Le Vent de la Chine Numéro 39-40 (2024)

du 16 décembre 2024 au 5 janvier 2025

Editorial : Jeu de dupes entre Pékin et Washington
Jeu de dupes entre Pékin et Washington

Il n’est pas encore intronisé à la Maison Blanche, mais le Président élu américain fait déjà parler de lui. C’est par l’intermédiaire de sa nouvelle attachée de presse que l’on a appris que Donald Trump avait invité plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement à assister à sa cérémonie d’investiture prévue le 20 janvier prochain. La démarche est pour le moins atypique : aucun dirigeant étranger n’a assisté à une cérémonie de passation de pouvoir aux États-Unis depuis 1874. Auraient déjà reçu un RSVP : le Président hongrois Viktor Orban, l’un des plus fervents partisans de Trump sur la scène internationale, le Président argentin ultralibéral, Javier Milei, la Première ministre italienne d’extrême droite, Giorgia Meloni, et plus surprenant, le Secrétaire général du Parti Communiste chinois, Xi Jinping.

Il y a pourtant très peu de chances que ce scénario se concrétise, du moins, en présence du leader chinois. Il suffit simplement d’imaginer Xi Jinping, patientant sagement sur les marches de la tribune d’honneur du Capitole, en plein mois de janvier, entouré de membres du Congrès dont l’hostilité envers son pays n’est plus à démontrer, assistant à une passation démocratique des pouvoirs d’un président américain à un autre, pour prédire que l’invitation sera déclinée. Afin d’éviter de froisser Washington, Xi pourrait envoyer à sa place son vice-président, Han Zheng, ou alors son ministre des Affaires étrangères, Wang Yi, à une cérémonie où les pays partenaires sont habituellement représentés par leurs chefs de mission diplomatique.

En temps normal, Pékin exige que chaque visite du leader chinois à Washington soit considérée comme une visite d’Etat, avec tout le faste que cela implique. Ainsi, la dernière visite officielle de Xi Jinping aux USA avait nécessité de longs mois de préparatifs, tant par souci de préserver son image que d’assurer sa sécurité.

Au-delà des contraintes protocolaires, il est clair que pour Pékin, le jeu n’en vaut pas la chandelle. Imaginons que Xi se décide à assister à l’ « Inauguration Day » et que le lendemain, Trump augmente les droits de douane sur tous les produits chinois à 60%comme il a promis de le faire -, ce serait une perte de face immense pour le dirigeant chinois.

Alors, simple coup de bluff de la part de Trump pour amener la Chine à négocier ou menace réelle ? Nul ne le sait à ce stade… Cela n’empêche pas Pékin de se préparer à tous les scénarios éventuels et surtout à répliquer si Trump joignait l’acte à la parole. Ces derniers jours, le gouvernement chinois a annoncé qu’il ne délivrera plus de licences d’exportation de certains métaux rares, comme le gallium et le germanium, vers les Etats-Unis. Dans la foulée, le régulateur chinois des marchés (SAMR) a ouvert une enquête sur le géant américain des puces, Nvidia, pour violation présumée de la loi antimonopole.

Ces actions sont autant une réponse aux dernières restrictions de l’exportation vers la Chine de semi-conducteurs américains décrétées par l’administration Biden, qu’une manière de signifier à la future administration Trump que la Chine n’est pas prête à se faire marcher sur les pieds et qu’elle est mieux préparée pour une guerre commerciale et technologique avec les Etats-Unis que lors de son 1er mandat.

Mais est-ce vraiment le cas ? Au plan commercial du moins, les options pour compenser les effets d’une éventuelle augmentation des droits de douane sont bien plus limitées à présent. A l’époque, Pékin avait significativement dévalué son yuan pour rendre les produits chinois moins chers à l’exportation. Aujourd’hui, le yuan est déjà particulièrement bas. La marge de manœuvre de Pékin est donc beaucoup plus réduite. En outre, Trump a également promis de taxer les pays tiers utilisés par la Chine pour contourner les tarifs douaniers et réacheminer ses marchandises vers les Etats-Unis.

