Le Vent de la Chine Numéro 24

du 1 au 7 juillet 2007

Editorial : Diplomatie chinoise – carrousel islamique

La semaine passée, la diplomatie chinoise pencha vers l’univers musulman : exprimant ainsi son intérêt vital pour cette région du monde, peuplée d’alliés stratégiques, souvent anti-USA, et producteurs de pétrole !

Les 24-25/06, Liu Guijin, ambassadeur itinérant en Afrique, assistait à la conférence de Paris sur le Darfour, destinée à débloquer la mission mixte de 20.000 casques bleus et hommes de la force africaine, et finir une guerre tribale qui coûta 200000 vies en 4 ans. Ni les 10M² de crédits offerts par le ministre français Bernard Kouchner, ni les arguments de l’émissaire américain Condolezza Rice ou ceux de Nicolas Sarkozy ne permirent le déblocage. Liu, qui rentrait de Khartoum, déclara le Président Bashir prêt à négocier «n’importe où, n’importe quand », et évita toute suggestion que son pays pourrait accepter des sanctions au Soudan. La situation semble donc sans issue, Pékin campant sur son deal avec le Soudan, armes contre or noir !

Insolite, la visite en Chine (20-27/6) de Jalal Talabani, Président d’Irak. Une mission qui ne pouvait plaire à l’allié US, mais que ce dernier devait tolérer pour laisser son protégé vivre sa vie. L’Irak a envers Pékin 8MM$ de dettes, héritage du régime de S. Hussein. Or le 21, après avoir vu Hu Jintao, Wen Jiabao et Wu Bangguo (Présidents de la République, du Conseil d’Etat et de l’ANP), Bagdad était affranchi d’une «partie» de la dette et demandait la reprise du contrat signé en 1997 par la CNPC, annulé après la chute de Saddam, de développement du gisement d’Al Adhab (capacité de 90.000 barils/j). Même avec son goût du risque et l’appât de ces 3èmes réserves mondiales de pétrole, Pékin ne peut lancer ses firmes dans ce pays en pleine guerre civile, alors que ses propres ingénieurs sont enlevés en Afrique. Il souhaite aussi préserver sa propre image, à 14 mois de ses JO de Pékin.

Il venait d’ailleurs de subir un kidnapping à Islamabad (Pakistan, 23/06), 7 Chinois dont 6 femmes, relâchés le 24. Affaire embarrassante : la presse chinoise le tut, mais les étudiants auteurs du coup accusaient leurs victimes de tenir une maison close. L’incident arrive au mauvais moment, alors que Pékin prie Islamabad de lui livrer 22 ouighours réfugiés sur son sol. Manifestement, l’opinion locale n’accepte pas à 100% la présence chinoise sur son sil, et pas pour la 1ère fois : au début du mois, les gens de Gadwar dénonçaient le port à 200M$ bâti par Pékin, l’estimant plus tourné vers ses propres besoins, que ceux de la région.

Dans ce climat tendu, le dernier cadeau chinois vint à point pour arrondir les angles, coupant au 1/07 les tarifs douaniers de 3975 produits pakistanais de 11% (moyenne), à 8%.

Enfin, le 26/06, Yang Jiechi, nouveau ministre des affaires étrangères, confia à un visiteur israélien son souci face à l’embrasement de la Palestine, et appela « les parties concernées à faire preuve de retenue, pour rétablir le dialogue ». De la part de Pékin, c’est un signe d’impuissance, mais aussi d’exigence de compter parmi les futurs conciliateurs dans la région !

 


A la loupe : Fusions & Acquisitions, le spectre protectionniste

D’un abord ingrat, la future loi des fusions & acquisitions (F&A) est pourtant primordiale pour les sociétés en Chine, et encadre une pratique qui progresse à pas de géants. Ce texte passait le 25/06, en 2de lecture au bureau de l’Assemblée nationale.

