Le Vent de la Chine Numéro 14

du 8 au 14 avril 2007

Editorial : La Chine en lumière pure

Le jeudi 05/04, fête du 清明Qingming, ou de la lu-mière pure –équivalent de notre Toussaint-, toute la Chine se rendit au cimetière, garnir les stèles de fleurs et fruits, brûler l’encens et tous les artefacts en papier (villa ou Mercedes miniatures, faux Viagra) destinés à agrémenter la vie dans l’au-delà. Le Qingming vit aussi sur internet, en un curieux salon funéraire virtuel où chacun peut, à moindre coût, honorer ses morts, leur offrir « fleurs », « chants » et messages pieux…

En ce jour, la presse rappelle le coût de la surpopulation, sous foncier : le prix du sol exorbitant, pour les morts plus que pour les vivants. A Zhengzhou (Henan), le m² de tombeau coûte 780², le double du logement… Bientôt, un règlement national taxera jusqu’à 50000² le cimetière indiélicat,vendant ses concessions sans certificat de décès, ou bien par lots trop spacieux. Shanghai double sa subvention au «cimetière marin», à 40² la sépulture : par dizaines, les familles embarquent pour immerger les cendres de leurs défunts avec cérémonie collective. Ville vieillissante aux 100.000 décès/an, Shanghai sait qu’elle devra fermer ses cimetières sous 10 ans, faute d’espace. Or pour l’instant, gésir dans l’océan ne tente encore que 1600 familles/an…

Autre souci : la Chine s’effare de voir exploser le nombre d’analphabètes (qui maîtrisent moins de 1500 caractères). En 2000, ils étaient 87M, et 11,3% de la société: prodigieux recul de l’ignorance,fruit de 40 ans d’efforts par la 1ère génération de leaders socialistes. Et pourtant cinq ans plus tard en 2005, les illettrés étaient montés à 116M, 15% : la Chine redépassait l’Inde! La rechute a trois raisons, toutes liées à des choix faits par l’ère de Deng.

[1] Trop de jeunes ruraux montent à la ville, sans finir leurs neuf ans d’études obligatoires : plus la peine, avec tous ces emplois en usine qui les attendent !

[2] La vieille promesse de consacrer 4% du budget public à l’éducation n’a pas été tenue – on en est, 14 ans plus tard, à 3,5%.

 [3] L’absence de liberté d’enseignement se paie : seuls 16% des 15M d’étudiants choisissent les « sciences sociales » (celles dont on fait les professeurs), dont la moitié en langues… Le régime n’est pas encore prêt à laisser les facs forger des générations d’esprits autonomes, voire critiques ! Pour enrayer le chancre de l’illétrisme, Pékin affirme avoir payé…  800.000²/an depuis 2000 (une misère!) et en mars dernier, le 1er ministre Wen Jiabao promettait l’école gratuite aux 150M d’enfants ruraux les plus pauvres, pour un budget scolaire de 22MM². Mais en janvier à Huadu (Guangdong), des milliers de professeurs manifestaient pour leurs salaires – grève occultée par la censure… Clairement, il en faudra plus, pour inverser 20 ans de désinvestissement dans les écoles!

Dernière nouvelle préoccupante : chef du bureau pékinois de PCM, firme française de pompes industrielles, Ma Jian est sous les verrous depuis le 28/02, pour son engagement dans une secte notoire. Sa firme, la famille et les autorités françaises n’obtiennent pas de nouvelles. Comme quoi ça n’arrive pas qu’aux autres !

 

 


A la loupe : Environnement : retards et ratés

Promise pour mars, la publication du rapport de la SEPA (l’autorité environnementale) sur le PIB Vert de 2005, a fait long feu, suspendue par l’Office Statistique (NBS), qui contes-te la méthode de fixation de cet indicateur expérimental, fait pour rétablir la croissance réelle, en amputant du taux brut (les 11% actuels) les coûts négatifs en terme de santé, nature et qualité de vie (4% ou +). De source interne, le NBS (son nouveau patron Xie Fuzhan) agit sous pression des 10 provinces et villes-pilotes du projet, craignant de faire les frais d’ un bilan plus dévastateur que prévu. A l’approche du 17ème Congrès, quand se jouent leurs carrières, les cadres ont plus à perdre à jouer franc jeu qu’à faire obstruction. Vice structurel d’un système pénalisant le courage individuel. Le Conseil d’Etat pourrait décider de publier le rapport, à condition d’avoir le courage, et la majorité au Bureau Politique, ce qui est incertain.

