Le Vent de la Chine Numéro 23 (2022)
Vert, orange, rouge. Depuis le début de l’épidémie en 2020, le code QR de santé s’est révélé être un redoutable outil pour lutter contre la propagation de la Covid-19 en évaluant le risque sanitaire posé par chacun. Dès son lancement, plusieurs avocats et intellectuels avaient cependant alerté sur le fait que ce système basé sur la collecte de données privées (bornage téléphonique, historique de voyage, résultats de santé..) pourrait être détourné à des fins de contrôle social. Deux ans plus tard, leurs craintes sont devenues réalité.
Dans la province centrale du Henan, des fonctionnaires ont fait passer au rouge le code QR de milliers de petits épargnants, craignant de les voir venir réclamer leurs millions de yuans gelés depuis mi-avril dans les coffres de quatre petites banques régionales suite à une affaire de malversation. Résultat, impossible pour les titulaires de comptes de prendre les transports en commun, de pénétrer dans un lieu public, voire tout simplement de sortir de chez eux !
Cette mesure arbitraire n’a pas uniquement frappé les investisseurs mécontents. D’autres pétitionnaires en litige avec le promoteur immobilier Sunac à Zhengzhou, capitale provinciale, auraient également vu leur code QR devenir écarlate quelques jours avant une audience judiciaire…
Cet abus de pouvoir, quoique particulièrement efficace pour prévenir toute manifestation, a été rapidement identifié par des groupes de plaignants puis exposé sur internet. Sur Weibo, le hashtag en lien avec l’affaire a été vu par plus de 380 millions d’internautes. « Le gouvernement a maintenant délégué le pouvoir de décider si une personne est en bonne santé ou non, ou plutôt si elle constitue une menace ou non », dénonce l’un d’entre eux. « Les codes QR de santé sont devenus des menottes électroniques pour restreindre les honnêtes citoyens », s’indigne un autre.
Face à l’ire du public, les autorités du Henan se rejettent de l’une à l’autre la responsabilité tandis que les médias officiels attribuent ce fiasco à la « gouvernance paresseuse » de certains fonctionnaires locaux et assurent que cette pratique est illégale.
Pékin ne veut surtout pas que la population puisse penser que certaines administrations manipulent la couleur du code QR à leur guise. Une telle idée risquerait de saper la crédibilité du pilier numérique de sa stratégie de prévention épidémique, de la notion « d’État de droit » prônée par Xi Jinping et de la confiance de la population en les autorités. L’affaire est également de bien mauvais augure pour le système de crédit social que les autorités cherchent à déployer depuis quelques années.
Au chapitre « initiatives sanitaires » cette fois, voici que plusieurs villes chinoises se mettent à proposer à leurs habitants de plus de 60 ans, une assurance gratuite leur promettant de les dédommager à hauteur de 500 000 yuans s’ils peuvent prouver qu’ils sont tombés malades – ou pire, décédés – à cause du vaccin contre la Covid-19. À Pékin, plus de 60 000 seniors ont déjà souscrit à cette « couverture santé » depuis le mois d’avril.
Cette initiative a pour but de convaincre les personnes âgées réticentes à se faire vacciner, de sauter le pas. Cela permettrait de faire progresser le taux de vaccination, notoirement bas chez les plus de 80 ans : 50% d’entre eux ne sont pas vaccinés ou n’ont reçu qu’une seule dose. C’est le talon d’Achille de la stratégie vaccinale chinoise, qui s’est concentrée à ses débuts sur les 18 – 60 ans, « faute de données » concernant les autres tranches d’âge et personnes vulnérables. Il n’en fallait pas plus que pour que les sexagénaires (et plus) concluent que les vaccins peuvent être dangereux pour eux et que le risque n’en vaut pas la chandelle au vu de la très faible circulation du virus en Chine.
Pour dissiper ce sentiment « antivax », la Chine aurait pu – à l’instar de nombreux autres pays – miser sur la transparence et autoriser un débat public autour des vaccins, ce qui aurait contribué à booster ses taux de vaccination sur le long terme.
Au contraire, depuis le début de l’épidémie, les autorités sanitaires chinoises se bornent à présenter les vaccins nationaux comme « 100% sûrs ». Elles n’ont d’ailleurs divulgué que très peu de données sur leur efficacité et censuré les discussions sur leurs effets indésirables.
