Le Vent de la Chine Numéro 36 (2018)
Dans l’actualité, cent nouvelles insolites volent en tous sens, parlant d’une corruption encore loin d’être brisée.
Le 22 octobre, le ministère de l’Environnement accuse les provinces du Henan, Yunnan, Guangxi, Guangdong de ne prendre des mesures anti-pollution que sur le papier. Le 20 octobre, Zheng Xiaosong, le directeur du bureau de liaison à Macao, se jette « déprimé » du haut de sa résidence. À Pékin, Lu Wei qui fut jusqu’en 2016 patron du cyberespace, se repent lors de son procès d’avoir touché 4,6 millions de $ de cachets inavouables.
Le 24 octobre à Hohhot, Yili, second groupe laitier national, voit s’affronter son ex-CEO Zheng Junhuai, surnommé « le parrain des produits laitiers », et son successeur Pan Gang en un combat sans issue possible depuis 14 ans. En 2006, Zheng avait été condamné à 6 ans de prison pour avoir détourné 2,3 millions de $. Une peine que ses appuis politiques ont pu faire adoucir, puisqu’il ressortit en 2008. Mais Pan lui, a fait bloquer les fonds. Zhang fait donc pression auprès de ses alliés politiques pour les récupérer. Début 2018, Pan disparaissait plusieurs mois de la vie publique. En mars, Zheng faisait publier des ragots, causant à Yili 960 millions de $ de perte boursière…
À Pékin, après l’arrestation de Meng Hongwei président d’Interpol, l’affaire se complique avec la rébellion de Grace Meng, son épouse réfugiée à Lyon qui refuse de rentrer en Chine pour collaborer avec la justice. Les autorités chinoises aurait remis à la France la fiche judiciaire de Meng, puis requis l’extradition de Grace Meng, au terme d’un traité bilatéral en vigueur depuis 2015. Si les preuves de fraude chez Meng, et de complicité de sa femme s’avèrent assez lourdes, Paris n’aurait d’autre choix que d’accepter.
À l’université Huazhong de Science et Technologie de Wuhan (Hubei), 18 étudiants viennent de recevoir, en guise de diplôme, un certificat d’aptitude professionnelle, faute d’avoir fait preuve d’assiduité durant le cursus. C’est un tournant : depuis toujours, les bacheliers chinois, une fois à l’université, ont l’assurance de recevoir quoiqu’il arrive le diplôme attendu. Un nouveau système se met en place, où les cancres risquent un « carton rouge » voire « deux cartons jaunes », qui les privent dans les deux cas du diplôme. Le contrôle continu est renforcé : aux « unités de valeurs » vient se rajouter un système de « tests réguliers » des étudiants. Au moins, la réforme dénote une prise de conscience dans l’enseignement supérieur, et le souci lancinant de se hisser au niveau des universités occidentales.
Avec les Etats-Unis, la guerre froide commerciale continue sur tous les fronts. Trump sort son pays du traité de non-dissémination des armes nucléaires USA-URSS de 1987. La Chine condamne ce geste, qui pourrait mettre les Etats-Unis en mesure de stationner un arsenal nucléaire en région asiatique. Autre signal fort, deux destroyers de l’US Navy passent la nuit du 20 octobre, par le détroit de Taiwan, suscitant l’exaspération de Pékin.
Sur sol américain, les investisseurs chinois se retrouvent barrés des ventes d’actifs. Aucun deal n’est conclu depuis deux mois, les vendeurs redoutant un veto de Washington. Autre signe de mauvais temps, des groupes américains, tels Vicor ou Lennox, et des groupes chinois, se mettent à sourcer leurs produits ou composants hors de Chine, pour éviter les taxes américaines et en prévision d’un conflit qui s’éternise.
Pour conclure sur une note positive : depuis 2016, la Chine ouvre discrètement son marché aux films étrangers, en ayant accepté dans ses salles obscures 38 en 2016 et 40 en 2017, en dépassement de son quota qui en limite le nombre à 34. Cela pourrait être un « ballon d’essai », avant une plus grande ouverture du marché des salles obscures. Tout ceci toutefois, ne fait pas le printemps : entre Chine et monde, le climat reste morose.