La nature elle, n’attend pas. Une sécheresse pire que les années précédentes (fruit d’un hiver trop chaud, d’un recul des pluies et de la pollution de l’air), prive d’eau 15 provinces de Chine du sud et sud-ouest, affectant 13,5Mha d’emblavures, 10M de fermiers, 9M de têtes de bétail. Cinq des huit usines de retraitement de Canton fournissent à 2,7M d’hts une eau rendue non potable par métaux lourds et produits chimiques. Le même constat se retrouve partout, dû à la surexploitation de la ressource. 70% des fleuves, 90% des nappes phréatiques sont contaminées. Différentes études dont celle de la NDRC montrent que seules 40% des eaux usées sont retraitées. Plus de 600 villes sont dépourvues d’usines de traitement. Celles existantes, fautes de produits et crédits, ne tournent qu’à 15% de leur capacité. Le constat est le même en matière de déchets urbains. Sur les 155Mt en 2005, seuls 14% étaient recyclés.

Face à ce blocage,des mesures éparses se multiplient.Une concentration d’entreprises polluantes en parcs industriels ad hoc, est annoncé à Chengdu, Tianjin. La taxe nationale ménagère de traitement des déchets et eaux usées serait pour fin 2007. Le produit financera la construction et la maintenance des 10.000 usines nécessaires. Le parquet, à tous échelons, s’apprête à attaquer les pollueurs sérieux, et veut incarcérer les responsables, les amendes actuelles n’étant pas dissuasives. Mesures traduisant une prise de conscience, mais aussi un constat d’impuissance, vu la faiblesse du pouvoir à faire appliquer ses propres décisions jusqu’à présent !

 

 


Joint-venture : Publicis perce en Chine

Publicis : perce en Chine

A Chengdu (Sichuan), Publicis s’offre Yong Yang (Chengdu), leader incontesté des services de marketing au centre de la Chine, avec ses 29 agences.

Pas de montant précisé, mais l’investissement lui permet de tenir 55% du groupe, doté de clients tels Budweiser, Marlboro, Sony Ericsson, et l’alcool local Wliansheng. Yong Yang entrera dans le réseau Arc Greater China, sous l’ombrelle de Leo Burnett Worldwide, filiale à 100 % de Publicis Groupe.

Il y a exactement un an, Publicis a acquis à Shanghai 80 % de Betterway Marketing Solutions. Puis en octobre, il a repris le franco-japonais Emotion, leader de la communication événementielle en Asie, également présent à Shanghai et Pékin. Maurice Levy, PDG de Publicis, réalise ainsi sa stratégie d’entrée en Asie. Le 4ème groupe mondial de communication ne pouvait faire l’impasse sur ce second marché mondial dont 75% en Chine. En 2007, la Chine dépassera la France comme marché de l’annonce, se plaçant 5ème après USA, Japon, Grande-Bretagne et Allemagne. Quel chemin parcouru par ce pays qui, vingt ans plus tôt, en fait de publicité, était plus nu que le désert du Gobi !

Pepsi « met le paquet »

26 ans après son arrivée à Shenzhen, Pepsi est fatigué de suivre à la trace Coca Cola, n°1 mondial et local. D’ici 2012, à en croire Indra Nooyi sa présidente (3/04), ses 15.000 employés locaux auront doublé et peut-être aussi les emplois indirects, aujourd’hui 150.000 (du fournisseur au grossiste, en passant par le petit boutiquier).

