Le Vent de la Chine Numéro 27

du 4 au 10 septembre 2005

Editorial : LA CHINE ET SES ALLIÉS: US, UNION EUROPEENNE!

Semaine passée, chacun pour soi, l’Union Européenne et les USA mandaient leurs hommes à Pékin, pour tenter de trouver un accord, et rétablir le flux textile de Chine vers leur continent.

Quoique dans des styles très différents, les deux démarches connurent l’échec – normal, au fond, vu la complexité des circuits commerciaux, leur ampleur, et l’extrême minceur du délai pour les modifier.

La surprise vient de la volonté de Bruxelles de jeter l’éponge, rouvrir les frontières sans conditions aux vêtements coincés en douane.

 « Il n’y a pas le choix », dit le commissaire Mandelson, confronté à l’arrivée d’1M de pièces/jour, et déjà 84M en dépôt, tandis que le négoce attend fiévreusement sa collection d’automne. Bruxelles ne cache pas son désir (inspiré de Tony Blair) de rétablir la liberté du commerce, par une hausse des quotas : nul doute que les Etats membres du sud, France comprise, auront du mal à avaler cette potion amère ! 

Le négociateur américain D. Spooner suivait une approche plus agressive, aiguillonné par son lobby textile – contrairement à l’Union Européenne, l’Amérique n’a pas restructuré son industrie, qui souffre de l’ouverture  des frontières (-26000 jobs depuis janvier). A terme, ce sont 40 quotas qu’il vise, avec hausse de 7,5%/an jusqu’en 2008. Les US voient dans l’impasse des négociations de l’UE la « preuve » de l’utilité d’une ligne dure face à la Chine. Dans ces conditions, l’échec américain était consommé d’avance, suite à quoi les US ont réintroduit deux nouveaux quotas (avertissement!), avant de prévenir que quatre autres pourraient suivre, fin septembre !

Cette semaine, ces échanges se poursuivent à niveau plus haut encore! Avec G.W. Bush, à Washington (5-8/9), Hu discutera de Taiwan, Corée du Nord, arme nucléaire, mais aussi  partenariat monétaire et énergétique.

Tandis qu’avec Tony Blair et le Président de la Commission J.M. Barroso, à Pékin (5/9), le Sommet de l’Union Européenne présentera des coopération en finances et services, en lutte anti-piratage et en écologie, en aviation civile… Morcelée en 25 pays, aux passés et normes différents, l’Union Européenne a été contrainte d’investir dans des techniques et produits supranationaux, que ce soit en droit, communication ou tout domaine.

Avec pour résultat de se retrouver  à la pointe du progrès mondial en automation, aviation, et bien d’autres. Techniques dont la Chine besoin, et terreau d’une coopération d’avenir!

 


A la loupe : Droit: un lent réchauffement climatique!

En 1998 de passage à Pékin, Mary Robinson (Irlande), Haut Commissaire des Nations unies aux Droits de l’Homme, obtenait la signature de la Charte internationale sur les droits civils et politiques.

Aujourd’hui, (29/08-1/09) son successeur Louise Arbour (Canada) poursuit dans la même veine et signe un agrément, pour l’accélération de la réforme judiciaire, prélude incontournable à la ratification de cette charte. Au même moment pourtant, lors d’un symposium d’Asie Pacifique, Tang Jiaxuan, conseiller d’Etat conservait le vieux langage officiel, réitérant le « droit souverain des Etats à décider de leurs Droits de l’Homme ».  

Durant ce séjour, 70 habitants de Panyu (banlieue de Canton) se lançaient dans une grève de la faim devant leur mairie, que n’interrompit pas l’arrestation de trois de leurs leaders. Cette action entendant obtenir la démission du maire (accusé de concussion sur le produit de la vente de terres collectives), démontrait l’existence en Chine-même, d’une demande en ces mêmes droits que Mme Arbour venait réclamer au nom du monde.

Force est de constater l’évolution rapide en ce domaine, bouffée de printemps en automne. Notre dernier n° annonçait la restitution de terres spoliées à Shengyou (Hebei). A Chengguan (Gansu), 113 foyers paysans au courant de leurs droits ont osé porter plainte (31/8) contre leur mairie pour un préjudice similaire, réclamant 2,5M² de dédommagement : Le Quotidien du peuple a publié la nouvelle. Peut-être entre t’on dans une ère où le centre, conscient des risques d’explosion liés aux abus, devient la sphère de l’écoute et de la compensation, tandis que la périphérie demeure (tels autrefois les fiefs féodaux), le siège de l’ordre ancien, sur fond de discrimination et d’autoritarisme !

 

 


Joint-venture : CNPC touche le gros lot à Caracas!

