Le Vent de la Chine Numéro 2 (2016)
Ce samedi 15 janvier, à Taiwan, on savait le Kuomintang (le parti au pouvoir) en bout de course, mais l’ampleur du désastre a pris le monde entier par surprise. En effet le DPP, son rival indépendantiste, a emporté 56% des voix aux présidentielles, assurant ainsi le poste suprême à Tsai Ing-wen, la leader du Parti d’opposition. Aux législatives, qui se tenaient en même temps, le DPP emportait même la majorité, 62% du “Yuan législatif”, assez pour passer n’importe quelle loi, voire même assez pour amender la Constitution. Comment en est-on arrivé là ? Depuis 2011, la cote du Président Ma Ying-jeou était très basse. 80% des habitants lui reprochaient la rareté des emplois, le coût de la vie et de l’immobilier, et le rapprochement imperceptible à pas feutrés vers la Chine, sous prétexte de croissance économique. Ma était soupçonné de chercher à rattacher Taiwan à la Chine, sans l’accord de la population, et cela était impardonnable. Les statistiques sont claires : aujourd’hui seuls 3,3% des insulaires sont prêts à un rattachement immédiat et sans conditions. Et pourtant, cette réunification pour le KMT, c’est la terre promise, inscrite dans sa charte. C’est aussi un parti n’ayant pas oublié ses origines chinoises et ayant peu la fibre taiwanaise. A en croire le professeur australien Bruce Jacobs, ils parlent peu le Hokkien (langue vernaculaire de l’île), et se comportent en classe dirigeante « arrogante et incompétente ». Aussi la débâcle électorale du KMT place ce parti au bord de l’abîme : avec son image et sa réputation au plus bas, il va devoir pour remonter la pente, recruter des jeunes et surtout, renoncer à sa croisade vers la Chine. Faute d’un tel effort, le parti fondateur de Taiwan risque rien de moins que la disparition.
L’autre grand perdant est la Chine : depuis 2008, elle investit chaque année en milliards de $ dans la prospérité de l’île, dans l’espoir de rallier les coeurs. Elle y envoie 35 000 étudiants, et 3 à 5 millions de touristes annuels. Aussi aujourd’hui le vote de défiance de la population taiwanaise est une grande déception, couplée à l’angoisse de voir l’île, oser sauter le pas de cette indépendance inacceptable. Ce risque cependant, est invraisemblable. Dès son discours de victoire, Tsai Ing-wen prenait les devants pour rassurer Pékin, son parti honorerait le “statu quo” de 1992, reconnaissant qu’il n’existe qu’une seule Chine, dont chaque rivage du détroit détient sa propre interprétation. En même temps, elle rappelait la nature démocratique de son « pays » (un terme assuré de hérisser la Chine) et son droit à être traité avec « dignité » et « d’égal à égal ».Comment ces frères ennemis trouveront-ils un terrain d’entente à l’avenir ? La Chine va-t-elle brusquer et isoler l’île, ou bien chercher à accommoder davantage, organiser une réunion au sommet, voire une rencontre entre Xi Jinping et Mme Tsai, comme cele qu’il a eue avec Ma Ying-jeou en novembre dernier, à la surprise générale ? Quoiqu’il arrive, aucune solution n’apparaît plausible à court terme. En attendant, le tout nouveau pouvoir se prépare déjà aux challenges qui l’attendent. Comment diversifier l’économie avec le reste du monde, sans perdre les bénéfices de la coopération chinoise ? Au moins dans ce nouveau départ, le Taiwan du DPP et de Tsai Ing-wen a les meilleurs atouts possibles : une main solide sur le Parlement et l’exécutif, l’étonnement du monde, la confiance, et le fait pour Tsai d’être une femme, la première dans l’histoire du régime – plus fine et prudente, et plus à l’écoute que ses prédécesseurs.
