Le Vent de la Chine Numéro 8

du 10 au 16 mars 2003

Editorial : 10e Plenum : réformer l’Etat – sans le dire !

10e Plenum : réformer l’Etat – sans le dire 

C’est un 10. Plenum de l’ANP coloré qui s’est ouvert le 5 mars à Pékin sous le chapiteau du Gd Palais du Peuple : nombreuses, les tenues folkloriques (robes et bonnets des taoïs-tes,caftans et bottes kirghizes,tuniques bariolées et coiffes d’argent) semblaient vouloir pallier l’absence des revendications.

Mais en ce pays porté au paradoxe, ce silence traduisait moins la peur du bâton qu’une prudence liée à l’arrivée de Hu Jintao, au départ de l’équipe de Jiang Zemin (après 12 ans aux manettes), et la conscience des élus d’une chance à saisir, de renforcement de leurs pouvoirs!

C’est que l’enjeu cette fois, est immense. Pragmatique et ouvert, le nou-veau cabinet (Hu Jintao Prsdt, Zeng Qinghong vice-Prsdt, Wu Bangguo à la tête du Parlement, Wen Jiabao, 1er Ministre) a mis sur le métier une très lourde restructuration de l’Etat, dont l’objet est le désengagement des ministères (et du PCC) de la gestion économique, pour se cantonner à un rôle d’inspirateur, de mécène et d’arbitre !

Se définissant comme «plus près du peuple» et plus légaliste, Hu Jintao tente de créer une puissante Commission de l’agriculture, qui troquera les taxes illégales pour un impôt, tout en dissolvant une fraction des ad-ministration de base, cause de la paupérisation de 800M de Chinois des villages. Menée dans l’Anhui, puis dans 20 provinces, cette expérience a fait économiser 23 ²/an au paysan -1/11ème de son revenu.

Une autre commission régentera les quelques 180.000EE aux 1200 MM$ d’actifs publics. D’ici 2004, leur propriété (régionale ou nat’le) devrait être systématiquement établie, permettant leur vente sans feu vert préalable de Pékin, et bannissant toute gestion publique directe !

Les ministères passeront de 29 à 21 et huit commissions naîtront, concentrant tous pouvoirs en leurs domaines. Mais les organes devant disparaître (tels Moftec, SETC et SDPC voués à fusionner en un superministère du Commerce) se défendent, et font corps de toute leur influence.

Dans cette foire d’empoigne, l’ANP jouera son atout : appuyer la réforme contre les lobbies technocrates et du PCC, moyennant droit de contrôle sur les nouveaux organes. C’est déjà en partie fait : 20 juristes ou économistes siégeront au prochain Bureau de l’ANP (1/10 des sièges), permettant de décrypter de plus près le travail du Conseil d’Etat !


A la loupe : Austérité, populisme : un budget ‘ Hu ‘ !

Austérité, populisme : un budget « Hu » 

Présenté le 5/3, le budget 2003 porte la griffe de Hu Jintao, le Président non intronisé (il le sera le 18/3). Pri-orité absolue à la pauvreté (urbaine et rurale), et pour le reste, c’est l’austérité, demi-tour après 5 ans de déficits records (en proportion du PNB).

A 285MM$ les dépenses (centre +provinces) monteront de 7,7% (1/3 de moins que les 11,5% inscrits pour 2002, reflétant l’érosion attendue de la croissance). Les recettes croîtront de 8,4% à 247MM$ dont 74MM$ (+4%)en bons d’Etat, pour refinancer l’emprunt à échéance (35,6MM$). Commentaire sobre du ministre des Finances Xiang Huaicheng: «nous sommes dans une période-pic de remboursements… et la croissance économique et sociale pèse toujours plus sur les finances publiques! »

Le budget comporte une seule hausse spectaculaire : 5,2MM$ affectés aux aides à la réforme fiscale ru-rale, aux pensions, aides alimentaires et au réemploi des citadins pauvres (l’Etat s’en tient à son plan de 8M d’emplois nouveaux pour 2003).

Mauvaise surprise pour l’APL, qui voit son allocation de 2003, à 22,4MM$, progresser de 9,6% au lieu des 17,6% octroyés en 2002, c’est la hausse la plus faible en 16 ans (mais le budget réel, secret, est 2 à 3 fois plus haut !).