Paradoxalement peut-être, Xi Jinping a envoyé un signal fort en début de semaine à Washington en affirmant dans un courrier adressé à l’U.S.-China Business Council, être « prêt à travailler avec Donald Trump pour résoudre les différends commerciaux ». Le fait que cette main tendue ait eu lieu de manière très publique laisse transparaître une certaine inquiétude du côté chinois, apparemment désireux d’établir au plus vite des canaux de communication avec la nouvelle administration Trump – sans succès jusqu’à présent.

Au final, ces déclarations de bonne volonté ne coûtent rien à la Chine. Au contraire, elles lui permettront de revendiquer une position de supériorité morale afin de prouver au reste du monde que c’est bien Washington qui a rejeté en premier la voie de la coopération et du compromis. C’est peut-être également le but de l’invitation surprise de Trump… Une chose est sûre : entre Pékin et Washington, le jeu de dupes a déjà commencé. 


Géopolitique : Avec la chute de Bachar al-Assad, la Chine perd un allié en Syrie
Avec la chute de Bachar al-Assad, la Chine perd un allié en Syrie

La Syrie des Assad, le plus proche allié de Moscou au Proche-Orient, à l’exception de l’Iran (fragilisé par la guerre d’Israël contre le Hezbollah au Liban et le Hamas en Palestine), vient de mordre la poussière après 50 ans de pouvoir héréditaire et des décennies de terreur. Etant donné que la Chine de Xi Jinping et la Russie de Vladimir Poutine ont noué un pacte d’amitié sans limite en février 2022, juste avant l’attaque russe contre l’Ukraine (qui devait tomber en 5 jours), la perte d’un allié russe est aussi par ricochet une perte pour la Chine. Mais en quoi et pourquoi ?

Pour le comprendre, il faut revenir sur le contexte global des relations entre Chine et Syrie et sur l’histoire récente de la Syrie. L’État syrien moderne a été créé au milieu du 20e siècle après des siècles de domination ottomane, sous mandat français. Le plus grand État arabe à émerger des provinces syriennes autrefois sous domination ottomane a obtenu son indépendance en tant que république parlementaire en 1945. La période qui a suivi l’indépendance a vu de multiples tentatives de coup d’État. Celui d’Hafez al-Assad en 1971 a porté au pouvoir la famille des Assad, son fils Bachar al-Assad lui succédant à sa mort en 2000. Sous son règne, la répression du Printemps d’arabe des années 2010 dégénéra en guerre civile qui fit environ 580 000 morts, dont au moins 306 000 civils (les forces pro-Assad ayant causé plus de 90 % de ces décès). C’est avec ce même régime que la Chine décida de renouer en 2023.

Depuis le début de la guerre civile syrienne en 2011, la Chine a utilisé à 10 reprises son droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU pour bloquer des projets de résolutions critiquant al-Assad. En juillet 2020, la Russie et la Chine ont opposé leur veto à un projet de résolution visant à prolonger les livraisons d’aide de la Turquie à la Syrie, tout en critiquant férocement les Etats-Unis quand ceux-ci faisaient de même pour Israël. En outre, la Syrie a continué à participer au Forum de coopération Chine-États arabes (CASCF), qui est le principal organisme de coopération multilatérale entre la Chine et les États arabes, même après la suspension de l’adhésion de la Syrie à la Ligue arabe entre 2011 et 2023. C’est en Chine, à Chengdu, en 2023 que pour la première fois depuis 2011, la Syrie a participé au sommet du CASCF en tant que membre de la Ligue arabe. La Chine ayant donc servi de facilitateur dans la re-légitimation du régime par les autres Etats arabes.

Lors de la deuxième visite officielle en Chine du président Assad du 21 au 26 septembre 2023, la Chine et la Syrie ont annoncé conjointement l’établissement d’un partenariat stratégique : Assad et son épouse ayant reçu l’honneur d’assister à la cérémonie d’ouverture des 19e Jeux asiatiques à Hangzhou. Le lendemain, Bachar al-Assad rencontrait Xi Jinping pour discuter des relations économiques afin de reconstruire la Syrie déchirée par la guerre. Le secrétaire du PCC et président de la RPC déclarait à cette occasion que les relations entre les deux pays « avaient résisté à l’épreuve des changements internationaux » et promettait de soutenir Assad dans sa « lutte contre les ingérences extérieures » et dans la reconstruction de la Syrie. Par-là, la Chine voulait démontrer sa capacité à avoir une diplomatie contraire à celle des Etats-Unis quand bien même cela revenait à soutenir l’un des régimes les plus sanguinaires de ces vingt dernières années.

