Le Vent de la Chine Numéro 4 (2024)

du 29 janvier au 4 février 2024

Editorial : Lorsque les bourses dévissent
Lorsque les bourses dévissent

Voilà un montant qui donne le vertige : 6 000 milliards de $, c’est la valeur qu’ont perdu les places boursières chinoises en l’espace de trois ans, victimes de la conjoncture et des multiples reprises en main de Pékin. Le dévissage est tel en ce début d’année que la Bourse de Shanghai a cédé sa place de première Bourse asiatique à Tokyo, tandis que celle de Hong Kong a été reléguée derrière celle de Bombay !

Plus concrètement, cela veut dire que si M. Zhang avait investi 100 000 yuans sur l’indice chinois CSI 300 début 2021, son capital aurait fondu de 36% aujourd’hui. Pire, si M. Zhang avait misé sur les géants de la tech chinoise à Hong Kong, son portefeuille aurait perdu 60% de sa valeur…

Ce genre de pertes sont le cauchemar de Pékin, puisqu’elles sont susceptibles de susciter la colère des petits porteurs qui ont investi tout ou partie de leur épargne ou de leur retraite en bourse. Pas question donc pour Zhongnanhai de rester les bras croisés, surtout à l’approche des congés du Nouvel An Chinois (10 février).

Ainsi, le 22 janvier, le Premier ministre Li Qiang réunissait en urgence le Conseil d’Etat et appelait à des « mesures vigoureuses » pour soutenir les marchés. 48h plus tard, le gouverneur de la Banque Centrale, Pan Gongsheng, prenait le soin d’annoncer lui-même (chose inédite) une coupe surprise du taux des réserves obligatoires des banques (RRR), libérant ainsi 1 000 milliards de yuans de liquidités. Dans la foulée, la tutelle des entreprises d’Etat (SASAC) mettait en garde leurs dirigeants en annonçant que la valeur boursière de leurs groupes serait désormais prise en compte dans l’évaluation de leurs performances – manière peu subtile de les inciter à racheter leurs titres dépréciés pour stabiliser les cours. En parallèle, le régulateur financier (NRFA) dévoilait de nouvelles mesures de soutien au secteur immobilier, dont le marasme pèse sur les marchés…  Cet effort coordonné –« désespéré » diraient certains – entre différentes agences laisse entrevoir la fébrilité de l’appareil face à cette crise.

Plus surprenant encore, Pékin envisagerait de mobiliser 2 000 milliards de yuans (près de 278 milliards de $) tirés des comptes « offshores » des entreprises d’Etat pour soutenir les cours des actions chinoises. Et cela, en dépit du fait que la méthode avait déjà montré ses limites lors de l’éclatement d’une bulle spéculative en 2015 : il avait tout de même fallu attendre plus d’un an pour que les cours se stabilisent.

Il n’empêche, les marchés ont été réceptifs aux efforts de Pékin : dès le 25 janvier, les cours ont repris des couleurs, surtout ceux des entreprises d’Etat telles que China Communications Construction, China Railway Equipment, China Unicom, China Coal Energy…

Le fait que Jack Ma, fondateur d’Alibaba, et son président, Joseph Tsai, rachètent l’équivalent de 200 millions de $ d’actions dans leur société, a également donné du baume au cœur aux investisseurs, alors que M. Ma envisageait encore en novembre dernier de se délester de l’équivalent de 870 millions de $ de parts, avant que l’action « BABA » ne touche le fond…

Le retrait du site du gouvernement du projet de réglementation plafonnant les dépenses des joueurs de jeux vidéo a également boosté les cours des développeurs comme Tencent et NetEase, qui avaient vu leur valeur boursière chuter suite l’annonce de ce nouveau texte il y a quelques semaines…

Certes, ce plan de sauvetage semble avoir réussi à stabiliser temporairement les marchés. Cependant, les doutes des investisseurs subsistent. A les écouter, le véritable problème ne relève pas tant des performances discutables de l’économie chinoise (le PIB chinois a officiellement augmenté de 5,2% en 2023, bien que certains économistes estiment qu’il était plutôt de 1,5%), que de l’attitude attentiste des autorités. Les commentaires mi-janvier de Li Qiang à Davos, mettant en scène une reprise prudente et durable et se vantant d’avoir réussi à éviter en 2023 d’avoir à recourir à un stimulus économique majeur, n’ont rien fait pour les rassurer, eux qui espéraient encore un soutien fort à l’activité en 2024.