Depuis le printemps, un mécanisme était lisible dans l’économie chinoise, soutenu implicitement par l’Etat : la ségrégation du privé au profit du public dans l’accès au crédit bancaire, et le rachat par les conglomérats publics de groupes privés en difficultés financières. Un principe économique qui a un nom : « l’Etat avance et le privé recule » (guó jìn mín tuì , 国进民退).
Or, les 20-21 octobre, on assistait à un retournement de stratégie : à l’occasion d’un meeting national, d’une conférence de presse et par le biais d’une lettre ouverte, le gouvernement lançait une campagne visant à remettre en selle le secteur privé, moteur de l’économie.
Signée du Président Xi Jinping, la lettre aux entrepreneurs privés promettait de les protéger, de leur offrir un « meilleur lendemain » – aveu implicite que le passé, voire le présent, leur ont été néfaste.
Le 20 octobre, lors de sa 10ème réunion en deux mois, la Commission du Conseil d’Etat de stabilisation financière et du développement prétendait rendre au secteur privé une base de financement solide et équitable.
Pour ce faire, le premier outil devait être la bourse : Pékin voulait enrayer son dévissage sévère depuis janvier, -36% à Shanghai, -60% à Shenzhen. Les gestionnaires de fortune, à la tête d’un pactole de 16.000 milliards de $ non régulé, sont invités à y investir, sous contrôle de leur tutelle. Les assurances peuvent y placer à long terme, et les firmes cotées sont encouragées à racheter leurs parts pour renforcer la valeur du titre. Fusions et acquisitions se feront en fonction de critères « de marché », et non plus selon des considérations politiques (comme de créer en chaque secteur, des conglomérats géants). La Commission ressort aussi la vieille offre de projets privés-publics (PPP) et d’ouverture au privé du capital des banques, assurances et courtages d’Etat.
La conférence de presse fut donnée par Liu He, bras droit de Xi Jinping. Dénonçant le refus des banques de prêter au privé, Liu He dévoilait son plan dit des « quatre devoirs » : soutenir les PME privées, surtout en temps de crise, les aider à monter en qualité et réduire la taxation. Liu He annonçait une vague de missions de contrôles en province, par le Groupe directeur de la croissance des PME et la Fédération des Industries et du Commerce.
Aux PME « surtout privées », Liu He promettait aussi de l’argent frais, du crédit bancaire. 150 milliards de yuans doivent être imprimés par la Banque Centrale en prêts bonifiés à leur intention. 100 milliards doivent être levés par l’Association des courtages de Chine, en un fonds spécifique alimenté par les banques, assurances et consortia d’Etat.
En pratique, ces efforts ne pèsent pas lourd, face à la demande criante et restée insatisfaite de ce privé qui supporte à lui seul 90% des nouveaux emplois et des nouvelles entreprises dans le pays. Et comme le note Wu Muluan, de l’Université de Singapour, l’obstacle liminaire à la délivrance de crédit aux PME privées demeure entier : le plan ne propose rien pour affranchir les branches locales des banques de l’arbitraire des provinces, qui les utilisent à leur discrétion. Dans ces conditions, toute velléité de refinancement des banques risque de demeurer lettre morte, faute de leur garantir leur indépendance par rapport aux dirigeants politiques provinciaux.
Cette carence en substance dans le plan de relance a bientôt été sanctionnée : durant 48h suite aux annonces du 20 octobre, la bourse remontait, mais retombait le 23 comme un soufflé faute de confiance des usagers : l’embellie faisait long feu !
Liu He et la Commission de stabilisation faisaient aussi des annonces d’allégement des taxes aux firmes. Mais en septembre, cette taxation continuait de monter de 2% en valeur absolue. Pour 2018, Pékin veut réduire son prélèvement d’impôts de 1290 milliards de ¥ (187 milliards de $).