On connait désormais la suite : le mois dernier, une coalition de rebelles syriens lance plusieurs offensives contre le pays dans le but de renverser Assad. Le matin du 8 décembre, alors que les troupes rebelles entrent pour la première fois à Damas, Assad tente de s’enfuir à Moscou pour obtenir l’asile politique du gouvernement russe : Damas tombe aux mains des forces rebelles et le régime d’Assad s’achève. La question n’est pas de savoir si le nouveau régime sera pire que le précédent (qui avait mis la barre assez haut dans l’ignominie), ni de savoir qui a aidé les rebelles dans leur prise éclair du pouvoir (au moins la Turquie sans doute), mais plutôt ce que cela signifie pour la Chine et son influence sur la région.

Si l’on s’en tient aux propos de Xi Jinping promettant d’aider al-Assad contre les ingérences extérieures, il y a un an, le moins qu’on puisse dire est que la promesse n’a pas été suivie d’effets. La Russie même se trouve impuissante, embourbée dans une guerre meurtrière en Ukraine qui va entrer bientôt dans sa troisième année alors même que les proxys de l’Iran ont été décimés par Israël.

Le premier enseignement de la chute du régime est que, même si Pékin a réussi à négocier un accord entre les rivaux de longue date de l’Arabie saoudite et de l’Iran en 2023 et une trêve entre le Fatah, le Hamas et d’autres factions palestiniennes rivales en 2024 (jamais mis en pratique), la Chine a bien moins d’influence dans cette région qu’elle veut bien le dire.

Le deuxième enseignement est que le partenariat chinois est pour le moins pragmatique : malgré l’accueil en grande pompe de Bachar al-Assad et sa femme à Pékin l’année dernière, Pékin est resté muet sur la chute du régime, se disant « prêt à collaborer avec le nouveau gouvernement ». Ce qui importe pour Pékin avant tout, ce sont ses investissements économiques qui courent le risque d’avoir été faits à perte. Pékin a réalisé des investissements majeurs et à long terme dans le pétrole et le gaz syriens, pour un total d’environ 3 milliards de $. En 2009, la multinationale publique chinoise Sinochem a acheté l’explorateur de pétrole et de gaz britannique Emerald Energy, qui opère en Syrie, pour 878 millions de $. L’aide chinoise à la Syrie est passée d’environ 500 000 $ en 2016 à 54 millions de $ en 2017. En octobre 2018, la Chine a fait don de 800 générateurs d’électricité à Lattaquié, le plus grand port syrien. En 2022, la Syrie a rejoint l’initiative Belt and Road (BRI) de Xi Jinping. Début 2024, le ministre syrien de l’électricité, Ghassan Al-Zamel, a confirmé un contrat de 38,2 millions d’€ avec une entreprise chinoise pour la construction d’une grande centrale photovoltaïque près de la ville de Homs, dans l’ouest de la Syrie. Même si la Chine a promis d’aider à la reconstruction du pays, le fait est que la Chine de 2024 n’est plus celle de 2013 et que notamment les projets BRI sont au ralenti, du fait du ralentissement économique chinois.

Le dernier enseignement est que Pékin dépend au Proche-Orient de ses partenaires-clés que sont la Russie et l’Iran : si ceux-ci se trouvent pris en défaut, la Chine ne peut pas suppléer et compter sur ses propres forces pour imposer sa politique de contre-hégémonie américaine.

Plus encore que la chute des Assad, c’est l’incapacité de Moscou à l’empêcher, qui peut nourrir légitimement des doutes en Chine, dans l’entourage de Xi Jinping. En effet, la Syrie était un hub essentiel dans le transit des moyens d’influence techniques, militaires et économiques pour la Russie en direction de l’Afrique : la grande crainte sans doute en Chine est qu’un effondrement équivalent de l’influence russe en Afrique n’y impacte ses investissements. Une stabilisation du front ukrainien pourrait être en conséquence favorisée par la Chine dans l’optique de garder ses relais russes présents, frais et actifs ailleurs dans le monde. En tout cas, une chose est sûre, c’est que le réseau des liens géopolitiques est très mouvant : nul ne peut juger de l’avenir sur la seule base du présent. Et cela aussi n’est pas une très bonne nouvelle pour Pékin…

Par Jean-Yves Heurtebise


Agriculture : Les Chinois de plus en plus fans du bio
Les Chinois de plus en plus fans du bio

Encore marginaux au début des années 2000 en Chine, les produits bio se sont peu à peu fait une place de choix dans les habitudes des consommateurs chinois. Avec une croissance annuelle à deux chiffres durant la dernière décennie, le marché chinois du bio est devenu le 3ème mondial avec 12,4 milliards d’€, derrière les Etats-Unis (56,6 milliards d’€) et l’Allemagne (15,0 milliards d’€).