Tout cela les pousse à remettre en doute la volonté et la capacité du gouvernement à raviver l’esprit entrepreneurial du secteur privé, à offrir des perspectives d’emploi aux jeunes, à éviter que la nation ne tombe dans une spirale déflationniste et à résoudre la crise immobilière qu’il a lui-même provoquée. Or, plus cette crise de confiance persistera, plus il sera difficile de renverser la tendance.

Les économistes eux-mêmes, semblent partagés sur la stratégie à adopter… Selon Yu Yongding, ex-conseiller auprès de la Banque Centrale, Pékin doit envisager de mettre en place des politiques monétaires et budgétaires expansionnistes. Mais pour le think-tank indépendant Anbound, peu importe la technicité de la politique de relance choisie (le leadership est entouré des meilleurs experts), c’est la détermination de Pékin à poursuivre sa politique de réforme et d’ouverture ainsi que de laisser le marché pleinement jouer son rôle, qui est remise en cause, ces principes cohabitant mal avec l’impératif de sécurité nationale si cher au leadership.


Tribune : Pourquoi il ne faut pas crier au loup
Pourquoi il ne faut pas crier au loup

Nombre d’observateurs sont enclins à crier au loup lorsqu’ils parlent de l’immobilier chinois : « les promoteurs vont s’effondrer, les propriétaires vont se révolter, les banques vont faire faillite, le système financier mondial risque de vaciller … ». Faut-il donner raison à ces Cassandre ?

D’abord, si l’immobilier chinois est en crise, c’est parce que l’État, bien conscient du risque de bulle (qui ne l’avait pas vue venir ?), a décidé de nettoyer le secteur avant que la bulle n’éclate. Ce que le pouvoir veut, c’est faire disparaître les entreprises les plus faibles, comprendre celles ne pouvant plus recourir à l’emprunt du fait des nouvelles règles prudentielles qu’il a lui-même arrêtées (les fameuses trois « lignes rouges »). Depuis 1998, date de la privatisation de l’immobilier, l’État chinois a choisi de donner mandat au secteur privé pour développer l’immobilier, mais il est actuellement en train de le retirer aux canards boiteux. Tout naturellement, ce recadrage a fait émerger un certain nombre de cas à problème : d’abord Evergrande, et plus récemment Country Garden. D’autres acteurs moins connus ont aussi montré des signes de faiblesse comme Fantasia, Sinic, Kaisa, China Modern Land, Sunac et Shimao. Et on va sans doute voir d’autres faillites. Faut-il donc s’en inquiéter ? Pour ces entreprises, évidemment. Pour le reste de l’économie, pas nécessairement…

On peut d’ores et déjà évacuer le scénario de type Lehman Brothers parce que le cas est sino-chinois. Les terrains sont sous le contrôle des collectivités locales chinoises. Les développements sont faits par des promoteurs chinois. L’immobilier est acheté par des Chinois. Les constructeurs sont des entreprises chinoises et le secteur est financé par des banques chinoises qui n’ont que très peu emprunté à l’étranger. Soyons clair, sur les 260 milliards d’euros de dettes du promoteur Evergrande, moins de 20 viennent de l’étranger. Mauvaise nouvelle pour ces investisseurs étrangers qui ont prêté à Evergrande et aux autres promoteurs aux abois. Est-ce pour autant que le système financier mondial va vaciller ?