Au reste, dit Xiang, « hormis des dépenses -clé aux hausses imprescriptibles, tous les autres postes sont astreints à une croissance zéro ». 17MM$ de bons seront émis, contre 18 l’an dernier, « pour alimenter les chantiers d’infrastructure existants».(sic) Ce qui n’empêche un déficit de 39MM$ (2 de plus qu’en ’02) et de 3% du PIB, imputables au gouvernement central – puisque les provinces, qui touchent 40% des impôts, se voient imposer l’équilibre budgétaire !■


Joint-venture : SDD Huarong : le roi est nu

· En 1998, Amway, géant du produit de beauté se voyait interdire en Chine l’exercice du commerce pyramidal où le vendeur, à son compte, peut gagner plus à recruter de nouveaux sociétaires qu’à écouler son stock. Amway semble avoir fait mieux que survivre, vendant en 2002 pour 642M$ (+11%), soit 14% de son bilan global où la Chi-ne talonne les US à la 1ère place. Les 2/3 de ce chiffre, Amway les fait à travers 100 magasins propres – 20 autres ouvriront sous 6 mois. Le reste étant réalisé en «ventes directes» par les 70000 membres du personnel, trafic toléré par l’Etat, du fait des réinvestissements importants réalisés à Canton, Amway a ouvert (21/1) un centre de distribution de 1,8 M$ (40.000m2), et y entretient son usine assurant une production, en valeur, de 1,2 MM$ /an.

· Il a fallu 18 mois au Conseil d’Etat (forcé par l’imminence de sa restructuration), pour permettre à Huarong, structure de défaisance*d’ICBC, la vente à Goldman-Sachs(28/2) d’un paquet d’ EE insolvables. En JV avec Huarong (70/30%), GS est 1er étranger à reprendre des actifs faillis, d’un prix-étiquette de 229M$, après paiement estimé à 10%. Leur liquidation devrait rapporter 20%. Sur le même principe, un autre contrat plus lourd est proche entre Huarong et Morgan Stanley, portant sur 1,3MM$. Bien d’autres contrat suivront pour écouler les biens (périssables) des 4 structures de défaisance, présents, et futurs : les mauvaises dettes détenues par les 4 grandes banques, oscillant autour de 385MM$ (16 mois de budget de l’Etat chinois)!

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* la SDD a pour but de reprendre et liquider les EE incapables de repayer leurs prêts bancaires

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· Selon Ch. Petrucelli, boss de Global Services (American Express),le marché chinois du voyage/hôtellerie atteint 10MM$/an, dont 4 à 5 aux businessmen. A ce rythme, la Chine rattraperait US et Japon sous 5 ans. Nonobstant, ce marché est en crise, trop cloisonné pour offrir profits et services de qualité mondiale. Aussi Amex croit avoir l’avenir pour elle, en symbiose avec CITS, n°1 national. Leur JV fondée en ’02 à Pékin compte déjà 100 employés, vient d’ouvrir à Canton et Shanghai, ouvrira 40 bureaux d’ici ’04. Dès 2003, CITS-Amex veut doubler son chiffre, à 70M$ !


A la loupe : Pékin, et le front du refus pour l’Irak

Pékin, et le front du refus pour l’Irak

« La Chine soutient sans réserve la déclaration tripartite faite mercredi à Paris entre France, Allemagne et Russie » : devant la presse (6/3), Tang Jiaxuan, ministre des Affaires étrangères, a confirmé son adhésion au front du refus à une résolution US au Conseil de Sécurité, qui ouvrirait la voie à la guerre à Saddam Hussein. La veille, alors que l’allemand Fischer, le russe Ivanov et J. Chirac discutaient à l’Elysée, le prsdt Jiang Zemin conférait par tél. avec le chancelier Schroeder et le prsdt français !

Pour Tang, la résolution US est «inutile», tant que les inspecteurs de l’ONU poursuivent leur mission. Pékin offre -démarche rare – du personnel et des moyens techniques pour renforcer l’inspection onusienne.«Tant qu’il restera, fusse 1/100 de chance de paix négociée, nous la soutiendrons», précisa Tang.

La raison à ce pacifisme, est un plan de croissance sur 20 ans, pendant lesquels Pékin espère doubler son PNB. Lors de ce 1er trimestre, ses exportations galopantes (cf p2, sujet conjoncture) devraient augmenter de 25%. Mais une guerre irakienne ferait frein immédiat- coûtant au pays 5% de hausse d’exports, et si le conflit dépassait 4 mois, la Chine démunie de réserves stratégiques d’or noir, dont elle dépend de l’étranger pour 30%, devrait payer jusqu’à 50$/ baril, niveau insoutenable. Mais si Tang Jiaxuan est net sur son adhésion anti-guerre irakienne, il est resté flou sur ses intentions lors du vote de la résolution (cette semaine), et sur une entente avec ses nouveaux partenaires.

C’est qu’il y a encore peu d’années, la Chine parlait encore de nos pays comme de «capitalistes», et qu’une alliance avec

eux est un phénomène encore trop choquant pour qu’elle en admette toute influence sur ses décisions. D’autre part,

Pékin préférerait éviter un veto qui abîmerait durablement les relations avec les USA : qu’un autre pays fasse le

travail, en quelque sorte !