Paradoxalement, cette stratégie est contreproductive puisque l’absence d’informations encourage la prolifération de rumeurs (le vaccin provoquerait des leucémies ou des diabètes de type 1) et de théories complotistes…
Alors qu’un nouveau vaccin à ARN messager « made in China », prénommé AWcorna, présente des résultats encourageants en dernière phase d’essais cliniques face au variant Omicron (4,4 fois plus d’anticorps que le Sinovac en 3ème dose), Pékin a tout intérêt à jouer la carte de la transparence pour venir combler le déficit de confiance qui persiste.
Nous sommes le vendredi 10 juin. Il est 2h40 du matin à Tangshan (Hebei), « capitale chinoise de l’acier » de 7,7 millions d’habitants, victime d’un tremblement de terre dévastateur en 1976. Dans un restaurant de grillades, un homme, apparemment sous influence de l’alcool, s’approche d’une jeune femme attablée et lui touche le dos, sans son consentement. Elle l’interpelle et repousse sa main. Visiblement offensé, l’homme la frappe violemment au visage. Alors que les amies de la victime tentent de prendre sa défense, l’agresseur est rejoint par plusieurs membres de sa bande qui se mettent à leur tour à frapper les trois jeunes femmes. L’une est traînée à terre par les cheveux, puis rouée de coups de pieds ; l’autre reçoit une chaise à la figure, puis plusieurs coups de poing… Elles finiront à l’hôpital, sans que leurs jours ne soient en danger.
Ce déferlement de violence, filmé par des caméras de vidéosurveillance, va provoquer une onde de choc dans la Chine entière. Sur Weibo, les hashtags en lien avec l’agression vont être vus plus de 5 milliards de fois.
Après avoir tardé à réagir les heures suivant l’incident, les forces de l’ordre ont finalement interpellé le lendemain 9 personnes, qui pourraient écoper jusqu’à 5 ans de prison pour avoir « troublé l’ordre public et provoqué des querelles ». Parmi les suspects, plusieurs repris de justice qui auraient tenté de rejoindre le Jiangsu dans une Mercedes Maybach…
Il n’en fallait pas plus pour que les internautes suspectent les agresseurs d’être des petits gangsters protégés par des policiers corrompus. Le fait que le ministère de la Sécurité Publique (dont le patron Zhao Kezhi n’est autre que l’ancien Secrétaire du Parti au Hebei, de 2015 à 2017) préfère confier l’enquête aux autorités de la ville voisine, Langfang, pourrait bien confirmer cette thèse. Si ces suspicions sont avérées, elles seraient bien embarrassantes pour le gouvernement qui s’est maintes fois félicité des résultats de sa campagne « anti-gangs » lancée à l’échelle nationale en 2018.
Mais la polémique ne s’est pas arrêtée là. Le récit de l’agression en lui-même a fortement divisé l’opinion. Les médias officiels, tout en condamnant fermement l’incident, ont tenté de minimiser les faits et se sont bien gardés de parler de harcèlement sexuel. Au grand dam de nombreux internautes et féministes pour qui cette attaque est le reflet des violences systématiques faites aux femmes et du manque de protection juridique dont elles font l’objet, ce qui renforce le sentiment d’impunité de leurs agresseurs.
Une interprétation que le gouvernement cherche à étouffer, lui qui perçoit le féminisme comme un concept « néfaste » importé de l’Occident et dont les activistes sont qualifiées par la Ligue de la Jeunesse du Parti de « tumeurs » nuisant aux politiques natalistes du pays. Ainsi, Weibo a bloqué 265 comptes d’utilisateurs pour avoir « encouragé la confrontation entre genres ». Une censure récurrente lors d’affaires pouvant être associées au mouvement #MeToo.
Enfin, l’incident de Tangshan a relancé le vieux débat sur la passivité des témoins. Pourquoi aucun des clients n’a osé s’interposer pour essayer de mettre un terme à l’agression ? Est-ce par crainte d’être eux-mêmes violentés ? Est-ce par peur d’être pris pour les agresseurs par la police ou d’être accusés par les victimes ? Est-ce à cause de l’ « effet du spectateur », phénomène psycho-social documenté selon lequel plus les témoins d’une situation d’urgence sont nombreux, moins ils ont tendance à agir ? Il y a sûrement un peu de tout cela… Il n’en est pas moins que seules quelques femmes présentes cette nuit-là ont tenté d’aider les victimes, signe qu’une certaine empathie (certains diront « solidarité féminine ») subsiste malgré tout.