Pourquoi ce correctif ? D’abord, parce que les fortunes continuent à croître à travers le pays, mais sur un mode inégalitaire. Selon UBS, la richesse nationale a monté en 18 ans de 1300% à 5190 milliards de $, au profit d’une poignée d’individus. Chaque 48 heures, calcule Crédit Suisse, apparait un nouveau milliardaire en $. Mais l’Etat ressent qu’un lien existe entre cet enrichissement sélectif et sa faveur donnée aux filières publiques, au détriment du marché et du privé. Un phénomène qui peut nuire à la stabilité sociale et au succès de la campagne anti-corruption.
On devine aussi dans la presse que le choix antérieur du régime, en faveur d’une renationalisation larvée de l’économie, comme celui d’une intransigeance face aux Etats-Unis, n’est pas bien passé auprès de l’opinion publique.
Pékin souhaite s’en justifier en désignant les coupables : les 500 « think-tank » ou centres de réflexion économique qui la conseillent, qui lui ont remis des avis faussés. Parmi ces analystes, certains n’ont pas fait l’enquête et ont donc failli à percevoir le changement de vent. D’autres l’ayant perçu, l’ont minimisé pour éviter de se faire mal voir. D’autres qui voulaient se rendre à Washington pour s’informer des intentions de Trump, ont été empêchés de sortir du pays, par tracasseries administratives. Tout cela fait que le pouvoir « mal informé », a pu s’illusionner sur la possibilité d’imposer un retour à l’économie d’Etat. Ainsi, le retour en grâce du secteur privé est décidé comme prise de conscience d’une stratégie impossible à tenir, et comme moyen urgent de rétablir l’équilibre. Le Parti tente de regagner la confiance de la base. Et pour y parvenir, il aura du chemin à parcourir.
Par Sébastien Le Belzic
Le 16 octobre, Pékin publiait le plan de relance de l’île de Hainan, grande comme la Belgique. « Sanya 2020 » vise sous deux ans l’extension de la zone de libre-échange (FTZ) à l’entièreté du territoire, et l’ex-zone économique spéciale (ZES) de Haikou deviendra port franc en 2025.
Clé de voute du nouveau plan, l’implantation d’industries des nouvelles technologies, qui rejoindront les deux activités traditionnelles de l’île, le tourisme et l’armée.
Pour attitrer les entreprises du secteur, l’île recevra des droits présentés comme sans précédent, notamment des licences à 50% aux investisseurs étrangers dans les VPN (réseau privé virtuel) qui donnent accès à des sites internet normalement interdits ; des participations majoritaires en services télécoms tels la vidéoconférence, messageries vocales, affranchies de toute approbation centrale. En finance, les assureurs étrangers auront droit à une JV majoritaire (51% maximum).
L’industriel étranger pourra produire sans restriction tous véhicules à énergie nouvelle, et tenir la majorité dans des JV de transports maritimes et d’industrie aéronautique (design, production, maintenance).
Pour attirer les talents, le pouvoir leur offre un permis de résidence (hukou), ce qui leur permettra d’acheter voitures et appartements, aujourd’hui interdits aux non-résidents. De plus, les employés pourront toucher jusqu’à 2000¥ par mois de subvention au logement. Et les étrangers pourront obtenir leur permis de travail « en 48h chrono ». En 2017, le nombre d’arrivants à Hainan était de 89.000. Le plan en espère un million d’ici 2025, venant s’ajouter aux neuf millions actuels.
Par contre, diverses propositions ont disparu du plan initial, telles celles d’autoriser les casinos et les courses hippiques assorties de paris sportifs. De plus, Liu Cigui le Secrétaire du Parti de l’île, a éteint les espoirs d’un internet libre et hors censure.
Ce n’est pas la première fois que l’Etat envisage à Hainan un plan de rattrapage économique. Fin des années 80, l’île recevait le statut de zone économique spéciale (ZES), permettant d’ouvrir quelques usines et milliers d’emplois. Mais le manque d’infrastructures, la corruption et une bulle immobilière en 1993, avaient éteint les espoirs. L’île se rendormait, enterrant ainsi le rêve de rattraper Shenzhen, dont le PIB, aujourd’hui, caracole au quintuple de celui de l’île.
