Le Vent de la Chine Numéro 36 (2020)

du 9 au 15 novembre 2020

Editorial : Trump, Biden, même combat
Trump, Biden, même combat

Jamais une élection américaine n’aura été aussi suivie en Chine, scrutée avec grande attention aussi bien par ses dirigeants que par la population, convaincue que son destin est en partie lié à celui des États-Unis et de son 46ème Président, Joe Biden (乔拜登), 78 ans.

Concernant les relations bilatérales cependant, la théorie la plus répandue durant la campagne est que quel que soit le gagnant, celles-ci ne s’amélioreraient pas à l’avenir, tant la confrontation est inévitable avec les USA, puissance « déclinante » essayant par tous les moyens de freiner l’ascension de la Chine – une thèse que l’on retrouve dans la presse officielle, mais qui reflète également un consensus au plus haut niveau. À Zhongnanhai, on s’attend tout au mieux à un changement de style de la part du vainqueur démocrate, mais pas en substance.

Craignant d’être accusé d’interférence dans la campagne électorale, mais aussi que Trump ne tienne la Chine pour responsable de sa défaite et ne durcisse le ton à son égard d’ici le 20 janvier 2021, jour de l’investiture de son successeur, Pékin s’est efforcé de maintenir une stricte neutralité de façade envers les candidats. Par contre, les médias d’État ont été autorisés à dépeindre un processus électoral chaotique et une société divisée, au bord de la guerre civile, espérant discréditer un peu plus auprès de sa population le modèle démocratique américain. Voilà qui peut expliquer une telle affluence sur les réseaux sociaux chinois de vidéos, mèmes internet, blagues sur l’élection américaine… Sur Weibo, le sujet a attiré plus de 11 milliards de vues au 8 novembre. Un engouement inédit qui contraste avec l’absence de participation de la population chinoise dans le choix de ses propres leaders. La plupart des internautes se sont délectés des plaintes du Président sortant, qui dénonce une « fraude massive », menace de déposer un recours devant la justice, et refuse d’admettre sa défaite… « La dernière mission de Trump est de tourner en ridicule la démocratie américaine », écrit l’un d’entre eux. D’autres confient déjà le regretter : « le Président Trump nous a beaucoup divertis ces quatre dernières années ».

Étonnamment, Donald Trump jouit d’une certaine popularité en Chine, souvent teintée d’ironie. Les internautes l’ont surnommé : « Trump, le bâtisseur de la nation [chinoise] » (建国) puisqu’il aurait contribué à la montée en puissance chinoise en accélérant le déclin de son propre pays. Sa gestion calamiteuse de la Covid-19 en est un parfait exemple, ayant permis à la Chine de vanter l’efficacité de son modèle de gouvernance. Plus surprenant :  Trump, qui s’est présenté tout au long de sa campagne électorale comme le seul capable de tenir tête à la Chine, était le candidat préféré de certains nationalistes, notamment après s’être montré réticent à sanctionner les abus chinois au Xinjiang ou à Hong Kong. Autre surprise : dissidents chinois à l’étranger, Ouïgours en exil, activistes hongkongais, et une majorité de Taïwanais auraient également voté pour Donald Trump, Joe Biden étant perçu comme trop enclin au compromis.

Moins connu en Chine que Trump, certains médias ont repris le parcours de Joe Biden. Le décès tragique de trois membres de sa famille lui attire la sympathie du public chinois, qui salue également sa ténacité en apprenant qu’il a été deux fois candidat aux présidentielles, en 1988 et 2008, avant de les remporter en 2020. De manière générale, Biden est présenté comme moins provocateur, plus stable, rationnel, et surtout plus prévisible que Trump, la Chine n’appréciant guère être prise de court. Hier encore, Biden était considéré comme un fervent partisan de la politique d’engagement avec la Chine, et se targuait d’avoir passé plus de temps en privé avec le Président Xi Jinping que tout autre leader mondial : 25h de dîners selon son décompte, lorsqu’ils étaient tous deux vice-présidents entre 2011 et 2013. Depuis la pandémie, Biden a durci le ton. Le mois dernier, il a déclaré que la Chine est le « premier concurrent » des États-Unis, et la Russie son « principal ennemi ».