Second festival du e-commerce en termes de popularité après la « fête des célibataires » le 11.11, celle du 18 juin (« 618 ») a perdu quelques couleurs cette année, avec la disparition des écrans de deux influenceurs stars : Viya, condamnée l’an passé à une amende de 1,34 milliard de yuans pour fraude fiscale, puis Austin Li, « roi du rouge à lèvres » suspendu depuis qu’il a vanté les mérites d’un gâteau glacé en forme de char la veille du 4 juin (apparemment sans arrière-pensées)*. C’est un coup dur pour la plateforme Taobao (Alibaba), qui se retrouve ainsi privée de ses plus gros vendeurs, mais aussi pour les marques qui réalisent qu’elles ne peuvent plus uniquement dépendre de ces célébrités.
Le « vainqueur » de cette édition du « 618 » est relativement méconnu. Il s’agit Dong Yuhui, ancien professeur chez New Oriental (l’ex n°1 du soutien scolaire, victime de la reprise en main de Pékin), tout juste reconverti à la vente en live-streaming sur Douyin (TikTok). Tout en présentant casseroles et steaks, le jeune homme de 29 ans (cf photo) donne un cours d’anglais, multiplie les citations poétiques et se confie – parfois avec émotion – sur ses expériences de la vie. Une approche qui tranche avec les techniques commerciales poussives de ses pairs. Reflet de ce succès, la chaîne officielle de New Oriental a dépassé la barre des 10 millions d’abonnés en une semaine seulement et a vu ses ventes exploser. Cette soudaine popularité indique un changement d’attitude de la part des consommateurs chinois, qui sont désormais plus sensibles aux contenus et aux produits de qualité qu’aux prix cassés.
Même si toutes les plateformes de e-commerce et applications (Alibaba, Pinduoduo, Kuaishou, Xiaohongshu, et pour la première fois, WeChat) n’ont pas toutes dévoilé leurs chiffres du 618, les analystes prédisent un ralentissement du rythme de croissance des ventes.
JD.com, l’initiateur de ce « festival », a réalisé pour 379 milliards de yuans de volume de ventes (appareils électroménagers, cosmétiques, matériel de camping, produits connectés pour animaux de compagnie en tête) – un nouveau record. Cependant, son chiffre d’affaires n’a augmenté que de 10,8% cette année contre 27,7% en 2021. Ces données viennent confirmer une tendance déjà observée chez Alibaba lors de la dernière édition du 11.11.
Cette perte de dynamisme est attribuable à plusieurs phénomènes : la compétition accrue entre les différentes plateformes ; des réductions moins attractives qu’avant ; des livraisons perturbées par les restrictions sanitaires ; ainsi que des consommateurs plus rationnels dans leurs achats et plus regardants à la dépense. La faute au climat d’incertitude économique, en partie causé par la stratégie « zéro Covid » et ses confinements à répétition. Comment dépenser (sans compter) si on ne sait pas de quoi demain sera fait ?
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* Ironiquement, cette brutale interruption du show de Li Jiaqi a poussé une partie de ses 60 millions de jeunes abonnés à télécharger des VPN et à se renseigner sur le massacre de la place Tiananmen en 1989. Exactement ce que les censeurs souhaitaient éviter.
Décidément, le site archéologique de Sanxingdui, situé à 40 km de Chengdu (Sichuan), n’a pas fini de nous surprendre !
Après un « arbre de vie » de 4 mètres de haut et des masques en or pur, une carapace de tortue en bronze torsadé (cf photo) a été découverte dans l’une des fosses sacrificielles actuellement en cours d’excavation.
Ce « vaisseau » aux poignées à tête de dragon, probablement recouvert de soie au moment de l’offrande, contient un morceau de jade de grande taille, apparemment très bien conservé.
« Cette cage est unique de par sa forme, de par la délicatesse de son artisanat, et de par son design », s’exclame Li Haichao, l’un des responsables des fouilles.
