Le Vent de la Chine Numéro 21

du 11 au 17 juin 2006

Editorial : Débat interne du Parti : Hu Jintao tranche et gagne !

Deux anniversaires explosifs viennent de passer, alors que se poursuit dans les sphères du Parti un débat crucial et idéologique,  forçant ainsi Hu Jintao, Président et 1er Secrétaire, à imposer sa ligne.

Il s’agissait du 17ème anniversaire du massacre de la place Tian An Men (3/6/’89), et du 40ème de la Révolution Culturelle (16/5). Le débat opposait réformateurs (Hu Jintao – Wen Jiabao) et le cercle de l’ex-Président Jiang Zemin, renforcé par les «nouveaux gauchistes» retournés des US : faut-il interrompre la réforme, le temps de régler les dysfonctions du système néolibéral ? 

Ce débat ultrasecret est nourri par l’exaspération des masses, face à l’enrichissement inégalitaire, et à la corruption qui en 2005 causa le détournement de 60% des 77MM² octroyés par l’Etat aux paysans à travers 20 provinces, tandis que dans le même temps, 64% des ventes foncières (pour 53% des surfaces) étaient constatées illégales.

Au coeur de cette tempête réapparut (4/06) une figure absente depuis janvier pour maladie officielle : Huang Ju, vice 1erMinistre, proche de Jiang. Son remplacement comme Secrétaire du Parti à Shanghai était un enjeu important, susceptible de donner à Hu plus de marge d’initiative réformatrice. A présent son retour suggère un renforcement inopiné des conservateurs ! 

Par contre le 5 juin, un éditorial du Quotidien du Peuple donne la tendance inverse : «Cap maintenu sur la réforme» ! Même s’il précise en compromis transparent, que « le socialisme doit rester associé à l’économie de marché », Hu Jintao semble avoir imposé sa ligne – pas de retour en arrière !

Un autre RV-phare intervenait le 5/06, jour mondial de la Terre. Il permit au pouvoir d’ avouer l’évidente dégradation de l’environnement. Zhu Guangyao, vice directeur de la SEPA (l’administration nationale de protection de l’environnement) dénonça pour 2005, 200MM$ perdus en pollution de l’air et de l’eau, 10% du PIB, prix à payer pour une politique qui ne se donne pas les moyens de ses objectifs, « parfois même battue en brèche par les niveaux intermédiaires » !

Et pour tant rien de ce battage de couple n’empêche le Conseil d’Etat, le même jour, d’autoriser le barrage de Baihetan (Yunnan), futur 3ème nat’l, pour une capacité de 12GW, supposant une forte pollution supplémentaire: le régime exprime ainsi en matière d’environnement les mêmes contradictions  que dans son débat sur la réforme.

Sur le fond, il trahit la lassitude d’un pays après 20 ans de croissance à rythme forcené, et les difficultés des deux branches du pouvoir à trouver les compromis utiles pour faire tourner la maison-Chine !

 

 


A la loupe : Croisade pour la protection de la vie privée

Rarissime en Chine, ce sondage du Journal de la Jeunesse, auprès de 4.000 citoyens veut éclairer un angle mal connu de leur vie : le degré d’intimité dont ils jouissent et la confidentialité de leurs données privées.

Les résultats sont stupéfiants. Ils sont 92% à estimer « probable » la fuite de leur dossier administratif dans le secteur privé. Ils ont de bonne raison : 53% reçoivent parfois, 40% fréquemment, des sollicitations commerciales, ciblées sur eux avec une troublante précision. Le couple avec bébé se voit prier d’acheter lait ou poussette. Le divorcé est harponné par l’agence de remariage. L’acheteur d’une voiture reçoit la meute des assureurs… Par tél., fax, SMS ou visites, les harceleurs leur démontrent qu’ils savent tout sur eux, des dates d’anniversaires à l’orientation de leurs fenêtres (importante pour leur 风水 fengshui ou énergie propice), sans parler du numéro national d’identité.