Ensuite, quid du reste de la filière, les entreprises de construction, les fournisseurs d’équipements et de matières premières ? Ils savent depuis longtemps que le vent a tourné et que les citoyens chinois ont bien assez de mètres carrés pour se loger. Rappelons tout de même que la population urbaine chinoise a doublé entre 1998 et 2021 et que le pourcentage de propriétaires est parmi les plus élevés au monde. Les entreprises de la filière les plus avisées ont entrepris de se diversifier à l’étranger avec ou sans l’aide des « nouvelles routes de la soie ». Certaines y sont parvenues avec succès. D’autres vont continuer à travailler en Chine. Les plus fragiles feront faillite. La chute pourrait tout de même avoir un impact sur les marchés de matières premières (aluminium, cuivre, charbon …).

Quid des actionnaires ? Certes, ils vont perdre de l’argent, mais ils en avaient tellement gagné auparavant qu’ils seront difficiles à plaindre.

Quid des banques ? Des banques privées comme Minsheng qui ont beaucoup prêté au secteur immobilier, sont effectivement en peine. Les autres banques, qui sont toutes publiques, seront soutenues par le système étatique. En Chine, on reste en famille ; les banquiers aiment à dire que c’est maman qui prête à papa.

Quid des propriétaires, victimes des promoteurs au bord de la faillite ? Le nombre d’appartements non achevés – environ un million –, peut sembler élevé vu de France. Si l’on fait l’hypothèse que ce sont des couples qui achètent, ce sont donc deux millions de Chinois mécontents – soit bien moins en proportion que ce qu’ont représenté les gilets jaunes dans la population française. Ils sont donc trop peu nombreux, et trop peu puissants pour provoquer la chute du système. Les acteurs sociaux en Chine ne se coalisent pas comme en Occident. Ils vont faire du bruit localement. Ils vont continuer la grève des remboursements jusqu’à ce qu’ils soient calmés financièrement par les aides des autorités locales.

Quid des promoteurs ? Cette crise n’est pas une menace pour tous et c’est au contraire une opportunité pour ceux sont dans les clous en matière d’endettement. Ceux qui sont à la peine cherchent à rééchelonner leur dette, mais surtout bradent leurs actifs pour tenter de se remettre à flot. Les promoteurs les plus agiles tireront alors profit de la détresse de leurs concurrents au bord de la ruine.

Est-ce du cynisme ? Non, c’est juste la théorie de l’évolution appliquée aux entreprises. Il y a des entreprises qui se développent, d’autres qui font faillite. Rien de plus normal. Reste que le pouvoir chinois va devoir trouver une activité de substitution si la baisse de l’immobilier devait se poursuivre.

Par Dominique Jolly, conseil en stratégie.
Son dernier ouvrage « The Chinese Financial System: sino-centricity and orchestrated control » est sorti en décembre 2023 chez World Scientific. 


Taiwan : Nauru coupe ses relations avec Taïwan
Nauru coupe ses relations avec Taïwan

Vocabulaire de la semaine : « De Gaulle, relations diplomatiques, Thaïlande, tourisme, visa, Tesla, concurrents »
« De Gaulle, relations diplomatiques, Thaïlande, tourisme, visa, Tesla, concurrents »
  1. De Gaulle : 戴高乐 ; dàigāolè
  2. Général : 将军 ; jiāngjūn (HSK 6)
  3. Diriger : 领导 ; lǐngdǎo (HSK 3)
  4. Que l’on peut qualifier de : 堪称 ; kān chēng (HSK 7-9)
  5. Diplomatie : 外交 ; wàijiāo (HSK 3)
  6. Nucléaire : 核 ; hé (HSK 7-9)
  7. Explosion : 爆 ; bào (HSK 6)
  8. Décision, décider : 决定 ; juédìng (HSK 3)
  9. Etablir des relations diplomatiques : 建交 ; jiànjiāo (HSK 7-9)
  10. « Le Monde » : 世界报 ; shìjiè bào
  11. A l’époque : 当时 ; dāngshí (HSK 2)
  12. Publier : 发表 ; fābiǎo (HSK 3)
  13. Editorial : 社论 ; shèlùn (HSK 7-9)
  14. Indépendant : 独立 ; dúlì (HSK 4)
  15. Pays, nation : 国家 ; guójiā (HSK 1)