Plusieurs produits tirent leur épingle du jeu, à commencer par les produits laitiers et l’alimentation infantile, suivis par celui des produits frais, sans additifs ni résidus de produits phytosanitaires. Les céréales, le thé, le café et les fruits à coque ainsi que divers épices font également partie des cultures bio permanentes les plus importantes du pays.

Mention spéciale pour les cosmétiques et les produits de beauté bio, végétaliens et naturels ou à allégations d’effet minceur : 60% des produits de cette filière vendus en Chine sont désormais étiquetés comme « bio ». Un pourcentage qui ne cesse de croître.

A l’inverse, les produits moins courants dans les rayons bio sont peut-être la viande, extrêmement coûteuse à produire, et certains fruits, dont l’aspect parfois abîmé ne répond pas aux exigences esthétiques des consommateurs chinois…

L’essor du bio en Chine peut s’expliquer par plusieurs facteurs. En premier lieu, une sensibilisation accrue à la santé et à la sécurité alimentaire qui touche tout le pays : 80% des Chinois souhaitent se nourrir plus sainement, notamment après les divers scandales alimentaires qu’ils ont connu depuis les années 2000 tel celui du lait contaminé à la mélamine et suite à l’interminable confinement subi durant l’épidémie de Covid-19. Selon le cabinet Dezan Shira & Associés, malgré des prix systématiquement plus élevés des produits bio, 73% des consommateurs chinois se disent prêts à payer un supplément pour ces aliments qu’ils jugent plus sains.

L’autre facteur est bien sûr l’urbanisation accélérée du pays et « l’occidentalisation » partielle des modes de vie qu’elle a entraînée.

Ainsi, le profil-type d’un consommateur chinois de produits bio vit en ville, a entre 30 et 45 ans, appartient à la classe moyenne et dispose de revenus annuels égaux ou supérieurs à 30 000 €. Actuellement, plus de 30% des consommateurs des villes de 1er et 2nd rang achètent régulièrement des aliments bio. 

Ils font majoritairement leurs courses en grande distribution (75-80% de parts de marché), mais aussi dans des magasins spécialisés, sur les marchés paysans organisés dans leur quartier et sur Internet. De très nombreuses plateformes sont actuellement en concurrence parmi lesquelles 1Mutian, Epermarket, Fields, JD.com, Kaola, Kate & Kimi, Pinduoduo, Tmall ou encore Tony’s Farm.

Les principales marques qui se sont imposées sur ce marché sont étrangères et/ou importées, ce qui montre que les Chinois ont encore peu confiance dans les contrôles de cette filière.

Cette réputation est-elle bien méritée ? Contrairement au système centralisé européen, le label bio chinois, « yǒujī shípǐn » (有机食品), est délivré par plusieurs organismes en Chine. L’autorité principale est le centre chinois pour la certification bio (COFCC), mais il ne certifie qu’environ 30% des produits biologiques. D’autres organismes, incluant des entreprises privées, des inspecteurs individuels et des entreprises internationales, délivrent également des certifications. Avec la prolifération des faux labels, les autorités ont ajouté une vignette supplémentaire comprenant un code de traçabilité, qui permet d’obtenir le nom de la ferme et du produit ainsi que le nom de l’organisme qui a certifié la culture.

Pour le reste, les normes chinoises ressemblent beaucoup à celles en vigueur en Europe : elles interdisent, elles aussi, l’utilisation de pesticidesd’engrais chimiques et d’OGM, et la période de conversion des terres agricoles est également de trois ans sans traitements chimiques. Toutefois, la forte pollution des sols et de l’air en Chine soulève des questions sur la fiabilité des produits bio chinois.