Dans le secteur de la construction navale, la crise a frappé en Chine plus dur qu’ailleurs : 1600 chantiers (dont 800 moyens ou grands) y emploient 1,4 million d’ingénieurs, soudeurs et monteurs. Jusqu’en 2008, les riches provinces chinoises subventionnaient leurs chantiers, leur permettant de guerroyer entre elles sur les marchés internationaux à prix cassés, causant un suréquipement des compagnies maritimes. De la sorte, d’innombrables chantiers à faible technicité pouvaient survivre.
En 2016, les choses changent : l’endettement extrême des provinces et la volonté affichée par Pékin de traquer les « firmes zombies », permettent d’espérer une consolidation de la construction navale.
Il était temps ! Cette politique du prix bas empêche depuis 40 ans (!) la Chine de rattraper la Corée du Sud sur les marchés mondiaux, en volume comme en chiffre d’affaires. Faute de savoir-faire et d’investissement en outils performants, près des 2/3 des chantiers chinois se cantonnent à la construction de minéraliers. En 2015 (janvier-novembre), ils engrangeaient 32,6 millions de TJB (tonnes de jauge brute) de commandes, 28,7% du marché mondial. Mais sur la même période, la Corée, experte en porte-conteneurs, gaziers, frigorifiques, transport de fruits ou d’automobiles, en empochait 38,8%. Le chiffre chinois pouvait faire illusion—mais en réalité, il accusait une chute de 62% par rapport à 2014. Et encore, un tel résultat n’avait pu être atteint, que moyennant des rabais jusqu’à 50% par rapport à 2014.
Traditionnellement, plus de 90% des navires neufs chinois vont à l’export. En 2014, ils rapportaient 24 milliards de $ – beaucoup d’argent en apparence, mais en réalité, une chute libre comparé à 2011, où le score atteignait 44 milliards de $. Fin 2014, le tonnage neuf faisait 142 millions de TJB. Mais en 2016, il ne fera plus que 80 millions, annonçant ainsi chômage et faillites pour beaucoup…
Dès maintenant, parmi les principaux acteurs, on voit 30 faillites, presque toutes dans le privé. Parmi celles-ci : Mingde, Daoda (Jiangxi), Zhuangqi et ZhengHe (Zheqiang). Depuis mars 2015, Rongsheng(Shandong), l’ex-n°1 est en redressement avec 20 milliards de ¥ de dettes – agonisant, mais sa faillite est différée par peur d’une choquante « casse » sociale.
Le 5 janvier voit la mise en liquidation d’un premier chantier d’Etat, Wuzhou (Zhejiang), avec 534 millions de yuans d’actifs pour 911 millions de dettes. Invendues, ses dernières créations—un porte-conteneurs, deux barges, un remorqueur – seront vendues à l’encan.
Pourquoi les chantiers d’Etat se portent-ils mieux que les privés ? Parce qu’ils ont meilleur accès au crédit, en banque et en bourse de Hong Kong ou New York. Ils peuvent aussi compter sur les commandes publiques, civiles et militaires. Deux grands chantiers, CSSC (China State Shipbuilding) et CSIC (China Shipbuilding Industry) ont de 2008 à 2011, levé 1,4 et 2,93 milliards de $ de fonds étrangers, et produit frégates ou corvettes pour la marine nationale, voire celles bengladeshie ou uruguayenne.
Wuzhou n’est que le premier chantier public à capoter. Depuis septembre, ceux du Fujian au Jiangxi voient se suivre les manifestations de métallos réclamant leur chèque, et en décembre, Sainty Marine et Wuhu appelaient à l’aide, à l’agonie…
Le secteur-frère des constructeurs, celui de la navigation va tout aussi mal, naviguant depuis des années à perte et en eaux troubles avec tarifs inférieurs aux coûts. En transport de vrac par exemple, l’indice mondial du « Baltic Dry », après avoir atteint son pic en 2008 à 11.993, retombait en décembre 2015 à 471. Des exportateurs vers l’Amérique affirment même qu’à condition de passer commande en Chine, ils obtiennent le transport gratuit – payé par l’usine.
Aussi début janvier selon les agences expertes, 60% des armateurs chinois de vrac sec (minerai, charbon…) risquent le dépôt de bilan, à la suite de celui du groupe public Winland Ocean.