Au début des années 2000, une nouvelle mode électrisait Hainan, incitant Pékinois et Shanghaïens à venir s’y établir : le long des plages, on assistait à une flambée de tours et marinas de luxe… qui s’éteignait bientôt, comme feu de paille.
Un 3ème acte intervient à l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, qui s’y rendit dès 2013. C’était pour lui un souvenir de jeunesse : en 1978 il y était avec son père, Xi Zhongxun. Aujourd’hui encore, il s’en souvient en faisant clamer par les média que Hainan sera la « carte de visite de la Chine », vantant la pureté des flots et des plages. Hainan est connue pour Sanya, la ville du sud, avec ses éternels estivants en chemisettes hawaïennes, ses bars russes et ses retraités du pays entier, faisant le soir leur promenade à petit pas. Dernier projet en date : le gigantesque complexe Atlantis du groupe Fosun (1,74 milliard de $) inauguré fin avril.
De plus, chaque année depuis 2001, date de l’entrée de la Chine à l’OMC, s’y tient le Forum de Boao, la version chinoise du sommet de Davos. Et en décembre, aura lieu à Hainan l’élection de miss Monde 2018. Les plus belles femmes du monde défileront alors à une encablure des submersibles de l’Armée populaire de Libération (APL).
En effet, à Hainan, les militaires ne sont jamais bien loin. Sa situation stratégique, au cœur de la mer de Chine du Sud, face au Vietnam, en fait un fer de lance des rêves d’expansion vers le sud de l’APL, propriétaire de l’espace aérien et maritime, et des fréquences radio.
Ainsi, l’armée impose au trafic aérien civil des contrôles tatillons, créant des retards constants. Les rêves de Hainan Airlines (HNA), de faire de Haikou, la capitale de l’île, un hub international pour toute l’Asie, semblent en pâtir. Les bains de soleil des touristes sont plus souvent qu’à leur tour perturbés par les passages à basse altitude de patrouilles d’avions-radars.
Une grande partie des eaux insulaires forme le terrain d’exercices de la troisième flotte. Sur la côte Est, Tanmen sert de base à l’escadre chargée du contrôle des archipels Paracels et Spratley. Et à l’extrémité orientale de la baie, face aux hôtels 5 étoiles de Yalong, se trouve la base « secrète » des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de Longpo. Elle abrite aussi une flotte de surface parmi les plus puissantes et modernes de toute l’Asie, dotée d’un réseau souterrain et d’un champ de démagnétisation des submersibles afin de renforcer leur capacité furtive. Pour la Chine, sécuriser la base de sous-marins de Longpo est un impératif. « L’un des objectifs est de consolider sa capacité de réplique en cas d’attaque nucléaire, au moyen de sous-marins indétectables lors de leur passage des détroits vers l’océan Pacifique ou l’océan Indien, explique Jean-Pierre Cabestan, de l’Université baptiste de Hong Kong.
En somme, le challenge pour Hainan tiendra à la bonne cohabitation entre entreprises étrangères, vacanciers et soldats. Trois rêves pour un seul territoire, mais seront-ils bien compatibles ?
Frayeur à Pékin le 21 octobre pour cette banquière d’UBS, le géant helvétique en gestion de fortune (383 milliards de $ en Asie en 2017). À l’heure de reprendre l’avion pour Singapour, elle fut arrêtée à l’aéroport : les autorités souhaitaient s’entretenir avec elle. Elle devait donc remettre son départ. Quelle ligne rouge a-t-elle donc dépassé, causant l’action des forces de l’Etat ?
La mission de la banquière était de rendre visite à de riches clients, pour les conseiller à domicile sur leurs placements financiers. Mais les règles étaient claires : pas d’échange de fonds entre le client et l’étranger, et pas de sortie de capital. Alors, aurait-elle aidé des clients à sortir de l’argent de Chine ? Ou plutôt, comme d’autres le soupçonnent, aurait-elle été sollicitée pour livrer des informations sur l’un de ses clients, alors que la campagne de lutte contre l’évasion et la fraude fiscale s’intensifie en Chine ?