Cela n’empêche pas la Chine d’exporter avec un certain succès ses produits bio vers les marchés européens, nord-américains et asiatiques, en particulier du thé, des fruits à coque, des épices, des fruits et des légumes, et plus étonnant, du soja et d’autres oléagineux.

Il est important de savoir qu’il n’existe pas d’accord d’équivalence entre la Chine et l’Union Européenne (UE) pour les produits biologiques. Ainsi, les produits chinois exportés vers l’Europe ne peuvent pas automatiquement arborer le label Eurofeuille (ou AB pour la France). De même, les produits européens importés en Chine voient souvent leur label bio dissimulé sous une autre étiquette, car Pékin ne les reconnaît pas.

Mais cela pourrait vite changer. En effet, la Chine ambitionne d’obtenir la reconnaissance de ses certifications à l’international. Si un accord de reconnaissance mutuelle est en bonne voie avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, les discussions sont plus laborieuses avec les membres de l’UE.

Pour Pékin, cette reconnaissance aurait à la fois pour objectif de restaurer la confiance des consommateurs chinois dans le système alimentaire national, de stimuler ce marché en pleine expansion, mais aussi de renforcer la crédibilité des produits chinois exportés sur les marchés mondiaux. La Chine s’étant engagée à atteindre la neutralité carbone avant 2060 et à construire une « civilisation écologique », le développement de l’agriculture bio s’inscrit donc dans cette démarche environnementale plus large.

Par Alain Bonjean


A lire, à voir, à écouter : Sortie de « Xi Jinping, l’empereur du silence »
Sortie de « Xi Jinping, l’empereur du silence »

Une fois l’ouvrage « Xi Jinping, l’empereur du silence » entre les mains, c’est avant tout l’épaisseur de ce roman graphique sorti fin octobre qui surprend. En ce dernier volet d’une série consacrée aux portraits de dictateurs modernes (Poutine, Erdogan) initiée par les éditions Delcourt, le journaliste Eric Meyer propose de passer en revue la vie du maître incontesté de la Chine.

Qui est Xi Jinping ? Quelles sont ses convictions ? Quelles épreuves a-t-il dû affronter dans sa jeunesse et dans quelle mesure ont-elles façonnées ses décisions politiques ? Autant de questions qui constituent le fil conducteur de cette BD illustrée en noir et blanc dans un style très réaliste par l’italien Gianluca Costantini.

Chapitre après chapitre (20 pour être exact), « Xi Jinping, l’empereur du silence » retrace chronologiquement le parcours du dirigeant le plus puissant depuis Mao, de son enfance de « petit prince rouge », en passant par la disgrâce de sa famille durant la révolution culturelle et son séjour en tant que « jeune instruit » dans un petit village du Shaanxi. S’enchaînent ensuite les différentes phases de son irrésistible ascension vers le sommet du pouvoir, réprimant systématiquement toute voix dissidente. La BD aborde également en détails plusieurs incidents inexpliqués, immanquablement liés à la guerre de succession et aux rapports de force entre diverses factions en lutte au sein de l’appareil du Parti. Ainsi, si certaines scènes et illustrations (parfois fantaisistes) ont été imaginées et relèvent donc de la fiction, tous les propos « politiques » prêtés à Xi Jinping dans cette BD sont authentiques

L’auteur, qui a assisté à l’ascension de Xi Jinping lorsqu’il était correspondant de presse à Pékin, se souvient encore de ses premières impressions vis-à-vis du dirigeant chinois : « c’était une sorte de caméléon, un homme difficile à cerner, tantôt réformateur, tantôt conservateur pur et dur. Il se donnait manifestement beaucoup de mal pour maintenir un épais écran de fumée autour de lui et avait surtout un plan bien précis, qu’il ne révèlera que bien plus tard », se rappelle-t-il.

« Composer le texte de cette BD a été une véritable traversée du désert, au vu du peu d’informations indépendantes sur la vie et la personnalité de Xi. Pour reconstituer une image plus humaine et crédible, il a fallu chercher, en Chine comme ailleurs, les témoignages d’historiens, de diplomates, de chercheurs internationaux, comme ceux de simples résidents », écrit Eric Meyer dans son avant-propos. « Toutefois, à travers ce travail de documentation, j’ai pris soin d’éviter de juger Xi, de le qualifier de mauvais ou de bon : je laisse cette évaluation morale au lecteur ».

