Le Vent de la Chine Numéro 28 (2018)

du 2 au 8 septembre 2018

Editorial : Chine – USA, la guerre des trois paniers

Depuis mai, la guerre commerciale entre Donald Trump et la Chine s’enlise. Après avoir lancé les hostilités, Trump choisit « l’inaction », (wéi , concept taoïste), tablant sur l’effritement du camp d’en face. Le 27 août, il déclare : « les Chinois veulent parler, mais ce n’est pas le moment ». Côté Chine, on n’est guère plus empressé, selon cet expert : « emmêlé dans ses scandales intérieurs à rallonge, Trump doit parer en faisant ligne dure vers l’extérieur… Pour la Chine, le temps n’est pas propice aux concessions, il s’agit au contraire de consolider ses vulnérabilités économiques, surtout en matière de crédit ».

C’est ce que fait son ministère des Finances le 27 août, en allouant 200 milliards de $ aux provinces pour leurs infrastructures, dont la croissance a baissé à  +7% de janvier à juillet contre +19% en 2017. Ceci est en fait un compromis entre Etat et niveau local : la veille, ce ministère s’était vu refuser par la tutelle CBIRC un stimulus de 438 milliards de $, qui serait provenu des 20% de provisions bancaires sur toute obligation des provinces. De même, l’Etat poursuit la chasse aux prêteurs « P2P » sur internet, mal régulés et mal contrôlés : rien qu’en juillet, 167 de ces banques de l’ombre ont disparu. Le message est clair : relancer le crédit oui, mais en prévenant les investissements dangereux.

La Chine ne cédant rien à Trump, la prochaine salve de rétorsions semble inévitable : de nouvelles taxes  sur 200 milliards de $ d’exports chinois dès début septembre, voire une révocation par Trump du statut « de nation la plus favorisée », permettant d’alourdir encore les tarifs douaniers US!

Dans cette attente, les milieux d’affaires restent tétanisés : depuis janvier, les provinces n’ont émis que 792 milliards de ¥ des obligations auxquelles elles avaient droit (36% du quota annuel)—une misère. Quant aux promoteurs immobiliers, ils ont boudé les adjudications foncières – 226 lots n’ont pas trouvé preneur ! Hier chouchous de la bourse de New York, les start-up high-tech chinoises chutent, tel ZTE (-60% cette année) : les investisseurs redoutant de voir leurs produits interdits sur sol américain…

De manière presque poétique, en référence au « tripitaka » (cet ensemble de trois paniers de livres sacrés que le moine Xuanzang avait rapporté de son « voyage à l’Ouest » en Inde), Pékin a opté pour classer les nombreuses exigences de Trump en trois « paniers » . Le premier traitant des demandes de réduction du déficit américain, le second, de celles d’ouverture du marché chinois des services, et le troisième—de loin le plus problématique pour la Chine-, des demandes de démantèlement du protectionnisme chinois sur ses industries d’avenir, du plan « made in China 2025 », et des acquisitions forcées de technologies occidentales. Cet « encapsulage » des données du conflit dans une coquille de culture antique chinoise, suggère chez les décideurs du pays, une certitude de leur bon droit historique.

Face à ce conflit, l’Europe elle aussi bouge. Berlin change ses règles pour barrer les rachats de ses pépites technologiques par la Chine. Pour toute entreprise « de sécurité nationale », elle les limite à 15% du capital. En mai, le Parlement européen a voté un mécanisme similaire, prêt à entrer en action en décembre dans les 28 Etats membres. Pékin s’inquiète : pour l’heure l’intransigeance de Trump a empêché Europe et USA de faire cause commune. Mais que ces deux s’entendent, et la position chinoise se précarisera! La Chine tente de trouver une concession à offrir à Bruxelles, qui ne soit pas ce que Washington réclame… Pour l’instant, elle a fait chou blanc, refusant de changer quoi que ce soit aux recettes qui lui ont si bien réussi en 30 ans. Dernier élément : à Pékin le 28 août, lors d’une réunion annuelle à huis clos du fonds souverain CIC, le vice-premier Liu He et J. Thornton, proche de Trump, continuaient à discuter, s’efforçant de réduire les tensions…


Politique : Une seconde vie pour Wang Huning ?