Surnommée la « boîte de Pandore », elle aurait eu une fonction importante dans les rites religieux du Royaume de Shu, peuple mystérieux qui aurait prospéré dans la région il y plus de 3500 ans et dont il n’existe aucune trace écrite.
Cependant, les experts espèrent bien retrouver des éléments de langage sur la soie qui entourait le « coffre-tortue » ou sur le jade qu’il protège.
Jusqu’à présent, aucun artefact similaire n’avait été retrouvé à Sanxingdui, ni dans toute l’ère du bronze chinois. Par contre, les milliers d’autres objets découverts sur le site – nécessitant l’ouverture en 2023 d’un tout nouveau musée de 44 000 m2 – laissent supposer que le Royaume de Shu aurait eu des échanges culturels avec la dynastie Shang (de 1600 à 1046 av. J.C), ce qui ferait de lui une partie intégrante de la civilisation chinoise. Une petite révolution historique en somme !
- Depuis (un évènement) : … 以来 ; yǐlái (HSK 5)
- Code QR de santé : 健康码 ; jiànkāng mǎ (HSK 6)
- Citoyens : 公民 ; gōngmín
- Localisation : 定位 ; dìngwèi
- Tracer : 追踪 ; zhuīzōng
- Obtenir : 取得 ; qǔdé
- Population, peuple : 民众 ; mínzhòng
- Soutenir, être en faveur de : 支持 ; zhīchí (HSK 4)
- S’inquiéter de : 担心 ; dānxīn (HSK 3)
- Mesures : 措施 ; cuòshī (HSK 5)
- Entraîner, engendrer, causer : 导致 ; dǎozhì (HSK 5)
- Droits civils: 公民权利 ; gōngmín quánlì
- Restrictions, limites : 限制 ; xiànzhì (HSK 5)
- Vie privée : 隐私 ; yǐnsī (HSK 6)
- Atteinte, violation : 侵犯 ; qīnfàn (HSK 6)
新冠疫情爆发以来,中国便在全国范围内通过健康码对公民进行定位追踪。这在早期取得了许多民众的支持,但现在有越来越多的民众担心该措施会导致公民权利受到限制及隐私遭侵犯。
Xīnguān yìqíng bàofā yǐlái, zhōngguó biàn zài quánguó fànwéi nèi tōngguò jiànkāng mǎ duì gōngmín jìnxíng dìngwèi zhuīzōng. Zhè zài zǎoqí qǔdé le xǔduō mínzhòng de zhīchí, dàn xiànzài yǒu yuè lái yuè duō de mínzhòng dānxīn gāi cuòshī huì dǎozhì gōngmín quánlì shòudào xiànzhì jí yǐnsī zāo qīnfàn.
« Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, la Chine a utilisé des codes QR de santé pour localiser les citoyens à travers le pays entier. Cela a été soutenu au début par de nombreuses personnes, mais aujourd’hui, il y a des craintes que la mesure ne conduise à des restrictions des droits civils et à une atteinte à la vie privée ».
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- Conflit, conflictuel, contradictoire : 冲突 ; chōngtú (HSK 6)
- Interpêter, décoder : 解读 ; jiědú (HSK 5)
- Peu importe, quel que soit : 无论 ; wúlùn (HSK 4)
- Grand public : 普通公众 ; pǔtōng gōngzhòng
- Gouvernement : 政府 ; zhèngfǔ (HSK 5)
- Féminisme : 女权主义 ; nǚquán zhǔyì
- Susciter, donner lieu, engendrer : 引起 ; yǐnqǐ (HSK 4)
- Divergence, division, désaccord : 分歧 ; fēnqí (HSK 6)
对唐山打人事件相互冲突的解读凸显出,无论是对普通公众还是对政府来说,女权主义仍是一个引起分歧的问题。
Duì tángshān dǎ rén shìjiàn xiānghù chōngtú de jiědú tūxiǎn chū, wúlùn shì duì pǔtōng gōngzhòng háishì duì zhèngfǔ lái shuō, nǚquán zhǔyì réng shì yīgè yǐnqǐ fēnqí de wèntí.
« Les interprétations contradictoires du passage à tabac de Tangshan soulignent que le féminisme reste un sujet de division, tant pour le grand public que pour le gouvernement ».