S’il y a des chances que Biden renoue le dialogue avec la Chine sur de grands sujets internationaux comme la question du nucléaire iranien, le changement climatique et la santé mondialeBiden ayant promis de rejoindre l’accord de Paris et de réintégrer l’OMS en cas de victoire – il devrait se montrer ferme sur la question des droits de l’Homme. Il est également peu probable qu’il revienne sur les sanctions décrétées par l’administration Trump (tarifs douaniers, entreprises chinoises sur liste noire, semi-conducteurs…), la plupart bénéficiant d’un soutien bipartisan. Il pourrait toutefois envisager de lever certaines de ces mesures contre des concessions de Pékin…

Le futur Président n’a pas non plus caché qu’il cherchera à constituer un front uni face à la Chine, avec les alliés que Trump s’était mis à dos, mais dont il a libéré la parole critique envers Pékin. Ainsi, des leaders du monde entier se sont empressés de féliciter Joe Biden et sa future vice-présidente Kamala Harris dans les 24h suivant l’annonce de leur victoire : le Français Emmanuel Macron, l’Allemande Angela Merkel, la Présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen, le Britannique Boris Johnson, le Canadien Justin Trudeau, l’Australien Scott Morrison, l’Indien Narendra Modi, le Japonais Yoshihide Suga, la Taïwanaise Tsai Ing-wen, le Philippin Rodriguo Duterte. Le Président Xi Jinping préférait patienter, tout comme ses homologues russe, brésilien, turc …

Ce qui est sûr est que les premiers mois suivant son investiture, le Président Biden aura fort à faire pour remettre son pays sur les rails, sanitairement et économiquement, et que la Chine ne sera pas sa priorité. Pékin, de son côté, a bien tiré les leçons des quatre années de la Présidence Trump, concluant que le temps des illusions est terminé. Avec une Amérique sous Biden, la Chine n’espère donc guère plus que gagner du temps, obtenir un répit, une certaine détente pour lui permettre de  réduire sa dépendance à l’égard des États-Unis – notamment technologique. L’objectif ultime reste bien sûr le même :  gagner la course au pouvoir suprême, s’imposer en leader d’un nouvel ordre mondial.


Société : Toc, toc, c’est l’heure du recensement
Toc, toc, c’est l’heure du recensement

« Que pas un seul ne manque » (一个都不能少) ! Comme tous les dix ans, la Chine remet à l’ordre du jour son fameux slogan à l’occasion du recensement (普查, pǔchá), le 7ème depuis 1953. Et capturer l’évolution démographique et sociale du pays le plus peuplé au monde, du fin fond des steppes de Mongolie-Intérieure aux tours résidentielles de Chongqing, n’est pas une mince affaire…

Sept millions de bénévoles ont été recrutés pour ce porte-à-porte qui durera plus d’un mois (du 1er novembre au 10 décembre) et dont les premiers résultats seront révélés en avril 2021.

Pour montrer l’exemple, le Président Xi Jinping, le vice-président Wang Qishan et les six autres membres du Politburo se sont pliés à l’exercice (télévisé) le premier jour, conscients que le recensement a été accueilli avec réticence par certains de leurs concitoyens dans le passé. Parmi eux, des centaines de millions de travailleurs migrants vivant dans les grandes villes sans papiers, qui préfèrent éviter tout contact, de près ou de loin, avec l’administration… Il y a aussi les parents d’enfants conçus en dehors du planning familial, qui ne veulent pas déclarer leur progéniture de peur d’avoir à s’acquitter d’une amende au montant astronomique. Sans compter les hors-la-loi qui donnent de faux noms… C’est ainsi que le recensement de 2010 a révélé que 74 millions de personnes manquaient à l’appel (+5,8%) pour atteindre une population de 1,34 milliard d’habitants. Un chiffre que l’Etat s’attend à réajuster de 6% cette année à 1,42 milliard.