1964年,戴高乐将军领导下的法国做出了堪称外交核爆”的决定:同新中国建交。法国《世界报当时发表社论说:“两个具有独立性的国家走到了一起”。

1964 Nián, dàigāolè jiāngjūn lǐngdǎo xià de fàguó zuò chūle kān chēng “wàijiāo hé bào” de juédìng: Tóng xīn zhōngguó jiànjiāo. Fàguó “shìjiè bào” dāngshí fābiǎo shèlùn shuō:“Liǎng gè jùyǒu dúlì xìng de guójiā zǒu dàole yīqǐ”.

« En 1964, la France, sous la direction du général de Gaulle, prend une décision que l’on pourrait qualifier d’« explosion nucléaire diplomatique » : établir des relations diplomatiques avec la nouvelle Chine. Le quotidien français Le Monde publiait à l’époque un éditorial disant : « Deux pays indépendants se sont réunis » ».

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  1. Thaïlande : 泰国 ; Tàiguó
  2. Signer : 签署 ; qiānshǔ (HSK 7-9)
  3. Accord : 协议 ; xiéyì (HSK 3)
  4. Exempter, prévenir, éviter, excuser : 免除 ; miǎnchú (HSK 7-9)
  5. Touriste, voyageur : 游客; yóukè (HSK 2)
  6. Visa : 签证 ; qiānzhèng (HSK 7-9)
  7. Obligation, demande : 要求 ; yāoqiú (HSK 2)
  8. Autoriser, permettre : 允许 ; yǔnxǔ (HSK 6)
  9. Séjourner temporairement : 停留 ; tíngliú (HSK 5)
  10. Prédire, estimer : 预计 ; yùjì (HSK 3)
  11. Augmenter : 增加 ; zēngjiā (HSK 3)
  12. Quantité : 数量 ; shùliàng (HSK 3)
  13. Proportion : 比例 ; bǐlì (HSK 3)
  14. Dépasser, excéder : 超过 ; chāoguò (HSK 2)
  15. Décliner, chuter, baisser : 下降 ; xia jiàng (HSK 4)
  16. Environ, approximativement : 左右 ; zuǒyòu (HSK 3)
  17. Gouvernement : 政府 ; zhèngfǔ (HSK 4)
  18. Objectif, cible : 目标 ; mùbiāo (HSK 3)
  19. Attirer : 吸引 ; xīyǐn (HSK 4)

泰国和中国签署了一项协议免除两国游客的签证要求允许游客每次入境免签停留最多 30 天。此举预计将大幅增加前往泰国的中国游客数量,这是疫情爆发前该国最大的游客群体。 2019年,中国游客占外国游客的比例超过25%,但2020年下降至12.5%左右。泰国政府目标是今年吸引800万中国游客,作为其3500万外国游客目标的一部分。

Tàiguó hé zhōngguó qiānshǔle yī xiàng xiéyì, miǎnchú liǎng guó yóukè de qiānzhèng yāoqiú, yǔnxǔ yóukè měi cì rùjìng miǎn qiān tíngliú zuìduō 30 tiān. Cǐ jǔ yùjì jiāng dàfú zēngjiā qiánwǎng tàiguó de zhōngguó yóukè shùliàng, zhè shì yìqíng bàofā qián gāi guó zuìdà de yóukè qúntǐ. 2019 Nián, zhōngguó yóukè zhàn wàiguó yóukè de bǐlì chāoguò 25%, dàn 2020 nián xia jiàng zhì 12.5% zuǒyòu. Tàiguó zhèngfǔ de mùbiāo shì jīnnián xīyǐn 800 wàn zhōngguó yóukè, zuòwéi qí 3500 wàn wàiguó yóukè mùbiāo dì yībùfèn.