Argent : piqué ou plané, pour les aéroports !

piqué ou plané, pour les aéroports 

· La moitié des 100 aéroports chinois furent bâ-tis ou rénovés depuis ’96 – plus selon les critères d’économie d’Etat et de prestige local, que de loi du marché. Résultat inévitable : la plupart sont endettés,tel Changle-Fuzhou (Fujian) qui coûta 386M$ sans réussir en 6 ans à remplir plus d’1/2 de sa capacité de 6,5M de passagers (affligé de 3 concurrents dans les 200km, Xiamen, Quanzhou et Yishan, accessibles par un réseau d’autoroutes).Juste retour des choses:Xiamen-Air est con-traint par la CAAC d’en reprendre 25% et d’assumer (moyennant subside de 48M$) 193 M$ de dette (51% du total) : cette même dette qui avait découragé Hainan Air. de faire l’affaire. Mais ce contrat scabreux pourrait devenir mine d’or, le jour de l’ouverture des liaisons avec Taiwan : Changle se trouvant à moins d’une h. de Taipei, Taichung et Kaohsiung, les 3 grandes villes insulaires, dont la pop. provient à 75% du Fujian !

Shanghai-Pudong-Int’l par contre va bien, surtout pour le fret, qui affiche complet avec 1,3Mt (+30%) de trafic en 2002. Le mois de février, grâce au Chunjie, a vu un décollage vertical de +47%. Le délestage vers Nankin commence donc dès avril, avec SIA en éclaireur : bientôt, 10% du trafic cargo de Pudong y transitera.

· L’aube du Plenum fut l’occasion pour l’Office Statistique, de positiver sur son économie. Première depuis 15 mois, l’indice des prix à la consommation quitte le rouge pour afficher 0,4% de hausse en janvier : fin de la déflation attribuée aux ventes d’un chunjie précoce de 2 semaines par rapport à ’02, ou bien aux pics atteints par le cours du brut (+30% pour le fioul, 32 pour le diesel). Le commerce en jan-fév. atteint 91MM$, +9%, et le chiffre de 2003 est pronostiqué à 544MM$ et +10,3%, face aux +8,8% et 483MM$ atteints l’an passé. Culminant à 63M$(+30%), les ventes lors du 1er jour (1er mars) de la Foire de l’Est à Shanghai témoignent de la confiance. De même, en déc.’02, le Conseil d’Etat réduisait ses dépenses d’infrastructures de 1,2% -qui finissaient l’année, quand même, à + 16,1%. 

NB: L’euphorie est suivie par les restaurateurs, dont la fédération annonce, pour l’an 2002, un chiffre d’affaires de 60MM$ (5% du PIB) dont 20%, par les cadres et bonnets de gaze (ronds de cuir), dans l’exercice de leurs fonctions !


Pol : la Chine, reine incontestée du palu

la Chine, reine incontestée du palu

·A l’université médicale n°2 de l’APL à Shanghai, le prof. Pan Weiqing fait parler de lui, ayant sans doute mis au point avec son équipe le 1er vaccin contre la malaria, qui frappe 500M d’h/an et en tue 1,5 à 3M. Breveté en Chine, le vaccin débute sa 1ère vague de tests cliniques locaux, aux frais de l’OMS -qui s’est assuré par contrat avec les labo Wanxing, détenteurs du brevet, que le vaccin produit sous 3 ans, sera abordable. Les succès chinois en lutte du paludisme ne s’arrêtent pas là : à base de la plante artémisinine, le remède mis au point par Li Guoqiao, de l’université de médecine traditionnelle à Canton serait efficace à 99%, selon l’OMS qui a également soutenu sa recherche. En Chine, l’Artekin se vend 1,2$ la dose -1/3 du coût du traitement mondial- et vient en jan. d’être décrété bon à l’exportation.

· Forts de leurs satellites météo, les US voient dans la sécheresse, la cause 1ère d’une chute de récolte céréalière de 392Mt en 1998, à 349Mt en ’02 : réponse de la nature aux pompages des cours et nappes aquifères. Une autre réponse paradoxale étant la grande inondation de ’98, qui causa 4000 morts (officiellement -en réalité, 10 fois plus). Brutalement réveillée, la Chine a dépensé 21,6MM$ depuis 1997 (soit 2,3 fois son invest total de maîtrise de l’eau de ’49 à ’97). Cette année, l’allocation prévue par Pékin, sans préjuger de celle des provinces, est de 3,6MM$, à 95% financée par bons du Trésor. 80% des fonds serviront aux 1ers besoins du chantier du canal Yangtzé-Fleuve Jaune, débuté en janv. D’autres crédits iront en stations de retraitement, notamment autour du Barrage des Trois Gorges, dossier prioritaire et en souffrance. D’autres fonds passeront à la réfection des réseaux de distribution – associée à une hausse très forte du prix au consommateur. Dans la lutte pour la maîtrise de l’eau, ce poste de la distribution, est passé, en 5 ans, de 12,7% des dépenses  à 29%.