Il sera en effet plus difficile d’échapper au recensement : toutes les personnes sondées devront communiquer leur numéro d’identité – ou de passeport pour les étrangers. Et fini le questionnaire papier avec code-barre ! Le code QR et l’application mobile font leur apparition, permettant aux sondés de remplir eux-mêmes le questionnaire sans la présence des inspecteurs. Dans les régions connaissant un regain de cas de Covid-19comme à Kashgar (Xinjiang) récemment – l’enquête sera réalisée par téléphone ou en ligne. Une numérisation qui ne fait pas l’unanimité, les citoyens craignant pour la protection de leurs données privées. « Aucun souci à se faire, les informations resteront strictement confidentielles et seront seulement exploitées dans le cadre du recensement », promet le gouvernement… Autre préoccupation : comment être sûr que les personnes qui frappent à la porte ne sont pas des escrocs se faisant passer pour des agents chargés du recensement ? Sur la toile, des astuces étaient dévoilées pour repérer les faux bénévoles : leurs badges sont mal copiés et leurs questions trop pressantes, particulièrement au sujet des revenus…

Parmi les 19 questions posées (jusqu’à 48 pour 10% des sondés), certaines sont basiques (âge, sexe, ethnicité, profession, niveau d’étude, statut marital, nombre de personnes dans le foyer, lieu d’enregistrement du « hukou », permis de résidence), d’autres plus intrusives (surface du logement, montant du loyer, propriétaire ou non d’une voiture ou de terrains à la campagne ; état de santé pour les plus de 60 ans). Une question a fait également son apparition : « avez-vous des membres de votre famille à Hong Kong, Macao ou Taïwan » ? Le thème de la religion est par contre soigneusement évité…

Comme les éditions précédentes, le recensement s’annonce riche en enseignements. Ce sondage à l’échelle national est réputé plus fiable que les données fournies par les districts urbains, qui ont la facheuse tendance à réduire leurs chiffres de manière à respecter les quotas de population, tandis que les autorités locales préfèrent elles gonfler leur nombre de naissances pour obtenir davantage de subventions de l’État. En se basant sur les résultats du recensement de 2010, deux chercheurs, Huang Wenzheng et Liang Jianzhang, ont d’ailleurs récemment dévoilé que les naissances avaient été surévaluées de 5 millions pour la seule année 1997.

Ainsi, les résultats du décompte national permettront de constater avec précision le déséquilibre entre les sexes, de mettre à jour la pyramide des âges, de prendre la pleine mesure du vieillissement de la population et de la chute de population active, de mieux représenter les flux de migrations, mais aussi de constater que ni la fin de la politique de l’enfant unique depuis 2016, ni le confinement lié à la Covid-19, n’ont créé le « baby-boom » attendu. L’an dernier, les naissances étaient au plus bas depuis la fin de la Grande Famine en 1961…

De ces chiffres dépendront directement la construction d’écoles, d’hôpitaux et de maisons de retraite pour les prochaines années, mais aussi certains réajustements macroéconomiques inclus dans le plan quinquennal à venir en mars 2021. Ils pourraient enfin convaincre le leadership de l’importance de réformer le droit du sol, le système de « hukou » et surtout le planning familial. C’est ce que plaide un institut de recherche affilié au promoteur immobilier Evergrande : « la population chinoise est sensiblement surévaluée [jusqu’à 115 millions de trop selon Yi Fuxian, démographe à l’université de Wisconsin-Madison], il devient donc urgent d’autoriser trois enfants par couple, sans quoi la réjuvénation de la nation chinoise [chère à Xi Jinping] sera hors de portée et l’ascension de la Chine en tant que grande puissance sera compromise ». Signe de bonne augure : les grandes lignes du 14ème plan et de la projection « Vision 2035 » ne font aucune référence au planning familial, mais seulement à une politique de natalité « inclusive ». Faut-il y voir une future annonce de l’abolition du contrôle des naissances ? Un abandon progressif serait plus probable.