Ouvert depuis 2001, le rachat de firmes locales impose le feu vert public à tout projet de plus de 100M$. En août 2006, six ministères dont le Ministère du commerce, interdisaient les rachats de firmes actives dans la « sécurité nationale », certains « piliers (secteurs) stratégiques » et des « marques célèbres ». En décembre, le Conseil d’Etat précisait ces piliers : les industries militaires, d’énergie, des télécom (hardware), d’aviation et de navigation… La loi en gestation vise à calmer les angoisses des nationalistes (ou des concurrents), et à mettre de l’ordre.

Aujourd’hui encore, pourtant, les F&A restent un phénomène minime. En 2006, selon Sun Peng, directeur au ministère du commerce, l’étranger investissait en Chine 1,4MM$ « frais » (et 4,8MM$ au total) en F&A, 49% de plus qu’en 2005, mais juste 2% de son investissement global. De plus, 75% de ces rachats étaient des firmes privées : le secteur public apparaît encore hors de portée, trop protégé et à risque. Se pose en outre pour l’acteur extérieur, la difficulté d’évaluer les chances de relance de la firme rachetée, sa juste valeur et son marché potentiel : seuls 20% de ces rachats sont profitables, dit le cabinet Deloitte.

La loi semble restreindre encore plus la liberté de reprise de firmes locales, en imposant le feu vert pour tout rachat affectant la « sécurité économique nationale ». Mais Zhang Yansheng, de la NDRC, plaide subtilement en faveur des F&A, en demandant que soit « mieux défini » ce concept extensible à l’infini.

La loi réveille le vieux fantôme du protectionnisme, et d’une « Grande Muraille » contre l’investissement extérieur, prédite par l’économiste Andy Xie. Mais est-ce le cas ? Ou au contraire, la vieille garde des industries d’Etat et des idéologues ne donne-t-elle pas son chant du cygne, avant l’inévitable rajustement industriel aux normes internationales ? En sidérurgie par exemple, pour plus de 400Mt de production par an, la Chine compte 4000 firmes, contre une dizaine en Europe. Un coup de balai est inévitable, avec l’aide étrangère, pour le bien du secteur.

NB : avec cette loi, la Chine suit le modèle des Etats-Unis lesquels veillent au grain avec leur Comité des invests étrangers, voire celui de l’Inde, qui bride ses projets d’invests portuaires, des télécoms, d’infrastructures. En fin de compte, étrangers comme Chinois ont besoin de temps pour adapter la pratique des F&A sur le terrain chinois : c’est peut-être ce qu’apporte la loi !

 

 


Joint-venture : Microsoft, internet sur la télévision

Microsoft— internet sur la télé

Pour 12M$ misés sur sa dernière émission en bourse, Microsoft prend 0,8% de Changhong, n°2 chinois du téléviseur.

Le 15/06, ces colosses de Mianyang (Sichuan) et de Redmond (Virginia) ont convenu de collaborer dans Media Galaxy, leur projet de R&D et production de « produits de divertissement numérique ». Changhong est un des rares, en Chine, à investir dans le téléviseur accédant à internet. Avec Microsoft, ils ont depuis 2004, un « partenariat stratégique multimedia », mettant en commun les logiciels experts de Bill Gates (VdlC 25/IX) et le réseau de détaillants du sichuanais. Nonobstant, cet accord a du mal à convaincre, pour deux raisons : Changhong ne brille pas par son génie technologique, et Microsoft ne passe pas pour toujours heureux en affaires boursières.                                     

NB : en janvier 2000, la rumeur courait d’une fusion Changhong – Philips, par session de 40% de son capital. L’affaire n’avait pas fait long feu. Le rapprochement présent peut signifier un pas assez petit pour rassurer Pékin, mais ouvrant la porte à une reprise du géant sichuanais, pour assurer son avenir et servir un marché mondial de l’internet, petit budget, grand écran !

Chine—Thaïlande : la pompe aspirante…

Thaïlande et  Chine finissent par se rencontrer…chez leur petit voisin mitoyen du Laos !

Ils viennent de boucler (21/06) les détails -notamment le financement- d’un vieux projet de pont sur le Mékong entre Houayxay (Laos) et Chiang Khong (Thaïlande), dernier chaînon de la route trans-asiatique nord-sud, qui fait partie de l’« initiative du grand-Mékong », lancée depuis 1992 entre 6 pays riverains et la Banque asiatique de développement.

