Le Vent de la Chine Numéro 3

du 23 au 29 janvier 2006

Editorial : FORUM MONDIAL H5N1 – Pékin sous les projecteurs !

A Pékin les 17-18 janvier, la conférence mondiale contre la grippe aviaire fut très suivie. Le jaillissement du virus H5N1 en Turquie révélait la vulnérabilité planétaire.

Il fallait trouver 1,2MM$ pour un plan sur 3 ans d’éradication à la source (asiatique). Or, d’autres grandes messes du genre, de financements suite au tsunami, ou au tremblement de terre au Pakistan, avaient déçu – les pays riches serraient la vis.

Devant 700 experts de 120 pays, Koffi Annan (par téléconférence) ou Paul Wolfowitz, Président de la Banque Mondiale  plaidèrent l’urgence : « pas de temps à perdre. Tout sou refusé aujourd’hui coûtera le centuple dans 6 mois», si on laisse la pandémie aviaire gagner l’ Ouest ou pire, si on la laisse muter en grippe humaine, pour un  coût chiffré par la Banque Mondiale à 800MM$ la seule 1ère année…

Le message passa 5 sur 5 : l’appel fut une fois et demi couvert, à 1,8MM$ dont la moitié prêtée. Les US (qui paient chez eux 4MM$ pour la même cause) donnent 334 M$, l’Union Européenne (co-sponsor de la conférence) 250M$, le Japon 155M$.

De ces fonds, 635M iront à l’Asie, 224M à l’Europe de l’Est et l’Asie Centrale, 147M à l’Afrique et 110M au Proche-Orient. Ils serviront à indemniser les éleveurs pour leur cheptel perdu, et à équiper des laboratoires de détection et réseaux de veille.

Face à la Chine, des doutes des experts furent perceptibles. Par rapport aux 33 foyers épidémiques rapportés, les malades humains sont trop rares, comme si le H5N1 était moins virulent en Chine qu’ ailleurs, chose invérifiable – Pékin ayant pour l’instant omis de fournir les souches virales des victimes. En privé, les experts estiment donc crédible l’affirmation de l’ expert nippon selon laquelle la Chine tiendrait une liste non publiée de 100aines de victimes. De plus, d’aucuns regrettaient qu’un pays aux 819MM$ de réserves en devises, 1er bénéficiaire du plan mondial, n’y contribue que pour 10M$ !

Enfin, la masse des progrès obtenus compense largement ces incertitudes. Par la déclaration commune, Pékin s’engage à livrer ses souches virales, pour permettre aux labos de chercher le vaccin. Depuis l’épidémie de SRAS (’03), la Chine a fait des progrès immenses en contrôles épidémiologiques. Qu’elle ait du mal à obtenir la discipline des provinces, n’entache pas sa volonté de collaborer. Cette semaine est né un réseau mondial de veille sanitaire contre tout virus, et la Chine était l’hôte de cet événement: preuve de maturation!

 

 


A la loupe : Profits, éthique : les affres du Congrès américain

La ligne éthique de plusieurs groupes nord-américains d’informatique en Chine, est questionnée par le Congrès US.. Reporters sans Frontière a tiré le signal d’alarme en septembre, accusant Yahoo! d’avoir dénoncé le dissident Shi Tao pour communication de «secrets d’Etat » à l’étranger. Cinq mois avant, Shi Tao en avait pris pour 10 ans. Puis Yahoo! s’était vu offrir le feu vert pour racheter pour 1MM$, 40% d’Alibaba, portail de ventes en ligne.

Le Congrès a encore constaté que Microsoft fermait sur son portail, le «blog» du journaliste Zhao Jing. Cisco offrait à la police son système de filtrage, permettant d’interdire à l’utilisateur l’accès aux sites mal vus. Google efface de son portail, toute contribution affichant des mots tels «démocratie» ou «liberté». Et pourtant, en 2002, Yahoo ! avait signé avec la Chine un « code  d’autodiscipline éthique » – qui a mené droit à la dénonciation de son utilisateur chinois !

A leurs critiques, les firmes répliquent en affirmant respecter la loi chinoise, et que «le mal est le fait des régimes, pas des entreprises». Google manie une variante subtile, parlant d’ «équilibre d’intérêts pour l’usager local, entre les dérapages inévitables mais rares, et le fructueux et permanent service offert ».