Architecture - Urbanisme : Scellés sur les portes et coups de tractopelles
Scellés sur les portes et coups de tractopelles

Ces derniers mois, les cas d’expropriations forcées sont en recrudescence dans le pays, rappelant à tout propriétaire en Chine qu’il peut se retrouver sans feu ni lieu, du jour au lendemain.

Dans la vieille ville de Pingyao (Shanxi), classée patrimoine mondial de l’UNESCO en 1997, plus de 220 familles ont appris avec stupéfaction début juillet qu’elles seraient expulsées sous 15 jours de leurs demeures, soudainement déclarées « propriété de l’État ». Dans la plupart des cas, ces cours carrées ont appartenu à la même famille depuis plus d’un siècle. Réquisitionnées sous Mao en 1958, il aura fallu attendre 1992 pour que ces familles, réputées aisées, retrouvent leur bien, souvent en le rachetant. Aujourd’hui, la valeur de ces demeures aurait été multipliée par dix sous l’afflux des touristes (17 millions l’an dernier générant 20 milliards de yuans de revenus) : l’une d’entre elles aurait été récemment vendue pour 30 millions de yuans. Pour les habitants spoliés, il n’y a aucun doute : la mairie veut récupérer leurs propriétés pour les revendre à prix d’or à des développeurs attirés par le succès de Pingyao. Et ainsi, l’histoire se répète. Depuis plusieurs mois, le conflit empoisonne la vie de la ville, rendue depuis lors inaccessible aux visiteurs étrangers sous prétexte de Covid-19… Autre coup dur pour Pingyao : la démission surprise le 18 octobre de Jia Zhangke, célèbre réalisateur originaire de la région, jusqu’alors à la tête du festival international du film de Pingyao qu’il avait co-créé en 2017. Sans expliquer sa décision, le cinéaste a tenu à préciser : « le festival n’a jamais reçu le moindre centime du gouvernement local ».

La situation de Pingyao rappelle celle de la commune voisine de Datong, 2èmeville du Shanxi et ancienne capitale impériale sous la dynastie Wei, réputée pour son charbon et sa pollution. Entre 2008 et 2013, son maire Geng Yanbo (cf photo), dont le mandat controversé à fait l’objet d’un documentaire en 2015 (« Le Maire chinois », disponible sur Amazon Prime et projeté par le ciné-club « Ecrans de Chine » le 19 novembre à 18h30), s’était mis en tête de reconstruire le mur d’enceinte et les quartiers historiques afin d’attirer des touristes par millions. Surnommé « M. Démolition », Geng aurait ordonné l’expulsion de plusieurs dizaines de milliers d’habitants et créé un trou de 20 milliards de yuans dans les finances de la mairie – les ventes de terrains aux promoteurs n’ayant pas suffi à financer ces chantiers pharaoniques…

Ces problèmes ne sont pas l’apanage des provinces. Ces douze derniers mois, dans la banlieue de Pékin, quelques milliers de maisons secondaires situées dans des villages des districts de Changping et de Huairou, ont soudainement été déclarées « illégales » par les collectivités locales. L’un de ces hameaux (Xiangtang) avait pourtant reçu en 2007 le titre officiel de « plus joli village de la capitale ». Les protestations des résidents, qu’ils soient artistes, économistes, fonctionnaires, n’y ont rien fait… Les bulldozers ont eu le dernier mot.