Ceci est la preuve de confiance de Pepsi en ce marché bouillonnant, sur lequel il a déjà investi plus d’un MM$, sans compter les 850M$ qu’il veut y  mettre avant deux ans. Avec ses partenaires, Pepsi contrôle 40 JV, et vend pour 6,6MM$ de caisses de soda en boîte et en bouteille.

Le géant de Purchase (NY, US) veut aussi formuler un soda à la basse calorie, pour appaiser l’angoisse d’obésité du jeune Chinois. Il va  aussi recruter 600 néo-diplômés, notamment pour son centre de R&D ouvert à Shanghai en 2006.  Outre les sodas, Pepsi fait aussi dans le jus (Tropicana), l’eau (Aquafina), les céréales (Quaker). Enfin, avec le Ministère de l’agriculture, le groupe qui fêtait son centenaire en 2003,  a créé une ferme modèle de pommes de terre en Mongolie intérieure, et espère fournir plus tard toute l’Asie en patates « made in Pepsi »!

Acer – Lenovo : sic transit gloria mundi

     Sur le marché planétaire des ordinateurs, Dell et HP mènent la danse, suivis des éternels rivaux, Lenovo (Chine) et Acer (Taiwan).

La 3ème position est aux mains du groupe continental, mais plus pour longtemps à en croire le PDG d’Acer J.T Wang, qui se verrait bien en bronze dès ce second semestre. Après une progression annuelle de 30 à 40% des ventes jusqu’à l’an passé,  Acer contrôle 6,8% des ventes mondiales fin 2006,  talonnant Lenovo à 7,1%. Les courbes sont cruelles : un an plus tôt, Acer ne tenait que 4,7%, et Lenovo caracolait encore à 7,3%. Le groupe insulaire explique son succès par un plan marketing osé, mais gagnant. Couper ses marges à 2, voire 0,5% (donc, dangereusement bas) afin de pouvoir rétribuer ses partenaires, et doter ses modèles d’une casaque de luxe, partenaire de Ferrari depuis 2005. Par cette approche « acérée »,  Acer a fulguré de janvier à septembre 2006 en Chine (+41% de vente), en Europe et aux US où sa progression (+87,6%) a assez inquiété HP pour essayer, sans grand biscuit, une attaque en justice pour contrefaçon.

Face au mustang insulaire, Lenovo reste handicapé par une image de qualité incertaine et perd de l’argent aux USA-même, malgré le renfort d’IBM. Faible consolation : Greenpeace l’a distingué pour ses efforts écologiques de recyclage pour ses ordinateurs en fin de course. Le groupe tente de reprendre l’avantage et se créer une image encore manquante sur les marchés grand public européens et US… Avec un atout qui tombe à point : les Jeux Olympiques dans sa propre ville, l’an prochain : souhaitons lui bonne chance !

 

 


A la loupe : Commerce : Washington ouvre une boîte de Pandore

Le virage commercial amorcé par les autorités américaine à l’égard de la Chine contraint Pékin à réagir.

Vendredi 30/03, Carlos Gutierrez avait annoncé la taxation entre 10,9 et 20,35% des exportations de papier glacé made in China.  La mesure ouvre la voie à d’autres actions contre les exports chinois subventionnés (machines, acier, produits informatique ou de bois…) Pour apaiser la tension, Pékin devrait acheter 12,5MM$ de produits américains (électronique, soja, coton).

Pékin accuse Washington de trahir une promesse faite lors des négociations de l’OMC (organisation mondiale du commerce), et de lui infliger une rétorsion  prévue pour les pays à économies de marché, statut qu’il lui refuse précisément. Elle dénonce aussi le débordement de la politique intérieure américaine. Démocrate depuis peu, le Congrès pourrait adopter fin 2007 une loi imposant des sanctions contre la Chine si elle ne réévalue pas sa monnaie. 39 projets anti-chinois proposés ont été rejetés, mais l’avenir n’est pas garanti, l’élection présidentielle américaine de 2008 poussant à la surenchère.

Initié à l’OMC début février par le dépôt d’une plainte contre 9 lois chinoises protectionnistes, le virage de Washington pourrait se poursuivre d’ici décembre, par une nouvelle plainte de la représentante américaine Susan Schwab contre les violations répétées de la propriété intellectuelle américaine en Chine.