Le Congrès ne l’entend pas de cette oreille. Christopher Smith, républicain, lance mi-février un hearing à la Chambre des représentants, dans l’enceinte «Droits de l’homme» qu’il préside. Un débat identique, informel, débute le 1er fév. au Sénat, sous la houlette du démocrate Tim Ryan. Il s’agit d’abord d’entendre les deux parties, marchands de software et experts de RSF. On note que l’initiative part simultanément des deux bords de l’échiquier politique américain.

Anachronique, Reporter sans Frontière milite pour une «auto-discipline» qui interdirait à ces firmes d’ouvrir un portail dans les pays «pratiquant la répression». En tout cas, le débat pourrait aboutir à un code de conduite contraignant et surveillé, voire à des sanctions en cas de manquement patent, comme dans l’affaire Yahoo. En tout cas, cette affaire démontre un éveil inattendu de l’opinion US, sur le thème « business d’abord, mais pas seulement business »!

 

 


Joint-venture : Ministère du commerce : Cyclope Céleste à Budapest

— "Démesure… taille cyclopéenne »… Les mots manquent pour qualifier cet ambitieux outil commercial du Ministère du Commerce chinois, en préparation à Budapest (Hongrie), marché de gros de 200.000m² qui appellera un apport d’1MM$ !

Le China Brand Trade Center assurera la logistique européenne de 600 majors en électronique, ordinateurs, logiciels et matériaux de construction.

Par les portes de cette caverne d’Alibaba – discount, passera une noria de semi-remorques vers les 25 pays de l’Union Européenne. Pour ce hub, la Hongrie était le terrain évident, au coeur de l’Union Européenne élargie, disposant de 40.000 résidents chinois, de 3000 PME Célestes, et ayant importé l’an passé pour 3MM$ de biens made in China

C’est le second complexe chinois du genre : le 1er, à Dubai depuis décembre 2004 (sous le nom de Dragon Mart) a permis de tester la formule sur un marché moyen-oriental, modèle réduit de celui du vieux continent.

Pour Budapest, l’accord reste à signer, en février. Le Ministère du commerce doit encore acquérir deux marchés de gros adjacents, et les reconstruire pour produire d’ici 2009 cette cité commerciale d’avenir.

— Lentement, surement vient l’intégration des transporteurs aériens chinois dans les alliances intercontinentales!

China Southern  vote Skyteam (Air France, Delta, Korean Air…), et y viendra sous deux ans. Le départ de son charismatique boss Li Kun pour Shenzhen-Air (1er passage d’un patron public pour le privé) n’y changera rien. China Eastern aussi va vers Skyteam—mais tout reste à faire.

Club de Lufthansa, ANA, United et Singapore (entre autres), Star Alliance attire sur son orbite Shanghai Air. A son tour, Air China devrait s’y agréger, vu sa synergie profonde avec Lufthansa. Mais sa décision est perturbée par ses 10% de participation dans Cathay Pacific, membre (British Empire oblige) de One world de British Airways : entre les deux, ses ailes balancent!

 

 


A la loupe : La Chine, laboratoire d’idées nouvelles

Le terrain chinois voit souvent fleurir des initiatives innovantes sorties d’outre-nulle part, donnant l’impression de spontanéité échevelée. En réalité, comme on va le voir, elles sortent d’un long tunnel d’expérimentation prudente. En voici trois, à mi-parcours :

t En février 2005, la SEPA, le bureau national de l’environnement, bloquait le projet de 13 méga-barrages sur la rivière Nu / Salween, dernier écosystème vierge d’Asie du sud-est (Yunnan, Birmanie, Thaïlande). Cette JV entre le Yunnan et Huadian aurait produit 18GW/an, 22% de plus que le barrage des Trois Gorges, à terme.

Or, après étude d’impact, la SEPA recommande (11/1) une coupe à 4 barrages, pour concilier demande en énergie, environnement, et attentes des riverains en aval. Le dernier mot reviendra à la NDRC (la National Development and Reform Commission). NB : La construction du 1er barrage, à Liu Ku a commencé.

t Fin 2006, Shanghai accueillera la 4ème bourse des valeurs en Chine, spécialisée dans les produits financiers.