Une fois achevé en 2011, Kunming (et Pékin) seront en lien routier direct avec Bangkok, permettant de booster les échanges de fret et de touristes. Dès 2006, l’export chinois vers la Thaïlande atteignait 9,7MM$, 25% de plus qu’en 2005. Par ailleurs, une autre infrastructure traversera le Laos, reliant les deux pays : les pylônes d’une ligne à haute tension ! La Thaïlande dispose d’un parc électrique de 26.000MW, mais qui devra plus que doubler (avec +31,800MW) dès 2021. Sans attendre, P. Amranand, Ministre thaï de l’Energie commande pour 3.000MW (pour commencer) au groupe Huaneng, connu pour ses appétits de barrages dans le Yunnan. Bing Fengshan, de la China Society for Hydropower Engineering, prédit sous 15 ans, 79MM$ d’investissement chinois, dans le triplement de son parc hydro-électrique.           

NB : la solution est mutuellement profitable : Bangkok achète son électricité, non la pollution qui va avec. Pékin obtient un superbe contrat, et met son voisin sous sa dépendance… à long terme !

Piranha chinois au Sud-Est brésilien

      Formidable reprise industrielle en perspective, entre Brésil et Chine ! Daimler et BMW cèdent leur JV à Campo Largo, bel ou-til, mais échec commercial. Yin Mingshan, milliardaire de Chongqing (fondateur des motos Lifan) est candidat à la reprise. Yin prépare pour août ’08, l’entrée de son groupe sur le marché auto. Pour équiper sa Lifan 520, il lui faut le moteur 1,4 et 1,6l Tritec, que produit l’usine brésilienne —il veut la démonter et ramener à Chongqing. Problème : Brasilia n’a jamais prévu de laisser partir ce bijou industriel, et veut sauver les 382 emplois… Mais faute d’alternative, Daimler et BMW sont pressés de récupérer une partie des 500M$ de leur mésaventure, et Yin assure trouver les crédits en Chine.

L’affaire rappelle celle, racontée par notre collègue J. Kynge *, du démontage de l’aciérie Thyssen-Krupp à Horde (Ruhr), remontée sur le bas-Yangtzé. Shen Wen-rong, patron de Shagang, a racheté l’usine au prix de la casse, pour 36M$ (250.000t de matériel), transport inclus. Pour la remonter, il a rajouté 1,2MM$, économisant ainsi 40% d’une aciérie neuve, et surtout, deux ans de fonctionnement. Shagang a ainsi doublé sa production et guignait le marché shanghaïen de VW et GM, en acier automobile de qualité allemande !

* China shakes the world, J.Kynge, Barne&Noble, 2006

Pour passer en Chine rouge, montrer patte blanche

Avec une vitesse atypique, Taipei permet à 4 groupes locaux d’investir 99,6M$ dans les semi-conducteurs en Chine.

ASE, n°1 de l’assemblage et du test, Siliconware, Greatek et Walton ont reçu le 26/06 l’approbation préalable—avec des mois d’avance. En principe, avant ce feu vert, Taipei s’assure que tel transfert n’entraîne aucune conséquence fâcheuse sous l’angle militaire, de l’emploi et de la compétitivité… Depuis l’arrivée aux affaires du Président Chen Shui-bian, cette surveillance était plus tatillonne. La promptitude des ronds de cuir insulaire s’explique, selon les sources, par 3 mobiles. D’abord, il s’agit de «chips» de conception ancienne, encore sur le marché, mais à bas coût. Ensuite, les 4 groupes ont promis d’investir « en dur » à Taiwan, 2,3MM$ sous 3 ans. Enfin et surtout, il faut permettre à ASE de résister à une contre-attaque de Amkor, l’ex-n°1, dépassé par ASE en 2003. Ce dernier a remonté en investissant en Chine puis, cette semaine, en se rapprochant de UTAC (Singapour), prélude à une fusion qui lui rendrait le 1er rang mondial… preuve, déjà bien comprise par Intel à Dalian (cf VdlC n°11) qu’en matière de puces, la Chine est le pays où il faut être ! Parmi ses investissements, ASE annonce une JV à Suzhou avec l’européen NXP  (filiale Philips), financée à 60% par elle, 40% par le néerlandais !