« La Thaïlande et la Chine ont signé un accord visant à supprimer l’obligation de visa pour les visiteurs des deux pays, permettant ainsi aux touristes de rester sans visa jusqu’à 30 jours par entrée. Cette décision devrait augmenter considérablement le nombre de touristes chinois visitant la Thaïlande, qui constituaient le groupe le plus important du pays avant la pandémie. En 2019, les touristes chinois représentaient plus de 25 % des touristes étrangers, mais cette proportion est tombée à environ 12,5 % en 2020. Le gouvernement thaïlandais ambitionne d’ attirer 8 millions de touristes chinois cette année dans le cadre de son objectif de 35 millions de touristes étrangers ».

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  1. Tesla : 特斯拉 ; Tè sī lā
  2. PDG : 首席执行官 ; shǒuxí zhíxíng guān
  3. Déclarer, exprimer, manifester : 表示 ; biǎoshì (HSK 2)
  4. Commerce : 贸易 ; màoyì (HSK 5)
  5. Barrière, rempart : 壁垒 ; bìlěi
  6. Voiture : 汽车 ; qìchē (HSK 1)
  7. Fabriquer : 制造 ; zhìzào (HSK 3)
  8. Détruire, endommager : 摧毁 ; cuīhuǐ (HSK 7-9)
  9. La plupart : 大多数 ; dà duōshù (HSK 4)
  10. Mondial : 全球 ; quánqiú (HSK 3)
  11. Rival, concurrent : 竞争对手 ; jìngzhēng duìshǒu

特斯拉(Tesla)首席执行官马斯克(Elon Musk)1月24日表示,若不设贸易壁垒,中国汽车制造商将“摧毁大多数全球竞争对手

Tè sī lā (Tesla) shǒuxí zhíxíng guān mǎ sīkè (Elon Musk)1 yuè 24 rì biǎoshì, ruò bù shè màoyì bìlěi, zhōngguó qìchē zhìzào shāng jiāng “cuīhuǐ” dà duōshù quánqiú jìngzhēng duìshǒu.

« Le PDG de Tesla, Elon Musk, a déclaré le 24 janvier que sans barrières commerciales, les constructeurs automobiles chinois « détruiraient » la plupart de leurs concurrents mondiaux ».


Monsieur Li (Henan) – La pointe d’un petit couteau
Monsieur Li (Henan) – La pointe d’un petit couteau

La nouvelle s’était répandue comme une traînée de poudre. Tous les voisins pouffaient en le voyant passer, des commentaires fusaient dans son dos : « vieux mais toujours jeune de cœur ! », « sous des airs respectables, vous êtes un vrai chaud lapin oncle Li ! », « Laisse le tranquille, il est un peu sénile le pauvre… ». Monsieur Li passait au milieu des quolibets, très digne, ses cheveux blancs bien peignés, sa chemise à carreaux rentrée sous son pantalon repassé. Ses enfants lui avaient assuré que son visage était flouté sur les photos qui circulaient sur internet, et pourtant tout le monde dans son quartier savait qu’il était l’homme de 83 ans, originaire du Henan, qui s’était embarqué dans un périple ferroviaire de près de 800 kilomètres pour demander en mariage une divorcée de 45 ans, influenceuse renommée, à la recherche du grand amour.

Ses deux enfants lui avaient offert un smartphone à la mort de son épouse, une manière de se faire pardonner leurs trop rares visites et l’aider à peupler sa solitude. C’était sa femme qui s’occupait du foyer et alimentait les liens avec leur cercle d’amis et de voisins. Plutôt introverti, Monsieur Li avait aimé, aux premiers mois de son deuil, vivre enfin à son propre rythme sans ces sollicitations incessantes. Et puis, le silence s’était installé, que son smartphone avait peu à peu comblé. Un Xiaomi à l’écran large et à la batterie longue durée, sur lequel plusieurs apps, dont Douyin, avaient été préinstallées. « Le téléphone parfait pour votre grand-père » clamait le vendeur, ça avait décidé ses enfants.