Comment ces compagnies ont-elles acquis un tel savoir? Par des intermédiaires, qui écoulent ces données publiques à la demande du client. Souren, portail internet propose les fichiers de 90M d’âmes. Aux stations de métro, on vend les listes des «chauffeurs de célébrités», des patrons (par secteur), des acheteurs d’appartements… Les firmes vendeuses les tiennent des mairies, des ministères, de la police. Le résultat donne le vertige : cette nébuleuse digne de George Orwell (1984, « Big Brother ») sait prévoir à l’avance les besoins de ce marché « captif » et fait ses offres quasiment avant qu’il en prenne conscience : grave atteinte à l’intimité, sans parler de la distorsion de concurrence!  

Cette déviation dévoile un passé mal maîtrisé : durant la Révolution Culturelle, l’intimité était tenue en suspicion, « décadente ». Seul le bourgeois avait des choses à cacher. Les cadres qui trahissent leur devoir de réserve, peuvent se justifier par cette vieille opinion. Mais les choses évoluent, comme l’exprime le sondage du Journal de la Jeunesse : 74% des personnes interrogées attendent une loi de protection des données privées. Or celle-ci existe, en chantier depuis 2003—sans cesse reportée, par crainte d’exposer la faute des cadres. La Chine s’éveille, n’accepte plus ce vieil abus, et exige l’intronisation d’une vertu encore peu connue en cette région du monde : le  respect mutuel !

 

 


Joint-venture : Cathay + Air China — n°1 mondial?

— En juillet 2004, le verdict du Bureau national des brevets avait résonné comme une cymbale dans le ciel industriel chinois, en annulant à Pfizer la licence du Viagra – 12 compagnies locales se préparaient à recopier à bas prix cet adjuvant d’amour.

Le n°1 mondial du médicament avait fait appel. Bien lui en a pris : le 4/06, un tribunal de Pékin rétablit le brevet. Bien informé, Pfizer n’avait pas attendu pour annoncer l’introduction en Chine de 20 autres de ses molécules avant 2010. Les 12 candidats copieurs perdent la partie. Quant aux pirates ayant produit le Viagra sans licence, ils risquent gros: à Shaoxing (Zhejiang), Wang Weiping est condamné à 10 ans de prison et 196.000² d’amende pour avoir contrefait près de 2M de pilules de Viagra et de Cialis de faible qualité, mettant à risque la santé de l’utilisateur.

NB : le médicament piraté occupe 10% du marché chinois, 35MM$/an. Une récente enquête dit que les labos chinois baissent en qualité face à l’étranger, du fait d’un insuffisant encouragement fiscal à l’innovation, d’une politique de prix inadaptée et de l’effort insuffisant dans la recherche. Sur les 200 groupes locaux, la plupart se cantonnent aux produits génériques (interféron, insuline), à 20 gammes de produits, dont seulement 3 brevets propres. Dans ce contexte, la restitution à Pfizer de son brevet, force le secteur à se remettre en cause !

— Une symphonie  fantastique financière se joue entre Cathay Pacific et Dragonair, Air China et CNAC (la corporation nationale d’aviation), les géants aériens de Hong Kong et de Chine.

1MM$ et des paquets d’actions permettront à Cathay le rachat complet de Dragonair dont il détenait 18% des parts. Il reprendra les parts qui lui manquent à Swire (7,7%), Citic Pacific (28,5%) et CNAC (43,3%) -c’est à dire Air China sa maison mère.

Cathay doublera aussi à 20% ses parts d’Air China et lui cédera en échange 10% des siennes. Pour Cathay -qui venait de perdre en mars 25% de ses profits dans la flambée du kérosène- c’est l’accès à la terre promise chinoise, qui l’avait chassée en 1990. L’accord lui restitue les 23 lignes ouvertes par son cadet en 16 ans. D’autre part, à demi-chinois désormais, Cathay verra l’espace aérien continental dérégulé à son seul profit, et va aussi réduire sa concurrence vers Taiwan -ligne ultra profitable.

Pour Air China, la mariée n’est pas moins belle, reprenant 10% d’un groupe fort de 97 avions et 92 lignes mondiales, sacré «transporteur de l’année». Cathay lui offrira un ravalement technique à étape forcée, accélérant son ascension au club très fermé des grands de ce monde. Les deux groupes conçoivent au passage le n°5 mondial du fret (associant China Eastern, cf VdlC n°20).  Mais surtout, c’est le 1er transporteur mondial qu’ils annoncent, préparant l’intégration des lignes et du parc volant.