Derrière ces démolitions, un motif politique se dessine cette fois : depuis la fameuse colère du Président Xi Jinping relayée par la presse officielle en 2018, apprenant que des dizaines de villas construites illégalement à Qinling (Shaanxi) n’avaient toujours pas été rasées, les cadres préfèrent trop détruire que pas assez. Ce n’est pas la première fois que la politique urbaine de la capitale fait l’objet de controverses depuis l’arrivée au pouvoir de Cai Qi, un proche de Xi. Sous son mandat, des centaines de milliers de travailleurs migrants au sud et au nord-est de la ville ont été expulsés pour des raisons de sécurité incendie, tandis que dans les « hutongs », ruelles étroites situées dans le centre-ville historique, les fenêtres et les portes ont été briquées, prétextant une standardisation de l’apparence des petits commerces.

Même au cœur de Pékin, la colère couve. Le jour de clôture du Plenum (29 octobre), un groupe de sexagénaires représentant 60 familles s’est réuni devant un bâtiment de la municipalité pour réclamer les appartements qui leur avaient été promis près du quartier d’affaires (CBD), au titre de la destruction il y a 10 ans de leurs logements dans le quartier de Tianshuiyuan, au sud du parc de Chaoyang.« Nous avons tout essayé, la municipalité, le district, différents départements… On nous fait tourner en bourrique », déclarait l’un d’entre eux. 

Selon Wu Qiang, ancien professeur à Tsinghua, les décideurs donnent la priorité à l’urbanisation, reléguant au second plan la justice sociale : « Les promoteurs et les gouvernements locaux obtiennent leur part en premier, et dédommagent les habitants en dernier » explique-t-il. Dans la plupart des cas, il n’y a d’ailleurs aucune consultation préalable avec la population. Pourtant, la loi stipule que le relogement et la compensation doivent être prévus avant même que les habitants soient expulsés et leurs maisons rasées. Malgré cela, les citoyens se retrouvent très souvent déboutés par la justice, les tribunaux étant contrôlés par les gouvernements locaux. D’après l’avocate Ni Yulan, « les différends fonciers représenteraient près de la moitié des 100 000 mouvements sociaux enregistrés en Chine chaque année».

Que ce soit au centre-ville ou en campagne, sous prétexte de la préservation du patrimoine historique, de la protection de l’environnement ou des terres agricoles, ces expropriations forcées resurgissent dans un contexte de ralentissement économique, aggravé par l’impact de la Covid-19. Comme au lendemain de la crise financière de 2008, ces confiscations reflètent le besoin urgent des gouvernements locaux de renflouer leurs caisses, et la vente du droit d’usage des terrains pour une durée limitée (70 ans maximum) reste leur première manne. En 2018, ces revenus représentaient plus de deux tiers des finances locales, et jusqu’à 80% dans certains cas. Sauf que désormais, ces confiscations n’affectent plus uniquement les paysans dans les zones rurales, la classe moyenne est elle aussi lésée, au risque de provoquer des troubles sociaux au sein des villes, au vu et au su de tous. Malheureusement, il faudra bien plus que les timides améliorations dans le nouveau Code civil, qui entrera en vigueur le 1erjanvier 2021, pour apaiser la colère des citoyens dépossédés. De même, les promesses réitérées des gouvernements successifs d’une réforme du droit du sol, sont toujours restées lettre morte, car elle remettrait en cause plusieurs piliers du système « socialiste » : du mode de financement des gouvernements locaux, à la mainmise du pouvoir sur la justice. Comme dit l’un des propriétaires pékinois, désabusé : « il ne peut pas y avoir de société ‘modérément prospère’ sans Etat de droit ».


Petit Peuple : Wuli (Jiangxi) – La quête de l’enfant perdu (2ème partie)
Wuli (Jiangxi) – La quête de l’enfant perdu (2ème partie)

En 1993, Li Guoming et Li Fen ont eu un deuxième enfant (une petite fille nommée Mengyuan) puis, pour éviter la délation, ils l’ont confié à 8 jours à une famille d’accueil présentée par Guihua, le frère de Fen… 

A peine Mengyuan délivrée au chef du village à 100 km de là, Guoming et Fen prirent le bus de Foshan (Guangdong), pour n’en pas revenir. Il fallait échapper aux sbires du planning familial qu’ils croyaient sur leur piste. Une fois hors de leur province, on n’irait plus les chercher. Ils partirent avec Fangfang, leur aînée de trois ans, prendre un poste dans une usine textile – en mal de personnel, elle était peu regardante sur l’origine de ses ouvriers.