RGM est un groupe privé indonésien présent de longue date en Chine dans l’agro-alimentaire (Asian Agri), les hydrocarbures (Pacific Oil & Gaz) ou d’ingénierie (Pec Tech).

A l’occasion de la visite du vice-Prsdt indonésien Yusuf Kalla (31/8), RGM vient de faire connaître son projet de placer en Chine, avant 2010, 6MM$ (autant que son propre capital!) dans des projets d’envergure, telle la centrale à gaz à cycle combiné de Xiamen. Cet outil lui permettra d’avoir sur place une clientèle éminemment solvable, et la valorisation de son propre GNL qu’il exporte.

NB: cette annonce vient en marge de la 2de foire indonésienne à Pékin, suivie par 100 firmes du pays tropical, et  200 chinoises. Pékin augmente fort ses imports de pétrole d’Indonésie, et réduit sa note en élargissant ses exports: alimentant des échanges bilatéraux de 13,5 MM$ (+32%). Avec ces échanges vifs avec ses voisins, la Chine s’apprête à dépasser le Japon comme moteur de la croissance asiatique. La visite du vice Président indonésien a aussi permis de convenir un échange de consulats : Surabaya contre Shanghai.

CNPC, la compagnie nationale pétrolière, remporte une  étape de la course à l’or noir.

En janvier, le vice-Président Zeng Qinghong était au Venezuela, aux rapports tendus avec les USA, et lui accordait son soutien et 700M$, pour des constructions de logements sociaux. Les 1-2 /8, R. Ramirez, Ministre de l’énergie était à Pékin pour ouvrir le bureau local de sa compagnie d’Etat Petroleos de Venezuela (PDVSA).

Or, un mois après (28/8), CNPC signe avec PDVSA un accord pour développer les champs de Zumano, crédités de 400M de barils de réserve, sans compter 1,2 MM  m3 de gaz. PDVSA compte livrer à la Chine d’ici 7 ans, 300.000 barils/j, quadruplant l’effort actuel. Pour ce faire, Caracas devra investir 56MM$ pour doubler sa production à 5,1MM barils. Si tout va suivant les plans, le pays d’Hugo Chavez assurera en 2012, de 15 à 20% des besoins chinois en brut importé. A comparer aux 30% déjà fournis par l’Afrique (Soudan, Angola…): cette stratégie pétrolière chinoise post-maoïste (s’approvisionner auprès des nations en bisbille avec l’Amérique) prouve son efficacité!

— La CSRC, la China Securities Regulatory Commission, a fini par bénir les JV de marchés à terme entre Macao, HK et le continent.

La Chine ne compte que 8 marchés, et 3 de ces bourses échangeant les achats différés de matières 1ères: cuivre, latex, alu et pétrole à Shanghai, graines et tourteau de soja à Dalian, blé et coton à Zhengzhou.

Mais depuis 2004, des partenariats attendaient le feu vert pour vivre. Tous les verrous d’usage sont en place – histoire de limiter les risques de mainmise extérieure : minorité obligatoire de l’étranger dans la JV, PME s’abstenir (au moins 5M² d’invest requis), et même droit pour la tutelle, de refuser toute demande, où l’acteur étranger s’enhardirait à réclamer plus que 10% des parts !    

 

 

 


A la loupe : Une voie lactée chinoise!

Il n’allait pas de soi, ce rapprochement entre Mengniu, la locomotive blanche (n°1) du lait chinois, et Arla, (suédo-danois) n°1 européen.

En moins de 15 ans, le métier du lait en Chine a explosé, suite à la stratégie du régime de se doter d’une puissante filière nationale. Ses banques et ses tutelles ont octroyé leur soutien financier et technique aux industriels locaux, tout en évitant frileusement toute coopération avec le monde occidental afin de garder la maîtrise de son vertigineux marché vierge. L’explosion de la production a porté le nombre de vaches laitières de 470.000 en 1980 à 7.6M en 2003, pour 18.3 Mt/an.

Résultat : en une génération, la Chine s’est mise au lait frais, aux yaourts et à la glace au lait, jusqu’ alors inconnus et que l’organisme ne supportait.

Face aux JV, l’attitude change, à présent que Mengniu, Yili ou Sanyuan, ont assez poussé pour ne laisser de place pour l’étranger qu’à Unilever (glace), Nestlé (tous produits) ou Danone (yaourt). Autre élément favorable au mariage : le scandale en 2004 d’un lait en poudre frelaté, ayant causé la mort de 10aines de nourrissons, discréditant momentanément ce type de produit.