En attendant, le dialogue malaisé se poursuit entre Wu Yi , Vice 1er ministre, et Henry Paulson le secrétaire au Trésor, qui avertit Pékin de lâcher vite du lest sur les dossiers sensibles, afin de prévenir d’autres dérapages.

Le pari des USA n’est pourtant pas sans risque : au moment de l’annonce par Carlos Gutierrez des taxes compensatoires, le dollar a plongé. Les USA souffrent des 232MM$ de déficit commercial (record historique), mais Pékin contribue aussi à la tenue du US$ par ses achats en bons du Trésor, dont elle en détient au moins pour 400MM$. En cas d’aggravation des hostilités, d’aucuns voient le spectre de ventes massives de ces actifs (accélérant l’érosion du billet vert) et des rétorsions chinoises contre les firmes et exportations étrangères, dom-mageables pour l’économie américaine.

On n’en est pas là ! Au contraire, J. Anderson, économiste à l’UBS, prédit sous peu de mois la reprise de la hausse du ¥-Yuan et l’accalmie de l’export chinois (rééquilibrage de la balance commerciale), apaisant la tension entre les deux bords !

 


Argent : La dérégulation pétrolière, à petits pas…

Acquisitions étrangères—le raidissement sélectif

 

     Carlyle, l’américaine, offrait 326M¥ pour 7,99% de la banque municipale de Chongqing. La CBRC (China Banking Regulatory Commission) a dit non le 04/04!  Mais la même CBRC valide la reprise de 17% (700M¥, le 29/03) de Chongqing par Dah Sing (HK), par ailleurs partenaire de Carlyle…

Avec 67 agences et des actifs de 33MM¥, Chongqing fait comme les autres chinoises, cherchant reprise minoritaire à l’étranger pour diluer ses dettes avant passage en bourse de Hong Kong. L’Etat encourage, mais doit aussi composer avec la frange nostalgique du régime, craignant une «braderie des biens de la nation». Aussi impose-t-il une nouvelle règle : seule la banque peut investir dans la banque, pour limiter la spéculation. Or Carlyle est une compagnie d’investissement !

Par ailleurs, Habib Bankk, 1ère banque privée du Pakistan (de l’Aga Khan), aurait repris 19,9% de la Banque d’Urumqi (Xinjiang), 1000 employés, 69 agences, 1,7MM² d’actifs. Le prix pourrait être les 50M$ prêtés à cet effet, à huit ans par l’IFC (Int’l Finance Corp.). Pour accélérer les relations avec l’allié pakistanais, la CBRC aurait donné son accord. Gageons que la nouvelle fin de non-recevoir à Carlyle, et cette série de feux verts sélectifs à la concurrence, ne va rien arranger à la bisbille commerciale sino-US (cf page 1) !

 

La dérégulation pétrolière—à petits pas

      L’Etat a toujours fixé des prix trop bas aux hydrocarbures, et monopolisé le secteur. Mais la grande muraille de l’or noir se démantèle brique à brique.

Dès décembre 2006, deux «déréglementations» ont été émises : sous réserve d’une capacité de production d’1Mt /an et de stockage de 10.000m3, les compagnies privées et étrangères auront leur licence. Mais en même temps, les prix non libérés causent aux raffineries chinoises de lourds déficits (7,5MM$ en 2006), et font qu’hormis les quatre grands locaux déjà dans la place (CNPC, Sinopec, Cnooc et Sinochem), peu ou pas d’outsiders sont à attendre à court terme.

Tout ceci n’empêche ExxonMobil et Saudi Aramco de parapher un accord négocié depuis 12 ans, pour placer avec Sinopec 5MM$ dans deux JV  du Fujian : l’une pour tripler la capacité d’une raffinerie à 240.000 barils par jour, l’autre pour ouvrir 750 stations-services. C’est le premier gros contrat pour Exxon en Chine  et le premier projet pétrolier intégré qui associe des capitaux étrangers. Steve Simon, président d’Exxon, se dit bien sûr ravi de pénétrer un marché national qui avance 2,7 fois plus vite qu’ail-leurs au monde, mais s’inquiète des prix de vente.