Cette situation est une des raisons incitant la NDRC et la SASAC– les super-tutelles du management de l’économie et des consortia publics – à tenter d’imposer fusions et consolidations. Ainsi, CSCL doit se retirer du trafic des conteneurs : vendre ses terminaux, louer ses navires à l’ex-rival COSCON. Il en résulterait une méga flotte de 288 porte-conteneurs (dont 84 de plus de 8000 TEU), une capacité d’1,6 million de TEU, soit le quatrième armement mondial, voire le troisième, si 14 autres transporteurs venaient s’ajouter. Mais quand la fusion a été annoncée en bourse le 13 décembre, les actionnaires loin de l’entendre de cette oreille, l’ont saluée par des reventes massives, exprimant la certitude que cette course au gigantisme n’apportait nulle garantie de meilleur management. Du coup, après avoir perdu 900 millions de $ ou 30% de la valeur des titres, le Conseil d’Etat a retiré le projet. Le 9 janvier, une nouvelle mouture a été approuvée, supposée mieux prendre en compte la valeur actuelle des deux groupes.
Entretemps, les ténors mondiaux de la navigation comme Evergreen ou CMA-CGM commandent à tout-va des navires géants à prix ultrabas, anticipant la reprise, une fois éliminées les surcapacités de compagnies mal gérées par leurs propriétaires publics. Signe que pour la marine marchande comme ailleurs, la roue tourne.
La politique chinoise recourt parfois à des formes de communication inattendues, inspirées du théâtre antique, pour faire passer des messages au public, sans vraiment les dire. Un exemple est le premier voyage de l’année du Président, traditionnellement choisi pour désigner un lieu prioritaire, telles des régions enclavées et arriérées, comme le Gansu ou le Yunnan.
Or cette fois, du 4 au 6 janvier, c’est vers Chongqing (重慶 ) que Xi Jinping tournait ses pas, à 1400km de la côte. Un poumon industriel de Chine centrale, mais aussi une métropole en disgrâce depuis 2012 : Chongqing était le fief de Bo Xilai qui, avec Zhou Yongkang, avait rêvé de prendre le pouvoir par un coup d’Etat.
Autant dire, cette première visite de Xi en 5 ans, était là pour remettre la relation sur ses rails. Xi voulait mettre fin à une tension dangereuse. Dans cette capitale régionale de 30 millions d’âmes, Bo Xilai n’a pas laissé que des mauvais souvenirs, et sanctionner la ville pour cette raison, était risqué. Bo avait créé (ou plutôt validé) le plan d’infrastructures locales, base de l’essor présent. Grâce à lui, un nœud autoroutier rayonne en tous sens. Son port sur le Yangtzé, à 16 quais d’appontement met ses cargos de 5000TJB à 5 jours de Shanghai. Sa ligne ferroviaire vers l’Europe achemine en 13 jours son fret vers Dortmund pour le double du prix de la route maritime (qui demande 35 jours), et la moitié du prix de l’avion, acheminant aujourd’hui l’électronique, demain les produits frais. Chongqing construit centrales thermiques et locomotives, avions et automobiles : avec 218 milliards de $ de PIB en 2014, elle vole en tête de la croissance nationale, gardant en 2015 un taux de 11% envié par toute la nation.
Xi doit aussi se réconcilier avec Chongqing, car celle-ci a été le laboratoire d’un programme de Mao-nostalgia qu’il a en partie repris, notamment par la campagne anti-corruption et la tolérance zéro envers toute opposition sous prétexte de rassembler une large majorité derrière ses réformes, dans le concept de « Rêve de Chine ».
Bo Xilai une fois terrassé, la ville avait été confiée à Sun Zhengcai, le Secrétaire du Parti parachuté en 2012, et Huang Qifan, le maire qui a sauvé sa place en faisant valoir l’administrateur capable qu’il était, véritable auteur du plan de relance de la ville, ayant su panacher harmonieusement les investissements d’infrastructure et ceux de logements sociaux.