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- Malgré, bien que, même si : 尽管 ; jǐnguǎn (HSK 4)
- Plateforme de e-commerce : 电商平台 ; diàn shāng píngtái
- Stimuler, alimenter : 拉动 ; lādòng
- Consommateur : 消费者 ; xiāofèi zhě
- Consommer, dépenser : 消费 ; xiāofèi (HSK 5)
- Situation épidémique : 疫情 ; yìqíng
- Elements, facteurs : 因素 ; yīnsù (HSK 5)
- Influence : 影响 ; yǐngxiǎng (HSK 3)
- Engouement, enthousiasme : 热情 ; rèqíng (HSK 3)
- Shopping : 购物 ; gòuwù (HSK 4)
- Apparemment : 似乎 ; sìhū (HSK 5)
- S’amenuiser, décliner : 减退 ; jiǎntuì
尽管电商平台为拉动消费者的消费热情不断添火加柴,但在疫情等多种因素的影响下,消费者对购物节的热情看上去似乎在减退。
Jǐnguǎn diàn shāng píngtái wèi lādòng xiāofèi zhě de xiāofèi rèqíng bùduàn tiān huǒ jiā chái, dàn zài yìqíng děng duō zhǒng yīnsù de yǐngxiǎng xià, xiāofèi zhě duì gòuwù jié de rèqíng kàn shàngqù sìhū zài jiǎntuì.
« Bien que les plateformes de e-commerce continuent d’alimenter l’engouement des consommateurs, leur enthousiasme pour les fêtes de shopping semble s’amenuiser, sous l’influence de divers facteurs tels que la situation épidémique ».
Tous les matins à 9h, Wei Guangming enfourche son tricycle qu’il bringuebale et pédale en danseuse à travers les cotes et lilongs de Shaoxing (Zhejiang), conurbation grouillante. Tous les 30 mètres, il s’arrête devant les poubelles et, de ses mains gantées, récupère dans sa plateforme de bambou aux barrières à claire voie, tout verre, plastique, boîtes de sodas vides et papiers. Une section spéciale est réservée aux choses abandonnées de quelque valeur.
Vers 11h30, de retour chez lui, il doit encore trier sa récolte, puis passer chez le revendeur pour toucher sa paie pour chaque matière première ainsi recyclée. Ce matin, le caissier lui a remis, en billets graisseux et en piécettes, 161 yuans. Par mois en moyenne, son revenu tourne autour de 5000 yuans. Riche de ses paysages (ses canaux, son tourisme) et de son célèbre vin jaune, cette ville de Shaoxing rémunère ainsi une armée d’éboueurs privés, pour un travail précieux sur son hygiène et son environnement.
Le devoir accompli, Wei Guangming va alors passer à toute autre chose. Dans les toilettes partagées avec la maison voisine, il commence par une douche (ablutions précaires sous la pomme d’arrosage qui pend de la chasse d’eau), change pour une tenue propre quoique éculée et décolorée par les ans – tout de sa garde-robe a été récupéré dans la rue. Le voilà prêt à son second métier, qui a beaucoup plus que le premier à voir avec une passion : s’installant devant son chevalet, dans son atelier de 20m2, jouxtant sa maison, il peint. Ce matin justement, passant près du rivage de la rivière Pingshui, il s’est arrêté un instant sur la scène d’un pêcheur sur son canot, avec ses cormorans un fil à la patte, plongeant à tour de rôle pour ressortir avec un poisson que le maître lui retirait du bec pour le jeter frémissant au fond de la barque… Ce tableau est vendu d’avance : il ira à la patronne d’une usine de plastique, sa fidèle cliente, qui lui a commandé une œuvre six mois plus tôt au bas mot. Ce qu’elle attendait, en fait, était son portrait sur fond de son usine et de ses grandes cheminées crachant leur fumée. Mais à chaque essai, Guangming, mécontent, abandonnait pour gratter la toile et reprendre quelques jours après, sans jamais réussir. C’est que notre homme est un peintre autodidacte, à la technique naïve et déficiente à ses yeux, faute d’avoir étudié à bonne école.