Apprenant la nouvelle, UBS a réagi au quart de tour. Il faut dire que cette quasi-arrestation n’était ni encourageante pour son image, ni pour la sécurité de ses conseillers itinérants. Ces derniers donc, reçurent instruction d’éviter la Chine jusqu’à nouvel ordre.
Subséquemment, d’autres banques suivirent – Julius Baer, Citigroup, Standard Chartered, JP Morgan, BNP Paribas recommandaient à leurs banquiers d’aller voir ailleurs. Quelque soit le souci, il semble avoir été vite aplani—c’était l’intérêt des deux parties. Le 23 octobre, la banquière retrouva le droit de quitter le pays, et UBS leva l’embargo. Avec la Chine, c’était de nouveau « business as usual ».
Quelle conclusion tirer ? Pékin semble avoir voulu avertir les groupes étrangers de gestion de patrimoine de respecter la loi.
Au demeurant, UBS est la seule banque disposant, outre ses missions venues de l’extérieur, d’un service patrimonial en JV à l’intérieur du pays. Ceci lui donne sur ses concurrents plusieurs encolures d’avance. D’ailleurs, UBS s’apprête à annoncer sous quelques mois le droit d’investir 125 millions de $ pour devenir majoritaire dans cette JV. Sous 5 ans, UBS aura remplacé dans l’entreprise le personnel du partenaire, et doublé le sien, lui permettant ainsi de fournir aux clients milliardaires un service de meilleure qualité.
Cette perspective donne un dernier indice sur les raisons pour la Chine de sanctionner cette affaire : quand on est le n°1 étranger, sur un marché que la Chine est en train d’ouvrir, on se doit d’être irréprochable.
Huit années auront été nécessaires pour bâtir le pont Hong-Kong-Zhuhai-Macau, de 55 km de long, au-dessus du delta des Perles, ouvrage grandiose aux 22,9km de tablier (un des plus longs de la Terre), aux titanesques mats haubanés et aux 6,7km de tunnel pour préserver la navigation. Conçu pour résister à des typhons de 340km/heure, il verra passer 30.000 véhicules par jour d’ici 2030. Il aura coûté pas moins de 18 milliards d’euros. Inauguré en grande pompe par le Président Xi Jinping le 23 octobre, il ouvrait à la circulation le lendemain.
Pour le chef de l’Etat, cette cérémonie était l’occasion d’une visite de 4 jours au Guangdong, poumon économique du pays.
D’abord, Xi alla à la rencontre des quartiers pauvres de Yinde, les zones de libre-échange de Hengqin (Canton) et des patrons de Qianhai (Shenzhen). A tous, il n’avait qu’un seul message, les adjurer de garder espoir – la vie, les affaires, tout irait mieux demain ! Il s’attelait aux sujets qui lui tiennent à cœur : la pauvreté extrême qui doit être jugulée en 2020, les nouvelles zones de libre-échange (FTZ) qui jusqu’à présent, n’ont pas démontré une capacité supérieure de création de richesse par rapport aux zones économiques spéciales (ZES) créées il y a 30 ans. Les FTZ devraient commencer à faire leurs preuves, une fois retoquées…
Surtout, Xi invoqua la politique d’ouverture, qui fête son 40ème anniversaire cette année. Le fait qu’il aborde le sujet lors d’une visite au Guangdong, n’a rien d’anodin : historiquement, certains voyages de leaders dans le Sud ont été le cadre de tournants idéologiques. En 1978, le patriarche Deng Xiaoping marquait la rupture avec les années Mao, en prônant le droit pour les citoyens de s’enrichir, tournant le dos aux années de fer et de misère sous son prédécesseur. Puis au printemps 1992, Deng redescendait à Canton et Shenzhen pour y réaffirmer la validité de la politique d’ouverture, après trois années noires de répression du printemps de Pékin.