Aussi lors de son passage, Xi invitait-il la cité-région à se convertir en « hub » d’échanges et rampe de lancement des nouvelles Routes de la soie vers l’Asie Centrale, l’Asie du Sud-Est et la Russie. Après cette réhabilitation, Chongqing peut espérer à l’avenir des privilèges fiscaux ou bancaires nouveaux, et prendre l’ascendant sur sa « petite » rivale de Chengdu, capitale du Sichuan.
Une autre bande passante du voyage, aura été le projecteur sur les deux leaders locaux récompensés pour leur compétence et fidélité. Au terme du XIXème Congrès de 2017, dans le cadre du Comité Permanent dont 5 membres sur 7 (installés par Jiang Zemin) partiront en retraite sauf Xi lui-même et Li Kejiang son Premier ministre – ce dernier, sous réserve d’inventaire.
Sun Zhengcai, à 52 ans, est une étoile montante (cf. portrait, extrait de notre étude politique publiée fin 2012). Déjà membre du Politburo, il peut espérer accéder au Comité Permanent en 2017, ce qui serait pour lui un tremplin pour le pouvoir suprême en 2022 comme héritier adoubé de Xi Jinping. Son principal rival serait Hu Chunhua, du même âge, patron du Parti à Canton et poulain de l’ex-Président Hu Jintao. De même, Huang Qifan, le maire de 62 ans, est déjà pressenti pour remplacer Yang Jing comme Secrétaire général du Conseil d’Etat (bras droit de Li Keqiang). Ce qui réglerait à la fois la question d’un « bouc émissaire » pour les récents dérèglements boursiers, et celle du maintien du Premier ministre Li Keqiang à son poste pour la seconde et dernière législature de Xi.
La dernière clé de lecture de cette visite, n’est pas la moins intéressante : avec lui, Xi avait convoqué dans la métropole du Yangtzé les patrons des 11 provinces riveraines, aux 600 millions d’habitants. Jusqu’à 2015, ce premier fleuve d’Asie était officiellement prisé comme « voie d’or navigable ». Mais devant ces leaders, le chef de l’Etat l’a désigné comme « trésor écologique » et comme » notre fleuve-mère » (我们的母亲河, wǒmen de mǔqīnhé), tout en bannissant tout projet industriel impliquant d’autres prélèvements d’eau et de déversements d’effluents.
Il est temps : le réservoir des Trois Gorges, tout au long de ses 600km de longueur, suffoque sous les rejets fétides et l’eutrophisation (végétation de surface). En saison sèche, en aval, le cours doit limiter la navigation faute de tirant d’eau, et les falaises de glaise menacent de chuter, causant à travers le fleuve de gigantesques vagues.
C’est donc, de la part de Xi, un tournant dans l’histoire, que cette nouvelle priorité « verte » pour le Yangtzé. Certes, au début, l’avertissement a peu de chance d’être entendu d’états-majors investisseurs régionaux qui préparent depuis des décennies de nouveaux ports fluviaux, usines et villes nouvelles pour améliorer la vie de leurs 600 millions d’administrés. Toutefois, la ligne « durable » de la nouvelle économie est déjà tracée—et Xi Jinping donne chaque jour la preuve de sa détermination à se faire obéir.
Quel défi ! Juste nommé Secrétaire du Parti à Chongqing, le jeune loup Sun Zhengcai, aura la lourde tâche d’y gérer l’héritage d’un Bo Xilai encore apprécié des couches populaires. Il devra poursuivre la « dé-Bo-ïsation » de cette plus grande ville du pays (35 millions d’âmes), démonter la machine immobilière corrompue et les rapports mafieux, sans pour autant en compromettre la croissance record (+16,4% en 2011, record national) due aux délocalisations des emplois industriels de la côte (Canton) vers l’intérieur et à 15 ans de volonté du pouvoir central d’aider le Centre et l’Ouest de la Chine « Jaune » à rattraper le niveau de vie de la Chine « bleue ». Il s’agit aussi de sauvegarder les ambitions de Chongqing comme « hub » financier et des échanges avec notamment la Russie, l’Europe et l’Asie Centrale via le cordon ombilical ferroviaire de « la nouvelle route de la soie ». A 49 ans (un des benjamins du Bureau Politique), Sun reçoit donc ici l’occasion de prouver sa valeur sur un terrain difficile, mais d’un énorme potentiel.