Une fois sur place, ils refirent leur vie. La petite Fangfang passa ses jours à la crèche de la compagnie. Après quelques mois passés en dortoirs séparés, le couple reçut un studio minuscule, mais suffisant pour la famille. Avec leurs salaires cumulés, ils pouvaient commencer à préparer les retrouvailles avec « Rêve splendide », que signifiait « Mengyuan ». Guoming avait ainsi choisi ce nom à titre prémonitoire. Après cette grossesse illégale, le jeune père ne se faisait pas d’illusion qu’ils allaient devoir la tenir au loin, au moins un temps. Depuis, il rêvait souvent qu’elle disparaissait « durant son sommeil ». Mais comme par l’entremise d’une bonne fée, elle reviendrait « à son réveil ». Ce qui signifiait entre autres, que tant qu’elle serait au loin, leur vie à eux Guoming et Fen, ne serait qu’un songe, en hibernation.

Et c’est exactement sous cette lumière bleue et blafarde que leur apparut leur nouvelle vie dans la halle textile à Foshan. Sous l’abrutissant vrombissement des centaines de machines à coudre, entrecoupé du sifflement strident des robots, ils travaillaient penchés sur leurs ouvrages à la chaîne et s’observaient épuisés, pantins désincarnés, absents, privés de l’être cher. Ils comptaient les jours jusqu’à la fin du mois, le moment où ils toucheraient leurs salaires et où ils pourraient appeler Guihua le frère de Fen qui avait trouvé la famille d’accueil. Impossible d’appeler directement le chef de village ayant accueilli leur enfant : Guihua leur refusait le numéro sous prétexte qu’on ne pouvait pas déranger cet homme aux lourdes responsabilités ! Au demeurant, la petite allait comme un charme, pas de soucis. Il fallait juste attendre !

En septembre 1998, les époux Li retournèrent au pays : le danger était passé ! Signe encourageant : leur maison n’avait pas été démolie après leur fuite par la police des berceaux ! Pour le grand retour, ils s’étaient ruinés en cadeaux. Pour Mengyuan, ils rapportaient toute une panoplie d’élégantes tenues de fillette, une poupée sud-coréenne, un jeu électronique. Pour le chef du village, ils avaient prévu des biscuits artisanaux frits au sésame, un canard fumé aux feuilles de lotus, une jarre de vin jaune, et autant pour Guihua. Comme convenu, ils se rendirent d’abord chez ce dernier, qui voulait leur donner les dernières nouvelles. Et c’est là que le ciel leur tomba sur la tête lorsqu’ils apprirent que depuis très longtemps, Mengyuan avait quitté la famille d’accueil. 48h après leur départ, le chef du village l’avait remmenée et déposée à l’orphelinat de district, à Jiujiang. « La gamine pleurait tout le temps, bredouilla le beau-frère, et refusait de manger… la femme du chef du village a explosé, et exigé son départ. Il n’a rien pu faire… »

« Mais toi-même, reprit alors Guoming d’une voix blanche, trop catastrophé pour se mettre en colère, tu ne pouvais pas nous avertir ? Tu nous as prétendu toutes ces années que tout allait bien ».

« J’aurais voulu vous alerter, répliqua Guihua, le nez dans ses chaussures, mais j’ai dû d’abord vous protéger. Vous étiez vous-mêmes en danger : vous prévenir, vous faire revenir aurait été vous précipiter dans la gueule du loup ».

