sur Taïwan et d’autres questions impliquant les enjeux chinois ».
Plus surprenante était la décision du Président tchèque Milos Zeman, jusqu’à hier ardent défenseur des investissements chinois dans son pays et partisan actif d’un rapprochement avec l’axe sino-russe, de snober le prochain sommet « 17 + 1 » prévu mi-avril à Pékin. Cette réunion annuelle rassemble la Chine et 17 pays d’Europe Centrale et de l’Est, dont 12 membres de l’UE. Justifiant sa décision, le Président Zeman aurait déclaré que « la Chine n’a pas tenu ses promesses d’investissements ». Il enverra à sa place son vice-Premier ministre, Jan Hamacek. L’absence du Président tchèque devrait ravir l’opposition, méfiante du rôle de la Chine dans le pays et des risques que la 5G de Huawei pourraient faire peser sur la nation tels que soulevés par l’agence nationale de cybersécurité (NUKIB). Durant la dernière décennie, la Chine aurait investi dans le pays 1 milliard d’€, contre 14 milliards d’€ de la part de Taïwan. Le Président Zeman n’est pas le seul à être désabusé : d’autres pays participants se sont plaints de leur déficit commercial avec la Chine et du manque de résultats tangibles du « 17 + 1 », vecteur de l’initiative Belt & Road (BRI) chinoise en Europe. « Le seul pays en ayant tiré un petit bénéfice est la Hongrie », affirme le Président de la Chambre Européenne en Chine, Joerg Wuttke.
C’est peut-être pour palier à cette vague de mécontentement que pour la première fois depuis 2012, année de création du « 17 + 1 », il sera présidé par le Président Xi Jinping et non par le Premier ministre Li Keqiang. Souvent accusé par Bruxelles de diviser l’Union Européenne, ce 9ème sommet se tiendra juste après le 22ème sommet Chine-Europe fin mars. Malgré les critiques, d’autres membres de l’UE auraient exprimé leur intérêt à rejoindre le « 17 + 1 », notamment l’Autriche actuellement simple observateur… En effet, en s’associant à l’initiative, ces nations européennes périphériques espèrent gagner sur les deux tableaux, en étant susceptibles d’accueillir plus d’investissements chinois, et en disposant d’un nouveau moyen de pression sur Bruxelles. Mais la Chine devra offrir mieux que des promesses pour attirer ces pays qui se sentent délaissés et mal-considérés par l’UE. Sans quoi, la fissure provoquée par Milos Zeman pourrait s’élargir…
Comme chaque année avant le Nouvel an chinois, la tradition veut que le Président visite une région parmi les plus reculées du pays pour partager un peu du quotidien de ses habitants, et s’assurer que personne ne soit laissé pour compte dans la course du pays vers la prospérité. Ainsi, Xi Jinping a serré la main du doyen d’un petit village du Sichuan, et réchauffé le cœur des enfants dans le Jiangxi.
D’ici fin 2020, il sera théoriquement plus difficile pour le Président de choisir une destination, car le pays devrait avoir totalement éradiqué la « pauvreté extrême » dont le seuil, défini par le gouvernement chinois en 2011, équivaut à un revenu annuel net de 2 300 yuans (300 euros). En effet, selon les chiffres officiels, le nombre de pauvres se réduit de manière quasi constante chaque année : ils étaient 50 millions en 2015, 30 millions en 2017, et 16,6 millions fin 2018. En attendant le bilan de 2019, le gouvernement affirmait qu’une dizaine de millions d’autres étaient sortis d’affaire ces 12 derniers mois, l’Etat central ayant investi pas moins de 126,12 milliards de yuans (16,4 milliards d’€) dans sa campagne anti-pauvreté.
Dans les médias, les « success stories » sont légion, relatant notamment le rôle bénéfique du e-commerce. Tel est le cas de Chen, la trentaine, qui a commencé en 2018 à partager des vidéos de son quotidien d’agricultrice sur Taobao. Aujourd’hui, 40 000 personnes sont abonnées à sa chaîne. C’est comme cela qu’elle écoule la totalité de son riz et de son maïs et gagne aujourd’hui un peu plus de 3 000 yuans par mois. Sa réussite a incité tous les voisins de son village du Hunan à faire de même : vendre directement leurs récoltes à une clientèle urbaine désireuse de soutenir ses paysans via des plateformes de e-commerce. Ainsi, le géant Alibaba s’est engagé à aider les fermiers à vendre 150 millions de kilos de leurs produits pendant la période du Nouvel an chinois, et a fait de ses plateformes de véritables « moteurs digitaux » pour la revitalisation de l’économie rurale. Son concurrent, JD.com a lancé un programme faisant usage de la « blockchain » pour améliorer le rendement des fermiers. Pinduoduo a également créé une technologie basée sur l’intelligence artificielle mettant directement en relation les agriculteurs avec des grossistes. Si chacun y va de sa petite initiative, c’est parce que le gouvernement ne leur laisse pas trop le choix, ces firmes se devant de remplir leur devoir de « citoyen ».