Par Alex Payette, analyste politique

Du 4 au 16 août s’est tenu le conclave balnéaire du Parti Communiste à Beidaihe (Hebei), en bordure de mer de Bohai, sommet devant fixer les orientations économiques et politiques des 12 mois à venir entre membres du Bureau Politique, du Conseil d’Etat, secondés cette année par 62 experts.

Depuis 2002, en cette instance, un homme joue en arrière-plan un rôle essentiel d’éminence grise : Wang Huning, membre du Comité Permanent, pape de la propagande. Concepteur  fécond, on lui prête  les concepts du « soft power » chinois, des « trois représentativités » de Jiang Zemin, du « développement scientifique » de Hu Jintao, du « rêve de Chine » de Xi Jinping. Son doigté politique lui permit de se maintenir durant trois législatures, aux côtés des trois chefs de l’État successifs.

Et pourtant, le temps s’est récemment couvert pour Wang : non content de disparaître six semaines de la vie publique, il manqua Beidaihe, remplacé par Chen Xi – membre du Bureau Politique, ex-secrétaire du Parti à l’Université Tsinghua et à l’association nationale des Sciences et technologies, vice-ministre de l’Éducation et surtout, ancien camarade de classe de Xi Jinping. Lors des grands remaniements de 2017, Chen avait été choisi pour relayer Zhao Leji à la tête du tout puissant département de l’Organisation. À Beidaihe, il était secondé par Hu Chunhua, vice-premier ministre et ex-candidat au pouvoir suprême.

Que s’est-il passé ? Quoique adoubé par Xi Jinping, Wang Huning  a d’abord été recruté par l’ancien Président Jiang Zemin. Son passé au sein de la « bande de Shanghai » lui colle à la peau. Depuis qu’il co-dirige avec Li Keqiang et Han Zheng la Commission centrale de reformes compréhensives, création de Xi en mars 2018, Wang fait profil bas. Il n’a pas quitté le pays depuis 2017, et il manquait même à la conférence du 12 juillet, sur le thème « construc-tion / consolidation politique du Parti » (党的政治建设), un sujet qui était le sien, en tant que  directeur du Bureau central de recherches politiques, l’organe qui prépare, influence les tournants idéologiques. Wang n’en fut pas moins remplacé par Ding Xuexiang, directeur du Bureau des Affaires générales du Président Xi et un de ses confidents.

D’autres motifs aux ennuis de Wang Huning sont cités par la rumeur : il en aurait trop fait dans la glorification de Xi, et dans une curieuse réhabilitation d’anciens gauchistes (cf un article du 11 juillet de Xinhua, critiquant Hua Guofeng). Il s’est fait mal voir de l’opinion par  lui reproche le plus, aura été sa surenchère du « retour aux sources » Marxistes-Léninistes depuis le 19e Congrès, mal vécue d’une opinion qui espérait en savoir plus sur l’avenir des réformes dans un contexte de crise.

Mais surtout, il aurait poussé un peu loin le message propagandiste d’« une nation puissante », la glorification des avancées technologiques du pays, exacerbant ainsi le conflit commercial avec les États-Unis. Une maladresse qui fut source de tensions au sein du Parti, mais aussi d’une partie de l’opinion. Ce faisant, Wang semble avoir mal interprété la sévérité du conflit ainsi que l’attitude de Donal Trump vis-à-vis la Chine. Ce qui est majeur lorsque l’on est à la tête du plus important think tank de la Chine. Il aurait pour excuse que depuis G. Bush Sr, tous les Présidents américains ont connu à leurs débuts une phase de confrontation avec la Chine, avant d’en finir en des accommodements largement en faveur de l’empire du Milieu…

Faut-il seulement pointer du doigt Wang Huning ? Probablement pas. Il demeure l’une des seules figures du Bureau Politique à ne pas avoir d’expérience « pratique » (contrairement aux figures plus pragmatiques comme Wang Qishan, Hu Chunhua, Liu He ou Wang Yang). Malgré tout, à la surprise générale, y compris de celle des observateurs taiwanais, Wang Huning a survécu à la tourmente. Il réapparaît sous les plus solides auspices les 21-22 août, à la conférence quinquennale idéologique, en présence d’une majorité du Bureau Politique et de Xi en personne, qui prononça le discours d’ouverture. La page est tournée !