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Vocabulaire de la semaine : « Féminisme, consommation, pension de retraite »
« Féminisme, consommation, pension de retraite »
  1. 喜剧, xǐjù (HSK 5): comédie (film)
  2. 票房, piàofáng (HSK 7): box-office
  3. 榜首, bǎngshǒu : première place (classement)
  4. 性欲, xìngyù: sexualité, désir
  5. 污名化, wūmínghuà: stigmatisation
  6. 刻板印象, kè bǎn yìnxiàng : stéréotype
  7. 打击, dǎjī (HSK 5): réprimer, lutter contre
  8. 女权, nǚquán : féminisme, droits des femmes
  9. 鼓励, gǔlì (HSK 5): encourager
  10. 出乎意料, chūhū yìliào : inattendu

喜剧片《好东西》在过去三周连续占据中国票房榜首。这部电影批评了对女性性欲污名化和对单亲妈妈的刻板印象。在政府打击女权活动人士、鼓励女性结婚生子、严格限制独立言论的时候,这部影片的成功在某种意义上有点出乎意料

Xǐjù piàn “hǎo dōngxī” zài guòqù sān zhōu liánxù zhànjù zhōngguó piàofáng bǎngshǒu. Zhè bù diànyǐng pīpíngle duì nǚxìng xìngyù de wū míng huà hé duì dānqīn māmā de kèbǎn yìnxiàng. Zài zhèngfǔ dǎjí nǚquán huódòng rénshì, gǔlì nǚxìng jiéhūn shēngzǐ, yángé xiànzhì dúlì yánlùn de shíhòu, zhè bù yǐngpiàn de chénggōng zài mǒu zhǒng yìyì shàng yǒudiǎn chū hū yìliào.

La comédie « 好东西 » Her Story est en tête du box-office chinois depuis trois semaines. Ce film critique la stigmatisation de la sexualité féminine et les stéréotypes des mères célibataires. À l’heure où le gouvernement réprime les défenseurs féministes, encourage les femmes à se marier et à avoir des enfants, et restreint sévèrement la liberté d’expression, le succès du film est quelque peu inattendu.

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  1. 承诺, chéngnuò (HSK 6) : promettre, s’engager
  2. 增长, zēngzhǎng (HSK 3) : croissance
  3. 措施, cuòshī (HSK 4) :mesures
  4. 推出, tuīchū (HSK 6): lancer, mettre en œuvre
  5. 提振, tízhèn : stimuler, renforcer
  6. 转变, zhuǎnbiàn (HSK 3) : changement, transformation
  7. 扭转, niǔzhuǎn (HSK 7) : inverser (une mauvaise situation)
  8. 消费, xiāofèi (HSK 3) : consommation
  9. 需求, xūqiú : demande
  10. 疲软, píruǎn : faible, en perte de vitesse

中国最高领导层周四承诺,将在近几个月来已经采取的促增长措施的基础上,推出更多提振经济的措施。政府态度的转变是今年9月开始的,以扭转多年来消费需求疲软、增长乏力的局面,解决价格下跌的问题。

Zhōngguó zuìgāo lǐngdǎo céng zhōu sì chéngnuò, jiàng zài jìn jǐ gè yuè lái yǐjīng cǎiqǔ de cù zēngzhǎng cuòshīde jīchǔ shàng, tuīchū gèng duō tí zhèn jīngjì de cuòshī. Zhèngfǔ tàidù de zhuǎnbiàn shì jīnnián 9 yuè kāishǐ de, yǐ niǔzhuǎn duōnián lái xiāofèi xūqiú píruǎn, zēng cháng fálì de júmiàn, jiějué jiàgé xiàdié de wèntí.

Les plus hauts dirigeants chinois se sont engagés jeudi [12 décembre] à déployer davantage de mesures pour stimuler l’économie, en s’appuyant sur les mesures favorables à la croissance qu’ils ont déjà prises ces derniers mois. Ce changement d’attitude du gouvernement, qui a commencé en septembre de cette année, vise à inverser la situation marquée par une demande de consommation faible, une croissance en berne, et des problèmes de baisse des prix.