 

 


A la loupe : Hu Jintao, lutte de pouvoir et discours programme

C’est une tradition : la ligne idéologique du futur Congrès, est dévoilée en primeur devant l’Ecole centrale du Parti, par le Secrétaire Général. Jiang Zemin l’avait fait en mai 2002. A quatre mois du XVII. Congrès, Hu Jintao se prête à son tour à l’exercice (25/06). Face à 198 espoirs de la nomenklatura, il présente ses thèses en chemise et sans cravate : la symbolique vestimentaire compte toujours, en politique chinoise.

Côté conceptuel, nul renouveau. Hu réaffirme les deux thèmes de son mandat :

[1] la « société harmonieuse », c’est à dire une réduction des écarts de richesse, un effort d’investissements contre la pauvreté rurale, et la lutte anti-corruption, « tâche longue et ardue ».Quelques jours avant, Hu n’a pas hésité à dévoiler l’affaire des esclaves des fours à briques du Shanxi (cf VdlC n°23). Le secrétaire de la province a été obligé à ce rare exercice d’excuses publiques, sans préjudice d’autres suites judiciaires ou internes au Parti…

[2] le « développement scientifique », soit l’économie durable, la lutte anti-pollution et contre le gâchis industriel.

Ces concepts bien rodés sont bien sûr le socle du second mandat de Hu Jintao (2007-2012), destinés à dégonfler la colère à travers l’empire : l’air irrespirable des villes, leur trafic congestionné, les carences en santé, en formation, en assurance sociale. A la différence de Jiang Zemin, sous lequel le pays connaissait une croissance vive mais moins chaotique, en milieu de cycle, libre des excès actuels, Hu n’a d’autre choix que de prendre en compte l’opinion, et à bras le corps les dérives. A ce détail près, le projet reste le même—le seul possible, pour un n°1 du Parti communiste: le maintien sans faiblesse du leadership sous une «direction politique correcte ». Quand viendra la démocratie, « à long terme », celle-ci sera « socialiste », et « l’expansion de la participation politique des citoyens » se fera « dans l’ordre ». La survie du Parti (70M de membres) en dépend.

Ce discours comporte un air de lutte de pouvoir. Les deux mots d’ordre de Hu sont fondus en une seule priorité, puis rajoutés à trois autres (« réforme », « ouverture d’esprit », « aisance moyenne d’ici 2020 »), pour former quatre « directions ». La référence est claire : aux quatre « points cardinaux » de Deng et aux «trois représentativités » de Jiang, slogan que ce dernier avait réussi à inscrire à la Constitution, se hissant ainsi à un pinacle jusqu’alors occupé par Mao et Deng. Hu semble vouloir les rejoindre.

Dernier préparatif au XVII. Congrès : le 28/06, commença le conclave ultrasecret de Beidaihe, destiné à peaufiner les slogans du meeting quinquennal et désigner le successeur de Hu après 2012. Parmi les candidats : Li Keqiang, chef du Liaoning, He Guoqiang, directeur de l’organisation du Bureau politique, Li Yuanchao, secrétaire du Jiangsu, et Bo Xilai, l’actuel ministre du commerce.

 

 


Argent : Les nouveaux bourgeois, et leurs rêves

Crédits-carbone : le retard vient de New York !

Confrontée à son défi d’ici 2010, de réduire sa consommation d’énergie de 20% et ses émission d’effluents de 10%, la Chine poursuit l’affûtage de 2 armes financières:

[1] les crédits-carbone sont le droit, prévu par le protocole de Kyoto de vente à l’Ouest d’émission de gaz à effet de serre, après économie sur sol chinois d’un volume de pollution équivalente. Or, Pékin est impatiente, ayant déjà approuvé 524 dossiers de tels projets. Mais elle constate que l’ONU n’en a agréé que 90 et que seuls 19 ont commencé à fonctionner, permettant l’épargne de 180Mt de CO². La Chine portera cette année ces projets à 600 – l’Union Européenne paie 2,8M² pour former les firmes chinoises (mines, centrales thermiques) à cette technique commerciale d’avenir.