En effet, Xi garde un respect profond pour le concepteur, dont il ne peut se passer pour piloter le Parti. Ses publications de 1994, « La logique de la politique : principe de la science politique marxiste » et « La vie politique » (1994) sont le socle théorique de deux des principales pratiques de l’ère Xi Jinping, la gouvernance par le biais des lois (par opposition avec « l’Etat de droit »), et la campagne anti-corruption.
Tout ceci permettant de supposer que Wang a bien été confronté au sommet à ces critiques internes, et qu’il en est sorti – indemne, mais affaibli.

Juste après Beidaihe, le 21 août, Xi place Xu Lin 徐麟 (ex-allié de Shanghai) à la tête du bureau de l’Information du Conseil d’État et de l’unité du Comité Central pour la propagande. Le 28 août, il place Zhuang Rongwen 庄荣文 (ex-allié du Fujian) à la direction du cyberespace,  restructurant ainsi le système de l’information et de la propagande, occupé jusqu’alors par des lieutenants de Jiang Zemin et de Liu Yunshan. Parallèlement, sont répétées les consignes de priorité aux pensées de Xi, ce qui peut exprimer une certaine insatisfaction envers le travail de Wang Huning.

Toutes ces consignes et nominations pouvant marquer (sous réserve d’inventaire) les nouvelles prérogatives de Wang : abandonnant l’influence sur la nation, pour se concentrer sur celle sur le  Parti, sous la stricte supervision de l’omni-Président.


Santé : Épidémies — Un bouclier troué

Trois incidents cet été en fait de santé, permettent de faire le point sur l’état du bouclier épidémiologique chinois. On y verra des faiblesses, mais aussi des progrès, fruit de 10 ans de coopération systématique avec les agences spécialisées de l’ONU et des nations occidentales.

A Changchun (Jilin) le 25 juillet, les laboratoires Changsheng Bio-tech perdent leur licence, pour cause de fraude. Chez ce second groupe national, fabriquant de 3,54 millions de doses de vaccin antirabique par an (23% des besoins), 113.000 doses en stock ont été constatées inactives, pour cause de négligences lors de la production, qui ont ensuite été dissimulées par falsification des livres de comptes. Pire, 500.000 doses de vaccin DTC (diphtérie-tétanos-coquelu-che) déjà administrées à des bébés du Shandong et de l’Anhui, étaient dans le même cas. Rappelons que sur toutes ces grandes pathologies, tous les nouveaux nés sont vaccinés en Chine, à titre gratuit et obligatoire.

L’effet de la nouvelle fut fulgurant : par dizaines de milliers, des familles  s’envolèrent pour Hong Kong ou la Corée du Sud, assiégèrent les hôpitaux pour faire revacciner leur enfant. De lourdes sanctions suivirent, sur instructions directes du Président Xi Jinping : 18 cadres de Chang-sheng furent mis sous les verrous, dont la « reine des vaccins », la présidente Gao Junfang. Des amendes non précisées sont en préparation, ainsi que la « confiscation des profits ». Une quarantaine de cadres à tous niveaux furent démis, blâmés, mis à l’amende ou rétrogradés, parmi lesquels le vice-gouverneur du Jilin Jin Yuhui (responsable provincial de la supervision des médicaments et aliments), Li Jinxiu, ex-patron de la FDA locale, Liu Changlong le maire de Changchun et Bi Jingquan, vice-directeur national de la régulation des marchés. Wu Zhen, ex-n°2 à la FDA est placé sous enquête.

La liste des sanctionnés éclaire ici une pratique chinoise mal connue : souvent dans les hautes sphères, les véritables pouvoirs sont aux mains des n°2, pour protéger les n°1 des responsabilités et risques de carrière.