Shang Fulin, Président de la CSRC (China Securities Regulatory Commission) l’annonce (17/1). Au grand dam des 3 autres marchés à terme spécialisés (Zhengzhou/grain, Shanghai/métaux, Dalian/pétrole), qui guignaient ce commerce, souhaitant se prémunir des risques de leur métier en diversifiant les produits. La  bourse échangera des valeurs d’indices boursiers et de taux d’intérêt à terme. Elle est décrite comme «jalon de la réforme monétaire, et réacteur pour la percée de Shanghai dans la botte des places financières mondiales ».

t Dur début pour le second cas de rachat de GEE (Grandes entreprises d’Etat) sur hypothèque, celui de Harbin Pharmaceutical par Citigroup (après celui de Xugong par Carlysle, VdlC n°34).

Des 282M$ offerts en prêts aux banques, seuls un tiers ont été offerts, par la ICBC – Industrial & Commercial Bank of China-  (50M$, forte de 21% de profits en 2005 et 9MM²) et ABN-AMRO (Hollande, 35M$). Ceci, en dépit du taux d’intérêt riche (322 points de base).

Le problème ne tient pas au véhicule financier en soi, mais à la fragilité des firmes à reprendre : mal conçues, mal gérées, déficitaires, percluses de problèmes sociaux. Les méthodes pour en disposer étaient la structure de défaisance, le mariage arrangé par venture capitaliste. A présent, le rachat sur hypothèque essuie les plâtres : formule plus souple, permettant plus de prise de risque !  

 

 


Argent : Banque de l’agriculture, à la fourche et au râteau

— Dans la réforme des quatre grandes banques, Pé-kin s’attaque au plat de résistance, la Banque de l’Agriculture, percluse de mauvaises dettes :

90MM$, mais par ailleurs «26%» (50%, pour d’autres) d’actifs disparus, sur ses 600MM$ théoriques. Les techniques de cure éprouvées sur les 3 soeurs vont resservir :

 recapitalisation (100 MM$ demandés, face aux 60MM$ dépensés sur les 3 autres ensemble),

entrée de partenaires étrangers, et

ƒ entrée en bourse.

Parmi les investisseurs pressentis figure le français Crédit Agricole, qui négocierait en fiançailles un fonds d’investissement mixte. Souhaitons à ce dernier un autre sort que celui du britannique Schroders, dont le fonds en JV avec la Bocomm (Banque de la communication) a perdu en 3 mois 250M² (48% des actifs).

NB : Depuis mi-2004, cette formule peine : même le solide fonds ICBC-CS, (Industrial & Commercial Bank of China – Crédit Suisse) a perdu 9%. L’entrée en bourse ne pourra être que partielle – avec les seuls actifs déjà restructurés. 22.300 agences sont déjà fermées, une part des 31.000 subsistantes subira le même sort, tout comme une fraction des 480.000 agents devront refaire leur vie. Le montage du repêchage devrait être prêt avant déc., promet le vice Président Han Zhongqi!

 

— Pékin multiplie les petits pas de dérégulation des comptes capitaux.

[1] On voit (cf p.1, col. centrale) l’arrivée d’une bourse des valeurs financières à terme.

[2] Se prépare dans un mois le desserrage du système QFII (d’achat pour groupes étrangers de parts «A» en ¥) : après réduction du délai de gel, elles pourraient sortir plus vite pour s’échanger hors Chine. Elles sont d’ailleurs si populaires, qu’UBS en réclame une nouvelle tranche, pour passer de 500M$ à 1,3MM$!

[3] Stoppées en mai 2005, les émissions de valeurs reprendront en mai’06, quand la capitalisation des places chinoises franchira la barre des 50%de la valeur nominale des firmes cotées. Suivant la vague en cours depuis mai 2005, de vente des 70% de parts d’Etat, incessibles auparavant.

Ainsi, cette bourse qui pesait 30% en mai 2005, atteindra 90% fin 2006. Dans les titres nouveaux, les blue chips seront prioritaires—ces groupes tels Petrochina, CCB, Shenergy ou Bocomm, cotées hors du pays.