Jusqu’à hier Secrétaire du Jilin, Sun avait su manier le langage qui plait à Pékin, celui d’un PIB en hausse de 14% en 2011. L’homme est représentatif de cette couche de nouveaux jeunes officiels issus du prolétariat. Poli, méticuleux, bon médiateur, il a eu la chance de connaître le monde extérieur, ayant fait un an d’études en Angleterre. C’est un bourreau de travail, s’étant élevé à la force de ses études. Il aurait poussé sous l’ombrelle de Jia Qinglin et/ou de celle de Wen Jiabao.
Né en 1963 à Rongcheng (Shandong), Sun a fait ses études en agronomie notamment à Pékin à l’Académie agronomique et forestière (sous la houlette du professeur Chen Guoping, en pointe dans la culture du maïs), et pour son doctorat, à l’Université nationale d’Agriculture. Comme premier poste, on lui confiait une banlieue de la capitale – le district urbain de Shunyi. Dès 2006 à 43 ans, il était ministre de l’Agriculture, poste d’où il dut gérer la crise douloureuse du « lait à la mélamine », en 2008 (6 bébés morts, 300 000 contaminés, 2 millions d’éleveurs en difficulté).
Aujourd’hui, cette étoile montante du Parti est sur les rails pour une montée au Comité Permanent en 2017, et « premier ministrable » en 2022, au départ de Li Keqiang.
(Texte issu de notre étude du XVIIIème Congrès, publiée en novembre 2012).
En mer de Chine du Sud, la Chine met en service ces semaines-ci, quatre îlots, renfloués et équipés à étapes forcées depuis 2013 sans l’accord des pays riverains. Aux Paracels, l’île Woody(Yongxing) reçoit des chasseurs J-11BH sur sa piste de 2,4km. Sinopec y bâtit une station-service pour « 1000 personnes », et des croisières de 5 jours font escale sur cet atoll encore inhabité il y a 3 ans !
Aux Spratleys, plus au Sud, des avions civils se posent (2 et 6 janvier) sur Fiery Cross (Yongshu Jiao). Deux autres îlots (Subi et Mischief Reef) sont aussi équipés. Pékin se justifie par les besoins des « 40.000 navires par an » et du trafic aérien. En « nation responsable », la Chine veut « répondre à ses « obligations internationales » de secours en mer.
Vietnam et Philippines, qui réclament aussi ces îles, ont dénoncé ces « constructions illégales », soutenus par Tokyo qui veut « continuer à coopérer … au maintien de la liberté de navigation ». Pékin, qui revendique aussi (en rejetant l’actuel Convention du Droit de la mer) la souveraineté sur la bande des 12 milles autour de ces îles partiellement renflouées, déboute les plaignants, affirmant avoir agi « dans sa souveraineté ».
Les USA tiennent plusieurs langages. Ils invitent toute partie à s’abstenir de toute provocation susceptible de dégrader le statu quo. Ils envoient un destroyer dans les eaux revendiquées par la Chine comme « souveraines ».
Sur un tout autre terrain, les USA encouragent l’Europe à refuser à la Chine le statut d’économie de marché – l’Union Européenne des 28 commence à en débattre, et la Commission de Bruxelles doit émettre sa position.
Ce dossier commercial n’a aucun lien direct avec le litige de mer de Chine du Sud. Néanmoins, l’avis défavorable des Etats-Unis sur l’octroi du statut d’économie de marché à la Chine, peut avoir parmi ses motivations inavouées, l’espoir de conduire la Chine à négocier le partage de la zone maritime avec ses voisins.
Dans ce contexte, le jugement de la Cour d’arbitrage de la Haye, suite à la plainte des Philippines, est très attendu. En tout état de cause, la Chine, avec sa possession « de facto » de ces îles, abordera ces négociations en position de force
Après avoir annoncé le passage de un à deux le nombre autorisé d’ enfants par couple le 29 octobre dernier, le nouveau planning familial entrait en vigueur au 1er janvier. Dans les maternités, les derniers jours de décembre, les mères devant accoucher de leur deuxième enfant, et devant de ce fait payer une amende, faisaient des prodiges pour atteindre le 1er janvier qui les en absolve !