Pas de changement de marque à attendre pour l’instant : le nom de Dragonair est assuré, pour au moins 6 ans !  

 

 


A la loupe : Gaokao, le grand saut dans le noir

Pour les 16-18 ans, les 7 et 8/06 étaient le temps du saut dans un terrifiant inconnu, roulette russe des études: c’était le Gaokao, concours ultra-sélectif d’entrée aux 1020 universités, 9,5M de candidats pour 2,6M de places. Les neuf années précédentes, au lycée, avaient sapé la moitié des élèves, les autres s’accrochant à force de bachotage nocturne, qui en laissaient 30% dépressifs et autant de myopes.

Pour ce passage décisif, les parents ne reculèrent devant aucun sacrifice, ni l’hôtel  réservé à deux pas du centre d’examen, ni le cuisinier recruté pour ses menu légers, énergétiques et anti-stress, ni la semaine de congé prise pour entourer le fiston dans ses dernières révisions.

Alors, la superstition règne en maître : tant de mères ont été brûler l’encens au temple bouddhiste, puis prier à l’église -deux précautions valent mieux qu’une. Le taxi fut commandé en fonction des chiffres auspicieux de sa plaque. Les parents furent aussi nerveux que les jeunes—76% avouant souffrir d’insomnie! Les mairies ou les parents détournèrent ou stoppèrent le trafic, pour assurer le silence à l’exam.

Le Gaokao est offert en deux sections, scientifique et littéraire. Calqué sur le modèle américain, il propose des questions à quadruples réponses, pour une évaluation impeccable des connaissances. En lettres, à Shanghai, la dissertation eut un sujet novateur et peu conventionnel : « Je veux prendre ta main » !

Mais l’injustice rode, d’abord sous la forme de la triche électronique : en 2005, 1700 candidats furent pris sur le fait, et 30 réseaux démantelés —les réponses parvenaient par wifi ou par texto. Autre problème, le  favoritisme : le jeune Pékinois n’a besoin que de 615 points (en 2005), contre 688 aux jeunes provinciaux du Shandong. Le Pékinois est assuré d’intégrer à 70%, contre 25%, moyenne nationale ! 

Malgré ces défauts, le système a accompli une remontée remarquable : les jeunes en fac sont aujourd’hui 23M, soit 21% des 18-21 ans, contre 9,8% en 1998. En 9 ans, les admissions ont triplé : marquant la volonté du pays, de former en nombres suffisants ses cadres de demain, tout en modernisant le savoir, désormais accessible à beaucoup plus !

 

 

 


Argent : China Gas (Shenzhen) s’offre une casquette d’explorateur

— Publiée par un organe officieux, l’évolution des prêts bancaires a de quoi surprendre.

Ensemble, en mai 2006, les quatre Soeurs CCB (Banque de la construction), ABC (Banque de l’agriculture), ICBC (Banque du commerce) et BoC (Banque de Chine) ont prêté 10,5MM², soit 33% de moins qu’en avril (16,6MM²), et presque la moitié de janvier à mars (moyenne 19,6MM²).

Ceci suggère que le pouvoir parvient effectivement, par sa nouvelle politique de taxation, à étrangler le crédit  d’investissement, sauf (cf Vdlc n°20) celui destiné à alimenter les achats de valeurs boursières. Ce qui a déjà des conséquences visibles dans les investissements fixes en milieu urbain : sur 12 mois, leur avancée qui était de 32,7% au 1er trimestre, chute à 29,6% en y incluant le bilan d’avril.

China Gas, le distributeur dans 49 villes (n°2 national avec 720.000 foyers et 1.300 groupes clients) poursuit son avancée en créant avec Dalian (Liaoning), le 7/06, une JV de distribution à 100M², dont 75% à sa charge.