L’affaire a pris une tournure internationale : en 2017, les vaccins de Changsheng ont été exportés en Inde, au Cambodge et au Nigéria. Aussi le scandale cause une lourde perte de confiance dans le label chinois de santé, mais aussi hors frontières. D’autant que Changsheng n’était pas le premier groupe chinois à avoir produit de mauvais vaccins : en 2016 un réseau régional était convaincu d’avoir distribué pour 85.000$ de vaccins périmés, et en novembre 2017, le Wuhan Institute of Biological Products (Hubei) était traduit en justice par la FDA pour avoir produit et écoulé 400.520 doses déficientes de DTC. De telles affaires exposent crûment en Chine le besoin de réorganiser (une fois de plus !) le système national de contrôle de qualité.
Le ministère de la Santé vient de confier la traçabilité des vaccins chinois à la startup VeChain, experte de la blockchain. Sur chaque chaîne de production, des capteurs seront installés, enregistrant l’étape en cours. Les données seront encapsulées en une blockchain, pour les rendre ensuite infalsifiables et vérifiables en temps réel sur internet par tous, industriels, commerçants et cadres.

Le 20 août à Washington, le ministère fédéral de la Justice inculpait le gang shanghaïen de Zheng Guanghua et son fils Zheng Fujing, accusés de produire des dizaines de types d’opioïdes de synthèse, tel le Fentanyl, jusqu’à 100 fois plus puissant que l’héroïne. Sur internet, le gang se vantait en 35 langues d’exporter jusqu’à 16 tonnes de ces produits par mois. L’instance fédérale l’incrimine de deux morts par overdose aux USA mais le chiffre réel se compterait, internationalement, en milliers par an. La Chine, à ce stade, n’a pas fait savoir si elle avait procédé à des arrestations.

Premier consommateur et éleveur de porcs au monde, la Chine se trouve sous la menace d’une épidémie de peste africaine porcine (PPA), difficile à affronter avec un cheptel de 380 millions de bêtes élevées dans des conditions très diverses, du méga-élevage à la ferme de montagne.

Le virus était repéré pour la 1ère fois en mars 2017 en Sibérie (Russie), à 1000km de la frontière chinoise, qu’il franchissait par livraison de carcasses, par camion. De là, serait repassé dans les élevages nourris avec des déchets non consommés par l’homme. La PPA n’est pas transmissible à l’homme –sauf au cas où le virus muterait à l’avenir, perçant ainsi son bouclier immunitaire.

Les experts de la FAO (Food and Agriculture Organization) s’accordent à reconnaître qu’au fil des ans,  la défense chinoise contre le virus a été correctement menée, et de grands progrès accomplis depuis 10 ans, date de la première épidémie. Faute de vaccin, elle consiste en une isolation des zones contaminées et en l’éradication des troupeaux. A ce jour, 26.000 porcs ont été abattus, dont 9000 rien qu’à Shenyang. La coopération entre éleveurs et pouvoirs publics est bonne, ces derniers assurant à l’éleveur une compensation immédiate et adéquate (800¥) pour tout porc contaminé abattu. En 15 jours au Liaoning, après le lancement de l’alerte en août du fléau, 355.000 porcs avaient déjà été contrôlés, permettant l’abattage de 22 élevages avant que le virus ne se propage –mais entre temps, 4 autres foyers étaient identifiés entre Henan, Jiangsu, Guangdong et tout récemment, Anhui.
L’enjeu est considérable : une épidémie multi foyers de PPA a le potentiel d’infecter l’Asie du Sud-Est, la Corée, l’Europe. Et de fait, la partie est loin d’être gagnée—ce sont les autorités chinoises qui le disent – du fait d’autres vecteurs d’infection encore hors contrôle, telle la tique et le sanglier, frère sauvage du porc… Au moins, sur ce front, la Chine joue le jeu avec le monde.