En 2016, les couples s’inscrivant pour un second enfant recevront des congés parentaux allongés de longueur variable de province à province, selon les décrets d’application qui commencent à apparaître. À la mère, Canton offre un mois de plus (128 jours au total), et au père 5 jours supplémentaires (15 au lieu de 10). Shanghai et Pékin vont suivre. Plus anxieux de voir relancer ses naissances, le Shandong offre deux mois !
Mais ce qui est offert d’une main est repris de l’autre : d’autres congés offerts aux couples se mariant tard, ou à ceux retardant la conception, sont supprimés au 1er janvier. C’est pour compenser les entreprises, qui ont les congés parentaux à charge. Néanmoins, suivant les décrets d’application, les couples mariés entre fin 2015 et début 2016, au moment d’avoir leur deuxième enfant, pourraient se retrouver sans aucun des avantages de l’ancien comme du nouveau régime. D’autre part, on voit arriver des dérapages sur le marché de l’embauche, comme cette obligation aux jeunes femmes d’annoncer la naissance de leur enfant des années à l’avance, dans le cadre d’un quota d’entreprise. Cette fronde des employeurs risque de limiter l’attrait de l’offre publique d’un second enfant.
Dès l’annonce de l’assouplissement du planning, le 29 octobre, les démographes exprimèrent leurs doutes sur sa capacité à réamorcer la pompe de la natalité : les jeunes des villes s’étant habitués au confort d’une vie partagée entre emploi, sorties et l’enfant unique, ne voudraient pas d’un deuxième enfant – dont le coût financier serait lourd.
Ces derniers jours, l’Etat exprime pourtant un optimisme inverse. Pour la ville de Pékin, les 2,36 millions de couples éligibles pour un second enfant, en concevraient 1,5 million d’ici 2021. Au niveau national, ces naissances supplémentaires atteindraient les 17 millions en 5 ans, et 30 millions d’ici 2050.
La preuve : dans les villes, le marché immobilier reprend, de couples cherchant à échanger leur T2 pour un T3 ou T4, en vue de l’arrivée du petit dernier.
Cette « revanche des berceaux » permettrait d’atténuer le recul de la population active (de 940 millions en 2012 à 700 millions en 2050).
16-18 janvier Pékin, 1ère réunion de la Banque asiatique d’Investissement AIIB
20-30 janvier, Province du Xinjiang, 13 ème Jeux Nationaux d’hiver
20-23 janvier Davos (Suisse) Sommet de Davos, avec pour Thème : «Mastering the Fourth Industrial Revolution »
24-28 janvier, Shanghai : MEMS, Salon international des microsystèmes électromécaniques
Les semaines suivantes, malade du spectacle de toutes ces agonies canines auquel il avait dû assister, Yan cessa de se rendre à son bureau.
Durant ce temps de deuil de son plus fidèle compagnon, le jeune homme sentit émerger en lui un sentiment nouveau et étranger : une critique fondamentale de son mode de vie passé, de ses goûts superficiels, comme l’apparition fulgurante d’une lacune morale.
A prendre la vie avec désinvolture, et à courir après l’argent, il se sentait responsable de la mort de Beibei, qu’il n’avait pas su protéger. Face à un tel échec, que valait sa propre existence ?
Heureusement Wang Yan était d’une trempe énergique, peu enclin à se complaire dans la morosité. Après quelques jours de souffrance mêlée de réflexion, il dissipa d’un revers de main tous ces états d’âmes et repassa à l’action. L’objectif, désormais, était de venger Beibei. Sans plus tarder, il appela son avocat.