D’ailleurs, diverses voix, telle celle de Hu Xingdou, économiste proche de Xi, suggèrent que Xi Jinping s’apprêterait à prononcer le 4 novembre, lors de l’inauguration de la China International Import Expo (5-10 novembre) à Shanghai, un discours historique, de relance de la réforme et de refondation des rapports entre public et privé, Etat et Parti, Chine et monde. Sous cette lumière, le voyage de Xi Jinping au Guangdong avait toutes les apparences assumées d’une « répétition générale ».
Durant l’été 2018, sur le portail social Weibo, le hashtag (#) « frère vendu pour un mantou (pain vapeur) » de Zhang Bingwen (72 ans) et sa sœur ainée Lehuo (77 ans), a été vu plus de 10 millions de fois.
L’histoire tenait en peu de mots. En 1958, dans une Chine rurale d’une grande pauvreté, Zhang leur mère s’était rendue à Xi’an (Shaanxi) chez son propre frère, accompagné de son petit dernier, Bingjun, sept ans, laissant chez elle à Hefei (Anhui) ses six autres enfants.
Durant le voyage de retour par bus, lors d’une halte, Bingjun fut pris la main dans le sac à voler un mantou – le camelot exigea compensation. Or, tout ce que la mère trouva à proposer, fut de lui laisser l’enfant coupable. Ni elle, ni sa famille ne devait jamais le revoir.
Suivirent les tumultueux tourbillons de la Révolution culturelle. À la mort de la mère, la fratrie se sépara aux quatre vents, sauf Lehuo et Bingwen. En 2005, ils se mirent en devoir de retrouver le cadet disparu. Bingwen retourna donc à Xi’an, et enquêta partout sur son chemin, auprès de la police, des journaux, de gens au hasard, sachant bien que sa quête s’apparentait à celle d’une aiguille dans une meule de foin. Il ne parvint même pas à retrouver ce bourg où sa mère avait perdu son enfant !
Il faut bien l’avouer, le caractère vague du récit 100 fois répété par la mère, avec toutes ses lacunes, épaississait le mystère. Bingwen n’avait que 12 ans au moment des faits, et n’avait pas été du voyage à Xi’an. Comment aurait-il pu se faire une idée claire des circonstances ? Et puis ce qu’avait raconté sa mère ne pouvait être faux : la parole de l’auteur de leurs jours ne pouvait être remise en cause. Aussi, quand il tentait de démêler l’écheveau des faits, sa mère finissait toujours par brouiller les pistes, gommant toute incohérence. Remettre en cause tel ou tel fait posé comme postulat au départ, c’était comme chercher à forcer un tiroir fermé : un héritage intouchable !
L’année-même du drame était pourtant décisive : c’était 1958, celle du Grand Bond en avant où tous citoyens, citadins comme paysans avaient été forcés à remettre tout leurs fers, pelles, charrues, vélos ou woks, couteaux, louches et passoires pour alimenter le haut-fourneau du quartier et aider à décupler la production sidérurgique, miracle socialiste. Pour éviter de se faire taxer de comportement contre-révolutionnaire, ils devaient même s’acquitter de ce devoir avec zèle ostentatoire. Bien sûr, leurs sourires et slogans criés étaient factices. Le soir seuls dans les chaumières, au lit sous leur maigre couette, ils n’osaient pas échanger la question que tous avaient en tête : sans charrue ni araire, comment labourer ? Sans vélo, comment se déplacer et se nourrir ? De fait jusqu’en 1961, la famine fit ses ravages. 30 à 50 millions de Chinois périrent, dont un fils de la fratrie Zhang.
En 1958, on n’avait déjà rien dans les garde-mangers. C’était pour cela que leur mère était partie avec le petit dernier, pour un voyage de centaines de km en bus : c’était pour prier son frère de sauver sa famille. La mère espérait de lui un peu d’argent, un sac de riz, une pièce de porc salé, ou quoi que se soit pour nourrir ses sept marmots. Avec un peu de chance, il lui garderait le petit, allégeant ainsi sa tâche à elle !
Mais elle dut déchanter. Malheureusement, le sort de Xi’an n’était guère meilleur que celui de Hefei. Là-bas aussi, on faisait la chasse au fer et détruisait les outils, causant la même famine. Mère et fils reprirent leur route sans avoir rien obtenu.