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  1. 养老金, yǎnglǎojīn : pension de retraite
  2. 制度, zhìdù (HSK 3): système (politique, administratif…)
  3. 推开, tuīkāi (HSK 3) : étendre, promouvoir
  4. 联合, liánhé (HSK 3): conjointement, collaborer
  5. 公告, gōnggào (HSK 5): avis, annonce
  6. 城镇, chéngzhèn (HSK 6): ville, urbain
  7. 保险, bǎoxiǎn (HSK 3) : assurance
  8. 城乡, chéngxiāng (HSK 6): ville et campagne, urbain et rural
  9. 劳动者, láodòngzhě: travailleur
  10. 缴费, jiǎofèi (HSK 7): cotisation

中国准备将个人养老金制度推开至全国。五个政府部门周四联合发布公告称,在中国境内参加城镇职工基本养老保险或者城乡居民基本养老保险的劳动者,都可以自愿开立个人养老金账户,每年缴费上限为人民币12,000元。

Zhōngguó zhǔnbèi jiāng gèrén yǎnglǎo jīn zhìdù tuī kāi zhì quánguó. Wǔ gè zhèngfǔ bùmén zhōu sì liánhé fābùgōnggào chēng, zài zhōngguó jìngnèi cānjiā chéngzhèn zhígōng jīběn yǎnglǎo bǎoxiǎn huòzhě chéngxiāng jūmín jīběn yǎnglǎo bǎoxiǎn de láodòng zhě, dōu kěyǐ zìyuàn kāi lì gèrén yǎnglǎo jīn zhànghù, měinián jiǎofèi shàngxiàn wéi rénmínbì 12,000 yuán.

La Chine se prépare à étendre son système de retraite individuelle à l’ensemble du pays. Cinq départements gouvernementaux ont publié jeudi [12 décembre] une annonce conjointe indiquant que les travailleurs chinois qui participent à l’assurance retraite de base pour les employés urbains ou à l’assurance pension de base pour les résidents urbains et ruraux peuvent volontairement ouvrir des comptes de retraite personnels, avec une limite de cotisation annuelle de 12 000 yuans.


Petit Peuple : Cai Lin et Zhang Huaiyuan – Un fils tombé du ciel (2ème partie)
Cai Lin et Zhang Huaiyuan – Un fils tombé du ciel (2ème partie)

Résumé de la 1ère partie : Cai Lin, une paysanne de la province de l’Anhui, va contre les dernières volontés de son mari et révèle à leur fils de 33 ans, Huaiyuan, son adoption quand il était bébé, sa mère célibataire supposée morte en couches. Mais, au terme d’une enquête, l’ADN parle et Huaiyuan découvre que ses parents sont bien vivants, commerçants aisés du Zhejiang…

Les années avaient passé. Huaiyuan avait dû abandonner ses études pour se trouver un travail et aider financièrement ses parents. La santé du père continuait de décliner. Quelques jours avant de mourir, il avait fait venir Cai Lin pour lui recommander encore une fois de ne rien révéler à leur fils de ses origines et elle avait obéi, intérieurement déchirée. Mais, l’épisode avec son petit-fils trois ans plus tard l’avait soudain convaincue du contraire. Quand son fils et sa belle-fille étaient venus passer quelques jours chez elle à la fin du mois de juillet, avant de ramener leur enfant, elle avait pris son courage à deux mains et avait ouvert son cœur, pleine de remords et d’inquiétude. Elle avait dit ce qu’elle savait, le cousin directeur de la clinique, l’accouchement qui s’était mal passé, la mère arrivée seule qui était morte, la décision du cousin de leur confier le bébé.

Son fils n’avait pas bronché. Il était resté calme mais, à peine rentré chez lui, s’était mis en quête de sa famille biologique. Les fichiers ADN de la police constituaient une mine d’or, restait à s’armer de patience. Huaiyuan parlait peu, très occupé par son travail, bien conscient de l’infime chance de succès de sa requête. Au bout de plusieurs mois, l’ADN avait fini par parler… pour mettre au jour d’autres mensonges. Qu’avait-elle dit à son petit-fils en le réprimandant : le mensonge peut grossir en se transmettant de bouche en bouche ? Dans cette affaire, la vérité s’était bien perdue d’une personne à une autre, pour finir par éclater là, dans la stupeur générale.