Ayant découvert la trahison de Guihua, Guoming et sa femme se précipitèrent à l’orphelinat. Mais là, un garde leur barra fermement l’entrée : aucun parent n’était admis ici. Une fois l’enfant déposé, il n’y avait pas de marche arrière, les parents perdaient tout droit sur lui. Guoming perdant le contrôle de lui-même tenta de forcer l’entrée. Mais alors quatre forts à bras apparurent comme par enchantement, l’empoignèrent sans ménagement et le jetèrent à la rue.

Bouleversé, le couple s’en retourna chez lui pour méditer sur ses options. Le lendemain à l’aube, Guoming retourna à l’orphelinat, se campa devant le porche, et arrêta quiconque entrait ou sortait, implorant des nouvelles – la plupart se détournaient sans répondre. Au bout de huit jours, son manège finit toutefois par attirer l’attention : un cadre sortit lui demander le nom de sa fille ainsi que sa date de naissance. Quelques minutes après, il était de retour avec sa réponse : adoptée aux Etats-Unis, la petite y vivait « 10 000 fois mieux qu’ici ». « Vous feriez mieux de tourner la page », ajouta l’homme peu charitable, « et de refaire votre vie ». Entendant ces mots, Li Guoming en resta « cœur effrayé, âme bouleversée » (惊心动魄, jīngxīn dòngpò). Quant à Fen, lorsqu’il les lui rapporta, elle s’évanouit.

Pour le couple Li, le malheur est à son comble. Mais ont-ils dit leur dernier mot ? On le saura bien sûr, la semaine prochaine, pour la suite et fin de cette saga.


Rendez-vous : Semaines du 9 novembre au 6 décembre
Semaines du 9 novembre au 6 décembre

5-10 novembre, Shanghai : CIIE – China International Import Expo, Salon International des importations

9-11 novembre, Canton : Interwine China, Salon international du vin, de la bière, et des procédés, technologies et équipements pour les boissons

10-12 novembre, Shanghai : Prowine ChinaSalon international du vin et des spiritueux en Chine

10-15 novembre, Zhuhai : Airshow China, Salon international de l’aéronautique et de l’espace – Repoussé à une date ultérieure (TBC)

10-15 novembre, Shenzhen : CHTF – China Hi-Tech FairSalon international des ordinateurs et des télécommunications, des applications et services logiciels, de l’électronique grand public, de l’électronique pour l’automobile

12-15 novembre, Tianjin : Tianjin Meijiang Tea Industry and Tea Culture Expo, Salon de l’industrie du thé et de la culture du thé

13-15 novembre, Pékin : CIOGE – China International Organic & Green Food Expo,Salon des technologies et équipements de production d’aliments et de boissons, des condiments et autres produits alimentaire d’origine biologique

16-18 novembre, Shanghai : CEF – China Electronic Fair, Salon chinois de l’électronique

16-18 novembre, Shanghai  : PCIM Asia, Salon international et congrès sur l’électronique de puissance, le contrôle de déplacement, les énergies renouvelables et la gestion de l’énergie

19-21 novembre, Shanghai : CHINASHOP – China Retail Trade Fair, Salon dédié aux technologies de pointe et aux nouvelles solutions pour le commerce de détail

19-21 novembre, Shanghai : PAPERWORLD, Salon professionnel des fournitures pour le bureau et pour l’école, de la papeterie et des matériaux pour les arts graphiques

19-22 novembre, Shanghai  : Shanghai International Art Fair, Salon international de l’art de Shanghai

22 novembre – 1er décembre, Canton : Guangzhou International Electric Vehicles Show, Salon international de la batterie et des équipements de recharge

25-27 novembre, Shanghai : PROPAK, Salon spécialisé dans la transformation alimentaire et l’emballage

26-29 novembre, Shanghai : Design Shanghai, Salon international du design

2–5 décembre, Shanghai : Automechanika, Salon professionnel des pièces détachées et accessoires pour l’industrie automotive

3–5 décembre, Shanghai : EP Shanghai, Salon international pour la production et la distribution d’énergie