17 ans en arrière, à son arrivée à Shaoxing de l’Anhui sa province natale, il avait commencé en recopiant sur calque des dessins de BD. Au bout de 500 à 600 essais, il était passé à ses propres compositions et avait rencontré immédiatement des difficultés inattendues. Comme il ignorait tout des mélanges de couleurs et n’osait pas se livrer à des explosions de tons hors contrôle, il a peint plusieurs mois de suite ses sujets en aquarelle monocolore, réalisant les ombres et lumières par lavis plus ou moins délayé. Enfin il a pu avancer grâce à internet, en suivant des tutoriels de peinture en langues étrangères, parfois dotés de sous titres en mandarin, lui suggérant des gestes ou des techniques nouvelles, de la touche de l’impressionniste au couteau du naturaliste pour appliquer la gouache ou la peinture à l’huile sur sa toile.
Internet, avez-vous dit ? Mais comment un simple éboueur aurait-il pu disposer d’un ordinateur ? Tout simplement en le récupérant dans la rue, tout comme sa climatisation, sa gazinière et son lit, tous les objets de sa maison. Son véritable génie, est d’avoir appris à se servir de l’engin, et d’avoir maîtrisé cet autre art de la « toile » pour pouvoir mettre ses travaux en ligne, par une vidéo autobiographique présentant ses œuvres et ses tournées de tri, le beau et l’infect, les deux facettes si contradictoires de sa vie. Et le résultat a dépassé ses espérances les plus folles : le jour de la mise en ligne, il s’est retrouvé avec 2000 abonnés de plus, et aujourd’hui, son réseau dépasse les 100 000 fidèles. Les journalistes d’ailleurs, fascinés par cette dualité entre son métier de la fange et celui associé à la délicatesse et parfois à l’aisance, font la queue devant chez lui pour recueillir ses images et ses interviews.
De même, en ligne, les commandes affluent. À 25 toiles par mois, Wei ne peut plus, et de loin, suivre la demande. Au tarif de 200 à 500 yuans le tableau, notre Van Gogh du céleste empire – car c’est au grand peintre à l’oreille coupée que la presse locale le compare – gagne dans les 6000 yuans par mois, plus que son revenu d’éboueur. Et s’il se refuse pour l’heure à renoncer à sa tâche malodorante et dégradante, pour se consacrer exclusivement à l’art, c’est, dit-il, par crainte de technique défaillante. On est toutefois en droit de soupçonner que sa véritable peur soit ailleurs : celle de perdre la contradiction romantique entre ses deux gagne-pain, qui émerveille tant ses contemporains.
Car en définitive, ce qui plait le plus aux Chinois dans sa destinée, ce qui les fait se reconnaître en lui, est sa résilience simple et pragmatique, son énergie vitale (活力, Huólì) indomptable qui lui permet d’émerger du magma social, en dépit de sa faible chance de départ. « Les jeunes de la ville n’ont rien de mieux en tête que de ‘s’allonger’… Mais qu’est ce qu’ils ont en tête, ces jeunes gâtés ? Si on se couche, qu’est ce que les enfants vont manger ? », dénonce-t-il.
Remarque pertinente. Car des enfants, Wei en à quatre, restés avec leur mère chez eux dans l’Anhui. C’est pour eux qu’il vit, très modestement, suivant une règle immuable : pour ses frais de bouche, 500 yuans par mois ; pour les loyers de ses 3 bicoques (une pour les ordures, une pour dormir, une pour son atelier), 730 yuans, et pour la peinture et les toiles 1000 par mois, et tout le reste part à la famille. Seul petit luxe : son tabac, pour un budget de 300 yuans mensuels. Et c’est ainsi que Wei Guangming, le bien nommé (puisque son prénom signifie « clarté »), a su par son talent inverser les termes de son destin, donnant ainsi un parfait exemple du proverbe : 需要是發明之母 (xūyào shì fāmíng zhīmǔ) : « la nécessité est mère de l’invention ».
21-23 juin, Shanghai : BIOPH CHINA 2022, Salon de la pharmacologie et des biotechnologies. REPORTE au 20 au 22 décembre.
22-24 juin, Shanghai : PROPAK CHINA 2022, Salon spécialisé dans la transformation alimentaire et l’emballage. REPORTE au 8 au 10 novembre.
23-26 juin, Jinan : CHINA (JINAN) INTERNATIONAL POWER TRANSMISSION & CONTROL TECHNOLOGY 2022, Salon de la transmission de puissance et des technologies de contrôle.
26-29 juin, Shanghai : EXPO LIGHTING 2022, Salon de l’industrie de l’éclairage. REPORTE au 25 au 28 août.