D’autres histoires, moins courantes, rappellent les réalités d’une pauvreté à plusieurs vitesses. En 2018, la photo du petit Wang Fuman, 8 ans, arrivant les joues rougies par le froid et les cheveux givrés à son école, faisait le tour du web, suscitant une vague de donations. Sa famille n’en reçut qu’une petite partie, le reste ayant été partagé avec les autres élèves de l’école. Cela leur permit tout de même de déménager dans une maison en dur, et à l’école de construire un dortoir chauffé pour les enfants. Pourtant, pour la cinquième année consécutive, le foyer de Wang n’était toujours pas assez pauvre pour bénéficier du programme d’aide du gouvernement, réservant notamment des emplois de balayeur de rue à 500 yuans mensuels aux plus démunis. En effet, son père, ouvrier sur des chantiers en ville, gagne 3 000 yuans par mois, mais peine à faire vivre ses deux enfants, sa femme et sa mère. Toutefois, la situation du père de Wang peinait à émouvoir les internautes, certains l’accusant même de profiter de la célébrité de son fils pour en demander plus, d’autres familles étant plus pauvres que la sienne…
Autre débat sur la toile, celui de la véracité des chiffres de l’anti-pauvreté. Au Jiangsu, province de 80 millions d’habitants, les autorités déclaraient que 99,99% des 2,54 millions de pauvres vivant dans la province (pourtant parmi les plus riches du pays) ne l’étaient plus. Ainsi, seulement six familles (soit 17 personnes) restaient en dessous du seuil d’extrême pauvreté dans la province. Un chiffre qui faisait évidemment bondir les internautes…
Pourtant, on peut déjà affirmer en toute confiance que le gouvernement décrétera l’éradication de l’extrême pauvreté d’ici la fin de l’année, et annoncera avoir atteint une société de « petite prospérité » avec un PIB moyen annuel par habitant de 10 000 $. Ces objectifs sont symboliques et visent surtout à célébrer les succès du régime, et le chemin accompli. Car même si les progrès de la Chine en la matière sont indéniables (et les Chinois en sont les premiers témoins), les chiffres suscitent le scepticisme de certains experts : le seuil choisi par la Chine est bien trop bas pour un « pays à revenu intermédiaire ». Li Xiaoyun, du Conseil d’Etat, constatait récemment que plus de 30 millions de personnes « retomberaient » dans l’extrême pauvreté si le seuil était élevé à 3,2 $ par jour comme le préconise la Banque Mondiale (au lieu de 1,9$ selon le seuil chinois actuel).
C’était pour Zhang Mou une expérience déroutante que de se retrouver dans une cellule surpeuplée et malodorante, entouré d’escrocs, d’hommes de bandes et de maris violents. Placé dans ce pénitencier depuis octobre, 15 jours après son interpellation, il avait depuis été condamné à une peine de deux ans par la police, hors du tribunal, sous le régime du laogai (camp de redressement par le travail – 劳改) supposément aboli, mais qui restait discrètement en pratique.
Ses jours étaient réglés comme du papier à musique. A six heures, il était réveillé par le timbre strident de la sonnette centrale. Après avoir hâtivement replié la couverture sur son lit de fer superposé – il se pressait pour prendre la première place devant l’unique lavabo pour ses ablutions matinales. Son bol de bouillon clair et son mantou (brioche vapeur, 馒头) vite avalés, il rejoignait ensuite la cohorte des détenus, en marche vers l’atelier. Là, trois heures durant, il bourrait de sciure de bois des poupées de coton cousues par l’atelier voisin – elles partiraient ensuite pour l’Angleterre, pour y être vendues sous la marque d’une multinationale du jouet, estampillées « marché équitable », quoique le travail des repris de justice, obligatoire, soit rétribué une misère. Le reste de la journée était dévolu aux séances de formation morale où l’on écoutait, assis par terre, des discours verbeux et vides, serinait des hymnes rouges surannés, et se livrait à des sessions d’autocritique. Le temps libre, lui, se passait dans la cour à faire sa lessive, à fumer des cigarettes ou à bavarder sous la surveillance lâche des matons.
Le soir avant l’extinction des feux, Zhang Mou passait du temps à contempler ses photos scotchées au dos de la porte de son placard, et chassait tout codétenu tentant d’y jeter un regard fugace. C’est que contrairement aux autres qui s’extasiaient sur des portraits de filles peu vêtues, Zhang Mou s’abîmait dans la contemplation de ses couples avec ses trois épouses Ren, Chen et Wang, ainsi que de Xiaochun, Xiaoyun et Xiaomeng, ses deux garçons et sa fillette de 5, 4 et 3 ans.