[4] Plus tard viendra la fusion des parts «B» (en devise) en «A» (en ¥).

Toutes ces nouvelles créent en  bourse une euphorie bizarre : après 46% de perte depuis  2001, elle gagne 9,2% au tableau «B» le 19/1!

 

 


Pol : Taiwan – changement de décor : dernier acte

— Du 10 au 18/1, Kim Jong-Il, le cher leader Nord-coréen a roulé en train blindé à travers la Chine, avalant bien plus de km que supposé au départ.

De Canton, Shenzhen (visite du métro, du téléphoniste Huawei), au port de Yiantian, il poursuivit par Wuhan, Yichang (barrage des Trois gorges), puis Pékin pour remercier Hu Jintao du bon accueil —et de tenir à bout de bras son régime, empêchant la réunification Nord-Sud. Le temps fort fut la rencontre pékinoise avec Christopher HillMr Corée du Nord» au Gouvernement Bush), retourné exprès, pour la 2de fois en huit jours. Étiquette oblige, ce meeting ne fut pas avec Kim-lui-même, mais avec Kim Kye Gwan, «Mr bombe atomique», et Wu Dawei, vice-ministre des affaires étrangères (MAE) chinois. Suite à quoi, le cher leader confirma sa promesse de désarmer, et de coopérer avec les 5  autres pays concernés, à la dénucléarisation de la péninsule et au traité de paix.

Suivra la reconstruction en 100aines de MM$. Surtout au profit de Pékin (son mentor éco-idéologique), de Séoul le frère ex-ennemi,  et de Washington, pour prix de sa clémence !  NB : battant le fer chaud, Pékin offre dans la foulée un sommet à 6, début février, pour transformer l’essai  – forger une paix chinoise !

 

— Le désarroi du  DPP, parti indépendantiste au pouvoir à Taiwan, ne date pas d’hier, comme en témoigne sa valse des 1ers Min., cinq depuis 2000.

Exit Jimmy Hsieh, qui assume la responsabilité de la débâcle législative de décembre 2005. Le chef du cabinet sort aussi abimé par une affaire négrière de main d’oeuvre thaïe sur le métro de Kaohsiung, dont il fut maire.

Lui succède Su Tseng-chang, ex-avocat des droits de l’homme, co-fondateur historique du DPP, au sobriquet affectueux de «l’ampoule électrique» (étant «lumineux», et chauve). De même, Yu Shyi-kun, ex -1er ministre, reprend la présidence du Parti, élu à 54%. Ainsi s’installe une relève contre la remontée du KMT (Kuo Min Tang) et Ma Ying-jeou, cauchemar du DPP, « beau gosse », sérieux, capable et qui brandit, en place de l’épouvantail chinois, l’image plus rassurante de l’éléphant débonnaire, à l’ombre duquel le DPP, en cette année du Chien aille lécher ses plaies.

NB : dans ses retranchements, le DPP confirme sa volonté de ligne dure, face au continent : perdu pour perdu, finis, les accommodements ! 

 

— Contre deux sinistres, deux lois en gestation!

[1] l’incendie. Même si son nombre a baissé de 6,7% en 2005, à (quand même) 236.000 feux et 2500 morts officiels, la Chine n’est pas contente : avec 2800 casernes de pompiers, elle n’a que la moitié du nécessaire, et 700 cantons négligents. L’on est loin de la norme internationale qui prescrit une caserne par 7km². D’ou la future loi du contrôle du feu, allumée par la division « incendies » du MSP (Ministère de la Sécurité publique).

Le texte renforcera les normes, contrôles et sanctions en cas de négligence—y-compris contre ces gérants de cinémas ou boîtes qui enchaînent les issues de secours pour coincer les resquilleurs, causes inconscientes d’effroyables drames – ils encourent des décennies de prison.

[2] le SPAM sur téléphone portable.

Au terme de la loi des télécoms préparée par le ministère des industries de l’information (MII), la carte prépayée anonyme sera bannie. Arme à double tranchant: le texte remettra de l’ordre sur ce marché de 8000 prestataires de services pour 388M usagers. Il pourfendra les escrocs, émetteurs de pubs, messages bidons, ou virus pour portable, déjà imminent en technologie blue tooth.