Sans trop de souci tout de même : déjà la presse évoque l’arrivée prochaine de la taxe de carburant, d’une hausse de 10% du gaz naturel dès ce mois-ci. Et pour inciter le consommateur à économiser, quelle autre solution que d’aligner les prix à ceux mondiaux ?

 

 


Pol : Soudan – le pouvoir est au bout du baril !

Sida – l’hirondelle annonce le printemps

A Pékin le 05/04, UNAIDS et CICR affichent une embellie sur le front du SIDA.

Sans chiffres nouveaux (on s’en tient aux 650.000 cas officiels estimés, de nouveaux chiffres devant tomber fin 2007), mais le pouvoir «mène les bonnes actions depuis deux ans», renversant des décennies d’obscurantisme. Des journalistes étrangers sont introduits par le Ministère de la santé dans les villages du Henan jusqu’alors interdits. Les cliniques de méthadone, permettant d’éviter la seringue, sont déjà 320 (il en faudrait 1500 !). La distribution anonyme de seringues débute. Ainsi, le SIDA n’a fait qu’une percée limitée en Chine, moins de 0,5% de prévalence,  inférieure aux Etats-Unis.

Parmi les obstacles qui demeurent : l’Etat refuse de financer ses hôpitaux ni les organisations non gouvernementales, ONG anti-SIDA,quoiqu’il ne sache que faire de ses 1.100MM² de réserves en devises. La Croix Rouge  limite son action dans 19 provinces faute de moyens. Les citoyens, voyant l’Etat rester bourse liée, font de même… Et l’Etat refuse toujours d’enregistrer les ONG, voyant en elles une rivalité, plus que des forces sociales alliéees, à jeter dans la bataille.

NB : l’opinion est prête à cesser de stigmatiser prostituées et drogués. Pour les homosexuels, c’est nettement plus dur, mais Phoenix-TV, depuis Hong Kong, débute cette semaine une série de 12 épisodes sur les gays en Chine ! 

 

Chongqing / maison-clou, fin de la saga

Les 2 ans de saga de la maison clou à Chongqing (Sichuan), dont 10 jours sous les feux de la rampe, ont vécu leur épilogue.

A la tombée de la nuit du 2/04, Yang Wu et Wu Ping, propriétaires de la bicoque de 200m² ont accepté l’ultime offre du promoteur : une maison à 3M¥ (mais le couple doit rétrocéder 0,5M, pour arriver à 2,5M¥, valeur estimée de leur bien), et 0,9M¥ en dommages pour la clôture arbitraire de leur guinguette. A peine l’accord signé, l’excavatrice vrombissait et 3 heures après, la baraque avait vécu. Fin de l’affaire et extinction des blogs ayant assuré l’info d’heure en heure, en l’absence des média locaux censurés.

Offi-ciellement, tout le monde est gagnant. Pour la presse, c’est une victoire du droit, de la nouvelle loi de la propriété et de la mairie, qui par « sa sagesse et ses efforts » a assuré la médiation sans céder à la violence. Sur le sens réel de cette crise, deux regards opposés coexistent :

[1] Dépassée par la publicité mondiale Pékin a imposé une issue très rare, en faveur du propriétaire, rompant la collusion classique promoteur / cadre. Une première qui fera date et en inspirera d’autres…  

[2] L’inefficacité du contrôle des blogs durant cette crise est atypique. Pékin n’aurait-elle pas laissé cette affaire se répandre? Voire, l’aurait elle voulue, pour renforcer une image «préolympique» de démocratie soucieuse des droits et libertés de ses citoyens?  

Les seuls fauteurs, sous cette version, étant les promoteurs, le régime se retrouvant blanchi.

Soudan – le pouvoir est au bout du baril

Chef d’État-major soudanais, Haj Ahmed El Gaili était en Chine (1-8/04), invité par Liang Guanglie, patron de l’APL (Armée populaire de libération).