    [2] Bi Jingquan, vice président de la NDRC (National Development and Reform Commission), met sur les rails un projet de doublement dans 36 villes, des charges de retraitement des eaux usées (aujourd’hui à 0,67¥/t) et d’émissions de dioxyde de souffre (0,63¥/t).

But : faire entrer dans les têtes, le principe du pollueur-payeur, tout en coupant l’adduction des mauvais payeurs, et en publiant leurs noms sur une liste noire ! La vis sera serrée progressivement—mais aucun échéancier n’a été donné !

Les nouveaux bourgeois et leurs rêves

Selon Xinhua, la classe moyenne chinoise (6000/50.000²/an de revenu) compte 80M d’âmes : 15M de plus qu’en 2005.

Ils sont 24M sous le seuil de pauvreté (moins de 70²/an), contre 130M vingt ans plus tôt. Entre les deux, 2 à 300M de pauvres oubliés de la croissance. Sur les nouveaux bourgeois, HRC – Horizon Research Consultancy – l’agence géante pékinoise de sondage, 2500 interviewés, décrit la mutation sociologique qui se déroule sous nos yeux à travers les métropoles.

32% des citadins vont sur internet, 26% chattent. 86% mettent leur santé, la détente au 1er plan. L’homme des villes dépense en moyenne 62¥ par mois en tonifiants et 148¥ en salle de gym. Trois sur quatre ont besoin de se démarquer, d’affirmer leur personnalité à travers la mode y dépensant en moyenne 10.000¥ en 2006, en vêtements (dont les moins de 27 ans achètent plus d’un par mois), en téléphone portable (dont 42% en changent tous les 2 ans—voir p.4, article « Petit Peuple »). Le luxe est le point focal.

Un citadin sur cinq épargne pour s’offrir un de ces objets signe de standing, ainsi qu’un tiers des étudiants ou néo-diplômés malgré leur faible budget. Signe d’une foi inébranlable en la possibilité d’un bonheur sur terre, basé sur la consommation !

 

 


Pol : UNESCO- Chine : mise en garde

UNESCO- Chine : mise en garde

Bonne nouvelle pour la Chine, dont deux sites sont intégrés par l’Unesco au sein du « patrimoine mondial ».

 Ce vote annuel à Christchurch (Nouvelle-Zélande), porte les sites chinois à 35. Les petits nouveaux sont la forêt de pierres entre Yunnan, Guizhou et Chongqing, et les 1833 tours de défense de Kaiping (Guangdong). Malgré les apparences, entre la Chine et le conservateur mondial, le courant ne passe guère. Jiangmen Daily, le journal cantonais, vendait la mèche le 26/06, révélant que 6 des sites chinois risquaient la relégation dans la liste des «sites menacés »: la Cité Interdite, le Palais d’Eté, la Grande Muraille, le Potala (Lhasa), la cité médiévale de Lijiang (Yunnan), et la région yun-nanaise des sources du Mékong, du Yangtzé et de la Salween (rivière Nu). Sur ces 6 sites, l’Unesco déplore la pauvre conservation. Sur la Nu en particulier, Yunnan et le groupe Huaneng prévoyaient 13 méga barrages. Sommés depuis janvier de répondre par écrit, Pékin s’est gardé d’approuver le projet. Kunming conteste que ses futures centrales endommagent sa nature, et déjà un village a été évacué, suggérant le lancement imminent d’au moins un chantier…

Diplomate, l’Unesco (28/06) a maintenu les 6 classements, mais celui des 3 fleuves « avec sursis », sous réserve d’un prochain rapport à présenter début 2008. Rien n’est décidé sur le fond, et de la Chine, un message clair est attendu : son environnement, ou son énergie (article «Chine-Thaïlande»)!