L’affaire va quasi-doubler le nombre de ses clients avec 650.000 hts (10% de la population), sans compter 6.000 usines. A Chongqing, l’affaire qu’il conclut est  plus modeste, 6M² pour 38% de Din Fat, dont il devient 2ème actionnaire. Mais ce faisant, China Gas accède à l’exploitation et l’exploration, métiers nouveaux. Tout en s’assurant un approvisionnement  grâce aux 40 gisements de ce groupe, et à la promesse de la compagnie nationale pétrolière – CNPC (liée à cet achat) de lui livrer 500Mm3/an. Et surtout, c’est un 1er pas que China Gas veut faire suivre d’autres, au Sichuan et en Mongolie. Expansion nécessaire, car à l’instar de Panva et XinAo, ses concurrents, China Gas ne gagne que sur les installations initiales, par sur les ventes – les municipalités bloquant les prix !

 

 


Pol : La revanche gabonaise de l’acier chinois

— Pour l’an passé, après des mois d’hésitation, le Ministre de la santé osait réviser en baisse son estimation des cas de SIDA en Chine, 650.000 pour l’an passé, 210.000 de moins, alors que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) tablait sur 1,5M !

Or l’UNAIDS – l’agence des Nations Unies contre le Sida-  (5/06) valide ces chiffres, dits «plus détaillés et présentables… Le coût social du SIDA est aussi quantifié : 28MM² sur 5 ans, et 1,6MM² en pertes agricoles. Ce second chiffre paraît quand même léger, vu la pénétration présumée du virus en milieu rural (par vente de sang, et par héroïnomanie avec seringue partagée), du Xinjiang au Henan… Enfin, le principal risque sera peut-être de maintenir la mobilisation en Chine, après cette divine surprise !

— Coup de maître et coup de Jarnac chinois au Gabon, le 5/06. CEMEC, groupe national de l’équipement, et Sinosteel évincent le Brésilien CVRD et le Français Eramet, avec qui ils tentaient depuis 14 mois d’obtenir conjointement à Belinga, (500km de Libreville) la concession de la mine de fer, riche de 1MM t de minerai à haute teneur.

C’est un peu la réponse de la Chine à CVRD, qui a réussi comme prévu à lui imposer après trois mois de litige, une hausse de 19% de ses imports de minerai de fer. Conscient de sa vulnérabilité, Pékin a décidé d’emporter seul cette mine, à n’importe quel prix : il assume les frais d’installation de deux lignes ferrées, du port en eau profonde à Santa Clara (côte Atlantique), du barrage hydroélectrique nécessaire à l’exploitation, au bas mot 500M². Tout en promettant, bien sûr, d’emporter 100% de la production (prix resté secret, comme les parts du Gabon et de la Chine dans la JV). A ces conditions, Pékin emporte l’exclusivité des droits d’exploitation. Quoique l’offre brésilienne ait comporté de meilleures garanties écologiques, d’emploi local et de «gestion transparente».

Dans cette affaire, un petit détail a pu faire la différence : Jean Ping, le ministre des affaires étrangères, est de père chinois, et Omar Bongo, le Président, a déjà été  9 fois l’hôte de la Chine!

— D’ordinaire, quand un avion s’écrase en Chine, la presse en fait sa «Une». Surtout si la catastrophe cause 40 morts. Pas dans le cas du crash du 3/06, où un appareil inconnu a heurté une montagne à Guangde (Anhui), à 200km de Shanghai. L’enquête a été confiée au Général Guo Boxiong en personne, le n°2 de de la CMC, la Commission nationale militaire – c’est-à-dire le patron de l’armée. On n’en saura guère plus.

Les jours suivants, des rumeurs sourdent de Hong Kong : il s’agissait d’un avion-espion à la pointe de la recherche -peut-être le KJ-2000, copie chinoise de l’AWACS. Sa perte constitue le plus lourd désastre de l’histoire de l’armée de l’air chinoise. Parmi les victimes, figurent 35 électroniciens.

Cet accident rappelle celui subi par un sous-marin secret en 2003, entraînant le décès des 70 membres d’équipage -on ignore toujours pourquoi. Pour combler son retard vis-à-vis des autres puissances en matière de technologies d’armement, la Chine n’a d’autre choix que de prendre de lourds risques !

 


Temps fort : Netcom quitte l’étranger, China Mobile s’y plonge!

En 2003, Netcom, n°2 du téléphone fixe (118M d’abonnés), achetait Global Crossing : 19.500 km de fibre optique à haut débit entre Singapour, HK, Philippines, Corée et Japon. Rebaptisé Asia-Netcom, c’était le plus gros investissement chinois en télécoms hors frontières, 89M$ de reprise et 120M$ d’argent frais – Gl.C avait 500M$ de dettes !