Routes de la soie : Du roulis dans les routes de la soie

Le 3 et 4 septembre, durant le Forum sino-africain (FOCAC), la Chine devra défendre d’attaques de toute parts son plan BRI (Belt & Road Initiative), de nouvelles routes de la soie maritimes et terrestres. 
Une première critique jaillit en décembre 2017, quand le Sri Lanka en faillite se retrouva contraint à brader à la Chine pour un milliard de $ et 99 ans son port de Hambantota.
Puis le Premier ministre malais Mahathir Mohamad dénonça peu après sa visite à Pékin mi-août, le corridor ferroviaire ECRL et deux oléoducs, déclarant ces projets BRI « trop chers (22,3 milliards de $) et inutiles ». Mahathir pouvait oser cette insolence – sa stature historique le lui permettait, mais ailleurs dans le monde, de nombreux pays commençaient à penser de même.
Presque en même temps aux Philippines, le Président R. Duterte fit un pas de plus, prétendant « aller en guerre » contre la Chine si sa marine  continuait à molester ses chalutiers dans les Spratley, ou prétendait y explorer des hydrocarbures. Entre ce sujet et les BRI, le lien est fin, mais indiscutable, et il a été créé par Pékin-même. En 2017, la Chine promettait à Manille plus de 20 milliards de $ en projets BRI, moyennant une alliance avec elle et la mise au rancart de celle avec Washington. Or, ces offres tardent à se matérialiser : l’opinion philippine reproche à Duterte de brader les intérêts nationaux, pour rien. Ce qui force cet artisan convaincu d’une amitié avec la Chine, de changer son fusil d’épaule !

Pas en reste, les Etats-Unis viennent souffler sur les braises : R. Schriver, vice-secrétaire à la Défense déclare qu’en cas de guerre, Washington saura se montrer « bon allié »… Il est temps pour la Chine de penser à polir son image et ses règles des BRI : le 28 août, Xi les dépeint en « initiative de coopération économique universelle, pas en club chinois », et réfute toute velléité de piéger les pays pauvres, par leur dette envers elle.

Pour autant, sur le front des BRI, la Chine garde des atouts. Le Salvador rompt avec Taïwan, pour obtenir des projets BRI. L’Inde, hier adversaire des BRI (leur reprochant d’équiper  le Cachemire pakistanais), valide un projet de route BCIM, Calcutta-Kunming via Bangladesh et Birmanie, au bénéfice de 400 millions d’âmes du sous-continent. N. Modi le Président indien y propose une bretelle vers Chittagong en mer de Bengale, pour desservir Bangladesh et l’Etat indien enclavé de Tripura (cf carte).

En somme, quoique souffrant de maux de croissance, le plan BRI reste perçu par la majorité comme un outil d’avenir – pour peu que la Chine accepte de se remettre en cause, pour un partage des tâches et des profits !

 


Transports : Des ratés chez Didi

Présentant en 2015 Hitch, nouvelle filiale de covoiturage de Didi Chuxing (滴滴顺风), Mme Huang Jieli promettait un service « futuriste et sexy ». Hitch avait connu un succès énorme, avec plus d’un milliard de voyages effectués depuis, dont  30,7 millions au Nouvel an chinois 2018, et 50% vers des destinations reculées sans autre moyen de transport.

Le tableau aurait été parfait, s’il n’y avait pas eu 12 jeunes passagères (au moins) violées par leurs chauffeurs, dont 2 assassinées depuis juin. Gravissime, la nouvelle a provoqué une onde de choc à travers le pays, et la suspension du service depuis le 27 août. En effet, en cas d’agression d’un passager, le chauffeur est responsable, mais la firme aussi, émetteur et factureur de la course. Le ministère des Transports, et cinq métropoles ont donné à Didi jusqu’au 1er septembre pour présenter un plan de refonte de sa sécurité. Entre temps, les fondateurs Cheng Wei et Jean Liu congédiaient les directeurs de Hitch, présentaient des excuses et promettaient aux familles des victimes des compensations triples à celles prévues par la loi.

Le problème vient de l’origine privée des chauffeurs, à l’instar de Blablacar en France. Pour s’inscrire, Hitch n’exigeait qu’une carte d’identité, un permis de conduire et une carte grise. A présent, dans l’urgence, il envisage un contrôle trimestriel, écartant tout individu ayant eu des problèmes de mœurs, de comportement, de conduite routière ou de santé mentale.