26-29 juin, Shanghai : HDE – ECOBUILD CHINA 2022, Salon de la construction et du bâtiment durable. REPORTE du 25 au 27 août à Nankin.
27-30 juin, Shenzhen : ITES EXHIBITION (SIMM) 2022, ITES China est le grand salon des technologies et d’équipements de fabrication de pointe : électronique 3C, dispositifs médicaux, batteries lithium, semi-conducteurs, textiles, impression, emballage, logistique, machines à bois…
28 juin-1er juillet, Shanghai : MARINTEC CHINA 2022, Salon international et conférence sur l’industrie maritime. REPORTE du 7 au 10 décembre.
6-9 juillet, Tianjin : BICES 2022, Salon international et séminaire sur les machines de construction et d’industrie minière en Chine.
13-15 juillet, Pékin : BEIJING INFOCOMM CHINA 2022, exposition qui présente les inventions des TIC les plus avancées et les plus demandées au monde, ainsi que des opportunités de formation. REPORTE.
13-15 juillet, Chengdu : IE EXPO CHENGDU 2022, Salon professionnel international de la gestion et traitement de l’eau, du recyclage, du contrôle de la pollution atmosphérique et des économies d’énergie. REPORTE.
13-15 juillet, Shanghai : PRODUCTRONICA CHINA 2022, Salon international de la production électronique.
16-18 juillet, Urumqi : IME XINJIANG 2022, Salon international de l’industrie minière en Chine.
18-22 juillet, Qingdao : QINGDAO INDUSTRIAL AUTOMATION & INSTRUMENTS EXPO 2022, Salon international de Qingdao pour l’automatisation et l’instrumentation industrielles.
19-22 juillet, Shanghai : SILE – LED SHANGHAI 2022, Salon de l’éclairage et des technologies industrielles des LEDs.
21-23 juillet, Suzhou : NEPCON CHINA 2022, Salon international des matériaux et équipements pour semi-conducteurs. REPORTE du 19 au 21 avril 2023.
27-29 juillet, Shanghai : HEATEC 2022, Salon international des technologies de génération de chaleur. REPORTE du 1 au 3 décembre.
28-30 juillet, Pékin : CHINA MARITIME BEIJING 2022, Salon international des technologies et équipements offshore.
3-5 août, Pékin : CHINA LNG & GAS INTERNATIONAL EXHIBITION & CONFERENCE 2022, Salon international de l’industrie du GNL et du gaz en Chine.
3-5 août, Canton : WATERTECH GUANGDONG 2022, Salon international de la gestion de l’eau.
4-7 août, Shanghai : HOTELEX – FINEFOOD 2022, Salon international de l’agro-alimentaire destiné à l’industrie hôtelière.
9-10 août, Canton : WBE – WORLD BATTERY INDUSTRY EXPO 2022, Salon international de l’industrie des batteries.
10-12 août, Canton : POWER EXPO 2022, Salon international des équipements et technologies de l’énergie en Asie-Pacifique.
10-12 août, Canton : ALUMINIUM CHINA 2022, Salon de l’industrie de l’aluminium. Matières premières, produits finis et semi-finis. Approvisionnement, échanges, mise en réseau.
16-18 août, Pékin : TOPWINE CHINA 2022, Salon international du vin pour le nord de la Chine.
18-20 août, Chengdu : CAPAS CHENGDU 2022, Salon international des pièces automobiles et des services après-vente.
18-20 août, Shenzhen : CHINA SMART CARD AND RFID TECHNOLOGIES 2022, Salon international sur les technologies et applications de la carte à puce et ses applications dans les produits et services.
21-24 août, Shanghai : ICMD 2022, Salon international de la conception et de la fabrication des appareils médicaux.
24-26 août, Shanghai : CFIE 2022, Salon international des condiments et ingrédients alimentaires à Shanghai.
31 août – 2 septembre, Shanghai : SHANGHAI INTELLIGENT BUILDING TECHNOLOGY. 2022, Salon des technologies de construction intelligentes.
31 août – 2 septembre, Pékin : INTER AIRPORT CHINA 2022, Salon international des équipements pour aéroports, technologies et services.
31 août – 2 septembre, Shenzhen : CHINA FLOOR EXPO 2022, Salon professionnel consacré aux revêtements de sol.