Il savait que ses chances de revoir Ren, sa première compagne, étaient nulles. C’était elle qui l’avait fait plonger en dénonçant sa polygamie. Elle avait ensuite quitté le domicile conjugal avec leur fils, puis demandé et obtenu le divorce.
Chen, sa deuxième épouse, gardait de son mari un souvenir moins amer. Elle témoignait volontiers de la gentillesse et des attentions dont il l’avait entourée durant leur vie commune. « Il n’était pas macho pour deux sous » enchérissait-elle, « il répondait sans faute à chacun de mes appels, et à la maison, après le déjeuner, faisait toujours la vaisselle ».
De son côté, Wang, la n°3, restait folle de leur enfant, du fruit de leur amour, et le remerciait toujours de ce bonheur qu’il lui avait offert. Face aux questions, elle se refusait à toute critique de cet homme qui l’avait si bien traitée. Depuis l’arrestation de son homme, elle avait repris du travail, dans une agence de publicité, et s’en sortait plutôt bien.
Sur cette affaire hors du commun, le législateur, de son côté, ne pouvait cacher un certain embarras. Pas question bien sûr de tolérer la polygamie que la morale réprouve, et qui de plus, si elle était encouragée, aggraverait le déficit national déjà criant en filles à marier (plus de 32 millions, au dernier recensement) – résultat de 40 ans d’avortements sélectifs. Mais comment traiter la transgression de Zhang Mou ? Fallait-il dissoudre tous ses mariages ou bien en sauver un seul, mais alors lequel ? Qui devrait alors faire le choix : les épouses ou le juge ?
Quant à Zhang Mou, regrette-t-il son aventure ? Et comment pense-t-il refaire sa vie à sa sortie de prison en septembre 2021 ? Dans ses réponses, notre homme reste, il faut le dire, assez confus. Tout en acceptant la sanction de la justice, il déplore le gâchis, la prison et les séparations, mais n’exprime aucun remords. Au contraire, il rêve de revoir toutes ses femmes, et leurs enfants, bien qu’il sache que cet état polygame qui le rendait si heureux (齐人之福, qírénzhīfú) lui est désormais interdit. Mais alors, laquelle de ses trois ex-épouses choisirait-il s’il le pouvait ? « Celle qui voudra bien de moi », répond Zhang Mou, sibyllin.
Il reste certes encore le problème, important en Chine, de l’image sociale, et de la face (面
21 – 24 janvier, Davos (Suisse) : Forum Economique Mondial de Davos 2020
24 – 25 janvier : Nouvel An Chinois. Dans toute la Chine, les festivités de Nouvel an chinois célèbreront l’entrée dans l’année du Rat (de Métal) qui commencera le 25 janvier pour se terminer le soir du 11 février 2021. Ce sera la première année d’un nouveau cycle de 12 ans. Rendez-vous dans les temples (miaohui 庙会) et parcs où se déroulent des spectacles en plein air !
9 au 11 février, Canton : DPES Expo, Salon chinois international des équipements de publicité
11 – 13 février, Shanghai : SIOF – Shanghai International Optics Fair, Salon international de l’optique
12 – 15 février, Pékin : ISPO et Alpitec, Salon international du sport, et salon international des technologies de la montagne et des sports d’hiver
18 – 20 février, Shanghai : China Wedding Expo, Salon du mariage
19 – 22 février, Canton : Music Guangzhou, Salon international des instruments de musique
19 – 20 février, Shanghai : Playtime, Salon international dédié à l’univers de l’enfant
19 – 21 février, Shanghai : TCT Asia , Salon international des procédés de la conception à la fabrication de produits manufacturiers
19 – 22 février, Canton : Prolight + Sound, Salon international des technologies du son et des éclairages
20 – 22 Février, Canton : Guangzhou International Travel Fair , Salon du tourisme
24 – 26 février, Shanghai : CAC Show, Salon international de l’agrochimie et des technologies de protection des récoltes
24 – 26 février, Shenzhen : LED China, Salon mondial de l’industrie des LED
25 – 27 février, Pékin : China Beauty Expo, Salon international de la beauté
26 – 28 février, Shanghai : PCHI, Salon des soins et des cosmétiques
28 février au 1er mars, Canton : R&OC – Rehacare & Orthopedic, Salon international des thérapies de réadaptation, des technologies d’assistance et appareils orthopédiques
29 février au 2 mars, Shanghai : IWF, Salon professionnel international de la santé e, du fitness et de la musculation