Chen Weixing, jeune patron du secteur, va plus loin. Ce fondateur de Kuaidi Dache, grand rival de Didi avant que ce dernier ne le rachète en 2015, propose de faire fonctionner le secteur sous blockchain. Sa compagnie, VVGo distribue les courses par le biais d’algorithmes, et chaque passager et conducteur reçoit des jetons « VVS », permettant de se noter les uns et les autres via leurs smartphones. Ainsi, les usagers peuvent  suivre en temps réel les trajets et émettre des « SOS » en cas de besoin (si par exemple, le chauffeur quitte sa route sans l’accord du client), permettant la réaction immédiate de tiers (dont la police). Selon Chen, le résultat améliorera le climat de confiance, et pour les bons chauffeurs, leur donnera plus de travail. Mais surtout, cette transparence accrue, sous l’œil d’un réseau inviolable (blockchain), devrait permettre la mise à l’écart anticipée des conducteurs douteux – et avant toute chose, de décourager le crime.


Petit Peuple : Nanning – Crime et châtiment de Fu Ergou (1ère Partie)

Fin 2016, Li Qingxin, manager de 29 ans dans une agence de communication à Nanning (Guangxi) , rencontra lors d’un événement Fu Ergou, séduisant trentenaire d’1m80, bien bâti. Il lui adressa une œillade, qui fit mouche : Li, sous la pression de ses parents, pensait à fonder une famille… Le premier rendez-vous fut fixé au soir même, et une semaine plus tard, ils étaient en couple.

Au début, tout se passa comme dans un rêve. Le soir, ils sortaient dans de bons restaurants. Moderne, c’est elle qui réglait l’addition. Il la conduisait dans sa BMW à elle – elle lui avait confié ses clés.

Fu Ergou gagna ainsi sa place dans le cœur de Li, sachant lui laisser sa liberté. Il disparaissait des jours entiers, pour ne ramener la BMW que quand elle la lui réclamait. Quand il revenait, il lui chantait le nid d’amour qu’il comptait lui offrir sur les dividendes de la mine dont il était patron, et le mariage princier qu’il préparait, qui ferait date dans les annales. Ainsi la vie fut belle, durant 15 mois.

Mais en mars 2017, il lui annonça une terrible nouvelle : sa vieille mère souffrait d’une aorte bouchée, risquant à tout moment un AVC,  et devait subir une opération d’urgence. Comble de malchance, il n’avait pas les fonds en caisse : depuis trois mois, la mine était sous le coup d’une inspection, à l’arrêt. Pourtant, il lui fallait les 200.000¥ exigés pour l’hôpital…

Li connaissait ses devoirs envers sa future belle-mère : en deux heures, le temps de passer à la banque, elle lui remit une liasse de billets roses, fière de son sacrifice. Il la récompensa d’un baiser ardent !

Cependant, en dépit du prétexte irréprochable, cet emprunt cassa quelque chose entre eux, causant comme une alerte chez la jeune femme, au fond pas plus folle qu’une autre. En mai, elle commença à s’inquiéter de ses absences des jours entiers, qu’il ne prenait même pas la peine d’expliquer.

Sous des prétextes dilatoires, il avait toujours évité de l’inviter à son domicile, alléguant pas moins de cinq déménagements à la file depuis leur rencontre. Par contre, quand il était chez elle, à toute heure du jour et surtout de la nuit, elle le voyait prendre des appels sur son portable, en se détournant comme un coupable. Un soir, elle parvint à lire le numéro…

C’était une femme, et Li en était sûre, il la trompait ! Elle se retint deux jours, avant d’exploser : que faisait-il avec cette fille ? N’avait-il aucun respect de lui-même ? Elle qui avait tout donné, ne méritait-elle pas mieux ? Pour toute réponse, il lui décocha soudain, une retentissante gifle, révélant ainsi un aspect inconnu, profondément désagréable de lui-même.

Mais la correction ne découragea pas Li d’en avoir le cœur net  : le lendemain, elle composa le fameux numéro. Le dialogue fut vite plié : « bonjour, qui êtes-vous ? », fit l’inconnue. « je suis la petite amie de Fu Ergou », répliqua Li. « Moi aussi », rétorqua l’autre… Ainsi éclatait la vérité redoutée. Abasourdies, les demoiselles découvraient la perfidie de l’homme, ayant abusé d’elles pour leur argent. Pour autant, aucune ne ressentit haine ni rivalité envers l’autre, seulement  solidarité et compassion. En discutant, elles virent se consolider le sentiment qu’ensemble, elles pourraient prendre leur revanche.