Pour que l’algorithme de l’app enregistre ses préférences, ces derniers avaient lancé plusieurs recherches autour de ses centres d’intérêt : pêche, lecture, nature, histoire. Avec cette app, connue dans le monde entier sous le nom de TikTok, pas besoin d’ajouter des amis pour faire vivre son réseau, n’importe qui peut commenter les vidéos qui lui sont proposées. Tout est fait pour faciliter les connections avec des inconnus, voir leurs publications et les commenter. Monsieur Li s’est pris au jeu et l’isolation forcée due à l’épidémie de Covid n’a fait qu’accroître son addiction. Car si le gouvernement chinois s’inquiète de la dépendance des jeunes pour cette application, beaucoup de ses utilisateurs sont plutôt leurs parents, voire leurs grands-parents !

Toutes les cinq vidéos à peu près, une publicité apparaît, une influenceuse vante à Monsieur Li les avantages de telle marque de chaussures, de tel ustensile de cuisine, ou parfois dirige vers un site de rencontres. De swap en swap, il est tombé sur elle. De Suzhou, sa ville natale, vidéo après vidéo, elle narrait son quotidien, ses difficultés à vivre, divorcée avec un enfant à charge, vantait des produits cosmétiques, clignait des yeux d’une manière charmante et quand elle envoyait un baiser, Monsieur Li en avait le cœur retourné. D’un seul coup surgissait devant ses yeux son amour de jeunesse, même clignement d’yeux, même moue, celle qu’il avait laissé filer par manque d’audace. Elle était partie faire ses études ailleurs et lui, en bon fils, avait dit oui au mariage arrangé par ses parents et futurs beaux-parents.

Qu’est-ce qui l’empêchait aujourd’hui de prendre son destin en main ? Sa belle répondait toujours à ses compliments par un petit cœur, et monsieur Li s’est mis à rêver. Le jour où elle a glissé innocemment dans un post qu’elle cherchait l’amour, il n’a pas hésité une seconde. Dans le train, l’avenir s’avançait, radieux : un mariage, une vie à deux, plutôt à Suzhou pour ne pas perturber la scolarisation de sa fille à elle, il prendrait soin des deux, sa santé était excellente, ses enfants à lui étaient casés et vivaient loin, tout se présentait pour le mieux.

Arrivé à Suzhou, pas d’adresse et pas de réponse aux messages la lui demandant. Peut-être l’obtiendrait-il au poste de police le plus proche ? L’agent de police, une femme, en quelques phrases, lui avait fait perdre la face et brisé son cœur. Était-il vraiment possible que sa belle ne l’attende pas ? Que des milliers d’autres utilisateurs aient suivi les mêmes vidéos, reçu les mêmes cœurs ?

En le mettant dans un taxi pour la gare, elle avait répondu à la question d’un collègue, le sourire aux lèvres : « Affaire sans importance ! », ce qui avait rappelé à Monsieur Li un proverbe peu usité qui voulait dire la même chose : Le bout d’un couteau pointu ( Zhui dao zhi mo, 锥刀之末 ). Ses enfants partageaient cet avis, désireux d’étouffer l’affaire au plus vite… Ils trouvaient, comme par magie, plus de temps pour lui rendre visite, échaudés par une escapade qui auraient pu leur coûter leur héritage. Mais Monsieur Li voyait bien, dans leurs regards, qu’ils se moquaient aussi. Comment osaient-ils tous ? Avaient-ils idée des ravages d’un petit couteau pointu aux œillades printanières sur un vieux cœur éprouvé par les ans ?