« Produit chinois—signe toi ! »

Après la «malbouffe» pour chiens et chats, le dentifrice empoisonné, suit une rafale de nouvelles alertes sécuritaires sur les produits chinois.

 En 10 jours, Washington impose le rappel de :

[1] 1,5M trains en bois Thomas & Friends de la firme RC2 pour risque de saturnisme via la peinture au plomb;

[2] 0,45M de pneus de Hangzhou Zhongce Rubber (trop minces de 6mm);

[3] les poissons et crevettes d’élevage, après découverte de traces d’antibiotiques utilisés pour prolonger la fraîcheur. Liste non limitative!

En Suisse, les services de l’hygiène saisissent (26/06) 2500t d’aliments chinois du bétail, faux gluten de maïs additionné d’urée, mélamine et même (!) acide cyanurique. Le sénateur démocrate R. Durbin résume le sentiment, estimant « le label made in China, synonyme de danger ». A moins qu’une série de problèmes, réels au demeurant, ne déclenche une vague émotionnelle injustifiée !

Pékin tente de se défendre, rappelant avoir fermé l’an passé 152.000 PME alimentaires (sur 1M que compte le pays), et 180 depuis 6 mois, tout en détectant 23000 infractions. Mais le mal est fait : l’image du produit chinois est au creux de la vague !

 

 


Temps fort : Hong Kong 10 après, 1/2 bouteille pleine, 1/2 bouteille vide

Le 30 juin 1997 à minuit, Chris Patten, ultime gouverneur de Hong Kong repliait l’étendard de l’Union Jack et franchissait, ému, la passerelle du yacht royal Britannia, mettant fin à 156 ans d’Empire britannique sur terre chinoise.

Dix ans après, la Chine, Hu Jintao en tête, célèbre la rétrocession, et la RAS – la Région administrative spéciale –  fait son bilan. En apparence, rien n’a changé. Le nouveau maître a tenu sa parole et respecté institutions, traditions, courses de chevaux, monnaie et noms des rues. Mieux encore, il a aidé les 7M d’habitants du Rocher à franchir la tempête financière asiatique de 1997, celle du SRAS de 2003. Au plan matériel, l’enclave se porte bien. Portés par son géant voisin, le développement de son tourisme, les guangxi (amitiés) au plus haut niveau de milliardaires tel Li Ka-shing, et le tarif douanier préférentiel CEPA Closer Economic Partnership Arrangement (élargi le 29/06 à 10 nouveaux services et à 17 nouvelles positions tarifaires), les échanges ne font que croître et embellir. Les atouts historiques de Hong Kong, légués par le Royaume-Uni, jouent désormais à plein : son cadre réglementaire, sa justice, son éducation. Hong Kong reste 1ère place financière et de services d’Asie. Mais sa rivale du Nord, Shanghai, la talonne, la rivalisant déjà dans le secteur portuaire.

Politiquement, par contre, c’est le gel : d’immenses efforts de Pékin n’ont pas permis d’affaiblir la position des démocrates—au contraire ! Un programme intense de sinisation en mandarin n’a pas ôté aux Hongkongais le goût de l’anglais et de l’Occident. Si 22% des jeunes se sentent « Chinois d’abord » (contre 16% en 1996), 40% de la population restent « Hongkongais d’abord ».

L’aspiration démocratique reste identique, comme le démontre le bras de fer des mois derniers, sur le suffrage universel. Les Hongkongais ont bien du mal à reconnaître que leur liberté ne dérive pas d’une souveraineté interne, mais leur est déléguée par Pékin, à sa guise. Laquelle en revanche n’a pas pu imposer un changement de la constitution dans un sens moins libéral, ni empêcher en 2003 le départ de Tung Chee-hwa, l’impopulaire gouverneur, ni le rassemblement en 2003 et 2004 de manifestations de 0,5M d’âmes. La toute dernière était programmée ce 1er juillet : de nombreux hauts personnages recommandaient d’y participer, tel Mgr Joseph Zen, cardinal-archevêque, tandis que Chris Patten déplorait un « recul de la démocratie », et que seuls 51% des insulaires avaient confiance en l’avenir…

Tel est, sous l’égide du principe « un pays, 2 systèmes », le deal malaisé entre ces deux versions de la Chine, celle de l’autoritarisme collectif contre celle de l’initiative individuelle—résidu d’un passé qui ne parvient pas à trouver sa fin !