Le couple du Zhejiang a répondu, bouleversé, au message de Huaiyuan et ont expliqué leur version des faits. Après la naissance de leur premier fils, trente-quatre ans plus tôt, né par césarienne, la femme était retombée enceinte très vite après, trop vite. Au bout de six mois de grossesse, la cicatrice de la césarienne, mal refermée, s’était ouverte de nouveau et ils avaient foncé à la clinique. Leur deuxième fils, Huaiyuan donc, était né grand prématuré. Les parents avaient juste eu le temps de l’apercevoir avant que les médecins ne l’emportent pour le mettre en couveuse. Le lendemain, on leur avait annoncé sa mort pendant la nuit. Depuis trente-trois ans, chaque 25 septembre, jour de sa naissance, le couple pensait à leur fils parti trop tôt, ce même fils qui avait survécu et vécu à 400 kilomètres de là, sans jamais connaître sa vraie date de naissance.

Que s’était-il donc passé ? L’implication du directeur de la clinique, le cousin du mari de Cai Lin, ne faisait aucun doute, ainsi que celle d’un médecin certainement. C’est eux qui avaient annoncé aux parents le décès de leur nourrisson. Ils avaient ensuite maintenu le bébé en couveuse plusieurs semaines et puis, un matin, il n’était plus à sa place. La vérité vraie, personne ne la saurait jamais car le directeur, le médecin et le mari de Cai Lin avaient emporté leurs secrets dans l’au-delà. Et cela ronge Cai Lin. Son mari savait-il cela ?

Tout à leur joie, la famille biologique de Zhang Huaiyuan n’a pas voulu perdre plus de temps dans des procédures et des enquêtes. Le fils qu’il croyait mort leur tombait du ciel, en bonne santé, travailleur et intelligent, marié et père d’un garçon, que demander de plus ! Lors d’une grande fête dans leur maison du Zhejiang, ils ont offert à Huaiyuan la carte bleue d’un compte crédité d’1,2 million de yuans, l’équivalent de 157 000 euros, une fortune pour un gars simple comme lui. Huaiyuan ressemble à sa mère biologique dans les traits du visage, à son père pour ses compétences en affaires, des compétences qui n’avaient pas attendu les sous paternels pour se manifester.

Bouleversée par toutes ces révélations, incapable d’imaginer son mari au courant d’une telle combine, honteuse de ne pas avoir posé plus de questions quand il était encore temps d’agir, d’avoir laissé ses doutes en suspens (bù liǎoliǎo zhī, 不了了之), Cai Lin s’est repliée dans le silence de sa petite maison. À quatre-vingts ans passés, elle attendrait la mort, aussi sereinement que possible. Si son fils refusait de la croire, de la revoir, elle ne lui en voudrait pas. Au moins lui avait-elle assuré sans le savoir une sécurité financière dont elle-même n’aurait jamais rêvé, et elle n’avait plus à rougir devant son petit-fils, elle n’avait pas dissimulé ce qu’elle savait.

Par Marie-Astrid Prache

NDLR: Notre rubrique « Petit Peuple » dont fait partie cet article raconte l’histoire d’une ou d’un Chinois(e) au parcours de vie hors du commun, inspirée de faits rééls.


Rendez-vous : Semaines du 16 décembre 2024 au 16 février 2025
Semaines du 16 décembre 2024 au 16 février 2025

18 – 20 décembre, Shanghai : ARTS – International Advanced Rail Transit Technology Exhibition, Salon international des technologies avancées de transport ferroviaire

18 – 20 décembre, Shenzhen : CMEH – China International Medical Equipment Exhibition, Salon international des dispositifs médicaux

20 – 22 décembre, Shanghai : Cafeex Shanghai, Salon international du café, du thé et des boissons

10 – 12 janvier, Pékin : Alpitec, Salon international des technologies de la montagne et des sports d’hiver

10 – 12 janvier, Pékin : ISPO Beijing, Salon professionnel international des sports, de la mode et des marques de vêtements

15 – 17 février, Canton : D•PES China, Salon professionnel de la signalétique, de l’affichage, de la gravure laser, des équipements et consommable d’impression

17 – 19 février, Shenzhen : LED CHINA, Salon mondial de l’industrie des LED

19 – 21 février, Canton : PCHi, Salon des soins personnels et des cosmétiques

20 – 22 février, Shanghai : SIOF – Shanghai International Optics Fair, Salon international de l’optique