Le deal associera le savoir-faire d’Arla (qui fête ses 134 ans et franchit le cap des 6,5MM² de chiffre en 2004), au puissant réseau de distribution du groupe mongol (4500t/j). La JV au capital de 18M² comportera un invest de 54M², dont  49% pour Arla et pourrait produire 20.000t/an de lait en poudre -dont une part qui viendra d’Europe, dans un 1er temps.

Mengniu, qui comme tout le secteur en Chine, perd de l’argent, trouve chez le partenaire un financement et une réputation appréciables : c’est du « tout bénéfice », puisque le produit sera commercialisé sous son propre nom!

Quant à Arla, il entre sur ce grand pré de vaches aux yeux bridées, sautant sa grande Muraille réglementaire. Il y rejoint son rival, Nestlé, n°1 mondial! Comble de «malchance» (mais est-ce bien le cas?) : le géant de Vevey vient d’être contraint en juin par le régulateur, relayé par une campagne de presse habilement ciblée, à retirer quelques semaines deux de ses laits en poudre, accusés d’un taux d’iode trop élevé : la place est ainsi libérée pour la JV

 


Argent : Shanghai Electric tâte du nucléaire

— Le grand saut décidé par la Chine, vers la filière nucléaire, le plan annoncé de deux centrales par an sur 15 ans, crée des remous dans la mer de son économie.

Shanghai Electric se lance dans un programme d’investissement, à concurrence de 190M², avec pour ambition affichée, de conquérir 30% de ce marché. Il faut dire que pour les électriciens, les temps sont  fastes.

Shanghai Electric  dont Siemens est actionnaire, voyait au 01/4 son patrimoine évalué à 515M². Au 1er semestre, ses profits (division énergie) atteignaient 120M² (+147%). Ce, malgré le fait que 70% des coûts de production viennent des mat. 1ères, (40% pour l’acier). Parmi ses cartons du semestre, comptent une double cellule chaudière /turbine de 300MW pour l’Inde (à 136M²), et 2 centrales à charbon de 600MW à Liulin (Shanxi), pour 2,8MM².

En énergie atomique, Shanghai’Elecvient de s’assurer le contrat d’un élément-clé des îlots nucléaires, pour le doublement programmé de la centrale de Qinshan, moyennant 88M². Ce n’est qu’un début !

— La recomposition du paysage bancaire chinois se poursuit à rythme spatial (cf vdlc n°26).

Après avoir fait entrer dans son capital RBS (Scotland) et Temasek, la Banque de Chine (BoC) choisit les parrains de son futur titre en bourse de Hong Kong : Goldman Sachs, UBS et BoC Int’l, sa filiale HKgaise. Pour ce privilège, UBS paye 500M$

De même, ICBC annonce ses partenaires. Pas de surprise, Goldman Sachs, Allianz et AmEx se partagent 10% de  son capital, soit 3MM$ d’invest. Quant à CCB, dont les partenaires seront la banque d’Amérique (BoA) et Temasek, aux deux souscripteurs de son futur titre (Morgan Stanley et CICC), elle rajoute un 3ème larron,  CSFB, qui paie pour cela un pas de porte de 500M$!

NB : On s’étonne un peu de ne plus entendre une seule des rumeurs critiques, pourtant lourdes, qui flottaient entre NY, HK et Shanghai-même, sur la santé et les pratiques de ces banques d’Etat…

 

 


Pol : Insécurité minière : trop, c’est trop !

— Avec 18 morts par jour depuis 6 mois (contre 40/an aux US), les accidents miniers sont un scandale que la SACM ne veut plus tolérer.

Jusqu’à la moitié des 24.000 houillères privées sont dangereuses, sous-équipées et surpeuplées. Plus grandes et lucratives, les mines d’Etat sont en meilleur état, et plus soucieuses des normes. Aussi la SACM décrète (30/9) l’arrêt avant fin décembre 2005 de 7000 de ces mines privées, le temps de se mettre aux normes, ou bien de fermer à jamais. Telle injonction était restée lettre morte par le passé, du fait de la protection des cadres locaux : ils auront jusqu’au 22/9 pour retirer leurs participations dans ces firmes. Le cadre local assume la responsabilité de la fermeture, sous peine de «sanction sévère».

D’autres mesures-choc accompagnent le plan, telle la formation obligatoire de tout mineur, et une panoplie d’amendes, retraits de licence ou prison aux propriétaires de mines sans scrupule, en cas de coup de grisou ou d’inondation.

— Réservé aux seuls Chinois, le 40ème anniversaire de l’autonomie du Tibet fut fêté à Lhassa du 20/8 au 10/9.