 

 


Petit Peuple : Comment bloquer la roue de la fortune

A l’instar de tout humain, le Chinois a adopté le petit cube plat quadrillé de boutons, comme l’extension de sa main, et plus encore. Il y voit l’organe d’un dialogue avec le monde, libéré du langage du corps et du regard fouineur de l’autre. Parfois même libéré du son, via les SMS qui portent l’être au degré zéro de la communication.

Aux 400M d’abonnés locaux, le tél. portable donne l’air affairé, occupé, complet en quelque sorte. C’est le compagnon virtuel parfait, l’outil de travail, de loisir, de l’amour: l’alter ego primordial, et l’on peut comprendre qu’ici comme ailleurs, son choix impose une recherche et une réflexion intense, à propos de ses lignes, de ses fonctions, ses couleurs ou sa marque !

Or, le Chinois se distingue des autres, en mettant une priorité extrême sur la qualité du numéro : avec son génie mariant superstition et mathématique, il sait qu’une âme réside dans cette série de chiffres et n’hésite pas à y investir !

Fantastique beauté d’Anshan (Liaoning), Melle Fu avait trouvé un numéro qui faisait sa fierté, terminé par quatre «sept» qui lui dispensaient un halo magique : ce chiffre qi (七, 7) est homophone de 起, qui dans le Yi jing, le livre des changes, désigne « hausse », « montée », et donc « chance ». Sans doute pas par hasard -ni Fu, ni ses amis n’en doutaient-, depuis l’achat de ce n° miracle, elle gagnait en bourse : cette bonne fortune, elle la devait d’abord à son amulette chiffrée !

Bien vite cependant, la belle se lassa du joujou : elle repartit chez China Mobile, se choisir une série encore meilleure. Ce jour-là, un détail anodin en apparence, changea sa vie: comme Mentor dans cette affaire capitale, elle avait amené Xiaolang, son jeune frère étudiant en math à l’université Qinghua -phare du pays. Or, parmi les listes de numéros offerts, sans se décourager à ses abords rébarbatif ou abscons, Xiaolang, tomba en arrêt devant le numéro 13841287201:

prends celui là,tout de suite!

-mais pourquoi ?

-Vas-y, te dis-je, fais vite !

Le cadet état très sûr de lui : car ce chiffre, c’était ce même chiffre sept, mais cette fois ci à la puissance12. Et la fortune qu’il promettait, était donc amplifiée à un degré cosmique !

Elle le prit donc. Mais tout de suite, de façon inattendue quoiqu’au fond logique, cette source de chance superlative lui fit du tort. Fier de son nez creux, son étourdi de frère ne trouva rien de mieux à faire, que poster sa trouvaille sur internet. Immédiatement, le monde chinois entier prétendit le racheter. Les offres s’accumulèrent. La dernière, d’un richard de Wenzhou, vaut 77000², record de Chine -et ce n’est pas fini. Fu ne veut rien savoir, mais en attendant, doit se résigner à ne plus utiliser l’appareil que pour appeler, et à le couper le reste du temps, pour sauver ses nuits !

La solution à son dilemme, elle la connaît bien, même si elle s’y refuse encore. C’est celle inscrite dans le proverbe 七上八下 (qi shang ba xia), « monter à sept, descendre à huit » : laisser la roue de la fortune redescendre, achever son cycle. En l’occurrence, qu’elle vende sa carte Sim, ou se la laisse voler : prix à payer pour quitter sa chance, faute de savoir la chevaucher !

 

 


Rendez-vous : Shanghai, Salon des bio techonogies et de la pharma

3-6 juillet : Salon des équipements et des technologies de publicité

3-6 juillet : Salon int’l de l’industrie du papier

4-6 juillet : BioTech & Pharm China 2007