A neuf heures le lendemain, il était sur le site de l’abattoir, avec l’homme de loi. Reçu par les propriétaires, il leur faisait une offre qu’il leur était impossible de refuser. A dix heures tous étaient à la banque pour le transfert des titres : pour un million, l’abattoir changeait de mains, terrain, personnel et tables d’équarrissage. Les ex-patrons s’engageaient à ne pas rouvrir ailleurs en ville. A midi, le personnel ébahi apprenait son licenciement, moyennant indemnités. En échange d’une signature, les dernières enveloppes étaient distribuées par l’avocat, coupant ainsi court à toute velléité de poursuites.
Yan dut dans la foulée trouver un refuge pour les cadors qui, déjà jappaient à qui mieux mieux dans l’abattoir désaffecté. D’un coup de téléphone, le jeune sidérurgiste confirma l’achat d’un atelier désert sur lequel il avait des vues. Il y fit transporter par camion les chiens survivants. A peine le portail ouvert, la majorité des bâtards jaillirent pour courir comme des fous à travers la cour, mais un nombre resta amorphe derrière les barreaux, ceux blessés ou traumatisés, manquant de confiance pour renouer un bail avec la vie. Au total, c’étaient presque 200 bêtes, en piteux état mais bien vivantes, dont Wang Yan reprenait les destinées…
Le lendemain à son retour, la troupe avait déjà entamé sa métamorphose. A peine une douzaine d’entre eux n’avait pas bougé, assoupis en convalescence ou grondant à la moindre approche. Tous les autres s’avancèrent vers le visiteur, battant de la queue et aboyant en guise de bienvenue, saluant instinctivement leur sauveur.
Depuis ce jour, Yan a dédié son existence à l’accueil des chiens perdus sans collier. Dès réception, il les fait laver et soigner de leurs blessures, et par une diète appropriée, les tire progressivement de leur malnutrition.
Au refuge, il fit bâtir de nouvelles structures, un dispensaire vétérinaire, des cages de confinement. Par internet, il déploya son site de placement : le tout-Changchun cynophile vint choisir son animal de compagnie chez lui. Depuis, plus de 1000 canidés ont séjourné à son home, la plupart replacés – il lui en restait 215, fin novembre 2015.
Mais il n’est de paradis éternel : cet investissement sans but lucratif a mis à mal sa fortune, et dilapidé trois millions de yuans qui constituaient toutes ses réserves. En vétérinaires et aliments, en équipements et en bakchichs, tout a été dépensé !
Non content de cesser de produire de l’acier, et de poursuivre les juteuses affaires comme il le faisait dans sa vie antérieure, Wang Yan depuis ce drame qui a changé sa vie, refuse de courir après la fortune, l’argent pour l’argent.
Sa nouvelle ferveur anticapitaliste est si vive que chaque fois qu’il place un protégé, il dédaigne fièrement tout dédommagement, mis-à-part parfois quelques brouettes de briques ou de ciment, quelques kilos d’abats de porc, de riz ou de carottes pour la pâtée de sa meute.
Son dénuement atteint désormais un tel degré qu’il a dû renoncer à faire vacciner les derniers arrivants contre la rage, au risque – incessant- de subir des morsures infectieuses. Heureusement pour lui, quand il s’est marié, en décembre, la belle-famille famille a réglé tous les frais « à crédit », dit-il, pour sauver la face.
Constatant ses difficultés, ses rivaux et concurrents, dans Changchun, ont commencé à faire des gorges chaudes sur Wang Yan, pour s’être laissé désarçonner à la première difficulté, pour la simple perte d’un chien.
Mais de ces lazzis dans son dos, notre jeune homme se moque comme de sa première chemise, et d’abord parce que tous ses détracteurs vivent dans la peur de se faire épingler par la prochaine frappe anti-corruption, tandis que lui, appauvri pour la bonne cause, dort sur ses deux oreilles.
En échange de ses comptes en banque bien étoffés, Yan a rencontré la gratitude sans limite de ces centaines de vies simples, reconnaissantes d’être sauvées et aimées. Avec sa nouvelle épouse, ce combat pour ses chiens et leur reconnaissance suffisent pour combler leurs vies. Qu’on le traite d’imbécile si l’on veut, mais d’imbécile heureux, comme on dit en chinois, « 痴人痴福 » (chī rén chī fú, aux idiots, le bonheur des idiots ) !