Visite très suivie par l’Occident : le ministre de la défense Cao Gangchuan annonce un renforcement de leur coopération en kaki. Alors que l’Ouest reproche à la Chine d’avoir armé Khartoum et ses milices contre les « rebelles » (ethnies chrétiennes du Darfour) causant 200.000 morts et plus de 2.5M de réfugiés. L’Ouest reproche aussi à Pékin d’avoir protégé le Soudan des sanctions de l’ONU, lui permettant de reporter sine die tout déploiement de casques bleus.

Mais en même temps, Pékin « espère » publiquement voir Karthoum accélérer les négociations avec les rebelles : ainsi, il renforce son rôle de « parrain » du pays isolé, affiche son indépendance tiers-mondiste, mais pourrait aussi « piloter » en douceur le Soudan vers une réconciliation nationale. En tout cas, il consolide ses 3MM$ d’invests pétroliers sur place : raffinerie, oléoduc vers Port Soudan, munitions, armes légères  (deux usines locales), tanks, hélicoptères, chasseurs bombardiers, ainsi que quelques routes, ponts et édifices publics. En échange, le Soudan lui livre deux-tiers de son pétrole, environ 350.000 barils par jour !

 

 


Temps fort : Nominations, valse du Congrès, nouvelles étoiles filantes

Mercredi 4/03, un an avant les Jeux Olympiques, Wang Qishan, maire de Pékin, quitte sa capitale, pour le Guangdong dont il devient n°1.Wang la connaît bien, y ayant réglé avec succès (1998-2000) la tonitruante faillite de la GITIC (Guangdong Int’l Trust and Investment Corp.).

Cette promotion s’insère dans la campagne entamée en 2006, de renouvellement des cadres de la « 5ème génération » – avec poursuite de la tendance des cinq années passées au rajeunissement et à la montée en compétence.

Six provinces ou villes viennent de recevoir leur nouveau secrétaire, comme Xi Jinping à Shanghai, 54  ans, docteur en droit de l’université Tsinghua, berceau du pouvoir. Xi Jinping est proche de la finance et de Shanghai, ayant passé ses dix dernières années entre Fujian et Zhejiang, les provinces voisines. Sa nomination a surpris.  Il est  pourtant le compromis parfait, acceptable par toutes les factions,  fils d’ancien  révolutionnaire (du «gang des petits princes ») mais aussi

‚ adoubé par le vice-Président  Zeng Qinghong et son patron Jiang Zemin (du « gang de Shanghai »), tout comme

ƒ du Président Hu Jintao, pour ses initiatives libérales, sa réputation d’intégrité et son franc-parler.

Le 17ème Congrès du Parti communiste chinois (PCC) arrive, et avec lui une administration. La moitié du « Politburo » (22 sièges) et la majorité du « Comité Permanent » (9 membres, nommés sous Jiang Zemin), seront renouvelés. Avec des promotions comme celle de Xi Jinping, la guerre de « post-succession » qui se poursuivait depuis 2003 entre Hu et Jiang par Zeng interposé, semble s’achever.

En 2006, à partir du tremplin de la Ligue des Jeunesses Communistes, Hu Jintao avait placé ses protégés dans 14 provinces.  Mais depuis, Chen Liangyu, n°1 de Shanghai (homme lige de Jiang Zemin) est tombé avec l’accord de ce dernier, tandis que Zeng Qinghong devenait le prince des nominations du quinquennat. Les dernières promotions évoquent un rééquilibrage,  avec Xi  à Shanghai, Wang au Guangdong, et Zhao Gaoli à Tianjin chargé de superviser le lancement de la super zone de Binhai, d’en faire le 3ème pôle industriel du pays et le laboratoire de la réforme monétaire.

Restent deux énigmes :

[1] quelles réformes politiques ? La presse est vide, à part quelques gadgets, tel le feu vert aux avocats pour défendre ceux mena-cés de camp de travail ou l’abolition supputée du hukou, permis de résidence collant le paysan à sa glèbe.

[2] Quel futur leader après le second mandat de Hu Jintao, en 2012 ?