Mais la loi privera aussi de son anonymat tout dissident. Sondés sur cette atteinte à leur intimité, les usagers sont mitigés: 42% pour, 45% contre. Les opérateurs, eux, perdront de l’argent à recueillir les identités: jusqu’à 25M$ par réseau, pour une disposition finalement très politique, et inconnue dans les pays libres.

 


Temps fort : Guangdong, la patate douce chaude de la Chine

A Dongzhou (Canton) en décembre 2005, dans une émeute, de 3 à 30 paysans tombaient sous les balles.

Le 14/01, le scénario se répète à Sanjiao (Zhongshan).

Même cause – l’expropriation de 12 hectares, où les 18000² /ha de compensation ont été détournés.  Même film : sit-in, manif, frappe.

Même bilan : une fillette battue à mort. Mais après les faits, la gestion contradictoire du pouvoir, suggère son désarroi:

[1] le silence de la famille est acheté : pour 13.000²,le décès est maquillé en «arrêt cardiaque sans lien avec la manifestation».

[2] Chen Genkai, maire de Zhongshan appelle les cadres de Sanjiao à «entendre les justes plaintes des villageois et à leur offrir une réponse sérieuse». Faisant écho à Wen Jiabao, le 1er ministre pour qui«les saisies sont une clé à la stabilité rurale » ! 

D’autant que ces tensions explosent dans un Guangdong ravagé de corruption, où les affaires investiguées en   2005 frisent 4300M² : vingt fois le chiffre de 2004, pour un montant récupéré de 127M².

Tel dérapage, en la province la plus moderne, ne peut qu’interpeller le pouvoir sur le rôle de Canton comme modèle d’avenir !

A cette explosion du vice et des violences, 2 raisons apparentes :

• 天高皇帝远, «le ciel est haut et l’Empereur est loin»: Canton a toujours été la province frondeuse, et sa langue distincte, n’affaiblit pas le sentiment identitaire.

• Zhang Dejiang (59 ans), Secrétaire du Parti nommé par Jiang Zemin, est un dur, formé en Corée du Nord, hostile à toute atteinte aux prérogatives du Parti. Il semble aussi inamovible —ayant survécu aux limogeages du SRAS (Syndrome respiratoire atypique sévère) en 2003. Peut-être ce bilan médiocre est-il médiatisé, pour servir de levier à son remplacement !

 

 


Petit Peuple : Changchun, la garçonne aux pieds de cheval

Pourquoi Yin, à Changchun (Jilin) voulut-elle changer de sexe?

Son visage hommasse y prédisposait certes, et son état de chômeuse pouvait l’inciter à de troubles rêveries, voire à la révolte.  Yin ne manquait pourtant pas de charme, ayant conquis le coeur d’un homme. Quoiqu’il en soit, en juillet ’05, elle s’habilla en garçonne et obtint peu après ce qu’ elle cherchait  : une Melle Xiaoya tomba pour «lui», Ren Feng! La suite s’enfila comme un engrenage bien huilé. La cousine de Xiaoya cherchait un meilleur job: se targuant d’un oncle imaginaire, ponte d’une corpo provinciale, «il» lui offrit un poste, moyennant 2000² pour un sous-fifre. La tante paya sans sourciller. Une semaine après, «pas de chance,  le cadre était muté» : elle obtint encore 1000², «pour son remplaçant». Cependant, peu futée mais réaliste, Yin savait bien qu’elle chutait dans un puits sans fond. Elle voulut en finir avec panache et 露马脚 (lou ma jiao), dévoiler le pied de cheval– la faute d’une femme. Le 19/9, recevant l’appel de son amoureux, elle lui répondit amoureusement. Furieuse, Xiaoya lui arracha le combiné pour défendre son bien -son homme. L’intruse alors lui fit cette réponse d’anthologie,  qui l’acheva : « le gars, c’est moi, Yiqun, et l’autre en face, n’ est pas ton mec, mais ma nana ! » 

Depuis, Yin passe enfin des nuits tranquilles —en prison. En définitive, sa faute aura été d’approuver trop fidèlement  le préjugé de sa société envers la femme, et d’ avoir voulu goûter à son tour ce pouvoir machiste pervers – en se faisant loup, pour hurler avec ses frères !