Manière de faire le point sur les efforts sérieux consentis pour moderniser et enrichir le Toit du Monde. Afin de s’équiper en infrastructures (télécom, énergie, routes), le Tibet a bénéficié de 240M² de prêts de la CDB, la China development bank, et de 9,7MM ² de financements directs. 222 projets en tous genres ont été déployés, dont 117 depuis 2001, en hôtels, hôpitaux, théâtres, stades…

Le plus ambitieux est sans doute la très stratégique liaison ferroviaire Qinghai-Tibet, presque achevée après 5 ans de travaux pour un coût estimé de 2,53MM². Sa longueur de 1142km en fait, disent les propagandistes, la plus longue du monde, et son parcours aux trois quarts à plus de 4000m (pic à 5070m), la plus haute. Elle doit servir à réduire les coûts des biens courants, bien plus élevés qu’au bas de la montagne. Au risque de noyer cette micro-culture dans la masse des émigrants Han et des touristes.

De toute manière, le Tibétain est de loin le Chinois le plus pauvre : 806²/an pour le citadin (contre 942 au Chinois moyen), et 169² au fermier (contre 293²). Aussi, in petto, la jeunesse locale n’est sans doute pas contre tous ces efforts !

 


Temps fort : Universités, promo 2005 : les réformes de rentrée

La tumultueuse mutation d’un socialisme expirant, vers une nation industrielle, exerce son influence sur l’enseignement.

Cet automne, le régime innove, pour en corriger les excès. Sur 13,5M d’étudiants, 2,6M connaissent la pauvreté, dont 40% à un niveau tel que leurs chances de finir leur 4 années de cursus sont infimes : l’impécuniosité les empêchant de se nourrir, et créant une inégalité face à la concentration!

Grâce à un fonds juste créé, de 80M²/an, 550.000 jeunes bénéficieront d’une prime de 15² /mois. Cette bourse s’ajoute à celle en fonction depuis 2002, de 20M², pour jeunes pauvres mais studieux. Elle s’ajoute aussi aux 1,2MM² de prêts à taux « 0 » accordés à 1,5M de jeunes depuis 2000. Mais au vu des besoins, ces efforts ressemblent à la goutte dans l’océan. Pour les besoins minimum, il faudrait au moins 1MM²/an, au lieu des 0,6MM² prêtés l’an passé. Sans compter que 8 provinces (y compris Tianjin, la riche!) n’ont jamais rien distribué, afin d’échapper au paiement d’une partie du taux d’intérêt…

Autre problème à maîtriser : la discrimination sexiste, spécialement sensible dans les facs de langues.

Mises, toute leur scolarité durant, au 2d plan derrière les « petits dragons » masculins, les filles prennent leur revanche au 高考 gaokao (bac), raflant jusqu’à 80% des places d’études, laissant les miettes aux garçons gâtés par leurs parents. Embarrassés par cette dérive qui convertit leurs facs en gynécée, les maîtres de Yiwai, à Pékin, ont cru régler la question en donnant un coup de pouce à la sélection des garçons. Le pot aux roses s’est bien sûr vite découvert, et c’est le scandale, qui cache une passionnante évolution sociologique : à des degrés divers, cette tendance lisible en tous secteurs d’études, suggère que la Chine va vers un basculement des responsabilités, et une société matriarcale! 

 


Petit Peuple : Chengdu: frère canin, non bancaire

Juge de son état à Chengdu (Sichuan), Shen Tingmei se décida à rejoindre ses ancêtres à l’âge respectable de 96 ans.

Il n’avait plus confiance qu’ en un seul être, son caniche qu’il aima au point d’ en faire un frère à ses quatre fils, sous le un nom de Shen Peihuan. Le décès connu, Peihuan versa 3 jours durant ses fidèles larmes de désespoir et canin : le proverbe xing ying bu li (形影不离) avait menti, l’ombre (le chien) et le corps (son maître) étaient bel et bien séparés! Toutefois, la plus grande surprise attendait les «cinq» frères, à  l’ouverture du testament : l’héritage revenait au chien, et joignant l’insulte au crime, le juge demandait à son aîné de s’en faire le curateur !

Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, Xuefa (l’aîné, dont le nom signifie « étudiant de la loi) alla à la banque ouvrir un compte au «frère» Peihuan. Enfin, le bon sens reprit le dessus, sur le verdict du guichetier: les livrets d’épargne, c’était pas fait pour les chiens! L’instituteur tourna la difficulté en plaçant les fonds à son nom, pour mettre le toutou hors du besoin.

NB : En Chine, telle piété filiale, est imprescriptible. En cas d’irrespect, le fils serait certain d’une mémorable fessée, ou pire, dans l’au-delà. Mais la fermeté de la morale de Xuefa s’explique aussi par la modestie du magot : 50.000¥, pas de quoi risquer l’enfer, nom d’un chien !