Aujourd’hui cependant (5/06), Netcom cède l’outil pour 402M$ à un pool financier anglo-américain dirigé par Ashmore. Quarante repreneurs étaient sur les rangs, vu le décollage en Asie du marché des télécom à large bande. Les nouveaux patrons recruteront plus d’employés (400 à présent) et tireront la ligne jusqu’ à Qingdao (+350km), pour desservir la Chine du nord, pour sa clientèle de 10aines de multinationales. Le choix se posera en 2008 : réinvestir, ou revendre !

Netcom a eu de la chance, de revendre au bon moment. Il élague un outil resté peu rentable, avec 120M$ de chiffre en 2004, 170M en 2005. Surtout, il devra réunir sous peu, 2,5MM$ pour équiper son réseau de téléphone 3G, tout en créant sa nouvelle Cie de lignes haut débit – une JV avec IPTV et Shanda, ce dernier pour les jeux en ligne.

L’intermède Global Crossing aura été du temps perdu. Netcom avait alors anticipé l’ambition aujourd’hui générale, des groupes chinois à s’exporter. Le plus faible sur son marché, il avait cru s’offrir une «vache à lait étrangère» pour financer ensuite son expansion intérieure. Mais ne s’improvise pas téléphoniste global, qui veut !

Aujourd’hui, le même pari est repris : China Mobile paie 5MM$ pour Millicom (Suède), 9M d’abonnés entre 16 pays d’Afrique, d’Amérique Latine et d’Asie. Faisant preuve du même audacieux opportunisme que Netcom en 2003!

 

 

 

 


Petit Peuple : A Wuhan, l’île aux garçons

A travers ses media, la société chinoise observe non sans fierté ses enfants, sa nouvelle génération d’experts diplômés des universités, qui prend aux postes de direction le relais des Gardes Rouges.

Ils ont la vie plutôt douce, roulent en voiture importée, vivent en duplex et ne craignent pas de passer le Chunjie ou les congés d’août en Europe, aux US.

A 28 ans, Zou Zhengyan, chef de marketing informatique à Wuhan (Hubei), n’a qu’un souci : celui d’être resté célibataire, quand tous les autres ont convolé. Non qu’il craigne sa solitude : simplement, ce jeune homme simple et sérieux n’a pas trouvé le temps de chercher l’âme-soeur, persuadé qu’il la reconnaîtrait quand elle se présenterait !

Mais en attendant, que de tracas ! Il est gêné chez les amis, car ce sont eux qui font les commissions et la cuisine. Passer les soirées au foyer de l’entreprise, ne va qu’un temps. Aussi résolut-il de s’enterrer chez lui.

Bientôt vint la surprise: désertant leur nid d’amour, les copains vinrent le retrouver en sa tanière convertie en 精神乐园 jing shen le yuan, paradis psychique et jardin des plaisirs -ou zone libérée de leur joug conjugal. Tous les prétextes étaient bons: coup à boire, match à la TV et bien sûr, les  coups de noroît (fréquents) avec leur moitié… Un soir Zhengyan leur fit remarquer qu’il avait lui aussi droit à son intimité. Tant pis pour toi, s’esclaffèrent-ils, tu es le seul resté libre. Ca se paie ! Réponse saumâtre, car au bureau aussi, sous le prétexte hypocrite d’accélérer sa promotion, c’est invariablement sur lui que retombaient les missions!

Excédé par ce haro sur le vieux garçon, Zhengyan s’est fait une raison, et cherche femme, comme tout le monde – n’importe laquelle!

L’anecdote prête à réflexion. Comme un seul homme, la société s’était défendue contre la dissidence que manifestait le célibat de Zhengyan. Elle avait puni l’électron libre, pour n’avoir pas jeté l’ancre de ses atomes crochus.

Parfaitement conscient du risque de mise au ban, le jeune cadre reçut son message « 5/5 », et obtempéra, afin de récupérer ce qu’il lui resterait d’intimité. A défaut d’une découverte amoureuse désormais bien improbable, il y avait plus urgent : rentrer dans le rang !