Par Marie-Astrid Prache

NDLR : Notre rubrique « Petit Peuple » dont fait partie cet article s’inspire de l’histoire d’une ou d’un Chinois(e) au parcours de vie hors de l’ordinaire, inspirée de faits rééls.


Rendez-vous : Semaines du 29 janvier au 28 avril 2024
Semaines du 29 janvier au 28 avril 2024

29 février 2 mars, Shanghai: CHINA HORSE FAIR 2024, Salon chinois international du cheval, sport et loisirs

4 – 6 mars, Canton: SIAF GUANGZHOU 2024, Salon international pour l’automatisation des procédés

6 – 8 mars, Shanghai: CCEC CHINA 2024, Salon international et conférence sur les carbures cémentés de Shanghai

6 – 8 mars, Shanghai: PM CHINA 2024, Salon international et conférence de Shanghai sur la métallurgie des poudres

6 – 9 mars, Tianjin: CIEX 2024, Salon international de l’automation, de la robotique et de la machine-outil

6 – 9 mars, Tianjin: CIRE 2024, Salon international chinois de la robotique industrielle

13-15 mars, Shanghai : CAC SHOW 2024, Salon international et conférence dédiés à l’agrochimie et aux technologies de protection des récoltes

13-15 mars, Shanghai : CHINASHOP – CHINA RETAIL TRADE FAIR 2024, Salon dédié aux technologies de pointe et aux toutes nouvelles solutions pour le commerce de détail

19-21 mars, Canton : MRO SUMMIT GUANGZHOU 2024, Salon et conférences B2B en Chine pour l’industrie aérospatiale MRO (Maintenance, Réparation et Opérations)

20-22 mars, Shanghai : PRODUCTRONICA CHINA 2024, Salon international de la production électronique

20-22 mars, Shanghai : SEMICON CHINA 2024, Salon international de l’équipement et des matériaux pour les semi-conducteurs

20-23 mars, Jinan : JINAN INTERNATIONAL INDUSTRIAL AUTOMATION 2024, Salon chinois international des technologies d’automation industrielle et de contrôle

25-27 mars, Pékin : CIPPE 2024, Salon international chinois du pétrole, des technologies pétrochimiques et de leurs équipements

26-28 mars, Shanghai : CTW CHINA 2024, La principale conférence sur la gestion des voyages d’entreprise en Chine

26-29 mars, Shanghai : HDE – ECOBUILD CHINA 2024, Salon de la construction et du bâtiment durable

27-30 mars, Hefei : CCEME – HEIFEI 2024, Salon international des équipements de fabrication pour la Chine intérieure

28-30 mars, Shenzhen : ITES EXHIBITION (SIMM) 2024, Salon des technologies et d’équipements de fabrication de pointe dans le sud de la Chine.

10 avril, Pékin : ACCESS MBA – BEIJING 2024, Campagne de communication spécialement conçue pour mieux informer les étudiants des opportunités de MBA

11-14 avril, Shanghai : CMEF – CHINA MEDICAL EQUIPMENT FAIR 2024, Salon chinois international de l’équipement médical

13 avril, Shanghai : ACCESS MBA – SHANGHAI 2024, Campagne de communication spécialement conçue pour mieux informer les étudiants des opportunités de MBA

15-17 avril, Fuzhou : HEEC – HIGHER EDUCATION EXPO CHINA 2024, Le grand salon de l’éducation de haute qualité en Asie

17-19 avril, Pékin : BEIJING INFOCOMM CHINA 2024, Beijing Infocomm China comprend une exposition qui présente les inventions des TIC les plus avancées et les plus demandées au monde

18-20 avril, Shanghai : IE EXPO CHINA 2024, Salon professionnel international de la gestion et traitement de l’eau, du recyclage, du contrôle de la pollution atmosphérique et des économies d’énergie

23-26 avril, Shanghai : CHINAPLAS ‘2024, Salon international des industries du plastique et du caoutchouc