Son nom doit sortir au Congrès d’octobre. Bo Xilai, ministre du commerce (57 ans, fils de Bo Yibo) reste une valeur sure, comme Li Keqiang, secrétaire du Liaoning. D’autres candidats sont Li Yuanchao (Jiangsu), ou Wang Yang (Chongqing). Ainsi que Xi Jinping, la nouvelle étoile filante !

 

 


Petit Peuple : Chongqing, déboires d’un Figaro mal soigné !

Il peut arriver à la jeunesse chinoise de manquer d’hygiène : conséquence du syndrome du 小皇帝xiao huangdi –       « petit empereur », héritier unique gâté par une mère victime consentante. A peine sortis du nid, des millions de jeunes refusent avec la dernière énergie de laver leurs chaussettes, craignant de perdre la face, et que leurs amis ne se moquent d’eux.

 A l’aube de sa vie d’adulte, Wen, coiffeur de 25 ans, à Chongqing, était dans ce cas. Pour masquer ses odeurs intimes, il se parfumait outrageusement, portait cuir et brillantine, sortait en boîte avec son « petit miel » Jingjing, et s’arrangeait pour ne jamais l’introduire en sa mansarde.

Jusqu’au jour où elle finit par aboutir dans son capharnaüm : quel choc !

Draps emmêlés et gris, posters déchirés aux murs, chaussures dépareillées au sol et sur les chaises…! La jeune fille bien élevée voulut l’aider à rétablir un semblant d’ordre. Jusqu’à l’instant où, se baissant sous le lit, elle découvrit deux grandes poches de plastique, qu’elle ouvrit. Abomination ! Elles renfermaient soixante caleçons et paires de socquettes, trente chemises dont le fumet et les tâches dénonçaient cruement la crasse terminale !

Jingjing venait de découvrir la solution secrète de Wen au défi du lavage. Il suffisait d’investir dans les sous-vêtements, de les porter deux jours et les chemises quatre, pour limiter à trois fois l’an les passages à la laverie automatique !

Loin d’avoir honte, un Wen fier comme un paon,  sans soupçonner le dégoût de Jingjing, lui dévoila l’aspect révolutionnaire et « cool » de son système, très XXIème siècle en somme…  C’était compter sans son XXIème siècle à elle: mains sur les hanches, elle le toisa,  lui souhaita bonne chance, et s’enfuit à tire d’aile,  le laissant seul dans son cloaque! Wen la poursuivit, moins par amour profond que par suite dans les idées : on veut bien plaquer, mais non être quitté, et moins encore sur un motif ridicule !

La reconquête fut ardue. Elle nécessita une débauche d’appels, de SMS sans réponse, de lettres, d’envois de fleurs. Wen fit intervenir parents et amis en médiateurs. Enfin après huit jours, baissant pavillon, elle accepta de le revoir dans sa chambre récurée « au carré », avec l’aide de Maman bien sûr. Dans un coin, les sacs, cause du scandale, attendaient humblement leur sort. Wen offrit de les immoler au kérosène, sur l’autel de leur amour.

Que nenni : la fine mouche accepta ses excuses, mais à condition qu’il « se lave le coeur et ravale sa face » (洗心革面, xi xin ge mian). Il devrait garder les sacs à proximité. Chaque fois qu’il donnerait signe de rechute, elle le contraindrait à plonger le nez dedans, en signe d’expiation : manière comme une autre, de ne pas laver le linge sale en famille !

Sérieusement désorienté, notre as des bigoudis révise sa conception du monde : ayant cru s’en tirer en brûlant ses culottes, il découvre qu’il devra immoler quelque chose de bien plus précieux : l’utopie adolescente de faire prendre à sa copine, la place de sa mère !

 

 


Rendez-vous : Le rendez-vous annuel de la Foire de Canton

15-30 avril, Canton : Foire annuelle de Canton

10-12 avril, Pékin : Salon du chauffage, ventilation, air conditionné

10-13 avril : visite du premier Ministre Wen Jiabao, en Corée du Sud et au Japon.