NB: Ainsi la Chine hésite entre deux stratégies : la tentation des mégaprojets «impériaux » (le canal coûtera, aux prix d’aujourd’hui, 59MM$ et 50 ans d’efforts), et la diffusion d’une nouvelle culture de l’usager – le recyclage, l’économie.


Temps fort : Zhu Rongji: place aux jeunes!

Zhu Rongji: place aux jeunes!

« Si les campagnes vont mal, notre prospérité à tous en pâtira – à les oublier, nous aurions de vrais problèmes! » : cette phrase de Zhu Rongji fut le message prioritaire du discours d’entrée du 10. Plenum de l’ANP, dernier discours public du 1er Ministre, qui avertit les 2984 élus des risques de dérapage de la croissance.

Tel est le sens de la réforme délicate qui se prépare (cf éditorial), pour tenter d’inverser l’écart de fortune de plus de 3 contre 1, avec 7700Y (885²) en 2002 au citadin(+8,6%) et 2476Y au paysan (+3,8%).

Ceci une fois posé, Zhu entama l’érection de sa propre statue historique, dressant le bilan triomphal de son quinquennat, avec croissance de 7,7%/an et PNB passé à 1200MM² (+50%)  en 2002. Désormais, l’économie semble assez solide pour que le régime entame le virage mettant un terme à l’interventionnisme :

[1] dans son discours, Zhu n’annonça aucun emprunt pour financer de nouvelles infrastructures : dans les heures suivant cette constatation, la bourse baissa à Shanghai et Shenzhen.

[2] par la Commission des biens publics (cf  éditorial), le pouvoir prétend désormais mettre les actifs d’Etat sous gestion autonome, hors de portée des « politiques ».

Enfin, Zhu est resté muet sur un domaine d’ordinaire très apprécié au sommet de l’appareil : la politique. Aucune allusion à Mao Zedong, deux à Deng Xiaoping, une seule à Jiang Zemin, compagnon (et rival). Rien sur une réforme politique, presque rien sur la démocratie.

C’est une manière de dire que le sujet, pour l’heure, n’est pas à l’agenda. C’est aussi une manière pour Zhu, passant le témoin à la nouvelle équipe, de lui laisser le champ libre, lui conservant ses options et responsabilités ouvertes pour l’avenir.

Mais il faut l’avouer : par ce texte prêchant par excès d’auto louanges et par défaut d’idées neuves, Zhu n’a peut-être pas donné à sa sortie le panache qu’on lui connaît, et qu’on attendait de lui.


Petit Peuple : dernier cri conjugal

· Dernier cri de la mode, les gens branchés remplacent le salut atavique  chiguo meiyou ? (as-tu mangé ?) par  lihun meiyou ? (as-tu divorcé?) voire  fuhun meiyou ? (t’es-tu remarié?): comme si la séparation de corps participait d’un nouveau statut social, signe de libération et de richesse. En 2003, 4M de Chinois se désuniront -ils ont commencé, en files d’attente de milliers de couples aux portes des bureaux des mariages, à peine passé le chunjie, moment familial fertile en tensions. Pour se quitter, comme pour les mariages, on choisit des dates propices tels le 8/2 (premier samedi du nouvel an, 50 couples divorcés à Wuhan), ou la Saint-Valentin – le patron de la fidélité, qui devrait s’en retourner dans sa tombe. Pour sauver la face, les séparés cachent leur drame sous les oripeaux du kitsch et du standing, entraînant dans leur sillage une épidémie de désunions aux motifs souvent insolites. En 2002 à Shanghai, 98 maris ont fait établir la paternité de leur enfant : les 18 dont le test fut négatif,filèrent se faire désunir (opération qui couramment, prend 10 minutes en Chine post-maoïste). A Qiqihar, ville nordique, au terme d’un règlement abrogé depuis 10 ans mais toujours appliqué, la mairie remboursait 80% de leur note de houille aux hommes et, par tolérance, aux divorcé(e)s: 70 épouses mirent leurs maris à la porte, jusqu’à ce que la mairie effarée fasse cesser cette discrimination sexiste d’un autre âge !

 


Rendez-vous : Shanghai -Salon de l’électronique/puces

Shanghai -Salon de l’électronique/puces

· 11-14 mars Pékin:        Automechanika China

· 10-13 mars Canton: Conférence traitement des eaux

· 12-14 mars Shanghai: Electronic China & semi-conducteurs