Wei Wuhuai, la seconde amante depuis mai 2017, partageait avec Li de troublantes similitudes, tant dans son  profil que dans le scénario de sa conquête. Elle aussi était fille de bonne famille, bien éduquée et jouissant d’un bon emploi. Elle aussi avait rencontré Fu au travail, l’avait laissé vivre chez elle, l’avait vu emprunter sa voiture, et la taxer de 200.000¥ sous prétexte de frais d’opération pour la belle-mère.

« Au fait, fit Li prise d’une intuition subite, et si nous étions plus que deux sous sa coupe » ? Wei la comprit au quart de tour, et se fit fort de tirer l’affaire au clair—puisque c’était chez elle qu’il habitait ces temps-ci. La nuit d’après, tandis qu’il dormait à poings fermés, elle attrapa son portable, composa son code PIN—que Li, l’ayant repéré, lui avait passé. Et bingo, elle vit s’y étaler une interminable liste de roucoulements amoureux ! Il y avait bel et bien une troisième, une certaine Qin, ingénieure du son dans une start-up de reconnaissance vocale à Nanning. Surtout, Wei eut la mauvaise surprise de reconnaitre sa meilleure amie. Pour autant, Qin n’était pas plus coupable qu’elle-même. Wei s’en souvenait, Fu, chez elle, les avait souvent entendu papoter par téléphone. Attraper les coordonnées de la copine, avait dû être un jeu d’enfant. Plus compliqué avait dû être, une fois Qin séduite, cacher à chacune sa liaison avec l’autre…

Maintenant une discrétion toute orientale,  Wei avertit Li, puis toutes deux convoquèrent Qin pour lui souhaiter la bienvenue au club des victimes du charme de Fu Ergou !

Au moins, Li, Wei et Qin avaient ensemble un coup d’avance sur leur abuseur, ignorant le fait qu’il était démasqué. Bouillantes de colère, elles étaient prêtes à prendre sur lui une vengeance éclatante, à lui faire payer au prix fort le fait de les avoir « embarquées sur un pédalo à 3 places » (脚踏三只船, jiǎo tà sān zhī chuán) où elles trimaient pour lui, tandis qu’il se prélassait sur le pont ! 

Sous quelle forme prendra la fulgurante riposte des femmes sur le mufle ? Vous le saurez, la semaine prochaine !


Rendez-vous : Semaine du 3 au 9 septembre 2018
Semaine du 3 au 9 septembre 2018

3-4 septembre, Pékin : FCSA, 3ème Forum sur la coopération sino-africaine, rassemblant 53 pays d’Afrique et chefs d’Etat, sur le thème « La Chine et l’Afrique : communauté de destin et partenariat mutuellement profitable »

1-16 septembre, Changsha : China Int’l Green Food & Organic Food Exhibition, Salon int’l de l’alimentation Bio

1-23 septembre, Shanghai : Factory Automation Asia, Salon de l’automatisation des usines , de l’ingénierie mécanique et électrique

3-5 septembre, Shanghai : UWT China et BWT Expo, Salons de la gestion et du traitement de l’eau

 3-5 septembre, Shanghai : SIBT, Shanghai Int’l Building Technology – New, Salon des technologies de construction intelligentes

4-6 septembre, Pékin : COS+H, Salon de la sécurité des lieux d’occupation et de la santé

4-9 septembre, Shanghai : CINTE TECHTEXTIL China, SPINEXPO Shanghai, Salons et Conférence des non tissés et textiles techniques

5-7 septembre, Pékin : CINE, China Int’l Nuclear Power Industry Expo, Salon int’l de l’industrie de l’énergie nucléaire

 5-7 septembre, Pékin : Inter Airport China, Salon int’l des équipements et services pour aéroports

5-7 septembre, Shanghai : Int’l Aluminium & Carbon Conference

5-8 septembre, Shenzhen : CIOE Salon int’l de l’optoélectronique

7-9 septembre, Canton : FOOD HOSPITALITY WORLD, HOSFAIR, Salon chinois international des équipements et fournitures pour l’hôtellerie, de l’alimentation et des boissons.