A l’époque, les trains restaient une rareté. On voyageait de ville en ville par bus locaux, en changeant à la gare routière. C’est là que leur mère avait dû laisser quelques instants Bingjun pour aller acheter une poignée de riz cuit. Mais pendant ce temps, le petit affamé avait rodé autour du tricycle d’un vendeur de mantou (pains vapeurs) ambulant. Affolé par les effluves, la chaleur sortant de l’étuve, l’enfant n’avait pu résister à sa faim, et avait saisi une boule fumante de ce pain pour y mordre à pleine dents.
Retournée en courant, alertée par les cris, la mère vit le marchand tenant son fils par le poignet. Furieux, il lui fit ce chantage odieux : soit elle payait le mantou, soit il appelait le comité révolutionnaire, qui jugerait l’affaire séance tenante ! A ce tribunal de la rue, il n’y avait jamais d’acquittement, uniquement des peines variant entre la prison, le lynchage ou des mois ou années d’esclavage dans une ferme publique, dite commune populaire.
Mais c’est alors que la mère, en un éclair, vit soudain pour son fils une chance d’échapper à la famine. Ce petit Bingjun, elle ne pouvait pas le garder. L’abandonner lui économiserait une bouche à nourrir… De plus, qui, mieux qu’un vendeur de pain-vapeur, pourrait s’occuper de lui ? Après tout, un fils était un cadeau du ciel, une assurance vieillesse pour les parents ! Sans tarder, elle offrit vite au vendeur de rue de garder Bingjun, ce qu’il accepta sans discuter. Elle remonta seule dans son bus, laissant le marmot en pleurs. De retour à Hefei, elle n’aurait qu’à garder le secret, prétendre qu’elle n’avait pas eu d’autre choix…
Aujourd’hui en octobre 2018, Lehuo et Bingwen n’ont toujours pas retrouvé trace du frère disparu. Ceci ne les empêche pas de poursuivre leur croisade. La nuit, ils rêvent aux retrouvailles avec leur benjamin, alors que tous deux se rapprochent du terme de leurs vies… C’est évident, tout comme à l’automne d’une vie, « les feuilles qui tombent, retournent à leurs racines » (落叶归根, luòyè guīgēn).
29-30 octobre, Qingdao : WCO World Congress of Ocean : Salon Mondial et Congrès sur les ressources de l’océan
29 octobre -1er novembre, Shenzhen : CMEF – China Medical Equipment Fair, Salon international des équipements médicaux
30-31 octobre, Hangzhou : Sino German bioenergy Conference, Conférrence sino-allemande sur les bioénergies
31 octobre – 2 novembre, Shanghai : ALTM / ILTM – Luxury Travel Market, Salon asiatique et mondial des voyages de luxe
31 octobre – 2 novembre, Shanghai : ANALYTICA Chia, Salon international de l’analyse, des biotechnologies, du diagnostic et des technologies de laboratoire
31 octobre – 2 novembre, Shanghai : CEF – China Electronic Fair, Salon chinois de l’électronique
1-3 novembre, Shanghai : BAKERY China, Salon international de la boulangerie et de la pâtisserie
1-3 novembre, Shanghai : RE China Asia Expo, Salon mondial de l’imprimerie
5-10 novembre, Shanghai : CIIE, 1ère Foire Import-Export réunissant plus de 130 pays et régions
6-8 novembre, Shanghai : SEAWORK Asia, Salon et forum de la marine marchande et de l’industrie navale
6-9 novembre, Shanghai : CEMAT Asia, Salon international des matériels de manutention, des techniques d’automation, de transport et de logistique
7-9 novembre, Wuzhen (province du Zhejiang): 5ème Conférence mondiale de l’Internet, sous le theme « Creating a Digital World for Mutual Trust and Collective Governance — Towards a Community with a Shared Future in Cyberspace »
6-11 novembre, Zhuhai, AIR SHOW, Salon aéronautique de Zhuhai